mardi 9 octobre 2012

Atelier d'écriture de La Publiance


¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤


L a P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . . e n l i g n e . . . . . . . . .


Atelier d'écriture n° 42

La périphrase, ou l'art du détour : j'aime cet insecte qui possède quatre grandes ailes colorées et dont la chenille se métamorphose en chrysalide,
plus directement : j'aime bien les papillons.


La périphrase est « une figure de rhétorique qui consiste à exprimer une notion unique par un groupe de plusieurs mots, à l'aide de circonlocutions autour de la chose exprimée, de détours », par exemple :
« Et le char vaporeux de la reine des ombres... » remplace « la lune » ;
« L'oiseau de Jupiter » utilisé pour « l'aigle » ;
« Les portes du matin », pour « le levant » ;
dans Le chêne et le roseau des Fables de Jean de La Fontaine (1621-1695) : « Celui de qui la tête au ciel était voisine » remplace « le chêne ».

Nuançons l'emploi de la périphrase avec Boileau qui écrivait en 1859 : « Il n'y a rien dont l'usage s'étende plus loin que la périphrase, pourvu qu'on ne la répande pas partout sans choix et sans mesure », Boileau « Œuvres complètes », Longin, Sublime, chap. XXIV. Paris, 1859.

« La règle est que, quand on veut exprimer une même chose par plusieurs périphrases, il faut que les images soient dans une certaine gradation, qu'elles ajoutent successivement les unes aux autres, et que tout ce qu'elles expriment convienne également, non seulement à la chose dont on parle, mais encore à ce qu'on en dit », Condillac, « Œuvres complètes », L'art d'écrire, II, 3, Paris, 1798.

Soyons attentifs aux leçons de Mme de La Fayette, qui écrivait en 1840 : « Périphrase est littéraire et relatif seulement à la forme du discours, au lieu que circonlocution est de la langue commune et se rapporte au sens, aux idées. On se sert de périphrases pour embellir le discours, et de circonlocutions pour adoucir ce qui blesserait, pour écarter des idées désagréables, basses ou peu honnêtes. De plus la périphrase est proprement un terme de rhétorique et un moyen d'ennoblir le discours, de l'orner, de le rendre plus frappant et plus pittoresque », Mme de La Fayette et de Tencin, Œuvres complètes, Paris, 1840, 5 vol.

Au sens propre, la périphrase est une désignation de nature descriptive, par exemple, ce vers d'Alphonse de Lamartine (1790-1869) : « La vie, ce calice mêlé de nectar et de fiel », où la vie est décrite comme un « calice mêlé de nectar et de fiel ».
Elle permet de diminuer une chose insupportable ou désagréable, c'est l'euphémisme (la notion de sa propre mort devient « S'il m'arrivait quelque chose », la maladie : « Une longue et douloureuse maladie » remplace « le cancer », etc.), ou au contraire de magnifier et d'embellir, de sublimer les choses elles-mêmes (on en trouve de nombreux exemples dans les intitulés des plats au restaurant : par exemple cette « Pyramide de rouge poisson sur une macédoine de petits croquants verts » pour désigner une entrée de thon-mayonnaise-haricots verts).
La périphrase est aussi un procédé grammatical, qui consiste à remplacer un mot par un groupe de mots qui le définissent ou l'explicitent, par exemple « la femelle du cheval » pour « jument ». On parle alors de périphrase synonymique.
Elle est aussi pronomination, en personnalisant, par exemple : « L'homme du 18 juin » pour le Général de Gaulle, ou en personnifiant, par exemple : « Le géant des collines » personnifie le chêne selon Lamartine.
Dans tous les cas, la périphrase insiste sur la caractérisation, les qualités des objets ou des êtres.
Attention à ne pas la confondre avec la paraphrase, qui est le « développement explicatif d'un texte. Paraphraser c'est commenter, expliquer, amplifier, éclaircir, imiter ».

Aux époques classiques (Antiquités grecque et latine, et fin XVIe siècle-XVIIsiècle), la périphrase n'est pas gratuite ou ornementale : elle est didactique, comme toute caractérisation alors. Puis elle s'est affectée, de procédé signifiant qu'elle était au début, elle est devenue ensuite un ornement du discours, chez les précieux d'abord, les académiques ensuite. Il y a eu alors une réaction contre elle, et un retour aux noms ou désignations simples, une restauration des signes nus :
« J'ai dit au long fruit d'or : Mais tu n'es qu'une poire !
J'ai dit à la narine : Eh ! Mais tu n'es qu'un nez ! » (Victor Hugo (1802-1885)

Pourquoi faire de longues phrases ?

« Une phrase est un fil, que le point coupe. On aime parfois dérouler le fil, prolonger le suspens, laisser monter la tension, goûter le plaisir de l'attente, la fascination du crescendo, tandis que la phrase peu à peu, telle une montgolfière, se gonfle et s'arrondit jusqu'à l'envol. En fait, si la phrase est longue, c'est avant tout à cause de la réalité, si multiple et changeante, que l'on s'évertue à embrasser d'une seule étreinte. »

Les phrases de Marcel Proust (écrivain français, 1871-1922, Jean Santeuil (1952), Du côté de chez Swann (1913), À l'ombre des jeunes filles en fleur (1919, prix Goncourt), etc., dont l'œuvre est la première à intégrer la réflexion sur l'écriture comme une composante propre de la fiction), sont à ramifications, à tiroirs, à étages, à tournants, à retours, touffues comme des arbres et profondes comme des forêts.

La phrase longue sert aussi à reproduire l'errance compliquée d'un personnage ou un espace labyrinthique.

Selon Claude Simon (écrivain français, 1913-2005, prix Nobel de littérature en 1985, La route des Flandres (1960), Les Géorgiques (1981), etc.), dans L'acacia (1989), elle peut et doit tout décrire :
« ... de sorte que plus tard, quand il essaya de raconter ces choses, il se rendit compte qu'il avait fabriqué au lieu de l'informe, de l'invertébré, une relation d'événements telle qu'un esprit normal (...) pourrait la constituer après coup, à froid, (...) tandis qu'à la vérité cela n'avait ni formes définies, ni noms, ni adjectifs, ni sujets, ni compléments, ni ponctuation (en tout cas pas de points), ni exacte temporalité, ni sens, ni consistance sinon celle, visqueuse, trouble, molle, indécise de ce qui lui parvenait... ».
Remarquer les nombreuses virgules (17 au total) qui articulent la compréhension du sens, les mots-articulations (« de sorte que », « tandis que ») qui permettent à la phrase de rebondir, et l'usage de la répétition (« ni » employé 9 fois) et de l'énumération (4 adjectifs : visqueuse, trouble, molle, indécise) qui caractérisent l'objet, c'est-à-dire la perception incohérente de la réalité par le narrateur.

***

Consignes pour s'entraîner à construire des longues phrases :

1. En utilisant les définitions (Grand Robert de la langue française) des mots suivants : lumière, s'allumer, grandir, jaillir, obscurcissement, s'éteindre, vaciller, mourir, construire des périphrases synonymiques.
Lumière : agent physique capable d'impressionner l'œil, de rendre les choses visibles ; ce par quoi les choses sont éclairées ; traînée, halo, ondes, torrents de lumière aveuglante, brillante, crue, éblouissante, étincelante, vive ; radiations visibles ou invisibles émises par les corps incandescents ou luminescents.
S'allumer : prendre feu, s'enflammer, devenir ardent, brillant, lumineux.
Grandir : devenir plus grand par un processus naturel ou artificiel, ou par un effet d'optique, devenir plus intense.
Jaillir : sortir avec force en formant un jet, se produire avec force, sortir par un mouvement rapide désordonné ou non, pointer brusquement.
Obscurcissement : action d'obscurcir, de priver de lumière, état de ce qui est obscurci, assombri, couvert, brouillé, noirci, troublé, affaibli, éteint.
S'éteindre : cesser de brûler, d'éclairer, étouffer, cesser progressivement, décliner, s'affaiblir, agoniser, expirer, diminuer l'ardeur, l'intensité, faire cesser d'exister, rendre moins vif, adoucir, affaiblir.
Vaciller : être animé de mouvements répétés, alternatifs, être en équilibre instable et risquer de tomber, trembler, être sur le point de s'éteindre, subir des variations, scintiller faiblement, s'affaiblir, se manifester faiblement.
Mourir : cesser de vivre, d'exister, passer dans l'autre monde, passer de vie à trépas, faire le grand voyage, terminer ses jours, rendre l'âme, rendre son dernier souffle, s'endormir du dernier sommeil.

Par exemple, ça peut donner ceci :

La lumière s'allume, grandit et jaillit,

en périphrases synonymiques :

L'agent physique capable d'impressionner l'œil et de rendre les choses visibles, prend feu et se transforme en ardent torrents vifs et étincelants, qui deviennent plus grands par différents processus naturels et artificiels, de plus en plus intenses, pour finir par sortir avec force en différents mouvements rapides et désordonnés, ou non, et pointer brusquement.

2. Puis en reprenant les mêmes mots, créer ses propres périphrases en utilisant un vocabulaire relatif aux perceptions que l'on a des choses désignées par ces mots, c'est-à-dire : la lumière, qui s'allume, qui grandit, qui jaillit, puis ça s'obscurcit, la lumière qui s'éteint, qui vacille, puis meurt.

Tel un papillon phosphorescent, la flamme s'élève et sa lumière, agent physique capable d'impressionner l'œil et de rendre les choses visibles, devient ardente et brillante, d'une intensité croissante, jusqu'à produire avec force mouvements désordonnés et jets scintillants et brillants une onde vive, éblouissante et crue, qui s'épanouit en radiations visibles et invisibles émises par son corps incandescent. Etc.


À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !


Bibliographie :

> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 98-99.

> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol. Vol. 5, p. 498.

> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément. Vol. 5, p. 4628.

> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 97.

> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1481.

> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 33-35, 61.

> VOLKOVITCH, Michel. Verbier : herbier verbal. M. Nadeau, 2000, p. 146.


Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com


L a P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . . e n l i g n e . . . . . . . . .


¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire