jeudi 10 janvier 2013

Biographie, autobiographie : atelier d'écriture de La Publiance n° 2



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L a - P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 2



Biographie, autobiographie : la part de projection, la part d'interprétation, la part du vrai et du faux



« L'autobiographie, qui paraît au premier abord le plus sincère de tous les genres, en est peut-être le plus faux. »

Extrait de : Flaubert (p. 82) d'Albert Thibaudet (1874-1936), critique littéraire français, auteur d'une Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (1936).



L'autobiographie est le récit qu'un « je » fait de sa propre existence : le narrateur (celui qui raconte) est le même que le personnage principal et que l'auteur (celui qui signe l'ouvrage).

Dès lors que ces trois entités se confondent dans un même récit, comment faire la part du vrai et du faux, comment rendre compte ou comment ne pas rendre compte des projections de l'auteur (par exemple dans des surajouts de caractérisation ou par des caractérisations fictives), et enfin est-il possible - est-ce seulement souhaitable ? - de faire la part entre l'interprétation et le fait réel ? Dans le retour en arrière et le retour sur soi, rien n'est plus mouvant et faillible que le souvenir, c'est ce qui rend l'exercice de l'autobiographie si périlleux. L'exercice peut alors devenir étude, le jeu devient travail, le je devient actif.



« Pour moi chaque voyage important amorce une mue en profondeur. Alain Bosquet [écrivain français, 1919-1998] a senti cela quand il a écrit que chez moi l'autobiologie prenait le pas sur l'autobiographie. »

Extrait de : Le Vent Paraclet [autobiographie intellectuelle autant qu'« essai d'esthétique littéraire »] (p. 269) de Michel Tournier (1924-) auteur de Vendredi ou les Limbes du Pacifique, prix Goncourt en 1970 avec Le Roi des aulnes.



La perspective rétrospective du récit et l'identité entre l'auteur, le narrateur et le personnage principal sont les deux marques qui permettent d'opposer l'autobiographie aux genres qui lui sont proches : la biographie (le personnage est réel et différencié du narrateur qui adopte le rôle de critique), le roman autobiographique (le héros peut ne pas être le narrateur), l'essai (la linéarité chronologique n'est pas respectée), le journal intime (le récit qui peut se faire au jour le jour ou d'une manière discontinue, suppose la confidentialité), les mémoires (dans cette rencontre d'un sujet avec l'Histoire, l'accent est davantage mis sur le récit des événements historiques que sur ceux de la vie individuelle).



« Les nouvelles lettres de Balzac offrent, ce me semble, un vif intérêt ; avec beaucoup de détails autobiographiques, on y trouvera de curieux renseignements sur une foule d'écrivains français ou étrangers. »

Extrait de l'avertissement de : Lettres inédites de Balzac (p. 6) de Philippe Tamizey de Larroque (historien, érudit et éditeur, 1828-1898), publié à Paris en 1873.



Le nom féminin biographie, attesté en 1721, est directement emprunté au grec tardif biographia (vers 500), tout comme l'anglais biography. Le mot désigne le fait d'écrire une vie et le récit d'une vie, un ouvrage portant sur la vie d'une personne et le genre littéraire que constitue ce type de récit. Ce genre, qui existe depuis l'antiquité gréco-latine (Suétone, biographe latin, 70-128, auteur des Vies des douze Césars et du De viris illustribus), Plutarque (biographe et moraliste grec, 46 ou 49-125, auteur de Vies parallèles, et de Œuvres morales), est illustré en France d'abord par les vies de saints, et depuis la Renaissance, d'artistes, de savants, de personnages historiques.

Dénommé en Angleterre vers la fin du XVIIe siècle avec Biography (1683) de John Dryden (auteur dramatique et essayiste anglais, 1631-1700) et en français au XVIIIe siècle, le genre devient encyclopédique et universel au XIXe siècle (1811, début de la Biographie universelle ancienne et moderne de Louis Gabriel Michaud, 1773-1858) en même temps que l'intérêt se porte moins sur la rhétorique sociale et plus sur l'individu, avec le romantisme.

Le nom féminin autobiographie semble emprunté à l'anglais ; il apparaît au sens actuel dans un texte écrit en 1809 par Robert Southey (poète britannique, 1774-1843). Le mot a signifié aussi en français « biographie manuscrite », sens rapidement disparu.

La valeur moderne, illustrée dès le XVIIIe siècle par les Confessions de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), se développe avec le romantisme. De nos jours, le genre est commenté dans la mesure où il met en cause le rapport de l'énonciateur à son énoncé, du narrateur au récit.



L'autobiographe est uni à son lecteur par un « pacte autobiographique » (la formule est de Philippe Lejeune, 1938-) qui consiste à affirmer que l'auteur est le héros de son récit. Dans le cas des Confessions (1770), ce pacte se double de la promesse de dire toute la vérité même si, dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1778), Rousseau avoue avoir comblé les défauts de sa mémoire par l'imagination et avoir embelli certains événements de sa vie.



Plusieurs raisons poussent les écrivains à raconter l'histoire de leur vie : pour Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), qui fait dépendre son existence de la vérité, il s'agit de répondre aux accusations de ses ennemis en présentant sa défense devant le tribunal de ses lecteurs et celui de Dieu. Pour Ernest Renan (1823-1892), il faut « transmettre aux autres la théorie de l'univers que l'on porte en soi », comme il l'affirme dans la préface des Souvenirs d'enfance et de jeunesse. D'autres avouent vouloir mieux se connaître en explorant avec nostalgie leur passé : par l'écriture, ils font revivre des êtres et des moments à jamais disparus. Mais le passé peut faire l'objet d'un regard critique, afin de chercher à expliquer la formation d'une personnalité et d'une vocation ; c'est l'attitude que Jean-Paul Sartre (1905-1980) adopte dans Les Mots : « Pas de promiscuité surtout ; je tiens mon passé à distance. »



Nous cherchons partout le moi, alors qu'au fond l'art ne commence que quand le moi finit. Là précisément, très souvent, est l'essentiel du style. Mais il est difficile d'admettre l'abstraction du texte, de ne pas faire sur lui des projections empathiques, sentimentales, émotionnelles ; Il est difficile de ne pas chercher l'humain.



Consigne : décrire l'état émotionnel dans lequel on est ou par lequel on vient de passer. Cela peut être la tristesse, ou la joie, la satisfaction, la mélancolie, l'inquiétude, le stress, le bonheur, l'incertitude, etc. Puis décrire un souvenir précis, un fait auquel on a assisté, quelque chose qui nous est arrivé, une image du passé, sans rapport avec l'état émotionnel décrit précédemment. Enfin relier les deux descriptions par deux ou trois phrases dans une relation de cause à effet ou d'empathie, comme si les deux réalités avaient été réellement liées. Puis nommer l'émotion réellement vécue et utiliser « En réalité » dans la phrase de fin. Utiliser le « je » tout le long du récit.



Par exemple, avec la satisfaction comme état émotionnel, et comme souvenir, la scène d'une altercation entre deux personnes.



La satisfaction.

Il est 18 heures, je prends mon manteau et mon sac de sport, je ferme la porte du bureau à clé, je dévale les escaliers deux par deux et je me retrouve dans la rue bondée, assaillie par les klaxons rageurs des voitures immobilisées par une camionnette de livraison. Quelle idée de faire ses livraisons en fin d'après-midi, pile à la sortie des bureaux ! Je souris car je suis à pied, donc pas d'embouteillage pour moi. De plus, ma journée au travail a été extrêmement fructueuse : trois contrats bouclés en moins de six heures. C'est un record, que je compte fêter au restaurant avec mon voisin de palier. Je l'appelle, il est d'accord, on convient de se retrouver à vingt heures au restaurant Le Célestin. Je range mon portable dans mon sac et j'allonge mon pas. Je me sens légère, aérienne, euphorique, prête pour une heure de fitness. Je suis entièrement satisfaite, satisfaite de moi, satisfaite de mon travail, satisfaite de ma vie.



Le souvenir.

Il y a quelques jours, j'étais en bas d'un immeuble devant l'interphone, et je cherchais l'étage du bureau de l'organisme où je devais me rendre. Rez-de-chaussée. J'ai sonné, la porte s'est entrouverte et je suis entrée. En arrivant devant la porte en bois massif avec à droite la sonnette et son petit macaron au logo de l'organisme, j'ai entendu une violente dispute retentir dans l'escalier, à l'étage au-dessus. « Je n'irai pas » criait la femme, « Tu es obligée » hurlait l'homme, « Jamais de la vie, plutôt mourir » gémissait la femme, « Il ne t'arrivera rien, je t'assure » clamait l'homme, « Non, jamais de la vie » piaillait la femme en répétant toujours la même chose. « Tu vas y aller, ou bien... » grondait l'homme, « Ne me force pas, tu n'as pas le droit... » s'exclamait la femme. Je me suis immobilisée devant la porte durant quelques secondes, hésitante et incertaine, puis une petite fille est arrivée dans le hall et j'ai poussé de toutes mes forces la lourde porte de bois massif qui s'est aussitôt refermée sur la petite fille qui regardait dans ma direction, et sur les cris assourdis qui continuaient à résonner dans la cage d'escalier de l'immeuble.



Le lien entre la satisfaction et la dispute.

Je suis très satisfaite de ne pas m'être retrouvée au milieu de cette dispute, de ne pas avoir eu à monter un étage et de ne pas avoir eu à traverser un espace rempli de cris, de hurlements et d'éclats de voix.



L'émotion réellement vécue.

En réalité, j'ai débord été intriguée par la dispute, puis curieuse car je ne comprenais pas quelle en était le sujet, puis choquée et apeurée par l'agressivité et la violence qui se dégageaient des voix. En réalité plusieurs émotions se sont succédées en quelques secondes.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 86.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t. 1, p. 371.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 223.



> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiche 15.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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