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L a P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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Atelier d'écriture n° 50
La dissociation, le télescopage, l'haplologie
et l'inconséquence
La dissociation, le télescopage et l'inconséquence font partie des techniques de rupture sémantiques (de sens), qui permettent de substituer au sens habituel de la phrase celui de la sensibilité ou de l'imagination.
Contrairement aux ruptures syntaxiques (par exemple la syllepse ou l'anacoluthe), elles sont indépendantes de la syntaxe et de l'ordre des mots, et elles concernent la signification des mots et de leurs associations.
Elles permettent de construire des images poétiques plus ou moins accessibles, et de recréer un univers où le merveilleux le dispute au fantastique.
La dissociation, c'est lorsque le thème et le propos sont sémantiquement incompatibles, lorsque ce dont on parle et ce qu'on en dit sont sans relation, lorsque le thème et le propos se référent à des isotopies qui ne sont pas reliées, lorsque ce dont on parle et ce qu'on en dit se référent à des secteurs du réel qui n'ont aucun rapport. Beaucoup d'images surréalistes dont des dissociations.
Par exemple : « La rue nage la brasse », où le thème est « La rue », et le propos « nage la brasse », où « La rue » se réfère à l'isotopie (secteur du réel) « voie publique bordée de maisons, dans une ville ou un bourg, artère, avenue, cours, boulevard, ruelle, impasse, circulation, trottoirs, etc. », et où « nage la brasse » se réfère à l'isotopie « natation, piscine, plage, crawl, dos crawlé, planche, plongeoir, nageur, water-polo, etc. », et où les 2 isotopies n'ont aucun lien, est une dissociation.
Il est cependant possible d'annuler cette dissociation en évoquant le thème de « La rue » dans un contexte d'inondation, et où le propos est de faire sentir que le niveau d'eau atteint par l'inondation de la rue est tel qu'il permet de nager la brasse, empêchant par là-même les piétons d'emprunter la rue de manière normale et ordinaire, c'est-à-dire en marchant. Dès lors, l'image devient pertinente, la dissociation n'a plus lieu d'être puisque le thème et le propos sont sémantiquement compatibles.
La phrase « La rue serpente entre les façades colorées » n'est pas une dissociation dans la mesure où l'isotopie du thème « La rue » est liée sémantiquement (par le sens) à l'isotopie du propos « serpente entre les façades colorées ».
L'inconséquence, c'est lorsqu'on relie 2 idées en se référant à des isotopies (secteurs du réel) très éloignées.
Dans l'exemple suivant : « Elle saute à la corde tout en joignant les deux bouts », on a relié l'idée « Elle saute à la corde » avec l'idée « Joindre les deux bouts» dans un jeu de mots rapprochant les deux sens « le bout de la corde » et « les deux bouts » (= la fin du mois et le début du mois suivant), alors que ces 2 idées font appel à des réalités très éloignées.
L'écart entre 2 isotopies peut être minoré ou au contraire majoré selon que l'on choisit d'associer telle idée avec telle autre. Dans cet exemple, on peut éventuellement comprendre que « sauter à la corde » permet de « joindre les deux bouts », dans la mesure où le saut à la corde est une activité rémunérée et non plus un jeu d'enfant.
L'écart est encore plus important dans l'exemple suivant : « Elle saute à la corde et son feuillage bruisse dans le vent », où l'isotopie Elle saute à la corde / être humain, jeu, jeunesse, etc., et l'isotopie Le feuillage bruisse dans le vent / arbre, végétal, branches, feuilles, vent, air, musique, bruit, etc., sont totalement différentes et très éloignées. Leur rapprochement se fait poétiquement grâce aux métaphores : chevelure / feuillage, action de sauter / création d'un mouvement de l'air, mouvement des cheveux / mouvement des feuilles dans le vent, être humain / arbre.
Le télescopage est une sorte de syllepse sémantique (par exemple : « Elle saute le pas en sautant par-dessus la haie ») : on utilise la polysémie d'un mot (plusieurs sens possibles) pour contracter deux phrases en une seule.
Exemple : « L'enfant ne comprend pas un piètre-mot à toutes ces homélies mélo », où homélies-mélo = homélies + méli-mélo + mélodramatique.
On peut procéder aussi par haplologie. L'haplologie, c'est le fait de n'énoncer que l'une des deux syllabes semblables d'un mot ou de deux mots successifs (hapLOgie pour hapLOLOgie, tragi-COmique pour tragiCO-COmique, morPHOnologie pour morPHOPHOnologie).
Par exemple : « Il a souri brièvementant avec ses yeux », où l'on a contracté les deux phrases suivantes : « Il a souri brièvement » et « Mentant avec ses yeux » par brièvementant = brièvement + mentant.
Attention de ne pas confondre les notions de télescopage et d'haplologie avec les notions de mot-valise (ou mot-portemanteau), et de mot-forgé (ou néologisme). Les notions de télescopage et d'haplologie concernent une phrase et sa signification, tandis que les notions de mot-valise (ou mot-portemanteau), et de mot-forgé (ou néologisme) concernent la formation de nouveaux mots. Le mot-valise et le mot-forgé ont été abordés lors de l'Atelier n° 38, en septembre.
Consigne : construire des images poétiques en utilisant dans la même phrase ou dans des phrases successives :
- la dissociation (lorsque dans une phrase le sens du sujet et celui du verbe sont sans rapport),
- l'inconséquence (lorsqu'on relie 2 idées malgré tout très éloignées),
- le télescopage (lorsqu'on utilise la polysémie d'un mot pour contracter 2 phrases en une seule),
- et l'haplologie (lorsqu'on relie 2 mots dont la syllabe de fin de l'un est la même que la syllabe de début de l'autre).
Cela peut donner ceci, avec : culture de la terre et des plantes, jardin / intellectuelle, et tomber / perdre l'équilibre.
On a cultivé de nombreux champs sans tomber à l'eau.
Ma culture générale est très étendue, je ne perds jamais l'équilibre.
Ils cultivent de nombreuses plantes aromatiques comme ils cultivent leur mémoire : en recyclant tout.
Des jardins en jachères très arides de vieillesse à cause d'une pratique intensive de la lecture.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes et stylos !
Bibliographie :
> DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 477.
> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13e éd., p. 234.
> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 102.
Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com
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