mardi 25 octobre 2016

L'accumulation ? une énumération, qui peut conduire à l'amplification ou à la conglobation (atelier d'écriture mensuel de La Publiance)

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L a – P U B L i a n c e
ateliers d'écriture et publication
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« Il n'y a pas seulement la moindre espérance de vous apprendre qu'elle vous aime : toutes ses actions, toute sa conduite, tous ses soins, toute sa tristesse, vous le disent assez. »1
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L'ACCUMULATION
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L'accumulation est une énumération des détails d'une description ou d'une argumentation, qui crée un effet de profusion : « Ils entendent tes cris, tes plaintes, les injures dont tu m'accables » (Œuvres complètes (1818), de Jean-François Marmontel). C'est un procédé de développement et de description d'une pensée ou d'une idée, consistant en la répétition de mots ou de groupes de mots appartenant à un même champ lexical, en la réunion d'un grand nombre de détails qui développent l'idée principale, dans une même phrase et un même mouvement oratoire : « Français, Anglais, Lorrains, que la fureur rassemble » (La Henriade (1723), de Voltaire).
C'est aussi une figure de rhétorique par laquelle on accumule dans une période (phrase complexe d'une certaine ampleur dont les membres composants forment une unité rythmique et donnent une impression d'équilibre) un grand nombre de détails qui développent l'idée principale et la rendent plus frappante.
Lorsque l'on est en présence d'une accumulation d'arguments défendant la même thèse, ou d'une accumulation de figures de style utilisées en vue de frapper l'imagination, on parle de conglobation. Dans le cas de la conglobation, l'énumération rapide et serrée des parties d'un objet ou des conséquences d'un fait, et l'enchaînement qui lie alors les idées, produisent un effet de solidité et de consistance que le nom de la figure exprime : « Cet homme est malhonnête : il a volé, il a menti, il a triché, il a tué plusieurs personnes, il en a blessé beaucoup d'autres, il mérite de mourir ; il ne nous reste plus qu'à le condamner à mort ».
Attention à ne pas confondre « l'énumération » en tant que procédé consistant en l'addition (ou l'adjonction) de mots appartenant à une même catégorie lexicale et qui crée un effet de profusion : « Nos enfants, nos amis, nos voisins, tout le monde nous voit faire mauvais ménage » (Œuvres complètes (1818), de Jean-François Marmontel), avec « l'énumération des parties », qui est une figure de rhétorique par laquelle on recense toutes les circonstances d'un fait, d'une action ; où l'on récapitule toutes les preuves contenues dans l'argumentation, avant la conclusion et l'achèvement du discours : la péroraison.
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ÉNUMÉRATION DES PARTIES ET ÉNUMÉRATION
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L'énumération des parties est une figure de rhétorique, qui consiste à énoncer successivement les diverses parties d'un tout, les principales circonstances d'un fait, à décomposer une idée générale et à développer toutes les idées particulières qu'elle renferme. Pour que l'énumération soit irréprochable, il faut qu'elle soit annoncée, c'est-à-dire qu'elle débute par l'idée générale, puis qu'elle soit suivie, c'est-à-dire sans digression, et enfin qu'elle soit complète et terminée, c'est-à-dire que la conclusion ramène l'idée générale.
En poésie, l'énumération des parties peut constituer une amplification spécifique : l'amplification poétique et oratoire :
« Tes yeux ne sont-ils pas tout plein de sa grandeur !
Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée,
Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée,
Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat,
Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ;
Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire,
Et ces lauriers encor témoins de sa victoire ;
Tous ces yeux qu'on voyait venir de toutes parts
Confondre sur lui seul leurs avides regards ;
Ce port majestueux, cette douce présence ;
Ciel ! avec quel respect et quelle complaisance
Tous les cœurs en secret l'assuraient de leur foi »
(Bérénice (1670), de Jean Racine).
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LES AMPLIFICATIONS
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Comme figure de rhétorique, l'amplification désigne une manière de parler qui agrandit les objets ou qui les diminue ; par amplification dite « directe », on obtient une hyperbole, par amplification « indirecte ou atténuante », on obtient une litote. L'orateur qui accuse, pratique volontiers l'exagération et il utilisera plutôt l'amplification hyperbolique, tandis que l'amplification atténuante sera utilisée par le défenseur. Parmi les auteurs dramatiques, on constate que Pierre Corneille dans Le Cid (1636) ou dans Horace (1640), pratique davantage l'amplification qui exagère, tandis que Jean Racine dans Phèdre (1677), excelle dans l'amplification qui atténue.
Dans le langage ordinaire en France et au XIXe siècle, l'amplification n'est plus une simple figure de rhétorique, mais le développement complet d'une pensée, l'exécution entière d'un tableau, le récit détaillé d'un événement, la description d'un objet, d'une scène sous tous leurs aspects. La pensée utilise alors toutes les figures de style à sa portée pour détailler, pour développer, pour exprimer l'image ou l'idée de la manière la plus complète ou la plus vivante qui soit.
Il y avait chez les anciens auteurs grecs et latins, une sorte particulière d'amplification, inventée par les rhéteurs pour préparer les jeunes gens à l'improvisation oratoire : la déclamation, ou l'amplification oratoire. Celle-ci ne désigne pas seulement l'application des procédés ordinaires de l'amplification à toutes les parties du discours, surtout à la confirmation et à la péroraison ; elle désigne spécialement les développements et les preuves supplémentaires que donne l'orateur quand le sujet paraît achevé, lorsque la cause semble gagnée et la démonstration complète.
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Note
1. Extrait de : Lettre au comte de Grignan, Paris, vendredi 15 août 1670, dans : Lettres choisies de madame de Sévigné, Paris, L. Hachette, 1870, p. 50.
Grignan est un chef-lieu de canton de la Drôme, en Rhône-Alpes, dont le comte épousa en 1669 la fille de la marquise de Sévigné ; ce fut aussi à Grignan que mourut en 1696 et fut enterrée madame de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de, née en 1626).
Épistolière française très cultivée, enjouée et douée pour la vie mondaine, Marie de Rabutin-Chantal avait épousé en 1644 le marquis de Sévigné, qui fut tué en duel en 1651. Veuve à vingt-cinq ans, elle entrecoupa sa vie retirée aux Rochers en Bretagne, de séjours à Paris où elle fréquentait la cour et des salons comme celui de madame de La Fayette. On lui doit une vaste correspondance ; ces Lettres seront éditées en 1726 après sa mort, et seront considérées par Marcel Proust comme de véritables chefs-d’œuvre.
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Consigne : trouver une énumération d'adjectifs, ou une énumération de noms, qui serviront à annoncer une nouvelle vraiment extraordinaire.
Cela pourrait donner cette lettre datée du lundi 15 décembre 1670, écrite par madame de Sévigné à Coulanges (Emmanuel de Coulanges était le cousin germain de madame de Sévigné, et ce jour-là, il était à Lyon avec sa femme chez l'intendant [de Flandre] Du Gué-Bagnols, son beau-père). Cette lettre est extraite de : Lettres choisies de madame de Sévigné, Paris, L. Hachette, 1870, pp. 52-53 :
« Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie : enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste ; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon) ; une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche et qui ne sera peut-être pas faite lundi.
Je ne puis me résoudre à la dire ; devinez-la : je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens ? Eh bien ! il faut donc vous la dire : M. de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent.
Madame de Coulanges dit :
- Voilà qui est bien difficile à deviner ; c'est Mme de la Vallière.
- Point du tout, Madame.
- C'est donc Mlle de Retz ?
- Point du tout, vous êtes bien provinciale.
- Vraiment nous sommes bien bêtes, dites-vous, c'est Mlle Colbert.
- Encore moins.
- C'est assurément Mlle de Créquy.
- Vous n'y êtes pas. Il faut donc à la fin vous le dire : il épouse, dimanche, au Louvre, avec la permission du Roi, Mademoiselle, Mademoiselle de... Mademoiselle..., devinez le nom : il épouse Mademoiselle, ma foi ! par ma foi ! ma foi jurée ! Mademoiselle, la grande Mademoiselle ; Mademoiselle, fille de feu Monsieur [Gaston duc d'Orléans, frère de Louis XIII, mort en 1660] ; Mademoiselle, petite-fille de Henri IV ; Mademoiselle d'Eu, Mademoiselle de Dombes, Mademoiselle de Montpensier, Mademoiselle d'Orléans ; Mademoiselle, cousine germaine du Roi ; Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur. Voilà un beau sujet de discourir. Si vous criez, si vous êtes hors de vous-même, si vous dites que nous avons menti, que cela est faux, qu'on se moque de vous, que voilà une belle raillerie, que cela est bien fade à imaginer ; si enfin vous nous dites des injures : nous trouverons que vous avez raison ; nous en avons fait autant que vous.
Adieu : les lettres qui seront portées par cet ordinaire [un gentilhomme ordinaire du roi chargé de porter ses ordres et ses volontés aux parlements et aux provinces, nommé plus simplement « un ordinaire »] vous feront voir si nous disons vrai ou non. »
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
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Bibliographie
DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 6, 109 et 182.
Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 1, p. 107 et 475, t. 2, p. 444, t. 3, p. 40.
Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.
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