Quel est le cadeau de Noël idéal ?
Celui qui plaît à coup sûr... celui que l'on offre, comme celui
que l'on reçoit. Comment peut-on être certain(e) qu'un cadeau va
plaire à coup sûr ?... Est-ce celui qui est rare et cher ?
Celui qui est beau ? Ou celui qui vient du cœur ? Un peu
de tout cela probablement...
[Tableau 2/4]
Se
marier un 25 décembre ?
J'ai
un prix. Même orphelin, je vaux quelque chose. Je suis allongé à
côté de la plus belle fille de l'université (l'une des plus belles
car elles sont nombreuses à être belles). Et je repense à l'année
dernière. À Noël. J'étais en première année d'études de droit.
Venant d'une autre ville, je ne connaissais personne. Le soir de
Noël, je me suis retrouvé seul dans ma chambre d'étudiant, j'ai
dégusté un plat de coquilles Saint-Jacques, bu un verre de
champagne, me suis allongé sur mon lit et me suis endormi bercé par
les chants religieux diffusés à la radio.
Je
tourne la tête et je la regarde, endormie blottie contre mon épaule,
et je me dis que je suis heureux. Je voudrais ne plus jamais ouvrir
mes bras et la garder prisonnière en mon amour.
Tu
viens de dire la vérité. Tu coules. Tu es possessif et jaloux. Dans
les grandes profondeurs de ton âme, tu murmures des mots d'amour. Tu
es vide de générosité. Tu te tiens droit. Tu manques d'amour. Tu
zozotes. Je ne me sens pas concerné. Tu chantes un air de Noël, tu
voudrais te marier le jour de Noël, un 25 décembre. Tu essaies de
retrouver des souvenirs que tu n'as jamais eus et de t'inventer une
vie, meilleure crois-tu. Lui chuchotes-tu des promesses que tu ne
pourras pas tenir ?
Il
l'accompagne dans ses rêves. Il lui tient la main et il rentre chez
lui. Il l'attend devant un grand magasin et il vient embrasser sa
mère. Il dit qu'elle a bon goût et il prend sa mère par le bras,
et son père pour les conduire au salon. Il marmonne vaguement des
compliments. Il se tient debout parmi les siens, ses parents. Il
balbutie un remerciement. Il leur demande pardon. Il s'avance à
tâtons. Il leur restitue leur mort (ils sont morts tous les deux
dans un accident de voiture peu après sa naissance). Il lui
emprunte un mouchoir. Il a froid. Il pleure. C'est un secret.
Elle
cherche sa douceur. Elle va se blottir dans ses bras. Elle vient y
trouver le sommeil.
-
Quelle est la date de ton anniversaire, déjà ?
Du
fond d'un demi-sommeil elle murmure blottie contre son épaule, ils
sont tous les deux allongés sous la couette.
-
Je suis né un 24 décembre.
Elle
décide de faire son bonheur. Elle fait comme si. Elle a chaud. Elle
voudrait s'unir à lui un 25 décembre. Elle retourne dans sa tête
comment on fait pour tomber amoureuse. D'abord enterrer la hache de
guerre. Puis décrypter les sentiments. Tous les sentiments. Les
siens (à elle). Puis les siens (à lui) . Elle se
dit que cela sera facile. Elle pourchassera d'abord ses démons. Puis
elle ira voler quelques sentiments. Elle le dupera. Elle est jolie.
Elle le convoitera ouvertement. Elle fait la liste des actions et des
enchaînements à venir.
On
a peur. On tremble de tous nos membres. On assoit nos sensations
avant qu'elles ne prennent de l'ampleur. On les fixe et on se fige.
On est terrifié par la tournure des événements. On se dit que ce
n'est pas possible. Que cela ne peut pas être vrai. Que l'on nous
ment. Que l'on se ment. On a engendré un monstre de froideur. On se
dit que l'on n'a pas fait exprès. On pense que cela passera. Qu'elle
se réchauffera. Qu'il la changera. Qu'ils formeront un beau couple.
Qu'ils feront de beaux enfants. Qu'ils s'occuperont bien de nous, une
fois entrés dans la vieillesse et la fatigue. On a tort. On le sait.
On n'y peut rien.
Nous
approuvons. Totalement. Nous sommes entiers. Ou rien. Peut-être bien
sommes-nous tout et rien. Tout ou rien, non. Rien du tout. Ce n'est
rien. Rien du tout. Nous filons doux. Nous répliquons à tour de
bras. Je suis orphelin, tu es une jolie fille sans cœur, on va nous
abandonner sur le seuil de la vieillesse, il est ambitieux, elle aime
la vie et elle aime qu'on l'aime, elle (pas la vie). Nous
mettons les petits plats dans les grands, c'est la veille de Noël.
Puis nous allons tous nous coucher, nous sommes ronds saouls bourrés
enivrés.
Vous,
les autres, les invités, la famille, la belle-famille. Vous êtes
partis. Vers les deux heures, au cœur de la nuit. Où est l'esprit
de Noël ? Il vous accompagne jusqu'aux voitures sombres, des
berlines garées en contre-bas. Où en êtes-vous ? Vous leur
tenez le bras, vous bassinez les enfants de moult conseils. « Ferme
ton manteau, tu vas attraper froid », « Mets ton
bonnet », « Ne cours pas ! », « Ne
marche pas si vite, tu vas glisser ». Vous sortez les
trousseaux de clefs. Vous vous engouffrez dans les berlines sombres
et glaciales. Vous démarrez les voitures et vous partez.
Ils
posent un regard tendre sur la soirée qui vient de se dérouler. Ils
disent bonsoir à leurs femmes qui montent se coucher. Ils restent
assis dans le salon. Ils partagent la même sensation. Ils ont le
sentiment d'avoir réussi.
Ils
montent se coucher à leur tour. Ils ont le dos voûté. Ils ont des
cernes sous les yeux. Ils sourient. Ils ont rajeuni. Ils ont gagné.
Une année. Ils s'endorment le sourire de la victoire aux lèvres.
Elles sont blotties dans leurs bras, bien au chaud. Ils ne font pas
de rêves. Ils ne rêvent plus. Ils sont là. Juste là. Vivants.
Encore vivants. Grand-père et grand-mère. Tous les grands-pères et
toutes les grands-mères... Ils posent tous en même temps un baiser
sur le front qui repose à côté d'eux. Elles y répondent toutes
d'un seul soupir de contentement. De paix.
Elles
ont peut d'avoir raté la bûche, une fois encore. Elles ont un
sentiment d'inutilité dans la bouche. Elles sont fières de leurs
filles. De bonnes ménagères, d'endurantes travailleuses, de jolies
filles. Elle se perdent en un rêve de mariage. Le leur revient les
hanter. Un si joli rêve posé sur une nappe blanche. Elles font le
même rêve chaque 24 décembre. Du blanc et de la mousseline, de la
légèreté, de la crème et de l'argent. Elles disent non au
malheur. Elles sont vigilantes. Elles comprennent que l'on puisse
aimer le malheur. Elles ne comprennent pas que l'on puisse aimer le
nourrir. Elles veillent sur leurs trésors, biens matériels et
immatériels. Elles ont chaud.
Je
me renfrogne. Tu es lourde. Mon bras est douloureux. Il suit sa
logique. Elle a la langue bien pendue.
*
[la
suite mardi
prochain...]
*
Née
dans les années soixante à Paris, Claude Gontren-Fée est
retraitée. Elle écrit des nouvelles pour le plaisir d'écrire. Elle
aime la poésie de la Renaissance française (Louise Labé, Pernette
du Guillet, etc.), ainsi que les romans policiers contemporains et
scandinaves. De son propre aveu, elle est très gourmande, elle aime
la plupart des pâtisseries,
surtout le Paris-Brest, un
gâteau rond en pâte à chou saupoudré d'amandes.
Elle n'aime pas le
temps
gris et les nuages, sauf les nuages blancs.
Numence
–Galerie–Littéraire
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