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L a P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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Atelier d'écriture n° 38
J'emporte un mot-valise, tu crées un néologisme,
il (elle) fait un calembour
Le mot-valise, le néologisme et le calembour sont trois notions très proches, qu'il ne faut cependant pas confondre. Tandis que le mot-valise (notion qui apparaît en 1953) est un « mot composé d'éléments non signifiants de deux ou plusieurs mots », le néologisme (mot apparu en 1735) quant à lui, est un « mot nouveau ou un sens nouveau donné à un mot ancien » ; Quant au calembour (mot attesté en 1768), il s'agit d'un « jeu de mots fondé soit sur une similitude de sons recouvrant une différence de sens, soit sur des mots pris à double sens ».
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Le mot-valise : expression créée en 1953 par G. Ferdière pour traduire le « portmanteau word » (en anglais) de Lewis Carroll. La formation de mots-valises est très productive en américain, par exemple : motor (car) et hotel (en anglais) donnent motel.
Le mot-valise désigne un « composé formé avec un élément (syllabe, initiale...) prélevé à plusieurs mots ». Par exemple : Borgiaque, de Beckett, est formé de Borgia et de orgiaque ; Amphibiguïté, de Ponge, est composé de amphibie et de ambiguïté ; Un malentendur : c'est un malentendu qui dure (toujours trop longtemps), composé de malentendu et de durer ; Un bachelièvre est un bachelier rapide et rusé, et est composé de bachelier et de lièvre.
On parle aussi de mot-forgé ou de forgerie ; Toutefois, le mot-forgé étant un mot dont le signifiant (le sens) est inventé par l'auteur, il peut être complètement incompréhensible et désorienter le lecteur, par exemple : un scabitor a pitelé les dréfales, peut faire penser - ou pas - à : un scribe a perdu les pédales, ou, un scarabée a parlé d'un désastre, etc. Les effets de l'emploi d'un mot-forgé sont le dépaysement, l'impression de gratuité, la fantaisie cocasse, la poésie et la musicalité.
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Néologisme est un mot formé de néo- (jeune, récent, neuf) et -logie (théorie, discours, logique), et qui signifiait à l'origine (1734) une « tendance fautive à abuser des mots nouveaux ». « On oppose ainsi vers la fin du XVIIIe siècle la création nécessaire de modes d'expression nouveaux (la néologie) et l'abus des nouveautés par rapport à la norme (le néologisme) ». Encore aujourd'hui, on utilise la valeur péjorative du mot pour exprimer son sentiment face à un emploi immodéré de mots nouveaux et de notions nouvelles. « Au XIXe siècle, le mot néologisme entre dans le vocabulaire de la linguistique avec une valeur objective : mot, locution récemment attesté ».
Les néologismes sont rendus nécessaires par les progrès des sciences et des techniques, par les nombreuses innovations technologiques, et par les appropriations culturelles des différentes générations. Ainsi, le lecteur de CD a remplacé le tourne-disque, le CD a remplacé le disque-compact, sont apparus : le cyberespace, le e-commerce, etc.
Il est intéressant de noter qu'au sens strict, le mot-valise n'est pas un néologisme, dans la mesure où le mot n'est pas attesté ; et pourtant, d'une manière générale, on considère le mot-valise comme un néologisme, dans la mesure où l'un comme l'autre sont des inventions, obtenues par déformation, dérivation, composition ou emprunt.
Par ailleurs, un néologisme est aussi un mot en général ancien et tombé en désuétude, employé avec un sens nouveau. Par exemple : « l'extravagante priapée des gratte-ciel » (J. Gracq). La priapée est le nom féminin donnée à une pièce de poésie licencieuse ; Dans la mythologie gréco-romaine, Priape était le dieu des jardins et de l'amour physique. Ou encore : « Il va nous mésarriver quelque chose » (Georges Hyvernaud), le verbe mésarriver, ou mésavenir, ou bien mésadvenir, signifie arriver malheur, et n'est plus guère employé. L'auteur sous-entend qu'il va arriver quelque chose de négatif et de malheureux.
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Un calembour est un « jeu de mots fondé soit sur une similitude de sons, homophonie, recouvrant une différence de sens, équivoque ou double-sens, ambigu, soit sur des mots pris à double sens ».
On le construit par substitution de phonèmes (sons), ou par homonymie (mots phonétiquement identiques mais de sens différents), ou par homophonie (phrases phonétiquement identiques mais de sens différents), ou en exploitant la polysémie (plusieurs sens) de certains mots.
Le calembour construit par substitution de phonèmes : on l'obtient en substituant à un ou plusieurs sons d'un mot un ou plusieurs autres sons. Par exemple : « le sacre en poudre » (pour « le sucre en poudre ») ; La substitution du A au U entraîne l'apparition d'un nouveau mot et d'une nouvelle phrase : connotations du mot sacre : « un sacre en poudre » est un sacre peu réussi, qui part en poussière.
Parfois, ce mécanisme introduit un néologisme. Ainsi, un merdrigal est un madrigal (courte pièce de vers exprimant une pensée ingénieuse et galante) irrévérencieux de L.-P. Fargue.
Le calembour construit par homonymie : par exemple, avec les mots ton et thon, on obtient : changez de thon !, avec pain et pin : il a mangé tout son pin blanc parasol, etc.
Le calembour construit par homophonie est obtenu lorsqu'une suite de phonèmes peut être découpée de deux ou de plusieurs façons, en donnant des énoncés différents. Par exemple : « La gare, c'est là » et « La garce est là », ou encore : « Rien ne m'intéresse » et « Rie, en aimant, Thérèse » (R. Desnos), « Vocalise » et « Le veau qu'a Lise ».
Le calembour produit par la polysémie (plusieurs sens) d'un mot provoque le passage d'une isotopie (ensemble des champs lexicaux et sémantiques qui renvoient à une seule compréhension des ambiguïtés d'un texte, par exemple, l'isotopie « concret » permet de comprendre l'énoncé suivant : « Les Californiens craignent les avocats véreux », comme : « craignent les fruits nommés avocats lorsqu'ils ont des vers », ce ne sont pas les avocats, en tant que personne, qui ont des vers, mais bien les fruits) à une autre isotopie. Par exemple : « On a volé tes sabots ? - Oui, c'est le cheval ! ».
Les calembours ont comme effets : la rupture isotopique (par le passage d'un univers à un autre, d'un secteur du réel à un autre) ; et la rupture comique, car très souvent, la rupture isotopique entraîne le rire et l'humour.
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À suivre, 3 consignes pour s'entraîner à former des mots-valises, des néologismes et des calembours.
1. La première consigne est la suivante : créer des mots-valises avec les mots suivants, ou avec d'autres piochés dans le dictionnaire (pour plus de facilité, choisir des mots qui possèdent la même syllabe de fin que la syllabe de début d'autres mots, par exemple : déranger et gérer) :
Idéaliser, désir, réaliser, idéaliste, réalité, listing, idée, déformer, déranger, geste, gérer, défait, idéal, idéalement, mensonge, émanciper, mangue, idéation, corruption, irruption, action, idéel, élever, élégiaque, élégance, élan, idiot, idole, idylle, idiotie, dolent, doléance, dolosif (= malhonnête), iléite (= inflammation), ilien (= insulaire), illégal, illico, sibyllin (= énigmatique), sieur, signature, similaire, site.
En donner la définition :
Idésiréaliser : réaliser l'idée du désir, avec Idéaliser, Désir et Réaliser.
Un réalisting : liste des réalités, sous forme de listing, avec Réalité et Listing.
Un idéalmensonge : le songe idéalement idéal, ou bien, autrement, le mensonge idéal, celui qui permet de se sortir de toutes les situations cauchemardesques, avec Idéal et Mensonge, ou bien avec Idéalement et Songe.
Dérangérer : gérer le dérangement en dérangeant le gestionnaire, avec Déranger et Gérer.
Une idéaction : directement de l'idée à l'action, avec Idée et Action.
Un Sibylleur : c'est un Sieur sibyllin, un type énigmatique, une personne mystérieuse, avec Sieur et Sibyllin.
Un dolosignataire, une dolosignature : une signature malhonnête, un signataire mal-intentionné, avec Dolosif et Signataire, ou Signature.
Puis former une courte phrase contenant chacune un mot-valise. Enfin, constituer un texte qui ait un sens poétique et/ou humoristique :
Je m'étire et je pousse un profond soupir. Je suis content. Je viens de finir de saisir mon réalisting sur l'ordinateur. C'était un vieux rêve que je venais d'idésiréaliser. Jusqu'à présent, j'avais été sans cesse dérangéré, moi, le gestionnaire de la boîte. Une idéaction simple et rapide : j'avais déballé un idéalmensonge à ma direction, qui avait tout gobé, jusqu'à m'accorder un mois de congé. L'idéal ! Rien ne m'avait empêché de jouer au dolosignataire, même pas le Sibylleur envoyé par la direction, qui m'avait tendu sans paroles ni gestes inutiles le réalisting : j'avais contrefait ma propre signature, pour renforcer mon idéalmensonge.
2. La deuxième consigne est la suivante : sur l'exemple du texte suivant qui utilise les néologismes baliverneuse, pique-assietter, noctambuler, marchables, inimitée, violonaient et insouciamment, écrire un texte court avec des mots de votre choix que vous aurez néologisé (par exemple : un ronfle-dit-la-vérité - contrairement au ronflement - c'est le silence d'un homme lorsqu'il dort ; un gonflevrai - qui est le contraire de gonflement - est un objet qui reste plat même quand on lui souffle dedans) ; ou en employant des mots inusités tels que : galéjade, calige, caligineux, calintade, bazar, gadin, indigent, etc.
Sortant d'une soirée baliverneuse où j'étais allé pique-assietter, j'ai noctambulé un peu dans les avenues, éminemment marchables, de la grand ville inimitée par le vent. Des morceaux de Bach me violonaient dans la tête et je marchais insouciamment...
3. Exercices pour construite des calembours :
-> transformer ces proverbes en utilisant des calembours par substitution de phonèmes (effets cocasses et poétiques garantis) :
L'appétit vient en mangeant, transformé en : Le petit vient en mangeant,
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée,
Les murs ont des oreilles,
La fortune sourit aux audacieux.
-> créer des calembours par homonymie à partir des homonymes suivants, puis rédiger des phrases en les employant :
pain/pin : Tu iras chercher le pain ! - Un pin à combien de branches ?
coup/cou/coût ; près/pré/prêt ; mère/mer/maire ; paire/père/pair ; verre/vers/vert/ver/vair (fourrure d'une espèce d'écureuil).
-> chercher dans le dictionnaire des mots longs à partir desquels on peut créer des calembours par homophonie :
coulisses : il furetait dans les cous lisses,
éphémère : les fées mères.
-> enfin, créer des calembours par polysémie à partir des mots suivants :
facteur : tout facteur est un homme de lettres (différence de sens entre les Lettres = la littérature, et les lettres = le courrier),
serein : M. de Bièvre disait que le temps était bon à mettre en cage, c'est-à-dire serein (serin = oiseau), in : Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré,
absorber,
toucher,
refaire.
Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie :
> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 12-13, p.26-27.
> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.
> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13e éd.
> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément.
> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 32-35.
> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1278 (mot-valise), p. 1316 (néologisme).
> VOLKOVITCH, Michel. Verbier : herbier verbal. Maurice Nadeau, 2000, p. 25-30.
Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com
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