lundi 1 septembre 2014

L'épithète, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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« Ses longs clairs rameaux fleuris et odorants s'étiraient auprès d'une vieille petite ruelle longue et basse »

L'épithète

EPITHETON

Le nom féminin épithète est un emprunt savant (1517) au latin impérial epitheton, mot grec signifiant chose ajoutée. L'épithète désigne ce qu'on adjoint (adjectif, participe, etc.) au nom ou au pronom pour le qualifier (en cela, l'épithète procède par l'extension du nom). À la phrase : Ses rameaux s'étiraient auprès d'une petite ruelle, on pourrait ajouter les épithètes suivantes : long, clair, fleuri, odorant, vieille, longue, basse, etc., donnant ainsi vie et mouvement, odeurs et couleurs à l'image de la ruelle : Ses longs clairs rameaux fleuris et odorants s'étiraient auprès d'une vieille petite ruelle longue et basse.

Par une extension de la notion, épithète se dit d'une qualification louangeuse ou injurieuse donnée à quelqu'un. Dans l'exemple : Ce n'est qu'un pauvre type, l'épithète pauvre ne signifie pas forcément que le type en question soit sans le sou.

EN RHÉTORIQUE

En rhétorique, une épithète [nom masculin jusqu'au XVIIe siècle, le mot a ensuite changé de genre et il est devenu féminin] est une figure d'élocution, c'est-à-dire une figure qui s'intéresse au choix des mots convenant à l'expression de la pensée. Cette figure d'expression procède par l'extension d'un nom ou d'un pronom, en le qualifiant, et en changeant éventuellement le sens de ce mot, d'un groupe de mots ou d'une phrase.

Dans la rhétorique antique [Aristote (384-322 avant J.-C., philosophe grec, auteur de La poétique et de La rhétorique), Quintilien (vers 30 - vers 100, maître latin de rhétorique considéré comme le représentant officiel de l'éloquence), Donat (grammairien latin du IVe siècle et précepteur de saint Jérôme, qui traduisit la Bible en latin] l'épithète fait partie des tropes [un trope (du grec tropos, tour, manière) est une figure de rhétorique par laquelle un mot (ou une expression) est détourné de son sens propre], qui rassemblaient 13 figures de style : l'allégorie, la catachrèse, la métaphore, la périphrase, la métalepse, la métonymie, l'antonomase, l'onomatopée, l'hyperbate, la fable, l'hyperbole et la synecdoque.

Je te veux avertir de fuir les épithètes naturels qui ne servent de rien à la sentence de ce que tu veux dire, comme la rivière courante, la verte ramée. Tes épithètes seront recherchés pour signifier, et non pour remplir ton carme (vers), ou pour être oiseux en ton vers ; exemple : le ciel voûté encerne (encercle) tout le monde. J'ai dit voûté, et non ardant, clair, ni haut, ni azuré, d'autant qu'une voûte est propre pour embrasser et encerner (encercler) quelque chose.

Extrait de : Œuvres choisies, Abrégé de l'art poétique français (Paris, Garnier, 1879, p. 412), de Pierre de Ronsard [poète français (1524-1585) au centre des jeunes poètes de la Brigade qui prendra ensuite le nom de Pléiade, groupe de

sept poètes considérés comme une constellation poétique : Joachim du Bellay,

Pontus de Tyard, Jean Antoine de Baïf, Étienne Jodelle,

Rémi Belleau (qui remplaça en 1554 Jean Bastier de La Péruse) et

Jacques Peletier du Mans (qui remplaça en 1555 Guillaume Des Autels)].

Je cherche en vain une épithète pour peindre l'extraordinaire luminosité du ciel.

Extrait de : Journal, 4 octobre 1921 (Paris, Gallimard, 1941,

Bibliothèque de la Pléiade), d'André Gide [écrivain français

(1869-1951), prix Nobel de littérature en 1947].

EN GRAMMAIRE

Dans la grammaire française, une épithète est un mot qualificatif subordonné à un nom, qui peut être un adjectif ou un participe (éventuellement accompagnés de leurs éléments subordonnés). L'épithète n'est pas indispensable au sens, elle peut être supprimée sans que la phrase perde son sens premier.

Exemples :

L'eau boueuse comme une coulée d'argile liquide débordait du parapet gris [l'épithète et adjectif qualificatif boueuse est accompagnée d'un complément : comme une coulée d'argile liquide].

Les petits ruisseaux font les grandes rivières [les épithètes sont des adjectifs qualificatifs].

Le moment attendu était arrivé [l'épithète est le participe passé du verbe attendre].

C'est en partie de la liberté que nos pères prenaient de donner des épithètes aux personnes qu'est venu l'usage des noms propres de famille.

Extrait de : Œuvres (Paris, 1797, t. V, p. 228), de César Chesneau Dumarsais [grammairien français (1676-1756), auteur du Traité des tropes, ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue (1730), chargé par Diderot et d'Alembert de la partie grammaticale de l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1780), dont il en écrit

environ 150 articles].

ATTRIBUT

=> Attention à ne pas confondre l'adjectif épithète et l'adjectif attribut.

Par exemple, dans la phrase suivante : Ce grand avion, cet avion plus grand que le sien roule plus vite, l'adjectif grand est épithète du nom avion, alors que dans celle-ci : Cet avion est grand, il est plus grand que le sien et il roule plus vite, l'adjectif grand étant relié au nom avion par un verbe (le verbe être), il est attribut du nom.

L'attribut est soit relié au nom par un verbe (La table est ovale), soit rattaché au complément d'objet direct par un verbe transitif (Je crois l'affaire terminée). Supprimer l'attribut a pour résultat, soit de rendre la phrase impossible (Je crois l'affaire [sic]), soit de donner au verbe un autre sens (comparer La nature est généreuse, à La nature est).

APPOSITION

=> Attention à ne pas confondre épithète et apposition : l'apposition est un nom (ni un adjectif, ni un participe) qui, placé après ou avant le nom, désigne la même réalité que ce nom mais d'une autre manière. Elle entretient avec le nom la même relation qu'a un attribut avec son sujet. Par exemple : Paris, la capitale de la France, est ensoleillé la moitié de l'année seulement, pour : Paris est la capitale de la France et est ensoleillé la moitié de l'année seulement ; un professeur femme, pour : un professeur et ce professeur est une femme ; un enfant prodige, etc.

ESPÈCES D'ÉPITHÈTES

On distingue plusieurs espèces d'épithètes : l'épithète de relation, l'épithète par transfert, et d'un point de vue sémantique : l'épithète de nature, l'épithète de caractère, et l'épithète de circonstance.

> L'épithète de relation équivaut à un complément nominal. Cet emploi de l'adjectif est courant en latin, et c'est en partie sous l'influence de celui-ci qu'il s'est répandu en français, surtout à partir du XVe siècle. Exemples :

La lumière solaire (pour : La lumière du soleil), Le tapage nocturne (pour : Le tapage fait pendant la nuit, on ne dit pas : Le tapage est nocturne), La mortalité infantile (pour : La mortalité des enfants, on ne dit pas : La mortalité est infantile), Une grammaire grecque.

D'une part, il n'est pas possible de coordonner une épithète ordinaire et une épithète de relation (au lieu de Une grammaire grecque et déchirée, on pourra dire Une grammaire grecque dont une page est déchirée). D'autre part, les épithètes de relation ne sont pas susceptibles de degrés : Une grammaire très grecque, Un tapage trop nocturne.

> On parle d'épithète par transfert lorsque certaines épithètes sont transférées d'un nom à un autre nom de la même famille lexicale ou du même domaine sémantique. Exemples :

Une maladie imaginaire => un malade imaginaire

Une critique littéraire => un critique littéraire

Une blessure grave => un blessé grave

> L'épithète de nature indique une caractéristique permanente, une propriété tenant à la nature de l'être ou de l'objet qualifié. Exemples :

Les vertes prairies ; le marbre dur ; la lune blanche.

Attention, en dehors de la poésie l'épithète de nature devient un banal pléonasme.

> L'épithète de caractère indique une qualité distinctive et individualisante. Exemples :

Le bouillant Achille ; le sage Nestor ; la blonde Iseut ; Jean le Bleu ; Charles le Téméraire ; Grenade la jolie.

> L'épithète de circonstance exprime une qualité occasionnelle, actuelle et transitoire de l'être ou de l'objet désignés. Exemples :

Une remarque astucieuse ; du marbre vert ; un choix judicieux ; des pavés humides.

PLACES DE L'ÉPITHÈTE

> Du point de vue du nom, la postposition (l'épithète est placée après le nom) est l'ordre le plus fréquent en français (alors qu'en anglais et en allemand par exemple, l'épithète est toujours placée avant le nom) ; sauf pour quelques adjectifs comme : grand, petit, vieux, beau, qui sont antéposés (l'épithète est placée directement avant le nom, entre le déterminant ou l'article, et le nom). L'épithète postposée apporte une information nouvelle. Exemples : une aventure extraordinaire, une table haute, une colline déboisée, etc.

L'épithète est objective quand elle suit immédiatement le nom (postposition), subjective quand elle le précède (antéposition). La combinaison « adjectif + nom » (antéposition) est sentie comme une unité de pensée.

La place de l'épithète peut être stylistique (par exemple, l'antéposition d'un adjectif normalement postposé peut avoir une valeur emphatique : une aventure extraordinaire/une extraordinaire aventure), euphonique (qui crée une harmonie), ou sémantique (qui change le sens de la phrase, par exemple : une brave femme/une femme brave, cet objet même/ce même objet, il a résolu un problème simple/il a résolu un simple problème, un récipient fichu/un fichu récipient).

> Du point de vue de l'adjectif, sont postposées les épithètes indiquant la forme ou la couleur, ceux dérivés d'un nom propre ou qui indiquent une catégorie objective, sociale, technique, etc., et la plupart des participes. Exemples : un champ carré, une jupe noire, une population jeune, une musique belle à entendre, les prérogatives ministérielles, un climat froid, une femme estimée, une musique éclatante, etc.

> Du point de vue de l'adjectif, sont antéposées les épithètes très courantes, souvent monosyllabiques (un petit panier, un vieux château, le bon air, grand, joli, autre, mauvais, jeune, gros, beau, demi, mi, etc.), et les adjectifs ordinaux (exemples : au premier étage, le vingtième siècle).

ÉPITHÈTE DÉTACHÉE

Lorsque l'adjectif ou le participe apportent une indication descriptive ou explicative au nom, ils sont souvent séparés du nom. On parle d'épithète détachée, placée en début de phrase ou de proposition, ou bien placée après le verbe, ou encore placée après le nom mais séparée de lui par une virgule.

Exemples :

Tranquilles cependant, les soldats descendaient la montagne (au lieu de : Cependant, les soldats tranquilles descendaient la montagne).

Sa voix s'éleva, bizarrement impersonnelle (au lieu de : Sa voix bizarrement impersonnelle s'éleva).

La solitude, vaste, épouvantable à voir, partout apparaissait (au lieu de : La vaste solitude épouvantable à voir apparaissait partout).

Pour la clarté de l'expression, il est préférable que l'épithète détachée placée en début de phrase ou de proposition se rapporte au sujet de cette phrase ou proposition.

Par exemple, au lieu de : Très distrait, le sens des réalités lui manque, on dira : Très distrait, IL n'a pas le sens des réalités ; au lieu de : Étant tombé sur la tête, le médecin m'a donné un certificat, on dira : Étant tombé sur la tête, J'ai eu droit à un certificat que le médecin m'a donné.

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Consigne : placer les épithètes suivantes dans le texte ci-après :

Épithètes : légère – torride – liquide – éternellement vide – puissante – cahotant – translucide doux – entier – salée – cinglante – profonde – chaude vivante merveilleuse accidentelle tellurique insupportable – claquant – longue – lisse – mouillé – étincelante – grand aux longues ailes – saccadé – brusque – aérienne – invisible – immobile – blanche.

Texte :

Un matin, où une brume qui stagnait sous les arbres annonçait les ardeurs de la journée, ils allèrent se baigner dans le golfe dont on voyait du château scintiller l'étendue. Une voiture les emporta par les chemins. Un brouillard pesait sur tout ce paysage dont le caractère était apparu la première fois à Albert comme si intensément dramatique. Dans l'air circulait une fraîcheur, accourue des gouffres de la mer et chargée d'une odeur plus enivrante que celle de la terre après la pluie : il semblait que chaque parcelle de la peau en épuisât simultanément les délices, et, si l'on fermait les yeux, le corps prenait d'un coup pour les sens la forme d'une outre entièrement close de ténèbres, dont eût été perçue partout en même temps la paroi, au contact d'une fraîcheur, et qui semblait irradiée par tout les pores de la planète autant que par la chaleur du soleil. Le vent de la mer fouettait le visage par vagues, arrachait au sable de la poussière – et des oiseaux de mer, par leur vol et leurs arrêts, semblaient indiquer son flux et son reflux pareils à ceux de la mer sur la plage où, les ailes étendues, ils semblaient par instants s'échouer comme des méduses.

Cela pourrait donner cet extrait de : Au château d'Argol, de Julien Gracq (Paris, Librairie José Corti, 1938, p. 87) :

Un matin, où une brume légère qui stagnait sous les arbres annonçait les ardeurs d'une journée torride, ils allèrent se baigner dans le golfe dont on voyait du château scintiller les étendues liquides et éternellement vides. Une puissante voiture les emporta par des chemins cahotants. Un brouillard translucide et doux pesait sur tout ce paysage dont le caractère était apparu la première fois à Albert comme si intensément dramatique.

Dans l'air entier circulait une fraîcheur salée et cinglante, accourue des gouffres de la mer, et chargée d'une odeur plus enivrante que celle de la terre après la pluie : il semblait que chaque parcelle de la peau en épuisât simultanément les profondes délices, et, si l'on fermait les yeux, le corps prenait d'un coup pour les sens la forme d'une outre entièrement close de chaudes ténèbres, dont eût été perçue partout en même temps la paroi vivante et merveilleuse, au contact d'une fraîcheur non plus accidentelle, mais tellurique, et qui semblait irradiée par tout les pores de la planète autant que par le soleil son insupportable chaleur.

Le vent claquant de la mer fouettait le visage en longues vagues lisses, arrachait au sable mouillé une poussière étincelante – et de grands oiseaux de mer aux longues ailes, par leur vol saccadé et leurs brusques arrêts, semblaient indiquer son flux et son reflux pareils à ceux de la mer sur des plages aériennes et invisibles où, les ailes étendues et immobiles, ils semblaient par instants s'échouer comme les blanches méduses.

Et maintenant...

À vous de jouer - et d'écrire,

À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

BEAUMARCHAIS (Jean-Pierre de), COUTY (Daniel), REY (Alain), Dictionnaire des littératures de langue française, nouvelle édition mise à jour et enrichie, Paris, Bordas, 1994, 4 vol., t. 2, p. 874.

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 184.

Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 106, t. 6, p. 1527.

GREVISSE (Maurice), GOOSSE (André), Le bon usage : grammaire française, 13ème édition, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993, pp. 491-516.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 2, p. 2183.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., pp. 710, 2315.

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