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Sommaire
*
Le palindrome,
l'acrostiche et le calligramme :
donner au langage plus de présence
donner au langage plus de présence
*
J'emporte un
mot-valise, tu crées un néologisme,
il (elle) fait un calembour
il (elle) fait un calembour
*
La
périphrase, ou l'art du détour : « J'aime
cet insecte
qui possède quatre grandes ailes colorées
et dont la chenille se métamorphose en
chrysalide. », plus directement :
« J'aime bien les papillons. »
qui possède quatre grandes ailes colorées
et dont la chenille se métamorphose en
chrysalide. », plus directement :
« J'aime bien les papillons. »
*
Le centon et la boule de
neige
*
Les métamorphoses
*
Biographie,
autobiographie : la part de projection,
la part d'interprétation, la part du vrai et du faux
la part d'interprétation, la part du vrai et du faux
*
Un
début, une fin
*
Le
temps et la narration
*
Les
figures de la suppression : l'ellipse, l'asyndète, l'anacoluthe
*
« Vers à douze
pieds l'alexandrin, deux de moins,Un vers décasyllabe,
l'on obtient. »
*
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Le
palindrome, l'acrostiche et
le calligramme :donner au langage
plus de présence
le calligramme :donner au langage
plus de présence
Le
palindrome, l'acrostiche et le calligramme (entre autres) sont des
procédés visuels qui permettent de donner plus de poids, et donc
plus de présence, au langage. Comment ? En cherchant à rapprocher
le mot de la chose (le calligramme), en jouant sur l'agencement
graphique du mot (le palindrome et l'acrostiche).
Un
calligramme
: le mot est composé de calli-
(du grec kalli-,
qui veut dire « beau »)
et de -gramme
(du grec gramma,
qui veut dire « lettre,
écriture »
et qui entre dans la composition de nombreux mots savants exprimant
les notions d'« inscription », d'« enregistrement »).
C'est
un néologisme, mot inventé (1918) par Guillaume Apollinaire
(1880-1918), créé par croisement entre calligraphie
et idéogramme.
C'est
aussi le titre d'un recueil de poèmes paru en 1918, du même auteur
: « Calligrammes ».
Un
calligramme est un poème où les vers sont composés
typographiquement (visuellement) de manière à former un dessin qui
illustre le plus souvent le sujet du poème.
Attention
à ne pas confondre le
calligramme
avec l'idéogramme.
L'idéogramme
est un signe graphique (comme chaque lettre de l'alphabet) qui
exprime un mot ou une idée (contrairement à chaque lettre de
l'alphabet qui exprime un son). Exemples d'idéogrammes : les
panneaux du code de la route, les signaux de marine, les alphabets
asiatiques, etc.
D'abord
utilisés en poésie dont ils renouvellent le genre - le recueil de
poèmes d'Apollinaire devait initialement s'appeler : « Et
moi aussi je suis peintre ! : idéogrammes lyriques coloriés »
- les calligrammes sont très souvent employés aujourd'hui dans la
publicité.
Le
calligramme
de mots,
c'est lorsque le mot entier ou bien quelques lettres deviennent un
dessin ; le calligramme
séquentiel,
c'est lorsque un groupe de mots, une phrase, un texte entier
deviennent un ou plusieurs dessins évoquant le sens de l'énoncé.
Par
exemple ces calligrammes séquentiels réalisés à partir d'un
extrait du poème de Guillaume Apollinaire intitulé « Cœur
couronne et miroir »
:
Dans
ce miroir je suis enclos, vivant et vrai
comme on imagine les anges
et non comme sont les reflets
comme on imagine les anges
et non comme sont les reflets
Dans
flets--------ce
re------------------mi
les-----------------------roir
sont------------------------------je
me----------------------------------suis
com----------------------------------------en
non---------------Guillaume--------------clos,
et---------------Apollinaire--------------vi
ges--------------------------------------vant
an-------------------------------------et
les---------------------------vrai
ne--------------------com
gi--------------me
ma------on
I
flets--------ce
re------------------mi
les-----------------------roir
sont------------------------------je
me----------------------------------suis
com----------------------------------------en
non---------------Guillaume--------------clos,
et---------------Apollinaire--------------vi
ges--------------------------------------vant
an-------------------------------------et
les---------------------------vrai
ne--------------------com
gi--------------me
ma------on
I
La
forme du calligramme, dessin constitué des mots d'une strophe du
poème, évoque un miroir ovale, dans lequel est « enclos »
l'auteur « je »,
par l'inscription de son nom et de son prénom.
Les
rois qui meurent tour à tour
Renaissent au cœur des poètes
Renaissent au cœur des poètes
------------------Q
--L------R------U------M------R
--es------ois------i-------eu-----ent
--Tour------------A------------
touR
Re
n a i s s e n t –-a
u –c
œ u r -d
e s
p
o è t eS
Les mots
ainsi disposés de la strophe du poème, ainsi que le jeu sur la
taille de certaines lettres et leur disposition (en exposant),
représentent une couronne royale.
La
consigne
est la suivante : écrire quelques lignes d'un poème ayant pour
sujet les fleurs, les nuages, etc., en tout cas un objet facile à
dessiner, ou emprunter quelques vers à un de vos poètes préférés,
puis réaliser un dessin à partir des lettres des mots du poème.
Sachez que le dessin sera plus facile à réaliser à main levée sur
une feuille de papier avec un crayon, qu'avec un clavier sur l'écran
d'un ordinateur.
***
Le
nom masculin et adjectif « palindrome »
est emprunté (1765) au grec « palindromos »
(qui court en sens inverse, qui revient sur ses pas), qui signifie au
sens figuré « incertain ».
Il est composé de palin-
(en sens inverse) et de -dromos
(action de courir).
Le
palindrome est un vers, une phrase, ou un groupe de mots qui peuvent
se lire de gauche à droite, ou de droite à gauche, en conservant le
même sens.
L'OuLiPo
(Ouvroir de Littérature Potentielle, atelier d'expérimentation
littéraire créé en 1960 autour de François Le Lionnais et de
Raymond Queneau, qui cherche à « réintroduire
la notion de contrainte formelle dans la création littéraire :
lipogrammes, structures mathématiques, etc. »)
a établi la typologie des palindromes :
→ le
palindrome naturel : un mot est le palindrome de lui-même, par
exemple : rêver/rêver,
regagner/regagner,
Ève/Ève
; ou celui d'un autre mot : trace/écart,
émir/rime,
ressac/casser,
trop/port
;
→ le
palindrome composé, qui concerne un groupe de mots, par exemple :
« et
Luc colporte trop l'occulte/et Luc colporte trop l'occulte »,
« la
mariée ira mal/la mariée ira mal »,
« élu
par cette crapule/élu par cette crapule »
;
→ le
palindrome syllabique, où la lecture inversée se fait par syllabes,
par exemple : « Holà
! Perds-tu, vicieux, les sens ?/Sent ! Les cieux vitupèrent là-haut
! »
(Luc Étienne) ;
→ le
palindrome vertical (les lettres z, x, s, o, N, retournées restent
les mêmes, au contraire, b, d h, m, u, donnent q, p, y, w, n).
La
consigne
est la suivante : faire une liste de palindromes naturels, puis
essayer de former des palindromes composés (phrases qui peuvent se
lire indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche ;
vous pouvez y insérer quelques mots outils, nécessaires à la
compréhension).
***
Le
nom masculin « acrostiche »
(1585) succède à l'adjectif « acrostique »
(1576). Le mot est emprunté au grec akrostikhos,
de akros
(élevé, extrême) et stikhos
(vers), et désigne un poème dont les lettres extrêmes (de début
et/ou de fin), lues verticalement, forment un mot, un nom propre, ou
une expression.
Un
acrostiche double
est un poème où le même mot se lit à l'initiale et à la finale
des vers. Un
acrostiche à l'hémistiche
se dit d'un poème où l'ensemble de chaque lettre placée à la
moitié de chaque vers (à l'hémistiche) forme un mot ou un nom
propre (auteur, dédicataire).
Comme
l'a écrit Molière (1622-1673) dans « Les
fâcheux »,
l'acrostiche révèle dans ses vers ce qui est caché dans ses
initiales :
« Donnez-moi
par écrit votre nom et surnom. J'en
veux faire un poème en forme d'acrostiche. Dans
les deux bouts du vers, et dans chaque hémistiche. »
La
consigne
est la suivante : choisir un mot que vous aimez, pour sa sonorité ou
pour son sens, et disposer les lettres de ce mot verticalement, par
exemple :
vélo
v
é
l
o
é
l
o
Puis,
faites des phrases, pas très longues, qui expriment l'amour,
l'affection, l'intérêt, portés au mot choisi, ou bien ce que ce
mot évoque pour vous, en veillant à commencer chaque phrase par une
des lettres du mot choisi :
Vois-tu le printemps ?
Et comme l'air embaume
La rose et le lilas,
Ou bien l'herbe et la chaleur.
Et comme l'air embaume
La rose et le lilas,
Ou bien l'herbe et la chaleur.
L'acrostiche
double est plus difficile à réaliser ; prendre un mot, par exemple
le mot « acrostiche »,
et disposer les lettres du mot verticalement de part et d'autre d'une
feuille de papier :
a---...---a
c---...---c
r---...----r
o--...----o
s---...---s
t---...----t
i---...----i
c----...--c
h---...---h
e---...---e
c---...---c
r---...----r
o--...----o
s---...---s
t---...----t
i---...----i
c----...--c
h---...---h
e---...---e
Puis,
comme dans un puzzle où l'on commence par le cadre, compléter
d'abord chaque mot de début et chaque mot de fin de ligne, avec ce
qui vous vient en tête, ou bien à l'aide d'un dictionnaire, ou même
d'un magazine ou d'un livre quelconque, l'essentiel étant d'avoir à
portée de main un réservoir de mots :
arqué---------...-----------va
comme-------...----------arc
rebondir-----...------revenir
ou---------...--..-------bravo
si-----------...-------------bis
tout-------...---------------dit
il-------------...-------------si
chère-------...-------------sac
- ha !-------...-----------Bah
encore-----...--------sourire
comme-------...----------arc
rebondir-----...------revenir
ou---------...--..-------bravo
si-----------...-------------bis
tout-------...---------------dit
il-------------...-------------si
chère-------...-------------sac
- ha !-------...-----------Bah
encore-----...--------sourire
Enfin,
faire des phrases en essayant de trouver et de garder un sens
général. L'essentiel n'est pas de construire un poème qui se
tienne, ni même d'écrire un texte intelligent. Ce serait plutôt de
l'ordre du jeu, de la démarche (le voyage vaut mieux que de toucher
au but), de la jonglerie et de l'amusement. Cela reste un exercice
d'assouplissement des méninges et de décontraction littéraire.
Arqué
comme les jambes d'un pont, il vA,
Comme à la chasse, dans son dos un arC.
Rebondir encore et encore, et pourquoi pas reveniR,
Ou bien partir pour de bon, sans un seul bravO.
Si seule l'ingratitude joue, pas de biS.
Tout de même, un frère aime sa sœur, se diT-
Il, en chasseur sauvage et infortuné ; sI
Chère ingratitude, peux-tu entrer dans un saC ?
Ha ! Ha ! Elle est bien bonne. Puis - baH -
Encore une bredouille, et le chasseur se barbouille de sourirE.
Comme à la chasse, dans son dos un arC.
Rebondir encore et encore, et pourquoi pas reveniR,
Ou bien partir pour de bon, sans un seul bravO.
Si seule l'ingratitude joue, pas de biS.
Tout de même, un frère aime sa sœur, se diT-
Il, en chasseur sauvage et infortuné ; sI
Chère ingratitude, peux-tu entrer dans un saC ?
Ha ! Ha ! Elle est bien bonne. Puis - baH -
Encore une bredouille, et le chasseur se barbouille de sourirE.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 36 (les
calligrammes), p. 31 (les palindromes).
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 330 et p. 909 (calligramme), p. 1408
(palindrome), p. 17 (acrostiche).
THERON,
Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R., fiche 4.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
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J'emporte
un mot-valise,
tu crées un néologisme,
il (elle) fait un calembour
tu crées un néologisme,
il (elle) fait un calembour
Le
mot-valise, le néologisme et le calembour
sont trois notions très proches, qu'il ne faut cependant pas
confondre. Tandis que le mot-valise (notion qui apparaît en 1953)
est un « mot
composé d'éléments non signifiants de deux ou plusieurs mots »,
le néologisme (mot apparu en 1735) quant à lui, est un « mot
nouveau ou un sens nouveau donné à un mot ancien »
; Quant au calembour (mot attesté en 1768), il s'agit d'un « jeu
de mots fondé soit sur une similitude de sons recouvrant une
différence de sens, soit sur des mots pris à double sens ».
***
Le
mot-valise
: expression créée en 1953 par G. Ferdière pour traduire le
« portemanteau
word »
(en anglais) de Lewis Carroll. La formation de mots-valises est très
productive en américain, par exemple : motor
(car)
et hotel
(en
anglais) donnent motel.
Le
mot-valise désigne un « composé
formé avec un élément (syllabe, initiale...) prélevé à
plusieurs mots ».
Par exemple : Borgiaque,
de Beckett, est formé de Borgia
et de orgiaque
; Amphibiguïté,
de Ponge, est composé de amphibie
et de ambiguïté
; Un
malentendur
: c'est un malentendu qui dure (toujours trop longtemps), composé de
malentendu
et de durer
; Un
bachelièvre
est un bachelier rapide et rusé, et est composé de bachelier
et de lièvre.
On
parle aussi de mot-forgé ou de forgerie ; Toutefois, le mot-forgé
étant un mot dont le signifiant (le sens) est inventé par l'auteur,
il peut être complètement incompréhensible et désorienter le
lecteur, par exemple : un
scabitor a pitelé les dréfales,
peut faire penser - ou pas - à : un
scribe a perdu les pédales,
ou, un
scarabée a parlé d'un désastre,
etc. Les effets de l'emploi d'un mot-forgé sont le dépaysement,
l'impression de gratuité, la fantaisie cocasse, la poésie et la
musicalité.
***
Néologisme
est un mot formé de néo-
(jeune, récent, neuf) et -logie
(théorie, discours, logique), et qui signifiait à l'origine (1734)
une « tendance
fautive à abuser des mots nouveaux ».
« On
oppose ainsi vers la fin du XVIIIe
siècle la création nécessaire de modes d'expression nouveaux (la
néologie) et l'abus des nouveautés par rapport à la norme (le
néologisme) ».
Encore aujourd'hui, on utilise la valeur péjorative du mot pour
exprimer son sentiment face à un emploi immodéré de mots nouveaux
et de notions nouvelles. « Au
XIXe
siècle, le mot néologisme entre dans le vocabulaire de la
linguistique avec une valeur objective : mot, locution récemment
attesté ».
Les
néologismes sont rendus nécessaires par les progrès des sciences
et des techniques, par les nombreuses innovations technologiques, et
par les appropriations culturelles des différentes générations.
Ainsi, le lecteur
de CD
a remplacé le tourne-disque,
le CD
a remplacé le disque-compact,
sont apparus : le
cyberespace,
le
e-commerce,
etc.
Il est
intéressant de noter qu'au sens strict, le mot-valise n'est pas un
néologisme, dans la mesure où le mot n'est pas attesté ; et
pourtant, d'une manière générale, on considère le mot-valise
comme un néologisme, dans la mesure où l'un comme l'autre sont des
inventions, obtenues par déformation, dérivation, composition ou
emprunt.
Par
ailleurs, un néologisme est aussi un mot en général ancien et
tombé en désuétude, employé avec un sens nouveau. Par exemple :
« l'extravagante
priapée des gratte-ciel »
(Julien Gracq (1910-2007). La
priapée
est le nom féminin donnée à une pièce de poésie licencieuse ;
Dans la mythologie gréco-romaine, Priape était le dieu des jardins
et de l'amour physique. Ou encore : « Il
va nous mésarriver quelque chose »
(Georges Hyvernaud), le verbe mésarriver,
ou mésavenir, ou bien mésadvenir,
signifie arriver
malheur,
et n'est plus guère employé. L'auteur sous-entend qu'il va arriver
quelque chose de négatif et de malheureux.
***
Un
calembour
est un « jeu
de mots fondé soit sur une similitude de sons, homophonie,
recouvrant une différence de sens, équivoque ou double-sens,
ambigu, soit sur des mots pris à double sens ».
On le
construit par substitution de phonèmes (sons), ou par homonymie
(mots phonétiquement identiques mais de sens différents), ou par
homophonie (phrases phonétiquement identiques mais de sens
différents), ou en exploitant la polysémie (plusieurs sens) de
certains mots.
Le
calembour construit par substitution
de phonèmes
: on l'obtient en substituant à un ou plusieurs sons d'un mot un ou
plusieurs autres sons. Par exemple : « le
sacre en poudre »
(pour « le
sucre en poudre »)
; La substitution du A au U entraîne l'apparition d'un nouveau mot
et d'une nouvelle phrase : connotations du mot sacre
: « un
sacre en poudre »
est un sacre peu réussi, qui part en poussière.
Parfois,
ce mécanisme introduit un néologisme. Ainsi, un merdrigal
est un madrigal
(courte pièce de vers exprimant une pensée ingénieuse et galante)
irrévérencieux de L.-P. Fargue.
Le
calembour construit par homonymie
: par exemple, avec les mots ton
et thon,
on obtient : changez
de thon !,
avec pain
et pin
: il
a mangé tout son pin blanc parasol,
etc.
Le
calembour construit par homophonie
est obtenu lorsqu'une suite de phonèmes peut être découpée de
deux ou de plusieurs façons, en donnant des énoncés différents.
Par exemple : « La
gare, c'est là »
et « La
garce est là »,
ou encore : « Rien
ne m'intéresse »
et « Rie,
en aimant, Thérèse »
(R. Desnos), « Vocalise »
et « Le
veau qu'a Lise ».
Le
calembour produit par la polysémie
(plusieurs sens) d'un mot provoque le passage d'une isotopie
(ensemble des champs lexicaux et sémantiques qui renvoient à une
seule compréhension des ambiguïtés d'un texte, par exemple,
l'isotopie « concret » permet de comprendre l'énoncé
suivant : « Les
Californiens craignent les avocats véreux »,
comme : « craignent
les fruits nommés avocats lorsqu'ils ont des vers »,
ce ne sont pas les avocats, en tant que personne, qui ont des vers,
mais bien les fruits) à une autre isotopie. Par exemple : « On
a volé tes sabots ? - Oui, c'est le cheval ! ».
Les
calembours ont comme effets
: la rupture isotopique (par le passage d'un univers à un autre,
d'un secteur du réel à un autre) ; et la rupture comique, car très
souvent, la rupture isotopique entraîne le rire et l'humour.
***
À
suivre,
3 consignes pour s'entraîner à former des mots-valises, des
néologismes et des calembours.
1.
La
première consigne
est la suivante : créer des mots-valises avec les mots suivants, ou
avec d'autres piochés dans le dictionnaire (pour plus de facilité,
choisir des mots qui possèdent la même syllabe de fin que la
syllabe de début d'autres mots, par exemple : déranger
et gérer)
:
Idéaliser, désir, réaliser, idéaliste,
réalité, listing, idée, déformer, déranger, geste, gérer,
défait, idéal, idéalement, mensonge, émanciper, mangue, idéation,
corruption, irruption, action, idéel, élever, élégiaque,
élégance, élan, idiot, idole, idylle, idiotie, dolent, doléance,
dolosif (= malhonnête), iléite (= inflammation), ilien (=
insulaire), illégal, illico, sibyllin (= énigmatique), sieur,
signature, similaire, site.
En donner
la définition :
Idésiréaliser
: réaliser l'idée du désir, avec Idéaliser,
Désir et
Réaliser.Un
réalisting
: liste des réalités, sous forme de listing, avec Réalité
et Listing.Un
idéalmensonge
: le songe idéalement idéal, ou bien, autrement, le mensonge idéal,
celui qui permet de se sortir de toutes les situations
cauchemardesques, avec Idéal
et
Mensonge,
ou bien avec Idéalement
et
Songe.Dérangérer
: gérer le dérangement en dérangeant le gestionnaire, avec
Déranger
et
Gérer.Une
idéaction
: directement de l'idée à l'action, avec Idée
et Action.Un
Sibylleur
: c'est un Sieur sibyllin, un type énigmatique, une personne
mystérieuse, avec Sieur
et Sibyllin.Un
dolosignataire, une dolosignature
: une signature malhonnête, un signataire mal-intentionné, avec
Dolosif
et Signataire,
ou Signature.
Puis
former une courte phrase contenant chacune un mot-valise. Enfin,
constituer un texte qui ait un sens poétique et/ou humoristique :
Je m'étire et je pousse un profond soupir. Je
suis content. Je viens de finir de saisir mon réalisting sur
l'ordinateur. C'était un vieux rêve que je venais d'idésiréaliser.
Jusqu'à présent, j'avais été sans cesse dérangéré, moi, le
gestionnaire de la boîte. Une idéaction simple et rapide : j'avais
déballé un idéalmensonge à ma direction, qui avait tout gobé,
jusqu'à m'accorder un mois de congé. L'idéal ! Rien ne m'avait
empêché de jouer au dolosignataire, même pas le Sibylleur envoyé
par la direction, qui m'avait tendu sans paroles ni gestes inutiles
le réalisting : j'avais contrefait ma propre signature, pour
renforcer mon idéalmensonge.
2.
La
deuxième consigne
est la suivante : sur l'exemple du texte suivant qui utilise les
néologismes baliverneuse,
pique-assietter,
noctambuler,
marchables,
inimitée,
violonaient
et insouciamment,
écrire un texte court avec des mots de votre choix que vous aurez
néologisé (par exemple : un
ronfle-dit-la-vérité
- contrairement au ronflement
-
c'est le silence d'un homme lorsqu'il dort ; un
gonflevrai
- qui est le contraire de gonflement
-
est un objet qui reste plat même quand on lui souffle dedans) ; ou
en employant des mots inusités tels que : galéjade, calige,
caligineux, calintade, bazar, gadin, indigent, etc.
Sortant d'une soirée baliverneuse où j'étais
allé pique-assietter, j'ai noctambulé un peu dans les avenues,
éminemment marchables, de la grand ville inimitée par le vent. Des
morceaux de Bach me violonaient dans la tête et je marchais
insouciamment...
3.
Exercices
pour construite des calembours :
->
transformer ces proverbes en utilisant des calembours par
substitution de phonèmes (effets cocasses et poétiques garantis) :
L'appétit vient en mangeant, transformé en :
Le petit vient en mangeant,
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée,
Les murs ont des oreilles,
La fortune sourit aux audacieux.
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée,
Les murs ont des oreilles,
La fortune sourit aux audacieux.
->
créer des calembours par homonymie à partir des homonymes suivants,
puis rédiger des phrases en les employant :
pain/pin : Tu iras chercher le pain ! - Un pin
à combien de branches ?
coup/cou/coût ; près/pré/prêt ;
mère/mer/maire ; paire/père/pair ; verre/vers/vert/ver/vair
(fourrure d'une espèce d'écureuil).
->
chercher dans le dictionnaire des mots longs à partir desquels on
peut créer des calembours par homophonie :
coulisses : il furetait dans les cous lisses,
éphémère : les fées mères.
->
enfin, créer des calembours par polysémie à partir des mots
suivants :
facteur : tout facteur est
un homme de lettres (différence de sens entre les
Lettres =
la littérature,
et les
lettres =
le courrier),
serein : M. de Bièvre
disait que le temps était bon à mettre en cage, c'est-à-dire
serein (serin = oiseau), in : Dictionnaire
de la langue française
d'Émile Littré,
absorber,
toucher,
refaire.
Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 12-13, pp.
26-27.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
GREVISSE,
Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 32-35.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1278 (mot-valise), p. 1316 (néologisme).
VOLKOVITCH,
Michel. Verbier
: herbier verbal.
Maurice Nadeau, 2000, pp. 25-30.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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La
périphrase, ou l'art du
détour : « J'aime cet insecte
qui possède quatre grandes
ailes colorées et dont la
chenille se métamorphose
en chrysalide. »,plus directement :
« J'aime bien les papillons. »
détour : « J'aime cet insecte
qui possède quatre grandes
ailes colorées et dont la
chenille se métamorphose
en chrysalide. »,plus directement :
« J'aime bien les papillons. »
La
périphrase est « une figure de rhétorique qui consiste à
exprimer une notion unique par un groupe de plusieurs mots, à l'aide
de circonlocutions autour de la chose exprimée, de détours »,
par exemple :
« Et
le char vaporeux de la reine des ombres... » remplace
« la lune » ;
« L'oiseau
de Jupiter »
utilisé pour « l'aigle »
;
« Les
portes du matin »,
pour « le
levant » ;
dans
Le chêne et le roseau des
Fables de
Jean de La Fontaine (poète français, 1621-1695, eut la charge de
« maître
des Eaux et Forêts »,
entré à l'Académie française en 1684) :
« Celui de qui la tête au ciel était voisine »
remplace « le chêne ».
Nuançons
l'emploi de la périphrase avec Boileau qui écrivait en 1859 : « Il
n'y a rien dont l'usage s'étende plus loin que la périphrase,
pourvu qu'on ne la répande pas partout sans choix et sans mesure »,
Boileau « Œuvres
complètes »,
Longin, Sublime, chap. XXIV. Paris, 1859.
« La
règle est que, quand on veut exprimer une même chose par plusieurs
périphrases, il faut que les images soient dans une certaine
gradation, qu'elles ajoutent successivement les unes aux autres, et
que tout ce qu'elles expriment convienne également, non seulement à
la chose dont on parle, mais encore à ce qu'on en dit »,
Étienne Bonnot de Condillac (philosophe français, 1715-1780, entré
à l'Académie française en 1768 ; selon lui, c'est le langage qui
sert de fondement et de support à la pensée abstraite et réflexive
grâce à l'utilisation de signes, d'où la nécessité d'une
« langue
bien faite »
; certaines des conceptions de Condillac sur le langage annoncent les
théories linguistiques modernes), « Œuvres
complètes »,
L'art
d'écrire,
II, 3, Paris, 1798.
Soyons
attentifs aux leçons de Mme de La Fayette, qui écrivait en 1840 :
« Périphrase
est littéraire et relatif seulement à la forme du discours, au lieu
que circonlocution est de la langue commune et se rapporte au sens,
aux idées. On se sert de périphrases pour embellir le discours, et
de circonlocutions pour adoucir ce qui blesserait, pour écarter des
idées désagréables, basses ou peu honnêtes. De plus la périphrase
est proprement un terme de rhétorique et un moyen d'ennoblir le
discours, de l'orner, de le rendre plus frappant et plus
pittoresque »,
Mme de La Fayette et de Tencin, Œuvres complètes, Paris, 1840, 5
vol.
Au
sens propre, la périphrase est une désignation de nature
descriptive, par exemple, ce vers d'Alphonse de Lamartine (1790-1869)
: « La
vie, ce calice mêlé de nectar et de fiel »,
où la
vie
est décrite comme un « calice
mêlé de nectar et de fiel ».
Elle
permet de diminuer une chose insupportable ou désagréable, c'est
l'euphémisme
(la notion de sa propre mort devient « S'il
m'arrivait quelque chose »,
la maladie :
« Une longue et douloureuse maladie » remplace
« le
cancer »,
etc.), ou au contraire de magnifier et d'embellir, de sublimer les
choses elles-mêmes (on en trouve de nombreux exemples dans les
intitulés des plats au restaurant : par exemple cette « Pyramide
de rouge poisson sur une macédoine de petits croquants verts »
pour désigner une entrée de thon-mayonnaise-haricots verts).
La
périphrase est aussi un procédé grammatical, qui consiste à
remplacer un mot par un groupe de mots qui le définissent ou
l'explicitent, par exemple « la
femelle du cheval »
pour « jument ».
On parle alors de périphrase
synonymique.
Elle
est aussi pronomination, en personnalisant, par exemple : « L'homme
du 18 juin »
pour le Général de Gaulle, ou en personnifiant, par exemple : « Le
géant des collines »
personnifie le chêne selon Lamartine.
Dans tous
les cas, la périphrase insiste sur la caractérisation, les qualités
des objets ou des êtres.
Attention
à ne pas la confondre avec la paraphrase,
qui est le « développement explicatif d'un texte. Paraphraser
c'est commenter, expliquer, amplifier, éclaircir, imiter ».
Aux
époques classiques (Antiquités grecque et latine, et fin XVIe
siècle-XVIIe siècle),
la périphrase n'est pas gratuite ou ornementale : elle est
didactique, comme toute caractérisation alors. Puis elle s'est
affectée, de procédé signifiant qu'elle était au début, elle est
devenue ensuite un ornement du discours, chez les précieux d'abord,
les académiques ensuite. Il y a eu alors une réaction contre elle,
et un retour aux noms ou désignations simples, une restauration des
signes nus :
« J'ai
dit au long fruit d'or : Mais tu n'es qu'une poire !
J'ai
dit à la narine : Eh ! Mais tu n'es qu'un nez ! »
(Victor Hugo (1802-1885)
Pourquoi
faire de longues phrases ?
« Une
phrase est un fil, que le point coupe. On aime parfois dérouler le
fil, prolonger le suspens, laisser monter la tension, goûter le
plaisir de l'attente, la fascination du crescendo, tandis que la
phrase peu à peu, telle une montgolfière, se gonfle et s'arrondit
jusqu'à l'envol. En fait, si la phrase est longue, c'est avant tout
à cause de la réalité, si multiple et changeante, que l'on
s'évertue à embrasser d'une seule étreinte. »
Les
phrases de Marcel Proust (écrivain français, 1871-1922, Jean
Santeuil (1952), Du
côté de chez Swann
(1913), À l'ombre
des jeunes filles en fleur
(1919, prix Goncourt), etc., dont l'œuvre est la première à
intégrer la réflexion sur l'écriture comme une composante propre
de la fiction), sont à ramifications, à tiroirs, à étages, à
tournants, à retours, touffues comme des arbres et profondes comme
des forêts.
La phrase
longue sert aussi à reproduire l'errance compliquée d'un personnage
ou un espace labyrinthique.
Selon
Claude Simon (écrivain français, 1913-2005, prix Nobel de
littérature en 1985, La
route des Flandres
(1960), Les
Géorgiques
(1981), etc.), dans L'acacia
(1989), elle peut et doit tout décrire :
« ...
de sorte que plus tard, quand il essaya de raconter ces choses, il se
rendit compte qu'il avait fabriqué au lieu de l'informe, de
l'invertébré, une relation d'événements telle qu'un esprit normal
(...) pourrait la constituer après coup, à froid, (...) tandis qu'à
la vérité cela n'avait ni formes définies, ni noms, ni adjectifs,
ni sujets, ni compléments, ni ponctuation (en tout cas pas de
points), ni exacte temporalité, ni sens, ni consistance sinon celle,
visqueuse, trouble, molle, indécise de ce qui lui parvenait... ».
Remarquer
les nombreuses virgules (17 au total) qui articulent la compréhension
du sens, les mots-articulations (« de
sorte que »,
« tandis
que »)
qui permettent à la phrase de rebondir, et l'usage de la répétition
(« ni »
employé 9 fois) et de l'énumération (4 adjectifs : visqueuse,
trouble,
molle,
indécise)
qui caractérisent l'objet, c'est-à-dire la perception incohérente
de la réalité par le narrateur.
***
Consignes
pour s'entraîner à construire des longues phrases :
1.
En utilisant les définitions (Grand Robert de la langue française)
des mots suivants : lumière,
s'allumer, grandir, jaillir, obscurcissement, s'éteindre, vaciller,
mourir,
construire des périphrases synonymiques.
Lumière
: agent physique capable d'impressionner l'œil, de rendre les choses
visibles ; ce par quoi les choses sont éclairées ; traînée, halo,
ondes, torrents de lumière aveuglante, brillante, crue,
éblouissante, étincelante, vive ; radiations visibles ou invisibles
émises par les corps incandescents ou luminescents.
S'allumer
: prendre feu, s'enflammer, devenir ardent, brillant, lumineux.
Grandir
: devenir plus grand par un processus naturel ou artificiel, ou par
un effet d'optique, devenir plus intense.
Jaillir
: sortir avec force en formant un jet, se produire avec force, sortir
par un mouvement rapide désordonné ou non, pointer brusquement.
Obscurcissement
: action d'obscurcir, de priver de lumière, état de ce qui est
obscurci, assombri, couvert, brouillé, noirci, troublé, affaibli,
éteint.
S'éteindre
: cesser de brûler, d'éclairer, étouffer, cesser progressivement,
décliner, s'affaiblir, agoniser, expirer, diminuer l'ardeur,
l'intensité, faire cesser d'exister, rendre moins vif, adoucir,
affaiblir.
Vaciller
: être animé de mouvements répétés, alternatifs, être en
équilibre instable et risquer de tomber, trembler, être sur le
point de s'éteindre, subir des variations, scintiller faiblement,
s'affaiblir, se manifester faiblement.
Mourir
: cesser de vivre, d'exister, passer dans l'autre monde, passer de
vie à trépas, faire le grand voyage, terminer ses jours, rendre
l'âme, rendre son dernier souffle, s'endormir du dernier sommeil.
Par
exemple, ça peut donner ceci :
La lumière s'allume, grandit et jaillit,
en
périphrases synonymiques :
L'agent physique capable d'impressionner l'œil
et de rendre les choses visibles, prend feu et se transforme en
ardent torrents vifs et étincelants, qui deviennent plus grands par
différents processus naturels et artificiels, de plus en plus
intenses, pour finir par sortir avec force en différents mouvements
rapides et désordonnés, ou non, et pointer brusquement.
2. Puis
en reprenant les mêmes mots, créer ses propres périphrases en
utilisant un vocabulaire relatif aux perceptions que l'on a des
choses désignées par ces mots, c'est-à-dire : la lumière, qui
s'allume, qui grandit, qui jaillit, puis ça s'obscurcit, la lumière
qui s'éteint, qui vacille, puis meurt.
Tel un papillon phosphorescent, la flamme
s'élève et sa lumière, agent physique capable d'impressionner
l'œil et de rendre les choses visibles, devient ardente et
brillante, d'une intensité croissante, jusqu'à produire avec force
mouvements désordonnés et jets scintillants et brillants une onde
vive, éblouissante et crue, qui s'épanouit en radiations visibles
et invisibles émises par son corps incandescent. Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 98-99.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol. Vol. 5, p. 498.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément. Vol. 5, p. 4628.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 97.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1481.
THERON,
Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 33-35, 61.
VOLKOVITCH,
Michel. Verbier
: herbier verbal.
M. Nadeau, 2000, p. 146.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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Le
centon et la boule de neige
La
boule de neige
est un procédé littéraire qui permet de construire des petites
histoires en composant les phrases une à une, avec des mots de plus
en plus longs. Chaque phrase doit commencer par un mot très court
(1 lettre), le deuxième mot comprend 2 lettres, le troisième
mot comprend 3 lettres, le quatrième mot 4 lettres, etc.
On peut
aussi construire des phrases avec des mots de plus en plus longs,
sans que la différence de longueur entre chaque mot soit de 1
lettre.
De plus,
le premier mot de la phrase peut être constitué de 1 lettre, ou
bien de 2 ou de 3.
Le but
étant de construire des phrases dont le mot suivant est plus long
que le précédent.
On peut
ainsi obtenir des phrases de ce type :
1er
mot (1 lettre) 2ème
mot (2 lettres) 3ème
mot (3 lettres) 4ème
mot (4 lettres) 5ème
mot (5 lettres) 6ème
mot (6 lettres) 7ème
mot (7 lettres) etc.
Ou bien
des phrases de ce type :
1er
mot (1 lettre) 2ème
mot (3 lettres) 3ème
mot (4 lettres) 4ème
mot (6 lettres) 5ème
mot (7 lettres) 6ème
mot (8 lettres) 7ème
mot (10 lettres) etc.
Ou encore
des phrases de ce type :
1er
mot (2 lettre) 2ème
mot (4 lettres) 3ème
mot (5 lettres) 4ème
mot (7 lettres) 5ème
mot (8 lettres) 6ème
mot (10 lettres) etc.
Consigne
: utiliser les listes de mots suivants, ou votre propre liste de
mots, pour former des phrases :
Mots
en 1 lettre
: j', à, n', c', l', m', t', ô, d', s'.
Mots
en 2 lettres
: ah, ai, an, as, au, bu, ça, ce, de, du, eh, en, es, et, eu, ex,
fi, ha, hé, hi, il, je, la, le, ma, me, na, ne, ni, nu, oh, on, or,
os, ou, pu, sa, se, si, ta, te, tu, un, va, vu.
Mots
en 3 lettres
: âge, ail, air, âme, ami, âne, ans, arc, art, aux, axe, bac, bah,
bal, ban, bar, bas, bec, bel, bis, blé, boa, bob, bof, bol, bon,
bue, bus, but, cap, car, cas, cep, ces, cet, cil, clé, coi, col,
coq, cor, cou, cri, cru, des, dis, dit, dix, don, dos, dot, dru, duc,
due, duo, dur, eau, écu, ego, élu, ému, épi, ère, erg, est, été,
eue, euh, eue, fan, fer, feu, fil, fin, fit, foi, fou, fui, fus, fut,
gag, gai, gaz, gel, gui, hic, hop, ici, île, ils, ion, ira, ire,
jet, jeu, job, jus, kir, kit, lac, les, lia, lie, lin, lis, lit, loi,
lot, lue, lui, lys, mal, mas, mec, mer, mes, met, mie, moi, mon, mot,
mou, nez nia nid nie, nom, non, nos, nue, nui, nul, nus, ode, oie,
osa, ose, ôta, ôte, ouf, oui, pan, par, pas, peu, pic, pie, pli,
plu, pot, pua, pue, pur, pus, put, que, qui, rai, rat, ria, rit riz
roc roi rot, rua, rue, sac, sec, sel, ses, six, ski, soc, soi, sol,
son, sot, sou, sua, suc, sud, sue, sur, sut, tas, tek, tes, thé,
tic, tir, toc, toi, ton, tri, tua, tue, une, uni, usa, use vas ver
via vie, vif, vil, vin, vis, vit, vol, vos, vue, vus, yak, yen, zen,
zoo, zou, zut.
Exemples
:
N'ai pas peur petite gazelle vaporeuse !
(1-2-3-4-6-7-9). J'ai une douce griffe (1-2-3-4-5-6). Qui cajole,
chatouille (3-6-10). Et non blesse, égratigne (2-3-6-9).
D'en bas, nous épions chaque mouvement (de la)
multitude (1-2-3-4-6-6-9-9).
Ô ! Je crains bientôt (d')effrayants
affolements ! (1-2-6-7-10-11).
Viens, rentrons (5-8). Je ne suis (qu'un) lion
bizarre (et) végétarien (2-2-4-4-7-10).
On peut
utiliser avec profit un dictionnaire des synonymes et des contraires,
ce qui permet de trouver des mots de différentes longueurs pour un
même sens, un même sujet ou un même thème.
Une
variante de la boule de neige tient dans le décompte du nombre de
syllabe(s) d'un mot au lieu du nombre de lettre(s). On peut effectuer
le même exercice en constituant des phrases à l'aide d'un mot de 1
syllabe suivi d'un mot de 2 syllabes, suivi d'un mot à 3
syllabes, etc.
Exemple :
Le petit caniche (se) précipita furieusement
(1-2-3-4-5), car de nombreux moineaux aubadaient (en) s'égosillant
bienheureusement (1-1-2-2-3-4-5).
***
Le
centon
est un « nom masculin emprunté (1570) au latin cento,
-onis « morceau
d'étoffe ou vêtement rapiécé », « habit fait de
plusieurs morceaux », qui signifie au sens figuré « pièce
de poésie composée de vers ou fragments de vers d'origines
diverses » (IVe
siècle).
Le mot a
été introduit en littérature et étendu à une pièce musicale
formée de morceaux divers. »
Consigne
: composer un petit texte, poétique ou en prose, en empruntant des
vers, ou des fragments de vers, des phrases ou des extraits de
phrases, à des auteurs antérieurs, en citant le nom de l'auteur et
le titre de l'œuvre.
Cela peut
donner par exemple ceci, le texte étant présenté tout d'abord
(en 1) sous forme d'extraits avec le nom de l'auteur et de
l'œuvre cités, puis (en 2) sans signalement des sources :
1) Vers le commencement du
mois de mars de l'année 1841, je voyageais en Corse. Rien de plus
pittoresque et de plus commode qu'un voyage en Corse : on s'embarque
à Toulon ; en vingt heures, on est à Ajaccio, ou en vingt-quatre
heures, à Bastia.
(Alexandre Dumas, 1802-1870, « Les
Frères corses »)
Je ne sais comment je dure,
(Christine de Pisan, 1364-1431, « Rondeaux »,
orthographe modernisée)
De vent, de pluie et de
froidure.
(Charles d'Orléans, 1394-1465, « Rondeau »,
orthographe modernisée)
Il y a en Corse sept à huit
cents bandits, mais le plus célèbre de tous, celui dont le nom est
populaire sous le châtaignier des montagnes et dans la hutte du
pêcheur, celui qu'on nomme partout avec une sorte d'enthousiasme, ce
bandit se nomme Sainte-Lucie.
(Pierre Alexis Ponson du Terrail, 1829-1871, « Les Bandits »)
La reine Blanche comme lis.
(François Villon, 1431-1463, « Ballade,
Le Testament »,
orthographe modernisée)
Là, on achète ou on loue
un cheval. Il passe par des chemins où Balmat le célèbre alpiniste
lui-même eût mis des crampons, et sur des ponts où même l'écuyer
de cirque Auriol demanderait un balancier. Quant au voyageur, il n'a
qu'à fermer les yeux et à laisser faire l'animal : le danger ne le
regarde pas.
(Alexandre Dumas, 1802-1870, « Les
Frères corses »)
Je ferme donc les yeux,
bercée par le pas nonchalant du cheval, et je repense à
Sainte-Lucie, que je suis en train de rejoindre, à ses paroles qu'il
me murmura à l'oreille, mon visage enfoui dans ses cheveux défaits,
lorsque nous nous quittâmes des mois auparavant :
(Anonyme)
Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre
nous endurcis,
(François Villon, 1431-1463, « Poésies
diverses »,
orthographe modernisée)
Dans leur grand Océan à
jamais engloutis... (Tristan
Corbière, 1845-1875, « Les
amours jaunes, La fin »)
Il ne put finir sa phrase,
les gendarmes étaient sur ses talons et ils tambourinaient déjà à
la porte de ma maison.
(Anonyme)
L'officier ne raconta
l'aventure que huit jours après, quand Sainte-Lucie fut en sûreté.
(Pierre Alexis Ponson du Terrail, 1829-1871, « Les Bandits »)
Vous désirez me voir,
monsieur, je serais heureux moi-même de vous être présenté ;
n'ayant personne auprès de moi qui puisse me rendre ce service, je
prendrai la liberté de me présenter moi-même. Soyez chez vous
demain à onze heures du soir. Je me fie à votre loyauté.
(Pierre Alexis Ponson du Terrail, 1829-1871, « Les Bandits »)
Tout roule et se confond,
souffle rauque des bouches,
(Leconte de Lisle, 1818-1894, « Le
combat homérique »)
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces
miroirs jumeaux.
(Charles Baudelaire, 1821-1867, « La
Mort des amants »)
Le lendemain, en effet,
l'officier était dans sa demeure ; Sainte-Lucie arriva par la
fenêtre, causa une heure, fuma trois cigares et s'en fut par le même
chemin.
(Pierre Alexis Ponson du Terrail, 1829-1871, « Les Bandits »)
Car il faut que les femmes
pleurent,
(Sully Prudhomme, 1839-1907, « Le
long du quai »)
[Et] ferme[nt] les branches
d'or de [leur] rouge éventail.
(José Maria de Heredia, 1842-1905, « Soleil
couchant »)
Lune, vagabonde Lune,
Faisons cause et mœurs
communes ?
(Jules Laforgue, 1860-1887, « Complainte
de la lune en province »)
2) Vers le commencement du mois de mars de
l'année 1841, je voyageais en Corse. Rien de plus pittoresque et de
plus commode qu'un voyage en Corse : on s'embarque à Toulon ; en
vingt heures, on est à Ajaccio, ou en vingt-quatre heures, à
Bastia.
« Je ne sais comment je dure,
De vent, de pluie et de froidure. »
De vent, de pluie et de froidure. »
Il y a en Corse sept à huit cents bandits,
mais le plus célèbre de tous, celui dont le nom est populaire sous
le châtaignier des montagnes et dans la hutte du pêcheur, celui
qu'on nomme partout avec une sorte d'enthousiasme, ce bandit se nomme
Sainte-Lucie. La reine Blanche comme lis...
Là, on achète ou on loue un cheval. Il passe
par des chemins où Balmat le célèbre alpiniste lui-même eût mis
des crampons, et sur des ponts où même l'écuyer de cirque Auriol
demanderait un balancier. Quant au voyageur, il n'a qu'à fermer les
yeux et à laisser faire l'animal : le danger ne le regarde pas. Je
ferme donc les yeux, bercée par le pas nonchalant du cheval, et je
repense à Sainte-Lucie, que je suis en train de rejoindre, à ses
paroles qu'il me murmura à l'oreille, mon visage enfoui dans ses
cheveux défaits, lorsque nous nous quittâmes des mois auparavant :
« Frères humains qui après nous
vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Dans leur grand Océan à jamais engloutis... »
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Dans leur grand Océan à jamais engloutis... »
Il ne put finir sa phrase, les gendarmes
étaient sur ses talons et ils tambourinaient déjà à la porte de
ma maison. L'officier ne raconta l'aventure que huit jours après,
quand Sainte-Lucie fut en sûreté.
« Vous désirez me voir, monsieur, je
serais heureux moi-même de vous être présenté ; n'ayant personne
auprès de moi qui puisse me rendre ce service, je prendrai la
liberté de me présenter moi-même. Soyez chez vous demain à onze
heures du soir. Je me fie à votre loyauté. »
Tout roule et se confond, souffle rauque des
bouches,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Le lendemain, en effet, l'officier était dans
sa demeure ; Sainte-Lucie arriva par la fenêtre, causa une heure,
fuma trois cigares et s'en fut par le même chemin.
Car il faut que les femmes pleurent,
[Et] ferme[nt] les branches d'or de [leur]
rouge éventail.
« Lune, vagabonde Lune,
Faisons cause et mœurs communes ? »
Faisons cause et mœurs communes ? »
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BERTAUD
DU CHAZAUD, Henri, 1999. Dictionnaire
de synonymes et contraires.
Paris, Le Robert (Collection Les usuels).
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, vol. 1, p. 793.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 375.
L
a – P U B L i
a n c e
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Les
métamorphoses
« Maintenant tu habites à l'intérieur
de l'arbre et tu as de longues racines qui sont enfouies dans la
terre argileuse. C'est à cause des racines que tu ne peux pas
bouger... C'est bon de boire l'eau de cette manière : tu la prends
sans te presser avec tes pieds vaporeux, et elle monte le long de tes
veines secrètes à l'intérieur de ton ventre. »
Extrait
de : Le
chemin,
de Jean-Marie Gustave (J.-M. G.) Le Clézio (1940-).
Le
nom féminin métamorphose
est emprunté (1365) au latin metamorphosis
(changement
de forme),
transcription du grec tardif metamorphôsis,
dérivé de metamorphein
(se
transformer),
de meta
(au
milieu de,
parmi,
avec,
entre)
et morphê
(forme).
Le
mot est relevé pour la première fois en français dans le titre des
poèmes mythologiques d'Ovide (poète latin, 43 av. JC-18 ap. JC),
Les Métamorphoses,
qui relatent en 15 livres 246 fables de métamorphoses choisies dans
le répertoire de la tradition grecque et dans les fables romaines.
Plusieurs ouvrages antiques exposaient sous le même titre les
transformations d'hommes en animaux, végétaux, sources et objets ;
thème mythique, probablement universel, en tout cas commun à tout
le monde indoeuropéen.
Toujours
par référence au monde antique, métamorphose
a pris le sens de changement
d'une forme en une autre
(1493). Au XVIIe
siècle, le mot commence à se répandre, s'appliquant à un
important changement survenant dans la fortune, le caractère de
quelqu'un (1668) et à la transformation qu'éprouvent les substances
par des causes naturelles (par exemple l'eau, élément liquide, qui
se transforme en glace, élément solide, par l'action d'un froid
intense). En ce sens, il est passé dans la terminologie zoologique
(1736) où il pourrait aussi être dérivé du verbe se
métamorphoser,
appliqué aux phases de la vie des insectes.
Histoire
du monde au cours de laquelle s'enchaînent des légendes de
transformations de dieux ou d'hommes en animaux ou en plantes chez
Ovide le poète latin, Les
Métamorphoses
est aussi un roman en 11 livres d'Apulée (écrivain latin, 125-170
ap. JC), à la fois satirique et mystique, où Lucius, changé en âne
par une Thessalienne (la Thessalie est une région de la Grèce du
nord, au sud de l'Olympe), va d'aventure en aventure, à travers
divers milieux sociaux, en quête de la rose qui lui rendra forme
humaine. François Rabelais (écrivain français, 1483-1553),
Cervantès (écrivain espagnol, 1547-1616), Jean de La Fontaine
(poète français, 1621-1695) y ont puisé leur inspiration ; Gérard
de Nerval (écrivain français, 1808-1855) en a subi l'influence.
Comme
Lucius transformé en âne dans le roman d'Apulée, l'écrivain
latin, dans la nouvelle La
Métamorphose
de Franz Kafka (écrivain tchèque d'expression allemande, 1883-1924)
Grégoire Samsa est peu à peu changé en une sorte d'énorme
cancrelat, à l'épouvante et à la honte de sa famille. Dans
La Belle
et la Bête,
conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (femme de lettres
française, 1711-1780), Belle se sacrifie pour sauver son père,
victime des sortilèges de la Bête, chimère à corps d'homme et à
tête de lion, et elle gagne en retour l'amour de la Bête, qui se
change en prince charmant.
Changement
de forme, de nature ou de structure en une autre, la métamorphose
est une transformation si considérable que l'être ou la chose qui
en est l'objet n'est plus reconnaissable.
Émile
Henriot, écrivain et critique littéraire français (1889-1961)
écrivait dans sa Mythologie
légère
à propos de Neptune :
« On ne gouverne pas
les eaux sans être soi-même fluide, mobile et changeant, et les
métamorphoses de Neptune sont innombrables, tour à tour fleuve,
bélier, cheval ou taureau, oiseau ou dauphin, selon la fantaisie, le
besoin ou la circonstance. »
Consignes
:
1.
Décrire la transformation d'un être humain en une source d'eau de
montagne. Commencer par décrire en quelques lignes une personne
imaginaire selon ses caractéristiques physiques et ses
caractéristiques de tempérament ou de caractère.
Puis,
décrire en quelques lignes une source d'eau de montagne (qui sort
d'un glacier, ou qui sort d'une colline recouverte d'herbe verte et
de terriers de marmottes, qui sort jaillissante et qui devient
rapidement une cascade, ou au contraire qui coule en mince filet au
milieu des cailloux ou des fleurs, etc.).
Enfin
relier les deux descriptions en décrivant en quelques lignes comment
un être humain perd toutes les caractéristiques de sa condition
humaine (sa respiration, la parole, la capacité de se mouvoir, de
penser, de rire, etc.) et gagne toutes les caractéristiques de l'eau
(la fluidité, la fraîcheur, la transparence, la vigueur, la
puissance ou au contraire la discrétion, le mouvement continuel de
l'onde, le bruit du passage de l'eau sur les cailloux en jaillissant
comme une cascade ou au contraire en glissant en mince filet, etc.).
2.
Décrire la transformation d'une rose (épines, tige et feuilles
comprises, de la couleur de votre choix) en un animal de votre choix,
domestique ou sauvage, volant, rampant, galopant, ou nageant, etc.,
comme un chat, un chien, un aigle, une mouette, un cheval, une
fourmi, un lézard, etc.
Comme
précédemment, commencer par décrire en quelques lignes la rose (sa
couleur, si elle est éclose ou en bouton, sa taille, son parfum, la
couleur et la texture de ses feuilles et de ses épines, est-ce une
rose sauvage ou une rose d'élevage, croisée ou non avec d'autres
espèces de rose, etc.).
Puis,
décrire en quelques lignes l'animal choisi, pour finir par décrire
en quelques lignes la métamorphose de la fleur en un animal.
Cela
pourrait donner ceci, avec une rose blanche qui se métamorphose en
lapin des neiges :
C'est la plus belle rose du jardin, la plus
élégante, la plus grande, la plus blanche de toutes les roses
blanches du jardin. Au printemps, elle s'élance par-dessus le
massif, loin au-dessus des autres. Ses pétales sont larges et
veloutés, aux bords ourlés, d'une couleur qui s'étire depuis le
nacré légèrement rosé jusqu'au blanc le plus virginal, en passant
par une blancheur de velours diaphane et délicate. Ses vastes
pétales s'étagent en plusieurs couches et exhalent le jour comme la
nuit, jusqu'à l'automne, un parfum entêtant, puissant et subtil. Sa
haute et robuste tige s'orne de quelques épines, épaisses et
pointues comme des griffes de chat, placées de-ci de-là parmi les
bouquets de feuilles rondes, nervurées de vert foncé.
La métamorphose de la rose en lapin commence
par ses feuilles et ses épines, qui tombent les unes après les
autres, comme en un début d'automne. Sur la tige nue et grise
poussent quelques pointes blanches. On dirait d'autres épines. Ce
n'en est pas. Elles grossissent, elles s'allongent jusqu'à mesurer
deux à trois dizaines de millimètres, puis elles se séparent, en
deux, en quatre, à l'infini, jusqu'à former des centaines de
filaments, fins et fournis comme des poils de lapin. C'en est. De la
tige partent des branches qui poussent là où il n'y avait rien.
Elles sont recouvertes de poils d'un blanc virginal. Elles se mettent
à trembler et on s'aperçoit alors qu'il s'agit de pattes, deux
pattes de lapin qui battent l'air, deux autres qui tapent le sol. Un
museau frémissant blanc et rosé émerge du cœur des pétales fanés
qui tombent en même temps que deux yeux rouges s'ouvrent de part et
d'autre du petit nez tout frémissant. Deux longues oreilles ivoire
se déplient au sommet d'une tête d'albâtre, au-dessus d'un corps
rond et dodu, d'une douceur duveteuse. D'un coup de rein joyeux, le
lapin s'élance dans une série de bonds excités, toutes racines
oubliées.
C'est un lapin tout blanc, blanc comme le tapis
de neige qui s'étend tout autour de lui, assis droit et tendu, en
haut d'une colline. Pas un bruit. Le soleil luit dans le matin clair.
L'air est comme gelé. Le bout du museau frémit, il a senti l'odeur
d'un feu de bois qui s'échappe d'une cheminée au loin et dont on
aperçoit un bout de fumée, quelques volutes qui tourbillonnent
au-dessus d'arbres tous blanchis de neige. Les yeux rouges du lapin
fixent un point au loin, en direction de la cabane. Ses moustaches
longues et fines tressaillent, ses petits muscles se tendent, prêts
au départ. Fausse alerte. Pour évacuer le stress, le lapin lisse
son épaisse fourrure à coups de langue vigoureux, il grignote dans
sa tignasse du bout de ses longues dents. Puis il lèche le bout de
ses pattes d'un blanc de beurre frais, et se débarbouille la figure.
Son pelage opalescent luit doucement sous le soleil. Au loin, la
porte de la cabane grince en s'ouvrant. Le lapin disparaît avec la
neige dans une blancheur immense et lactée, comme immaculée.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BERTAUD
DU CHAZAUD, Henri, 1999. Dictionnaire
de synonymes et contraires.
Paris, Le Robert (Collection Les usuels), p. 722.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 4, p. 1407.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 4, p. 3862.
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1234.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
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Biographie,
autobiographie :
la part de projection,
la part d'interprétation,
la part du vrai et du faux
la part de projection,
la part d'interprétation,
la part du vrai et du faux
« L'autobiographie, qui paraît au
premier abord le plus sincère de tous les genres, en est peut-être
le plus faux. »
Extrait
de : Flaubert
(p. 82) d'Albert Thibaudet (1874-1936), critique littéraire
français, auteur d'une Histoire
de la littérature française de 1789 à nos jours (1936).
L'autobiographie
est le récit qu'un « je »
fait de sa propre existence : le narrateur (celui qui raconte) est le
même que le personnage principal et que l'auteur (celui qui signe
l'ouvrage).
Dès lors
que ces trois entités se confondent dans un même récit, comment
faire la part du vrai et du faux, comment rendre compte ou comment ne
pas rendre compte des projections de l'auteur (par exemple dans des
surajouts de caractérisation ou par des caractérisations fictives),
et enfin est-il possible - est-ce seulement souhaitable ? - de faire
la part entre l'interprétation et le fait réel ? Dans le retour en
arrière et le retour sur soi, rien n'est plus mouvant et faillible
que le souvenir, c'est ce qui rend l'exercice de l'autobiographie si
périlleux. L'exercice peut alors devenir étude, le jeu devient
travail, le je devient actif.
« Pour moi chaque voyage important amorce
une mue en profondeur. Alain Bosquet [écrivain
français, 1919-1998] a senti cela quand il a écrit que chez
moi l'autobiologie prenait le pas sur l'autobiographie. »
Extrait
de : Le
Vent Paraclet
[autobiographie intellectuelle autant qu'« essai d'esthétique
littéraire »] (p. 269) de Michel
Tournier
(1924-) auteur de Vendredi
ou les Limbes du Pacifique,
prix Goncourt en 1970 avec Le
Roi des aulnes.
La
perspective rétrospective du récit et l'identité entre l'auteur,
le narrateur et le personnage principal sont les deux marques qui
permettent d'opposer l'autobiographie aux genres qui lui sont proches
: la biographie
(le personnage est réel et différencié du narrateur qui adopte le
rôle de critique), le roman
autobiographique
(le héros peut ne pas être le narrateur), l'essai
(la linéarité chronologique n'est pas respectée), le journal
intime
(le récit qui peut se faire au jour le jour ou d'une manière
discontinue, suppose la confidentialité), les mémoires
(dans cette rencontre d'un sujet avec l'Histoire, l'accent est
davantage mis sur le récit des événements historiques que sur ceux
de la vie individuelle).
« Les nouvelles lettres de Balzac
offrent, ce me semble, un vif intérêt ; avec beaucoup de détails
autobiographiques, on y trouvera de curieux renseignements sur une
foule d'écrivains français ou étrangers. »
Extrait
de l'avertissement de : Lettres
inédites de Balzac
(p. 6) de Philippe
Tamizey
de
Larroque
(historien,
érudit et éditeur, 1828-1898),
publié à Paris en 1873.
Le
nom féminin biographie,
attesté en 1721, est directement emprunté au grec tardif biographia
(vers 500), tout comme l'anglais biography.
Le mot désigne le fait d'écrire une vie et le récit d'une vie, un
ouvrage portant sur la vie d'une personne et le genre littéraire que
constitue ce type de récit. Ce genre, qui existe depuis l'antiquité
gréco-latine (Suétone, biographe latin, 70-128, auteur des Vies
des douze Césars
et du De
viris illustribus),
Plutarque (biographe et moraliste grec, 46 ou 49-125, auteur de Vies
parallèles,
et de Œuvres
morales),
est illustré en France d'abord par les vies de saints, et depuis la
Renaissance, d'artistes, de savants, de personnages historiques.
Dénommé
en Angleterre vers la fin du XVIIe
siècle avec Biography
(1683) de John Dryden (auteur dramatique et essayiste anglais,
1631-1700) et en français au XVIIIe
siècle,
le genre devient encyclopédique et universel au XIXe
siècle (1811, début de la Biographie
universelle ancienne et moderne
de Louis Gabriel Michaud, 1773-1858) en même temps que l'intérêt
se porte moins sur la rhétorique sociale et plus sur l'individu,
avec le romantisme.
Le
nom féminin autobiographie
semble emprunté à l'anglais ; il apparaît au sens actuel dans un
texte écrit en 1809 par Robert Southey (poète britannique,
1774-1843). Le mot a signifié aussi en français « biographie
manuscrite »,
sens rapidement disparu.
La
valeur moderne, illustrée dès le XVIIIe
siècle par les Confessions
de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), se développe avec le
romantisme. De nos jours, le genre est commenté dans la mesure où
il met en cause le rapport de l'énonciateur à son énoncé, du
narrateur au récit.
L'autobiographe
est uni à son lecteur par un « pacte
autobiographique »
(la formule est de Philippe Lejeune, 1938-) qui consiste à affirmer
que l'auteur est le héros de son récit. Dans le cas des Confessions
(1770), ce pacte se double de la promesse de dire toute la vérité
même si, dans Les
Rêveries du promeneur solitaire
(1778), Rousseau avoue avoir comblé les défauts de sa mémoire par
l'imagination et avoir embelli certains événements de sa vie.
Plusieurs
raisons poussent les écrivains à raconter l'histoire de leur vie :
pour Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), qui fait dépendre son
existence de la vérité, il s'agit de répondre aux accusations de
ses ennemis en présentant sa défense devant le tribunal de ses
lecteurs et celui de Dieu. Pour Ernest Renan (1823-1892), il faut
« transmettre aux autres la théorie de l'univers que l'on
porte en soi »,
comme il l'affirme dans la préface des Souvenirs
d'enfance et de jeunesse.
D'autres avouent vouloir mieux se connaître en explorant avec
nostalgie leur passé : par l'écriture, ils font revivre des êtres
et des moments à jamais disparus. Mais le passé peut faire l'objet
d'un regard critique, afin de chercher à expliquer la formation
d'une personnalité et d'une vocation ; c'est l'attitude que
Jean-Paul Sartre (1905-1980) adopte dans Les
Mots
: « Pas
de promiscuité surtout ; je tiens mon passé à distance. »
Nous
cherchons partout le moi, alors qu'au fond l'art ne commence que
quand le moi finit. Là précisément, très souvent, est l'essentiel
du style. Mais il est difficile d'admettre l'abstraction du texte, de
ne pas faire sur lui des projections empathiques, sentimentales,
émotionnelles ; Il est difficile de ne pas chercher l'humain.
Consigne
: décrire l'état émotionnel dans lequel on est ou par lequel on
vient de passer. Cela peut être la tristesse, ou la joie, la
satisfaction, la mélancolie, l'inquiétude, le stress, le bonheur,
l'incertitude, etc. Puis décrire un souvenir précis, un fait auquel
on a assisté, quelque chose qui nous est arrivé, une image du
passé, sans rapport avec l'état émotionnel décrit précédemment.
Enfin relier les deux descriptions par deux ou trois phrases dans une
relation de cause à effet ou d'empathie, comme si les deux réalités
avaient été réellement liées. Puis nommer l'émotion réellement
vécue et utiliser « En
réalité »
dans la phrase de fin. Utiliser le « je »
tout le long du récit.
Par
exemple, avec la satisfaction comme état émotionnel, et comme
souvenir, la scène d'une altercation entre deux personnes.
La
satisfaction.
Il est 18 heures, je prends
mon manteau et mon sac de sport, je ferme la porte du bureau à clé,
je dévale les escaliers deux par deux et je me retrouve dans la rue
bondée, assaillie par les klaxons rageurs des voitures immobilisées
par une camionnette de livraison. Quelle idée de faire ses
livraisons en fin d'après-midi, pile à la sortie des bureaux ! Je
souris car je suis à pied, donc pas d'embouteillage pour moi. De
plus, ma journée au travail a été extrêmement fructueuse : trois
contrats bouclés en moins de six heures. C'est un record, que je
compte fêter au restaurant avec mon voisin de palier. Je l'appelle,
il est d'accord, on convient de se retrouver à vingt heures au
restaurant Le
Célestin.
Je range mon portable dans mon sac et j'allonge mon pas. Je me sens
légère, aérienne, euphorique, prête pour une heure de fitness. Je
suis entièrement satisfaite, satisfaite de moi, satisfaite de mon
travail, satisfaite de ma vie.
Le
souvenir.
Il y a quelques jours, j'étais en bas d'un
immeuble devant l'interphone, et je cherchais l'étage du bureau de
l'organisme où je devais me rendre. Rez-de-chaussée. J'ai sonné,
la porte s'est entrouverte et je suis entrée. En arrivant devant la
porte en bois massif avec à droite la sonnette et son petit macaron
au logo de l'organisme, j'ai entendu une violente dispute retentir
dans l'escalier, à l'étage au-dessus. « Je n'irai pas »
criait la femme, « Tu es obligée » hurlait l'homme,
« Jamais de la vie, plutôt mourir » gémissait la femme,
« Il ne t'arrivera rien, je t'assure » clamait l'homme,
« Non, jamais de la vie » piaillait la femme en répétant
toujours la même chose. « Tu vas y aller, ou bien... »
grondait l'homme, « Ne me force pas, tu n'as pas le droit... »
s'exclamait la femme. Je me suis immobilisée devant la porte durant
quelques secondes, hésitante et incertaine, puis une petite fille
est arrivée dans le hall et j'ai poussé de toutes mes forces la
lourde porte de bois massif qui s'est aussitôt refermée sur la
petite fille qui regardait dans ma direction, et sur les cris
assourdis qui continuaient à résonner dans la cage d'escalier de
l'immeuble.
Le lien
entre la satisfaction et la dispute.
Je suis très satisfaite de ne pas m'être
retrouvée au milieu de cette dispute, de ne pas avoir eu à monter
un étage et de ne pas avoir eu à traverser un espace rempli de
cris, de hurlements et d'éclats de voix.
L'émotion
réellement vécue.
En réalité, j'ai débord été intriguée par
la dispute, puis curieuse car je ne comprenais pas quelle en était
le sujet, puis choquée et apeurée par l'agressivité et la violence
qui se dégageaient des voix. En réalité plusieurs émotions se
sont succédées en quelques secondes.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 86.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 1, p. 371.
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 223.
THERON,
Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiche 15.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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Un
début, une fin
Toutes
les histoires ont un début et une fin. Le tout, lorsque l'on écrit
une histoire, est de trouver le bon début et la bonne fin. Cet
atelier se propose de partir d'un début et d'une fin donnés par des
écrivains chevronnés et reconnus comme tel, et d'écrire sa propre
version de l'histoire, d'imaginer ce qu'il peut se passer entre les
deux, entre le commencement et l'achèvement de la narration. Vous
sont proposés le début et la fin d'une nouvelle de chacun des
4 écrivains suivants : Anton Tchekhov, Marcel Aymé, J.-M. G.
Le Clézio et Jules Supervielle.
***
1.
Avec Jules
Supervielle,
poète et romancier français (1884-1960), dont la nouvelle intitulée
La
Jeune fille à la voix de violon,
et extraite de : L'Enfant
de la haute mer
(recueil de nouvelles publié à Paris par Gallimard en 1997 dans la
collection Folio, p. 117), commence comme ceci :
« C'était
une jeune fille comme une autre, avec des yeux peut-être trop
larges, mais si peu qu'on se demandait si on n'en avait pas vu
souvent d'ainsi faits.
Dès l'enfance, elle avait compris, à une
sorte d'intrigue autour d'elle, qu'on lui cachait quelque chose. Elle
ignorait l'objet de ces chuchotements et ne s'en inquiétait guère,
pensant qu'il en était toujours ainsi quand il y avait à la maison
une petite fille.
Un jour, comme elle tombait
d'un arbre »
Et se
termine comme cela :
« Un jour qu'elle lisait à voix haute un
long article de politique étrangère, la jeune fille - mais c'était
une femme maintenant - s'aperçut à son tour que sa voix ressemblait
à celle de ses camarades. Et elle ne put s'empêcher d'en vouloir à
son ami qui avait détruit en elle ces accords singuliers :
- S'il m'avait vraiment aimée...,
songeait-elle.
- Mais, qu'est-ce que tu as ? Tu es en larmes,
dit le père. Si c'est à cause de ta voix, il y aurait plutôt lieu
de te réjouir, mon enfant... » FIN.
La
consigne
est d'écrire un texte (maximum 2 pages de format A4) qui relierait
ce début à cette fin. On peut complètement imaginer les
personnages, les rebondissements, la trame, l'intrigue, etc., ou bien
on peut s'aider des phrases suivantes qui ont été piochées dans la
nouvelle :
Arriver chez les gens avec une voix de violon.
Elle gardait généralement le silence.
Et les parents de se regarder avec étonnement
: la voix de leur fille était devenue une voix comme les autres.
Le père décida de se faire lire le journal
par sa fille, tous les matins.
***
2.
Avec Jean-Marie
Gustave Le Clézio,
romancier français né en 1940, et le début et la fin de Lullaby,
publié
à Paris par Gallimard en 1987 dans la collection Folio Junior, n°
448 :
Début
: « Le
jour où Lullaby décida qu'elle n'irait plus à l'école, c'était
encore très tôt le matin, vers le milieu du mois d'octobre. Elle
quitta son lit, elle traversa pieds nus sa chambre et elle écarta un
peu les lames des stores pour regarder dehors. Il y avait beaucoup de
soleil, et en se penchant un peu, elle put voir un morceau de ciel
bleu. En bas, sur le trottoir, trois ou quatre pigeons sautillaient,
leurs plumes ébouriffées par le vent. Au-dessus des toits des
voitures arrêtées, la mer était bleu sombre, et il y avait un
voilier blanc qui avançait difficilement. Lullaby regarda tout cela,
et elle se sentit soulagée d'avoir décidé de ne plus aller à
l'école. »
Fin
: « Le
professeur l'aperçut, et vint à sa rencontre en faisant des signes
joyeux de la main.
- Eh bien ? Eh bien ? dit-il. C'est tout ce
qu'il trouvait à dire.
- Je voulais vous demander..., commença
Lullaby.
- Quoi ?
- Pour la mer, la lumière, j'avais beaucoup de
questions à vous demander.
Mais Lullaby s'aperçut tout à coup qu'elle
avait oublié ses questions. M. Filippi la regarda d'un air amusé.
- Vous avez fait un voyage ? demanda-t-il.
- Oui..., dit Lullaby.
- Et... C'était bien ?
- Oh oui ! C'était très bien.
La sonnerie retentit au-dessus de la cour, dans
les galeries.
- Je suis bien content..., dit M. Filippi. Il
éteignit sa cigarette sous son talon.
- Vous me raconterez tout ça plus tard,
dit-il. La lueur amusée brillait dans ses yeux bleus, derrière ses
lunettes.
- Vous n'allez plus partir en voyage,
maintenant ?
- Non, dit Lullaby.
- Bon, il faut y aller, dit M. Filippi. Il
répéta encore : « Je suis bien content ». Il se tourna
vers la jeune fille avant d'entrer dans le bâtiment préfabriqué.
- Et vous me demanderez ce
que vous voudrez, tout à l'heure, après le cours. J'aime beaucoup
la mer, moi aussi. » FIN.
La
consigne
est d'écrire un texte (maximum 2 pages de format A4) qui relierait
ce début à cette fin. On peut complètement imaginer les
personnages, les rebondissements, la trame, l'intrigue, etc., ou bien
on peut s'aider des phrases suivantes qui ont été piochées dans la
nouvelle :
Le petit garçon fit oui de la tête.
Puis elle commença à nager un crawl très
long, vers le large, jusqu'à ce que le cap s'écarte et laisse voir
au loin, à peine visible dans la brume de chaleur, la ligne pâle
des immeubles de la ville.
Ça faisait plusieurs jours maintenant que
Lullaby allait du côté de la maison grecque.
Ça ne pouvait pas durer toujours.
***
3.
Avec Marcel
Aymé,
écrivain français (1902-1967), auteur de En attendant,
nouvelle extraite de : Le
Passe-muraille
(Paris : Gallimard, 1991, Collection Folio, n° 961), nouvelle qui
commence comme ceci :
« Pendant la guerre de 1939-1972, il y
avait à Montmartre, à la porte d'une épicerie de la rue
Caulaincourt, une queue de quatorze personnes, lesquelles s'étant
prises d'amitié, décidèrent de ne plus se quitter.
- Moi, dit un vieillard, je n'ai guère envie
de rentrer. »
Et qui se
termine comme cela :
« Ses compagnons suivirent son convoi et,
en sortant du cimetière, s'attablèrent dans un café où on leur
servit à chacun, contre un ticket de cent grammes de pain, un
sandwich aux topinambours. Ils n'avaient pas fini de manger que l'un
des convives fit observer qu'ils étaient treize à table et qu'il
fallait s'attendre encore à des malheurs. » FIN.
La
consigne
est d'écrire un texte (maximum 2 pages de format A4) qui relierait
ce début à cette fin. On peut complètement imaginer les
personnages, les rebondissements, la trame, l'intrigue, etc., ou bien
on peut s'aider des phrases suivantes qui ont été piochées dans la
nouvelle :
La quatorzième personne ne dit rien, car elle
venait de mourir tout d'un coup, entre ses nouveaux amis.
Moi, dit une jeune fille, j'ai eu seize ans
l'année de la guerre.
Moi, dit un enfant, j'ai faim. J'ai toujours
faim.
Moi, dit un homme, cent dieux de nom de Dieu de
bon Dieu. Qu'on nous donne du vin, j'en peux plus. J'en peux plus !
J'en peux plus !
Moi, dit un gamin, je voudrais bien que la fin
du monde arrive avant midi. Je viens de perdre toutes nos cartes de
pain. Ma mère le sait pas encore.
***
4.
Avec Anton
Tchekhov
(1860-1904), médecin, conteur, nouvelliste et dramaturge russe,
auteur de Miroir
déformant : conte de Noël,
nouvelle extraite de : Histoire
de rire, et autres nouvelles
(Paris : EJL, 2004, Collection Librio, n° 698), qui commence comme
ceci :
« Nous entrâmes, ma femme et moi, dans
le salon qui sentait l'humidité et le moisi. Dès que nous
éclairâmes les murs qui n'avaient pas vu la lumière de tout un
siècle, ce fut le sauve-qui-peut pour des millions de souris et de
rats. Lorsque nous refermâmes la porte derrière nous, il y eut un
courant d'air qui vint nous frapper aux narines et fit frémir des
papiers entassés dans les coins. La lumière y tomba et nous
découvrîmes des caractères anciens et des enluminures du Moyen
Âge. Les portraits de mes ancêtres tapissaient les murs verdis par
le temps. »
Et se
termine comme cela :
« Tout simplement, le miroir déformait
en tous sens le visage disgracieux de ma femme, et ses traits, ainsi
chamboulés, donnaient par hasard quelque chose de beau. Moins plus
moins égale plus.
Désormais, ma femme et moi, demeurons devant
le miroir et, sans le quitter un instant des yeux, nous nous y mirons
: mon nez grimpe sur ma joue gauche, mon menton se dédouble et part
de côté, mais le visage de ma femme est un enchantement. Une
passion folle, sauvage, s'empare alors de moi.
Je ris comme un insensé :
- Ha-ha-ha !
Ma femme, cependant, murmure doucement :
- Comme je suis belle ! » FIN.
La
consigne
est d'écrire un texte (maximum 2 pages de format A4) qui relierait
ce début à cette fin. On peut complètement imaginer les
personnages, les rebondissements, la trame, l'intrigue, etc., ou bien
on peut s'aider des phrases suivantes qui ont été piochées dans la
nouvelle :
Un écho répondait à ma toux, le même qui,
jadis, répondait à mes aïeux...
Ce miroir a un pouvoir maléfique : il a causé
la perte de mon arrière-grand-mère.
- Le miroir ! Donnez-moi le miroir ! dit-elle
en revenant à elle. Où est le miroir ?
Dix ans ont passé depuis,
mais elle continue de s'y mirer, sans le quitter un instant du
regard.
Qu'était-ce là ? Que se passait-il donc ?
Comment ma femme, lourdaude et laide, pouvait-elle paraître aussi
belle dans le miroir ? Comment ?
***
Par
exemple, avec le début et la fin de la nouvelle d'Anton Tchekhov,
cela pourrait donner le texte suivant :
Nous entrâmes, ma femme et moi, dans le salon
qui sentait l'humidité et le moisi. Dès que nous éclairâmes les
murs qui n'avaient pas vu la lumière de tout un siècle, ce fut le
sauve-qui-peut pour des millions de souris et de rats. Lorsque nous
refermâmes la porte derrière nous, il y eut un courant d'air qui
vint nous frapper aux narines et fit frémir des papiers entassés
dans les coins. La lumière y tomba et nous découvrîmes des
caractères anciens et des enluminures du Moyen Âge. Les portraits
de mes ancêtres tapissaient les murs verdis par le temps.
Ma femme avait eu un accident de voiture qui
l'avait défigurée. De nombreuses opérations chirurgicales
n'avaient pas réussi à réparer ses traits. Avant, elle avait un
nez petit et en trompette, des pommettes hautes et roses qui
mettaient en valeur ses yeux en amande, et un adorable front bombé.
À présent, avec ses mâchoires carrées, son nez pointu, avec le
pli amer de sa bouche et les rides qui s'étaient formées au-dessus
et autour de ses yeux, elle ressemblait de plus en plus fortement, et
à ma grande surprise lorsque nous les découvrîmes ensemble, à mes
ancêtres.
Sans le savoir, le chirurgien avait remodelé
le visage de ma femme de telle manière qu'il correspondait
parfaitement à la laideur de mes aïeules. Je ne l'en aimais pas
moins. Au contraire, l'accident nous avait rapprochés et soudés.
Nous avions décidé de fuir la vie urbaine avec son culte de la
beauté, ses corps sculptés et ses innombrables et fatigantes
mondanités, et d'habiter à la campagne, dans la vaste demeure
inoccupée de mes ancêtres.
Le lendemain de notre arrivée au manoir, nous
nous rendîmes au village, et pendant que ma femme s'appliquait à
faire livrer tout ce qui était nécessaire à notre installation et
à nos repas en dévalisant l'épicerie la plus importante du lieu,
je parcourus rapidement les quelques rues commerçantes. Je cherchais
le magasin d'antiquités, et l'antiquaire afin qu'il nous débarrasse
au plus vite de toutes ces vieilleries qui encombraient la demeure
ancestrale. Ma femme envisageait de refaire toute la décoration,
mais avant cela, il était nécessaire de faire place nette.
Au retour, la fourgonnette était pleine à
craquer de victuailles, de chaudes couvertures en laine et de tissus
aux multiples coloris qui égaieraient un peu les vieilles boiseries,
de sacs de provisions et de cageots de fruits et de légumes. En fin
de matinée, nous reprîmes la route du manoir, après avoir convenu
avec l'antiquaire d'un rendez-vous pour le surlendemain. Nous vidâmes
le coffre de la fourgonnette, nous déjeunâmes devant un bon feu de
cheminée, puis nous partîmes explorer les innombrables pièces qui
s'étageaient sur deux hauteurs.
Je m'étais muni d'une feuille de papier et
d'un crayon et je prenais note de tous les meubles, tableaux, objets,
coffres, livres, guéridons, coiffeuses, chandeliers dont ma femme
voulait se débarrasser. Quant à moi, j'aurai tout laissé partir,
j'aurai tout donné, tant le style pompeux et lourd du mobilier me
dérangeait.
J'étais en train de prendre consciencieusement
note, lorsque ma femme tomba en arrêt devant une psyché, ce type de
miroir mobile monté sur un châssis à pivots grâce auxquels on
peut l'incliner à volonté ; elle poussa un grand cri et tomba
ensuite au sens propre du terme, évanouie.
J'accourus aussi vite que je pus, jetant au
loin la liasse de papier et le stylo, et, après avoir jeté
machinalement un regard à la psyché qui me renvoyait l'image
familière de mon visage aux traits réguliers, je me penchais sur ma
femme, l'enlaçait, la soulevait, serrant contre moi son corps
inerte, lui murmurant des paroles réconfortantes sans comprendre ce
qui avait bien pu se passer.
Elle reprit connaissance quelques instants plus
tard, le rouge aux joues et le regard alangui. Elle murmura aussitôt
: « Pas le miroir, pas le miroir ! Surtout pas le miroir ».
Sur le moment, je ne compris rien à ses paroles, tout occupé à
l'aider à se redresser, à la remettre sur pied et à épousseter
ses habits. Elle m'embrassa, puis elle se blottit dans mes bras.
« Comme tu voudras, lui assurais-je. Nous allons garder ce
miroir, si c'est ce qui te fait plaisir. » Après un dernier
baiser, nous continuâmes notre inspection et notre liste.
Les jours qui suivirent furent étranges et
incompréhensibles. Ma femme disparaissait des heures entières et
s'enfermait dans la pièce où était rangée la psyché. Je n'avais
pas le droit d'y pénétrer, elle me l'avait formellement interdit,
et je respectais son désir.
Plusieurs mois passèrent ainsi, puis une
année, puis deux. Ma femme avait refait entièrement la décoration
des trois salle-de-bains, des deux cuisines, des sept chambres, des
deux séjours et des trois salle-à-mangers. L'immense jardin avait
été débroussaillé et refleuri, de nombreuses essences
réintroduites. Notre vie était douce et paisible, et si ce n'était
cette étrange lubie, nous aurions vécu ainsi jusqu'à la fin de nos
jours, loin des préoccupations citadines égocentrées, loin du
tumulte urbain et de l'agitation mondaine.
Un jour, cependant, je n'y tins plus ; il
fallait que je sache ce qui se passait derrière cette porte
constamment fermée à clef, dans cette pièce exclusivement réservée
à mon épouse. J'y suis entré en cachette et je n'y ai découvert
que la psyché, qui trônait au milieu, dans un bain de lumière
dorée qui pénétrait à flot par les nombreuses fenêtres aux
carreaux étincelants. Je m'y contemplais longuement, retrouvant la
même figure familière reflétée par le miroir de mon cabinet de
toilettes, l'unique miroir du manoir il est vrai. Je réalisai alors
que ma femme avait donné toutes les innombrables glaces, vitres,
verreries et vitrines dans lesquelles auraient pu se refléter nos
deux visages, et que seul me restait le miroir de mon cabinet de
toilettes, tandis qu'elle utilisait la psyché dans la pièce fermée
à clé.
Afin de tirer au clair ce mystère, je décidai
de me cacher au fond d'un placard vide et d'attendre la venue de ma
femme. J'entrebâillai la porte en bois et j'attendis. Les heures
s'égrenèrent lentement. Soudain, j'entendis des petits pas pressés
dans l'escalier dont certaines marches grinçaient, puis des pas
étouffés par le long tapis du corridor, une clef qui tourne dans la
serrure, une porte qui s'ouvre et se referme prestement, puis plus
rien. Le silence. Seulement le silence. Un long silence incongru. Je
poussai du bout du doigt la mince porte du placard, de manière à
apercevoir la psyché, que ma femme avait déplacée et rapprochée
d'une des fenêtres afin de profiter des derniers rayons du soleil
couchant.
Elle se tenait dressée face au miroir, le
visage animé d'une joie douloureuse, en extase, le regard étincelant
d'admiration. Je n'y tins plus et jaillissant de ma cachette, je me
précipitai à ses côtés, la saisit par les épaules et j'accolai
ma tête contre la sienne. Ce que je découvris me bouleversa pour le
restant de mes jours.
Nous nous contemplâmes ainsi toute la nuit,
dans la clarté lunaire, jusqu'au petit jour. Elle, une beauté
resplendissante et rayonnante, à la bouche pulpeuse et parfaite, aux
traits réguliers et purs, au teint velouté, aux yeux gracieux, au
regard de velours. Moi, au visage grimaçant et difforme. Comment
cela était-ce possible ?
Tout simplement, le miroir déformait en tous
sens le visage disgracieux de ma femme, et ses traits, ainsi
chamboulés, donnaient par hasard quelque chose de beau. Moins plus
moins égale plus.
Désormais, ma femme et moi, demeurons devant
le miroir et, sans le quitter un instant des yeux, nous nous y mirons
: mon nez grimpe sur ma joue gauche, mon menton se dédouble et part
de côté, mais le visage de ma femme est un enchantement. Une
passion folle, sauvage, s'empare alors de moi.
Je ris comme un insensé :
- Ha-ha-ha !
Ma femme, cependant, murmure doucement :
- Comme je suis belle ! FIN.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BERTAUD
DU CHAZAUD, Henri, 1999. Dictionnaire
de synonymes et contraires.
Paris, Le Robert (Collection Les usuels).
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
NIOBEY,
Georges (dir.), 1997. Dictionnaire
analogique,
Paris, Larousse (Références Larousse).
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
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Le
temps et la narration
De
la fiction à la narration
:
Le
texte
narratif
raconte une suite d'événements, réels ou imaginés, qui
constituent une fiction.
Le
passage
de la fiction à sa narration implique une grande maîtrise de
l'organisation interne du texte et des moyens stylistiques :
→
l'ordre
narratif
(structure linéaire ou non, avec moments forts, coups de théâtre
et ellipses ; commencer un récit avec une accroche, le finir sur un
dénouement ; enrichissement de la narration avec des descriptions,
des portraits, des dialogues et des réflexions),
→ quelles
relations entretient le narrateur avec l'auteur et les personnages ?
Qui
raconte
? Dans les récits autobiographiques, le narrateur est à la fois
l'auteur et le héros du récit ; dans le récit de témoignage, le
narrateur est le héros et l'auteur n'est qu'un simple scribe ; dans
la plupart des récits où les pronoms il
et elle
prédominent, le narrateur est l'auteur, et ce dernier confie ses
réflexions en utilisant le pronom je
; lorsque le narrateur est l'un des personnages du récit, l'auteur
laisse la parole à ce personnage qui raconte de son point de vue,
→ la
focalisation,
ou point de vue du narrateur, peut être large (c'est le point de vue
d'un narrateur omniprésent à qui rien n'échappe), fragmentaire
(c'est le point de vue d'un narrateur qui découvre graduellement les
choses), ou sélective (le narrateur livre une approche subjective),
→ les
moyens
stylistiques
: le choix des mots (importance des verbes d'action et des adverbes
de temps, du vocabulaire de la caractérisation et du temps) ; les
écarts de style (utilisation fréquentes de métaphores et de
métonymies, emploi d'atténuations comme la litote, le style
dépouillé, l'hyperbole) ; les combinaisons de mots et les phrases
(emploi de phrases courtes ou longues, simples, composées ou
complexes, qu'il faut adapter à la situation ; utilisation fréquente
de l'ellipse).
Qu'est-ce
que la narration
?
Le
texte narratif relate des faits
situés dans le temps. Ordre des événements, moment et durée de
l'action déterminent le temps de l'histoire. Le récit se déploie
dans des mots, des phrases, des chapitres qui constituent le temps de
la narration. Le rapport entre ces deux temps, le temps
de l'histoire
et le temps
de la narration,
révèle les choix du narrateur. Le narrateur peut envisager quatre
chronologies différentes :
→ la
narration ultérieure,
qui situe le récit dans le passé (c'est le cas le plus fréquent,
on parle de récit rétrospectif). La distance entre le moment de
l'histoire et celui de la narration peut être très variable, de
quelques heures, ou quelques jours, à plusieurs années,
→ la
narration antérieure,
qui situe le récit dans le futur (par exemple pour présenter des
prophéties ou des rêves prémonitoires),
→ la
narration simultanée,
qui tend à se situer le plus près possible du déroulement des
événements de l'histoire. Par exemple, la première partie de
L'Étranger
d'Albert Camus (écrivain français, 1913-1960) où
l'auteur relate les faits qui se sont déroulés avant l'arrestation
du personnage principal,
→ la
narration intercalée,
faite entre les moments de l'action. Par exemple, le roman
épistolaire ou le journal intime.
Les
temps de la narration
:
→ le
présent
est utilisé lorsque le narrateur se réfère au moment de
l'énonciation, ou lorsque l'histoire a lieu au moment où on la
raconte, et dans les dialogues ; on parle de présent
historique
(ou narratif)
lorsqu'on a l'impression que le fait, quoique passé, se produit au
moment où l'on parle,
→ le
présent
historique
peut se trouver associé à un temps passé, soit que l'on passe de
celui-ci (le passé simple, par exemple) à celui-là pour donner au
récit une vivacité particulière (par exemple : « Il
me raconta
[passé
simple]
comment
cela arriva. « Je cours, je saute, je tombe mal, je me foule la
cheville
[4 verbes
au présent],
une histoire idiote en somme ! »),
soit
que le présent exprime les faits essentiels et le passé
(l'imparfait notamment, conformément à son rôle habituel) les
descriptions, les faits accessoires, les explications (par exemple :
« Je
REGARDAIS [imparfait
de description] avec
inquiétude les oiseaux qui PRENAIENT leur envol. Soudain, un chant
semblable à une harmonie céleste SORT
[présent historique qui exprime les faits essentiels] du
fond de la demeure ancestrale ; la voix SEMBLAIT s'élever puis
RETOMBAIT et RENAISSAIT mystérieusement. Je TREMBLE, je TOMBE à
terre et je COUVRE mon visage de mes mains »
: le chant
céleste
est tout d'abord au premier plan et le temps utilisé est le présent,
puis il passe au second plan et à l'imparfait (semblait,
retombait, renaissait),
tandis que le personnage qui était au second plan et à l'imparfait
(je
regardais)
passe au premier plan de l'image et au présent (je
tremble, je tombe, je couvre),
→
l'imparfait
est utilisé pour l'évocation des arrières-plans, puisqu'il exprime
la durée, le non-accompli, le non-limité dans le temps, car c'est
un temps de nature descriptive, exemple : « Comme
le soir TOMBAIT, l'homme sombre arriva »
et non : « Comme
le soir tomba, l'homme sombre arriva »
; certains faits de peu antérieurs ou postérieurs à un fait passé
sont présentés comme simultanés
par rapport à ce dernier fait (le verbe à l'imparfait est
généralement accompagné d'un complément de temps), exemple :
« Nous
SORTIONS à peine qu'un orage éclata »
et non : « Nous
sortîmes à peine qu'un orage éclata »
ou « Nous
étions à peine sortis qu'un orage éclata »,
→ cependant,
l'imparfait
narratif
ou historique,
au contraire de la valeur générale de l'imparfait, marque un fait
non répété qui a lieu à un moment précis du passé (indiqué par
un complément de temps), par exemple : « Tout
CHANGEAIT à huit heures avec l'arrivée de la marquise »,
ou bien : « Un
quart d'heure plus tard, il S'HABILLAIT et QUITTAIT sa chambre »,
→ si
l'on introduit la référence
au locuteur (narrateur ou auteur), on oppose le monde actuel au monde
non-actuel par l'opposition présent versus imparfait. Exemple : « Je
CROIS bien
[présent du monde actuel] qu'il
FAISAIT beau ce jour-là
[imparfait du monde non-actuel] »,
→ le
passé
simple
exprime une succession d'événements, il met en relief des actions
limitées dans le temps, sans considération du contact que ces
actions, en elles-mêmes ou par leurs conséquences, peuvent avoir
avec le présent ; il est souvent remplacé par le passé composé,
ou relayé par le présent de narration,
→ d'ordinaire,
l'imparfait est subordonné
au passé simple, on dit par exemple : « Il
FAISAIT beau [imparfait
de la description],
et
je SORTIS
[passé
simple de l'action] » ;
en inversant
la subordination, on obtient un mouvement d'intériorisation, de
remémoration des choses : la contemplation
l'emporte sur l'action ; par exemple : « Elle
FUT là
[le
passé simple de l'action remplace l'imparfait de la description],
et
elle me DISAIT
[l'imparfait
de la description remplace le passé simple de l'action] que
je lui manquais, que je devais lui écrire plus souvent »
au lieu de : « Elle
était là [imparfait
de la description], et
elle me dit [passé
simple de l'action] que
je lui manquais, que je devais lui écrire plus souvent »,
→ quand
il s'agit d'actions
multiples,
le passé simple les présente comme successives, c'est pourquoi il
convient particulièrement à la narration ; l'imparfait, au
contraire, les présente comme simultanées, comme formant un tableau
continu, c'est pourquoi il convient particulièrement à la
description dans le passé (combiné avec le passé simple, il fait
voir comme un fond de décor),
→ le
passé
composé
exprime un fait passé par rapport au moment où l'on parle et
considéré comme achevé ; tantôt il s'oppose au passé simple,
parce qu'il s'agit d'un fait en contact avec le moment de la parole
(soit que ce fait ait eu lieu dans une période non encore
entièrement écoulée, soit qu'il ait eu des conséquences dans le
moment présent, et avec cette valeur, on pourrait dire que c'est un
présent accompli), par exemple : « Aujourd'hui
16 janvier, je SUIS PARTI [et
non : je partis] de
Paris à huit heures du matin »,
tantôt
il concurrence (spécialement dans la langue parlée) le passé
simple pour des faits sans rapport avec le moment de la parole, par
exemple : « Mon
père était un homme accablé de vertus. Sa vie s'EST PASSÉE
[et non : se passa] dans
des administrations sans gloire »,
extrait de : Mémoires
d'Hadrien
de Marguerite Yourcenar (romancière et essayiste française,
1903-1987, première femme entrée à l'Académie française, en
1980),
→ les
mondes possibles seront traduits par le subjonctif ou le
conditionnel. Exemple : « Je
ne crois pas qu'il AIT
[subjonctif de avoir]
un beau
sourire ».
Après si
conditionnel, on emploie obligatoirement le présent pour un fait
futur (le verbe principal étant, lui, au futur). Par exemple : « Je
TRAVAILLERAI
[futur de la proposition principale] pour
toi, SI
[conditionnel] tu
me DONNES
[présent pour un fait futur] ce
que je DEMANDE »,
→ le
conditionnel
présent marque un fait futur par rapport à un moment passé, par
exemple : « Rose,
interdite, considérait dans le cercle d'une lumière étroite, cette
ombre qui parlait. Que de fois REVIENDRAIT-elle en pensée vers ce
soir de septembre »,
extrait de : Chemins
de la mer
de François Mauriac (écrivain français, 1885-1970, entré à
l'Académie française en 1933, prix Nobel de littérature en 1952),
le
conditionnel présent peut aussi exprimer un fait conjectural ou
imaginaire, dans le futur (parfois dans le présent ou un futur si
proche qu'il est difficile de le distinguer du présent), exemple :
« N'étaient
les hirondelles qui chantent, on n'ENTENDRAIT rien »,
extrait de : Vers
Ispahan,
de Pierre Loti (écrivain français, 1850-1923, officier de marine
pendant 42 ans, entré à l'Académie française en 1891),
le
conditionnel passé exprime dans le passé les mêmes valeurs que le
conditionnel présent exprime dans le présent ou le futur, exemple :
« Hier
à l'aube, je savais qu'à dix heures, le bateau AURAIT SOMBRÉ »,
→ le
subjonctif
indique que le locuteur (le narrateur, l'auteur ou le scripteur) ne
s'engage pas sur la réalité du fait, exemple : « Elle
cria : Qu'il REVIENNE un autre jour ! » ;
le subjonctif n'a pas de futur ; dans la langue parlée, et même
dans la langue écrite ordinaire, le subjonctif a trois
temps
: le présent, le passé et le passé surcomposé (le passé
surcomposé s'emploie lorsqu'on veut insister sur l'idée
d'achèvement), exemple avec blesser
: « Elle
a peur qu'il BLESSE quelqu'un »,
« Elle
a eu peur qu'il SOIT BLESSÉ »,
« Elle
a eu peur qu'il AIT ÉTÉ BLESSÉ »
;
dans
la langue écrite, et surtout dans la langue littéraire, le
subjonctif a quatre
temps
: le présent, le passé, l'imparfait et le plus-que-parfait ; leur
usage dans les propositions est régi par ce que l'on appelle la
concordance
des temps,
au sujet de laquelle Ferdinand Brunot (linguiste et grammairien
français, historien de la langue française, 1860-1938) eut cette
formule percutante dans : La
Pensée et la Langue,
« Ce
n'est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée,
c'est le sens. Le chapitre de la concordance des temps se résume en
une ligne : Il n'y en a pas. »,
exemple avec partir
: « Qu'elle
PARTE »,
« Qu'elle
SOIT PARTIE »,
« Qu'elle
PARTÎT »,
« Qu'elle
FÛT PARTIE »,
l'imparfait
s'emploie quand le subjonctif exprime un fait qui est simultané
ou postérieur
par rapport au verbe principal ; le plus-que-parfait s'emploie quand
le subjonctif exprime un fait qui est antérieur
par rapport au verbe principal.
Consigne
:
Dans
le texte suivant, le narrateur raconte [c'est le temps de l'histoire]
qu'un professeur lit l'extrait d'un livre à ses élèves [c'est le
temps de la narration]. Le présent est utilisé pour l'énoncé de
l'histoire (raconte,
relate,
écrit,
demande,
répond)
:
Le professeur raconte à ses
élèves comment l'écrivain Pierre Magnan relate l'approche de
Séraphin Monge dans son récit intitulé : La
Maison assassinée.
« Sans plus réfléchir, Séraphin se porta [passé
simple d'une action limitée dans le temps]
en oblique vers le bosquet, par le plus long, comme s'il faisait
partie d'une patrouille. Il ne remua pas une herbe, pas une pierre.
Il arriva sous les branches du bouquet d'arbres avant que Marie, sous
le cyprès, ait pu faire un geste [subjonctif
qui traduit une action possible mais non réalisée].
Il écarta les feuillages. Parmi l'odeur des feuilles raides
écrasées, celle d'un homme achevait [l'imparfait
qui exprime la durée et qui décrit l'arrière-plan de l'action]
de s'y évaporer. Il vit une bauge, large, confortable. Quelqu'un
s'était mussé dans le chiendent, quelqu'un y avait longuement
séjourné, quelqu'un l'avait écouté. Il dévala au pas de course
le talus de la route. Elle était vide d'amont en aval, sauf un
camion qui amorçait le virage du canal avec un bruit de chaîne. Au
loin, à la gare de Lurs, tintait la cloche qui annonçait un train,
mais nulle part il n'y avait trace d'un homme. » Puis le
professeur demande à ses élèves qui voudrait bien lire la suite.
Personne ne répond.
La
consigne est de mettre au présent les verbes du texte précédent,
lorsque cela est possible ; puis de réécrire le texte en s'y
incluant, en utilisant le pronom je,
et en ajoutant des réflexions personnelles.
Avec le
début du texte, cela pourrait donner ceci :
Le professeur raconte à ses
élèves comment l'écrivain Pierre Magnan relate l'approche de
Séraphin Monge dans son récit intitulé : La
Maison assassinée.
Je suis assis sur une chaise en bois, à côté du professeur debout
sur l'estrade, et j'esquisse un sourire en coin. Ce matin-là,
Séraphin s'est réveillé [l'imparfait
« s'était réveillé », ou le passé composé, expriment
l'antériorité et l'action accomplie]
de très mauvais poil. Pierre Magnan écrit, et je peux confirmer
l'authenticité de son récit, car je me trouvais [l'imparfait
est obligatoire]
aux côtés de Séraphin ce jour-là, donc Pierre Magnan écrit que
Séraphin, sans plus réfléchir, se porte en oblique vers le
bosquet, par le plus long, comme s'il faisait partie d'une patrouille
[l'imparfait
est nécessaire car il traduit un conditionnel].
Je reste immobile, caché derrière un gros rocher de calcaire blanc,
et je surveille les alentours. Séraphin ne remue pas une herbe, pas
une pierre. Il arrive sous les branches du bouquet d'arbres avant que
Marie, sous le cyprès, ait pu faire un geste [subjonctif
qui traduit une action possible mais non réalisée].
Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 58.
DUBOIS,
Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p. 478.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
GREVISSE,
Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
p. 1247.
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 114.
THERON,
Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiche 86.
L
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a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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Les
figures de la suppression :
l'ellipse, l'asyndète, l'anacoluthe
l'ellipse, l'asyndète, l'anacoluthe
Le
nom féminin ellipse
est un emprunt (1573) au latin impérial ellipsis,
lui-même emprunté au grec elleipsis
(manque,
omission d'un mot),
dérivé de elleipein,
verbe composé de en
(dans)
et de leipein
(laisser,
négliger),
à rattacher à une racine indoeuropéenne °leikw-
(laisser).
L'ellipse
peut être syntaxique (ou grammaticale), ou bien sémantique (ou
situationnelle).
Dans
le premier cas, l'ellipse
syntaxique ou l'ellipse grammaticale
sont provoquées par la suppression d'un ou de plusieurs mots dans
une phrase (le sujet, le verbe, le sujet et le verbe, un mot de
liaison, certaines conjonctions, etc.), sans que cela gêne forcément
la compréhension, les mots qui subsistent permettant de retrouver
ceux qui manquent, ou alors les mots qui manquent sont sous-entendus.
Exemples
: « Enchantée »
pour « Je
suis enchantée de faire votre connaissance »
; « Un
second coup de klaxon, puis un troisième, un quatrième, un
cinquième, emplirent de vacarme la petite rue et son embouteillage »
pour « Un
second coup de klaxon résonna, puis un troisième coup de klaxon
résonna, puis un quatrième coup de klaxon résonna, puis un
cinquième coup de klaxon résonna et ils emplirent de vacarme la
petite rue et son embouteillage »
; « Je
t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ? »
pour
« qu'aurais-je
fait si tu avais été fidèle ? »
Jean
Racine (1639-1699), Andromaque.
L'ellipse
raccourcit et allège l'énoncé. Elle interpelle et oblige à
imaginer les mots disparus. Elle permet de supprimer de fastidieuses
redites.
Dans
le deuxième cas, l'ellipse
sémantique ou l'ellipse situationnelle
sont rendues obligatoires par l'omission dans une suite logique,
narrative, ou bien lorsqu'on ne peut pas tout dire de certains
événements, de certaines scènes ou de certains discours, ou bien
lorsqu'il n'est pas nécessaire de construire une phrase énonciative
complète.
L'ellipse
peut alors devenir une véritable structure, un art de sous-entendre
et de suggérer.
Exemples
: « La veille
au soir elle poussait encore devant elle l'énormité de son gros
ventre ; au petit matin elle tenait dans ses bras un nourrisson tout
frais et tout rose »
ellipse qui élude la scène de l'accouchement ; « À quelle
heure pars-tu ? - À 4 heures »
pour
« Je
pars à 4 heures »
; ou bien lorsqu'on demande à un randonneur ce qu'il a fait de sa
journée et qu'il répond « J'ai
marché »,
l'ellipse porte sur « en
suivant des sentiers balisés de montagne ».
L'ellipse
peut avoir un caractère archaïque, elle est très fréquente dans
les proverbes et les dictons, par exemple : « Trop
tirer rompt la corde »
pour « Lorsque
l'on tire trop fort sur une corde, celle-ci se rompt »
en parlant de l'échec des ambitions ou de l'abus d'un profit ; ou un
caractère familier : « Dans
mes bras ! »
pour « Viens
que je te prenne dans mes bras ! ».
Dans le
rythme d'un récit, l'ellipse est un silence de la narration sur des
événements qui ont eu lieu dans l'histoire : silence lourd de sens
et de sous-entendus, ou bien silence qui suggère et qui laisse la
part belle à l'imagination, ou encore silence qui allège et
dynamise le récit en le faisant sauter des descriptions qui
l'alourdiraient ou le ralentiraient.
L'ellipse
des mots qui feraient la liaison régulière entre deux membres de
phrase est une anacoluthe,
tandis que l'ellipse caractérisée par la suppression dans la phrase
de certains conjonctions s'appelle une asyndète.
***
Le mot
« anacoluthe »
est issu du bas latin d'origine grecque, « anacoluthon »
(absence
de suite),
composé de : an-
(privatif), et de akolouthos
(qui
suit),
de keleuthos
(chemin).
« Et, pleurés du
vieillard, il grava sur leur marbre ce que je viens de raconter »
Jean de La Fontaine (1621-1695), l'ellipse est créée par l'omission
des mots « ils
furent ensevelis sous un marbre »
et l'anacoluthe par le changement de sujet entre le début de la
phrase (pleurés)
et la suite de la phrase (il)
; l'ellipse et l'anacoluthe mettent en valeur le mot « vieillard »
; sans ellipse ni anacoluthe, la phrase pourrait ressembler à ça :
« Et,
pleurés du vieillard, ils furent ensevelis sous un marbre que le
vieillard grava de ce que je viens de raconter »,
ou bien : « Et,
pleurés du vieillard, ils furent ensevelis sous un marbre et le
vieillard y grava ce que je viens de raconter ».
« Continuant à manger, on aurait dit
qu'il s'écoutait parler, de tout et de rien, la bouche pleine »,
pour : « On aurait dit qu'il s'écoutait parler, car il
continuait à manger tout en parlant de tout et de rien, et il
parlait la bouche pleine ».
La
rupture
: l'anacoluthe est une rupture dans la construction d'une phrase.
Cela se produit notamment quand la phrase commence par un élément
qui fait figure de sujet, mais en perd par la suite la qualité, par
exemple : « Ce
pommier est un monde, et le temps d'en faire le tour, un parfum de
paradis nous envahit »
: « ce
pommier »
est le sujet du début de la phrase et on s'attend à d'autres
compléments en rapport avec le sujet, comme : « Ce
pommier est un monde, qui ressemble à une terre ronde, aux formes
mouvantes, etc. »,
au lieu de quoi, on passe à d'autres sujets : « le
temps »,
et « un
parfum de paradis ».
Commencée
d'une certaine façon, le sujet est oublié en route, et la phrase
s'achève d'une autre façon. Par exemple : « Continuant
à pleurer, il a fallu lui faire une autre piqûre »,
on attend un pronom personnel sujet de « continuant »
et d'un verbe principal. L'anacoluthe introduit à l'écrit la
syntaxe de l'oral. Elle est fréquemment utilisée dans la presse, au
théâtre et en poésie.
Lorsque
plusieurs anacoluthes se succèdent, cela donne une impression
d'éparpillement, de discours décousu, de pensée plus sensible que
logique, plus sollicitée par les choses elles-même que par leurs
liaisons entre elles. À l'extrême, on parle de faute syntaxique ou
de faute de construction, de solécisme. La question est : le
discours est-il lié, ou décousu ? La réponse peut être celle-ci :
l'anacoluthe est tantôt une faute, tantôt une beauté
supplémentaire qui sert un discours en rendant la pensée plus vive.
Les
différents types de phrases
: il existe aussi un autre type d'anacoluthe, lorsqu'il y a passage
d'un type de phrase à un autre (phrase énonciative, interrogative,
exclamative), par exemple : « Partez
et je ne veux plus jamais vous revoir ».
« Partez »
est une phrase exclamative, qui est suivie d'une phrase énonciative
« je
ne veux plus jamais vous revoir »,
le passage étant assuré par la conjonction de coordination « et ».
Le
pronom personnel
: on peut aussi parler d'anacoluthe dans l'emploi (fréquent dans la
langue parlée) d'un pronom personnel en début de phrase et qui
n'est repris sous aucune forme, par exemple, avec « moi »:
« Moi,
en général, tu sais que ça passe ou ça casse. Mais moi, son sac
était trop lourd et personne ne l'a aidée à le porter ; Et moi non
plus».
Qui
: de même, on peut avoir aujourd'hui l'impression d'une anacoluthe,
lorsque la proposition relative dont « qui »
est le sujet n'a pas dans la phrase une des fonctions attendue d'un
nom. Par exemple, « Qui
prévoirait tous les risques, le jeu perdrait tout intérêt »,
au lieu de « Qui
prévoirait tous les risques, perdrait tout intérêt au jeu »,
« le
jeu »
a remplacé « qui »
en tant que sujet.
Il est à
signaler que cette construction était tout à fait commune jusqu'au
XVIe, et même jusqu'au XVIIe siècle, par exemple : « Qui
serait entre la Lune et la Terre, ce serait la vraie place pour les
bien voir »,
Bernard de Fontenelle (1657-1757), Entretiens
sur la pluralité des mondes ;
« Qui
me paiast (paya), je m'en alasse »
La
Farce de Maître Pierre Pathelin
(1464).
À votre
tour de trouver des anacoluthes amusantes, poétiques ou insolites.
Commencez une phrase avec un sujet, un verbe et un complément, puis
continuez-la d'une autre manière avec un sujet-verbe-complément
différent, puis finissez-la avec un autre sujet-verbe-complément.
Au début, ces 3 sous-phrases vont peut-être se trouver très
éloignées les unes des autres, et la phrase ainsi obtenue sera
incompréhensible. Par petites touches, essayez de rapprocher les 3
sous-phrases, en échangeant les verbes par des verbes synonymes, ou
bien en remplaçant les sujets par des mots appartenant à la même
famille sémantique.
Au
contraire, formez une phrase très liée et cohérente, puis
déconstruisez-la en 3 sous-phrases, puis reformulez chaque
sous-phrase de manière différente.
***
Asyndète
est un nom féminin empruntée soit au bas latin asyndeton,
lui-même emprunt au grec, soit directement au grec asundeton
qui signifie « style
sans conjonction »,
de a-
(privatif) et de sundein
(lier
ensemble),
de sun
(avec)
et de dein
(lier),
verbe indoeuropéen à comparer au sanskrit -dyati.
Ce
terme de grammaire désigne l'absence de mot de liaison (conjonctions
de coordination : mais,
ou, et, donc or, ni, car,
ou de subordination : comme,
lorsque, puisque, quand, que, quoique, si,
etc.) entre deux mots ou deux phrases qui le requièrent normalement,
par exemple : « Bon
gré mal gré »
pour « De
bon gré ou de mal gré ».
En rhétorique, une asyndète est une figure par laquelle on supprime
des particules et des conjonctions dans une phrase ou entre des
phrases (qui deviennent alors juxtaposées) pour accentuer la
rapidité et l'énergie du discours.
Exemples
: « Il
est cynique, il réussira »
au lieu de : « Il
est cynique, donc il réussira ».
« Ils n'ont pas vu le
vélo attaché à la grille. Masqué par la voiture garée le long du
trottoir »,
au lieu de : « Ils
n'ont pas vu le vélo attaché à la grille, car il était masqué
par la voiture garée le long du trottoir ».
« Sur le plan forme »
au lieu de : « Sur
le plan de la forme ».
« Français, Anglais,
Lorrains, que la fureur assemble,
Avançaient, combattaient,
frappaient, mourraient ensemble. »
Voltaire (1694-1778), Henri
VI,
asyndète de la conjonction de coordination « et ».
***
Consignes
:
1.
Dans l'extrait de texte ci-après (Annie Ernaux (1940-), La
Place)
repérer les ellipses et les asyndètes, puis les supprimer en liant,
aussi bien syntaxiquement que sémantiquement, toutes les phrases.
« La peur d'être
déplacé, d'avoir honte. Un jour, il est monté par erreur en
première avec un billet de seconde. Le contrôleur lui a fait payer
le supplément. Autre souvenir de honte : chez le notaire, il a dû
écrire le premier « lu
et approuvé »,
il ne savait pas comment orthographier, il a choisi « à
prouver ».
Gêne, obsession de cette faute, sur la route du retour ».
2.
Composer un texte de quelques lignes où toutes les phrases seront
reliées entre elles. Puis introduire des ellipses, des asyndètes,
et/ou quand le sens le permet, des anacoluthes.
Cela peut
donner ceci :
« Nous arrivons au parking de la plage au
début de la mâtinée, lorsque le parking est encore désert. Je me
gare à la droite d'un 4x4 et l'avant de la voiture caresse un
buisson de genets, dont les fleurs ont depuis longtemps séché, puis
elles se sont décrochées, et elles sont tombées sur le sol
sablonneux, pour enfin être patiemment ensevelies sous le sable par
un vent chaud et plusieurs semaines d'un été torride. Les enfants
jaillissent hors de la voiture alors que j'ai à peine le temps
d'ouvrir la portière et de poser un pied nu sur le sable à peine
tiédi par le soleil matinal. Nous sommes hors saison. Les familles
sont toutes reparties en Hollande ou en Belgique. Il ne reste que
quelques vieux couples, quelques couples de vieux, et les habitués
des bords de plage à la morte saison.
Roger se charge du cabas rempli de jouets et du
sac isotherme qui renferme nos piques-niques. Je n'oublie pas le
parasol jaune citron et le bateau gonflable. Zut ! J'ai oublié le
gonfleur électrique. Roger ne va pas être content car il va devoir
passer les trente prochaines minutes à gonfler à la bouche et de
son souffle, qui n'est plus celui de ses vingt ans, le bateau des
enfants. On ne peut pas penser à tout, marmonnè-je pour moi-même
et sur la défensive, prête à accueillir les reproches qui ne vont
pas tarder à fuser dès que mon oubli sera démasqué. »
« C'est le petit matin, je me gare à la
droite d'un 4x4 sur le parking de la plage : désert. Le capot
caresse les genets déflorés par les semaines de vent chaud d'un été
torride. Les enfants jaillissent hors de la voiture. Mon pied nu dans
le sable à peine tiédi. Hors saison. Belges, Hollandais rentrés
chez eux, ne restent que quelques vieux couples, couples de vieux et
habitués des bords de plage en morte saison. Roger se charge du
cabas rempli de jouets, les piques-niques sont au frais dans le sac
isotherme. Moi c'est le parasol jaune citron et le bateau gonflable.
Zut ! Oublié le chargeur électrique, les reproches vont fuser,
Roger n'a plus le souffle de ses vingt ans. Peux pas penser à
tout. »
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 58, 146.
DUBOIS,
Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, pp. 56, 174.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 2, p. 1973, t. 1, p. 917.
GREVISSE,
Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
pp. 276, 365.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 1, p. 336, t. 2, p. 1973.
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 98.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 134, 673.
THERON,
Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 70-71.
L
a – P U B L i
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atelier d'écriture et publication
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« Vers
à douze pieds
l'alexandrin deux de moins,
Un vers décasyllabe,
l'on obtient »
l'alexandrin deux de moins,
Un vers décasyllabe,
l'on obtient »
Attention
à ne pas confondre l'alexandrin,
vers français de douze syllabes, avec les
grands alexandrins
(savants, poètes, érudits, lettrés du monde grec rassemblés dans
l'Alexandrie antique, tels Archimède, Callimaque, Euclide,
Théocrite, Hérondas), et avec les
Alexandrins,
des grammairiens de la ville d'Alexandrie (ville d'Égypte fondée en
332-331 avant Jésus-Christ par Alexandre le Grand, sur une bande de
terre entre la mer Méditerranée et le lac Mariout, à l'extrémité
nord-ouest du delta du Nil).
Ces
grammairiens ont développé au IIIe
siècle avant J.-C. une série de recherches qui, sans être
elles-mêmes linguistiques, ont contribué par leurs fins à asseoir
pour des millénaires une certaine conception de la langue.
Leur
travail a surtout été un travail d'édition consistant à
rechercher, à collationner et à publier avec des commentaires les
textes les plus célèbres de la Grèce de l'époque classique.
En
effet, les textes anciens différaient à bien des égards de la
langue grecque du IIIe
siècle avant J.-C., surtout telle qu'elle était parlée à
Alexandrie. Aussi les éditeurs alexandrins des textes anciens
ont-ils pris l'habitude de les accompagner de commentaires (gloses)
et de traités de grammaire destinés à faciliter la lecture des
chefs-d'œuvre du passé.
C'est
ainsi qu'est née l'opinion que cette langue était plus « pure »
et plus « correcte » que le parler quotidien
d'Alexandrie. De là est issue la tradition qui consiste à
privilégier la langue écrite par rapport à la langue parlée et à
estimer qu'en évoluant la langue se corrompt et perd de sa pureté.
L'alexandrin,
nom masculin désignant le vers français de douze syllabes, est la
substantivation de vers
alexandrin
(1492), type de vers représenté par le Roman
d'Alexandre,
poème du XIIe
siècle évoquant de manière légendaire Alexandre le Grand.
Le
prénom, en grec Alexandros, signifie littéralement « qui
protège les hommes »
; comme le prénom Andreas
(André),
il contient anêr
(homme)
qui forme le préfixe andro-
(homme,
par opposition à la femme).
L'appellation
« Roman
d'Alexandre » recouvre
différentes strates de textes, apparues dès le XIIe
siècle, puis rassemblées, sinon remaniées, par Alexandre de Paris
(ou de Bernay).
L'Alexandre
d'Albéric (ou de Briançon), datant du premier tiers du XIIe
siècle, est le premier ouvrage romanesque consacré à Alexandre :
seul en subsiste le début, 105 octosyllabes (vers de 8 syllabes) en
franco-provençal, répartis en 15 laisses (une laisse est une tirade
ou un couplet d'une chanson de geste) de longueur variable.
Vient
ensuite la rédaction décasyllabique (vers de 10 syllabes),
composée par un anonyme, en Poitou, vers 1170, et qui compte 785
vers en 76 laisses. Imité manifestement de celui d'Albéric, cet
Alexandre
décasyllabique,
se terminant au milieu des premiers exploits du héros, peut être
considéré comme un Livre
des enfances.
Lambert
le Tort, un clerc de Châteaudun dans l'Eure-et-Loir, aux confins de
la Beauce et du Perche, écrit une suite et porte l'histoire à son
achèvement. Ce texte, assez difficile à reconstituer, se trouve
fondu dans un ouvrage bien plus important, le Roman
d'Alexandre
(version d'Alexandre de Paris, ou de Bernay) qui, avec ses quatre
branches, totalise environ 16 OOO de ces vers de douze syllabes qui
porteront désormais le nom d'alexandrins.
Le
cycle d'Alexandre poursuit son développement avec, à la fin du XIIe
siècle, le Vengement
d'Alixandre,
de Gui de Cambrai, et la Venjance
d'Alixandre,
de Jehan Le Névelon (avant 1191), puis au XIIIe
siècle, avec la Prise
de Defur
et le Voyage
en paradis terrestre,
et au XIVe
siècle, les poèmes du Paon.
« Il venait de trouver
le premier vers :Mon
âme a son mystère, ma vie a son secret,mais,
en comptant sur ses doigts, il s'aperçut que son alexandrin marchait
sur treize pieds ; il chercha un synonyme de mystère. Énigme, non,
Cacher, bien ; mais le substantif correspondant ? Se taire, pas
mal.Mon
âme se tait,non.
Ça ne marchait pas. De nouveau, il calcula sur ses doigts combien de
pieds faisaient :Mon
âme a son mystère, ma vie a son secret.Il
y en avait bien treize. »
Extrait
de : Le
chiendent,
de Raymond Queneau (1903-1976, auteur de Zazie
dans le métro, académicien
Goncourt en 1951, crée en 1960 l'OuLiPo avec François Le Lionnais ;
acronyme de : Ouvroir de Littérature potentielle, l'OuLiPo est un
atelier d'expérimentation littéraire qui cherche à réintroduire
la notion de contrainte formelle dans la création littéraire).
Les
vers alexandrins sont aussi appelés vers héroïques. L'épopée est
le genre littéraire le plus ancien. Dans l'Antiquité, il s'agissait
d'un récit chanté, transmis par la tradition. À partir du XVIe
siècle, une épopée est un poème héroïque qui exalte, à travers
les exploits d'un personnage exemplaire qui évolue dans un monde
d'archétypes (c'est-à-dire de modèles), les valeurs auxquelles un
peuple veut s'identifier. L'épopée émeut d'autant plus le lecteur
que le poème héroïque est rythmé par les vers décasyllabes et
alexandrins aux descriptions saisissantes, à l'abondance des
comparaisons et des métaphores.
Après
la poésie héroïque au XVIe
siècle, c'est au tour de la tragédie en tant que forme théâtrale
(XVIIe
siècle) de réclamer l'alexandrin. Du XVIe
au XIXe
siècle, l'histoire de l'alexandrin se confond presque avec celle de
la poésie française. L'alexandrin a été considéré à partir de
l'âge classique comme le vers noble, le vers le plus approprié pour
les poèmes épiques et pour la poésie la plus relevée (la poésie
religieuse en particulier), pour les pièces de théâtre, l'élégie
amoureuse et plaintive, dans les stances, dans la satire, etc.
Le
renouveau de la poésie versifiée (initié au début du XIXe
siècle), associé en 1886 à l'inauguration, ou à la commémoration,
de trois formes littéraires : le vers libre, le poème en prose et
le monologue intérieur, verra le déclin du vers alexandrin.
Plus
que la rime, c'est la mesure,
fondée sur le nombre de pieds, qui distingue vraiment le vers de la
prose. Le nombre de pieds permet aussi de classer les vers en
différents mètres selon leur longueur. Les mètres pairs comme les
vers de 2, 4, 6, 8 (octosyllabes), 10 (décasyllabes), et 12
(alexandrins) pieds ont pour effets la régularité, la netteté, le
découpage facile en segment (l'alexandrin est découpé en 2
hémistiches ou 2 parties égales, de 6 pieds chacun). Les mètres
impairs de 5, 7, 9 et 11 pieds dont la coupe ne peut pas être
régulière, ont des effets de légèreté, de flou, de variété et
de liberté.
Exemple
de vers de 7 pieds :
« C'estoit une belle brune
Filant au clair de la lune »
Filant au clair de la lune »
Extrait
de Pierre de Ronsard (poète français, 1524-1585, élève de Dorat
de 1544 à 1550, il fut au centre des jeunes poètes de la Brigade
qui prendra ensuite le nom de Pléiade).
Exemple
de vers de 9 pieds :
« De la musique avant toute chose
Et pour cela préférer l'impair
Plus vague et plus soluble dans l'air »
Et pour cela préférer l'impair
Plus vague et plus soluble dans l'air »
Extrait
de : L'Art
poétique,
de Paul Verlaine (poète français, 1844-1896, auteur de Poètes
maudits,
1884, consacrés à T. Corbière, Mallarmé et Rimbaud ; et de Jadis
et Naguère,
1884, qui contient L'Art
poétique).
Le
rythme
naît du retour de temps forts à intervalles réguliers, comme les
accents (en français, chaque mot plein, verbe, nom, adjectif,
adverbe, porte un accent tonique sur la dernière syllabe prononcée,
on parle alors d'accent rythmique dans un vers) et les coupes (la
coupe est un arrêt bref de la voix après un accent rythmique). Par
exemple :
« Tout à coup, comme atteints d'une rage
insensée
Ces hommes, se levant à la même pensée... »
Ces hommes, se levant à la même pensée... »
Extrait
de : Jocelyn,
d'Alphonse de Lamartine (poète français, 1790-1869, auteur des
Méditations
poétiques
(1820) et de Les
Harmonies poétiques et religieuses
(1830) ; entre à l'Académie française en 1829 ; membre du
gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères en
1848).
Où le
signe ` montre l'accent tonique, et le signe // montre la coupe :
« Tout à coùp, comme atteìnts // d'une
ràge insensèe
Ces hòmmes, se levànt // à la mème pensèe... »
Ces hòmmes, se levànt // à la mème pensèe... »
L'alexandrin
classique est un tétramètre,
c'est-à-dire un vers de 12 pieds (un pied est une syllabe prononcée
entièrement), à 4 accents rythmiques (l'accent rythmique est
l'accent tonique porté sur la dernière syllabe d'un mot) et donc à
4 mesures (ou coupes). Deux mesures tombent obligatoirement sur
le 6e
et le 12e
pieds. Les deux autres mesures, qui doublent l'accent tonique de 2
mots pleins, ont une place variable.
Dans
l'exemple suivant, le premier vers alexandrin est un tétramètre
régulier (le schéma rythmique est : 3 + 3 + 3 + 3), le deuxième
vers alexandrin est un tétramètre croissant et régulier (le schéma
rythmique est : 2 + 4 + 3 + 3) :
« Tout à coùp
(3
syllabes),
comme atteìnts (3)
//
d'une
ràge
(3) insensèe
(3)Ces
hòm(2)mes,
se levànt (4)
//
à
la mè(3)me
pensèe (3)... »
Lorsque
la césure (ou coupe) de l'alexandrin est affaiblie ou inexistante,
le vers change de rythme. La césure médiane (du milieu) est
remplacée par deux autres césures qui divisent le vers en trois
mesures : c'est un trimètre.
Par exemple :
« Elle peignait ses cheveux d'or je
croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie. »
Ses patientes mains calmer un incendie. »
Extrait
de : La
Diane Française,
de Louis Aragon (écrivain et poète français, 1897-1982, auteur de
Le
Fou d'Elsa
(1963, monument de la poésie lyrique française d'après-guerre) ;
participe un temps au mouvement Dada, puis fonde avec André Breton,
Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste).
Où l'on
a :
« Elle peignait /
ses
cheveux d'or /
je croyais voir (3
+ 4 + 5)Ses
patientes mains /
calmer /
un incendie. »
(5 + 2 + 5)
Consigne
: transformer les décasyllabes suivants en alexandrins (il peut y
avoir plusieurs alexandrins possibles pour un décasyllabe) :
1.
Heureux,
je glissai mes pieds sous la table
(décasyllabe)
-> Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table (alexandrin),
ou bien : Heureux mortel, je glissai mes pieds sous la table (alexandrin),
ou encore : Mortel mais heureux, pieds sous la table : manger ! (alexandrin).
-> Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table (alexandrin),
ou bien : Heureux mortel, je glissai mes pieds sous la table (alexandrin),
ou encore : Mortel mais heureux, pieds sous la table : manger ! (alexandrin).
2.
Il fait sombre, fils, voleur d'étincelles !
(décasyllabe).
3.
Me plaît le beau temps de Pâques, lys d'or
(décasyllabe).
Puis,
composer en vers alexandrins (pas nécessairement rimés) un poème
de quelques strophes, ou une chanson avec un refrain et trois
couplets, ou un petit récit en prose.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie
:
BEAUMARCHAIS,
Jean-Pierre de, COUTY, Daniel, REY, Alain, 1994. Dictionnaire
des littératures de langue française.
Paris, Bordas, nouv. éd. mise à jour et enrichie, 4 vol., t. 1, p.
25, t. 3, p. 2205, t. 4, p. 2582.
BOURDEREAU,
Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 50, 66, 76.
DUBOIS,
Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p. 23.
Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 1, p. 346.
LITTRÉ,
Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 1, p. 155.
Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
PEYROUTET,
Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 44, 132.
REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 44.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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