mardi 22 janvier 2013

Le temps et la narration : atelier d'écriture n° 4 de La Publiance


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L a - P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 4



Le temps et la narration



De la fiction à la narration :



Le texte narratif raconte une suite d'événements, réels ou imaginés, qui constituent une fiction.

Le passage de la fiction à sa narration implique une grande maîtrise de l'organisation interne du texte et des moyens stylistiques :

> l'ordre narratif (structure linéaire ou non, avec moments forts, coups de théâtre et ellipses ; commencer un récit avec une accroche, le finir sur un dénouement ; enrichissement de la narration avec des descriptions, des portraits, des dialogues et des réflexions),

> quelles relations entretient le narrateur avec l'auteur et les personnages ? Qui raconte ? Dans les récits autobiographiques, le narrateur est à la fois l'auteur et le héros du récit ; dans le récit de témoignage, le narrateur est le héros et l'auteur n'est qu'un simple scribe ; dans la plupart des récits où les pronoms il et elle prédominent, le narrateur est l'auteur, et ce dernier confie ses réflexions en utilisant le pronom je ; lorsque le narrateur est l'un des personnages du récit, l'auteur laisse la parole à ce personnage qui raconte de son point de vue,

> la focalisation, ou point de vue du narrateur, peut être large (c'est le point de vue d'un narrateur omniprésent à qui rien n'échappe), fragmentaire (c'est le point de vue d'un narrateur qui découvre graduellement les choses), ou sélective (le narrateur livre une approche subjective),

> les moyens stylistiques : le choix des mots (importance des verbes d'action et des adverbes de temps, du vocabulaire de la caractérisation et du temps) ; les écarts de style (utilisation fréquentes de métaphores et de métonymies, emploi d'atténuations comme la litote, le style dépouillé, l'hyperbole) ; les combinaisons de mots et les phrases (emploi de phrases courtes ou longues, simples, composées ou complexes, qu'il faut adapter à la situation ; utilisation fréquente de l'ellipse).



Qu'est-ce que la narration ?



Le texte narratif relate des faits situés dans le temps. Ordre des événements, moment et durée de l'action déterminent le temps de l'histoire. Le récit se déploie dans des mots, des phrases, des chapitres qui constituent le temps de la narration. Le rapport entre ces deux temps, le temps de l'histoire et le temps de la narration, révèle les choix du narrateur. Le narrateur peut envisager quatre chronologies différentes :

> la narration ultérieure, qui situe le récit dans le passé (c'est le cas le plus fréquent, on parle de récit rétrospectif). La distance entre le moment de l'histoire et celui de la narration peut être très variable, de quelques heures, ou quelques jours, à plusieurs années,

> la narration antérieure, qui situe le récit dans le futur (par exemple pour présenter des prophéties ou des rêves prémonitoires),

> la narration simultanée, qui tend à se situer le plus près possible du déroulement des événements de l'histoire. Par exemple, la première partie de L'Étranger d'Albert Camus (écrivain français, 1913-1960),

> la narration intercalée, faite entre les moments de l'action. Par exemple, le roman épistolaire ou le journal intime.



Les temps de la narration :



> le présent est utilisé lorsque le narrateur se réfère au moment de l'énonciation, ou lorsque l'histoire a lieu au moment où on la raconte, et dans les dialogues ; on parle de présent historique (ou narratif) lorsqu'on a l'impression que le fait, quoique passé, se produit au moment où l'on parle,



> le présent historique peut se trouver associé à un temps passé, soit que l'on passe de celui-ci (le passé simple, par exemple) à celui-là pour donner au récit une vivacité particulière (par exemple : « Il me raconta [passé simple] comment cela arriva. « Je cours, je saute, je tombe mal, je me foule la cheville [4 verbes au présent], une histoire idiote en somme ! »),

soit que le présent exprime les faits essentiels et le passé (l'imparfait notamment, conformément à son rôle habituel) les descriptions, les faits accessoires, les explications (par exemple : « Je REGARDAIS [imparfait de description] avec inquiétude les oiseaux qui PRENAIENT leur envol. Soudain, un chant semblable à une harmonie céleste SORT [présent historique qui exprime les faits essentiels] du fond de la demeure ancestrale ; la voix SEMBLAIT s'élever puis RETOMBAIT et RENAISSAIT mystérieusement. Je TREMBLE, je TOMBE à terre et je COUVRE mon visage de mes mains » : le chant céleste est tout d'abord au premier plan et le temps utilisé est le présent, puis il passe au second plan et à l'imparfait (semblait, retombait, renaissait), tandis que le personnage qui était au second plan et à l'imparfait (je regardais) passe au premier plan de l'image et au présent (je tremble, je tombe, je couvre),



> l'imparfait est utilisé pour l'évocation des arrières-plans, puisqu'il exprime la durée, le non-accompli, le non-limité dans le temps, car c'est un temps de nature descriptive, exemple : « Comme le soir TOMBAIT, l'homme sombre arriva » et non : « Comme le soir tomba, l'homme sombre arriva » ; certains faits de peu antérieurs ou postérieurs à un fait passé sont présentés comme simultanés par rapport à ce dernier fait (le verbe à l'imparfait est généralement accompagné d'un complément de temps), exemple : « Nous SORTIONS à peine qu'un orage éclata » et non : « Nous sortîmes à peine qu'un orage éclata » ou « Nous étions à peine sortis qu'un orage éclata »,



> cependant, l'imparfait narratif ou historique, au contraire de la valeur générale de l'imparfait, marque un fait non répété qui a lieu à un moment précis du passé (indiqué par un complément de temps), par exemple : « Tout CHANGEAIT à huit heures avec l'arrivée de la marquise », ou bien : « Un quart d'heure plus tard, il S'HABILLAIT et QUITTAIT sa chambre »,



> si l'on introduit la référence au locuteur (narrateur ou auteur), on oppose le monde actuel au monde non-actuel par l'opposition présent versus imparfait. Exemple : « Je CROIS bien [présent du monde actuel] qu'il FAISAIT beau ce jour-là [imparfait du monde non-actuel] »,



> le passé simple exprime une succession d'événements, il met en relief des actions limitées dans le temps, sans considération du contact que ces actions, en elles-mêmes ou par leurs conséquences, peuvent avoir avec le présent ; il est souvent remplacé par le passé composé, ou relayé par le présent de narration,



> d'ordinaire, l'imparfait est subordonné au passé simple, on dit par exemple : « Il FAISAIT beau [imparfait de la description], et je SORTIS [passé simple de l'action] » ; en inversant la subordination, on obtient un mouvement d'intériorisation, de remémoration des choses : la contemplation l'emporte sur l'action ; par exemple : « Elle FUT là [le passé simple de l'action remplace l'imparfait de la description], et elle me DISAIT [l'imparfait de la description remplace le passé simple de l'action] que je lui manquais, que je devais lui écrire plus souvent » au lieu de : « Elle était là [imparfait de la description], et elle me dit [passé simple de l'action] que je lui manquais, que je devais lui écrire plus souvent »,



> quand il s'agit d'actions multiples, le passé simple les présente comme successives, c'est pourquoi il convient particulièrement à la narration ; l'imparfait, au contraire, les présente comme simultanées, comme formant un tableau continu, c'est pourquoi il convient particulièrement à la description dans le passé (combiné avec le passé simple, il fait voir comme un fond de décor),



> le passé composé exprime un fait passé par rapport au moment où l'on parle et considéré comme achevé ; tantôt il s'oppose au passé simple, parce qu'il s'agit d'un fait en contact avec le moment de la parole (soit que ce fait ait eu lieu dans une période non encore entièrement écoulée, soit qu'il ait eu des conséquences dans le moment présent, et avec cette valeur, on pourrait dire que c'est un présent accompli), par exemple : « Aujourd'hui 16 janvier, je SUIS PARTI [et non : je partis] de Paris à huit heures du matin »,

tantôt il concurrence (spécialement dans la langue parlée) le passé simple pour des faits sans rapport avec le moment de la parole, par exemple : « Mon père était un homme accablé de vertus. Sa vie s'EST PASSÉE [et non : se passa] dans des administrations sans gloire », extrait de : Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar (romancière et essayiste française, 1903-1987, première femme entrée à l'Académie française, en 1980),



> les mondes possibles seront traduits par le subjonctif ou le conditionnel. Exemple : « Je ne crois pas qu'il AIT [subjonctif de avoir] un beau sourire ». Après si conditionnel, on emploie obligatoirement le présent pour un fait futur (le verbe principal étant, lui, au futur). Par exemple : « Je TRAVAILLERAI [futur de la proposition principale] pour toi, SI [conditionnel] tu me DONNES [présent pour un fait futur] ce que je DEMANDE »,



> le conditionnel présent marque un fait futur par rapport à un moment passé, par exemple : « Rose, interdite, considérait dans le cercle d'une lumière étroite, cette ombre qui parlait. Que de fois REVIENDRAIT-elle en pensée vers ce soir de septembre », extrait de : Chemins de la mer de François Mauriac (écrivain français, 1885-1970, entré à l'Académie française en 1933, prix Nobel de littérature en 1952),

le conditionnel présent peut aussi exprimer un fait conjectural ou imaginaire, dans le futur (parfois dans le présent ou un futur si proche qu'il est difficile de le distinguer du présent), exemple : « N'étaient les hirondelles qui chantent, on n'ENTENDRAIT rien », extrait de : Vers Ispahan, de Pierre Loti (écrivain français, 1850-1923, officier de marine pendant 42 ans, entré à l'Académie française en 1891),

le conditionnel passé exprime dans le passé les mêmes valeurs que le conditionnel présent exprime dans le présent ou le futur, exemple : « Hier à l'aube, je savais qu'à dix heures, le bateau AURAIT SOMBRÉ »,



> le subjonctif indique que le locuteur (le narrateur, l'auteur ou le scripteur) ne s'engage pas sur la réalité du fait, exemple : « Elle cria : Qu'il REVIENNE un autre jour ! » ; le subjonctif n'a pas de futur ; dans la langue parlée, et même dans la langue écrite ordinaire, le subjonctif a trois temps : le présent, le passé et le passé surcomposé (le passé surcomposé s'emploie lorsqu'on veut insister sur l'idée d'achèvement), exemple avec blesser : « Elle a peur qu'il BLESSE quelqu'un », « Elle a eu peur qu'il SOIT BLESSÉ », « Elle a eu peur qu'il AIT ÉTÉ BLESSÉ » ;

dans la langue écrite, et surtout dans la langue littéraire, le subjonctif a quatre temps : le présent, le passé, l'imparfait et le plus-que-parfait ; leur usage dans les propositions est régi par ce que l'on appelle la concordance des temps, au sujet de laquelle Ferdinand Brunot (linguiste et grammairien français, historien de la langue française, 1860-1938) eut cette formule percutante dans : La Pensée et la Langue, « Ce n'est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée, c'est le sens. Le chapitre de la concordance des temps se résume en une ligne : Il n'y en a pas. », exemple avec partir : « Qu'elle PARTE », « Qu'elle SOIT PARTIE », « Qu'elle PARTÎT », « Qu'elle FÛT PARTIE »,

l'imparfait s'emploie quand le subjonctif exprime un fait qui est simultané ou postérieur par rapport au verbe principal ; le plus-que-parfait s'emploie quand le subjonctif exprime un fait qui est antérieur par rapport au verbe principal.



Consigne :



Dans le texte suivant, le narrateur raconte [c'est le temps de l'histoire] qu'un professeur lit l'extrait d'un livre à ses élèves [c'est le temps de la narration]. Le présent est utilisé pour l'énoncé de l'histoire (raconte, relate, écrit, demande, répond) :

Le professeur raconte à ses élèves comment l'écrivain Pierre Magnan relate l'approche de Séraphin Monge dans son récit intitulé : La Maison assassinée. « Sans plus réfléchir, Séraphin se porta [passé simple d'une action limitée dans le temps] en oblique vers le bosquet, par le plus long, comme s'il faisait partie d'une patrouille. Il ne remua pas une herbe, pas une pierre. Il arriva sous les branches du bouquet d'arbres avant que Marie, sous le cyprès, ait pu faire un geste [subjonctif qui traduit une action possible mais non réalisée]. Il écarta les feuillages. Parmi l'odeur des feuilles raides écrasées, celle d'un homme achevait [l'imparfait qui exprime la durée et qui décrit l'arrière-plan de l'action] de s'y évaporer. Il vit une bauge, large, confortable. Quelqu'un s'était mussé dans le chiendent, quelqu'un y avait longuement séjourné, quelqu'un l'avait écouté. Il dévala au pas de course le talus de la route. Elle était vide d'amont en aval, sauf un camion qui amorçait le virage du canal avec un bruit de chaîne. Au loin, à la gare de Lurs, tintait la cloche qui annonçait un train, mais nulle part il n'y avait trace d'un homme. » Puis le professeur demande à ses élèves qui voudrait bien lire la suite. Personne ne répond.



La consigne est de mettre au présent les verbes du texte précédent, lorsque cela est possible ; puis de réécrire le texte en s'y incluant, en utilisant le pronom je, et en ajoutant des réflexions personnelles.



Avec le début du texte, cela pourrait donner ceci :

Le professeur raconte à ses élèves comment l'écrivain Pierre Magnan relate l'approche de Séraphin Monge dans son récit intitulé : La Maison assassinée. Je suis assis sur une chaise en bois, à côté du professeur debout sur l'estrade, et j'esquisse un sourire en coin. Ce matin-là, Séraphin s'est réveillé [l'imparfait « s'était réveillé », ou le passé composé, expriment l'antériorité et l'action accomplie] de très mauvais poil. Pierre Magnan écrit, et je peux confirmer l'authenticité de son récit, car je me trouvais [l'imparfait est obligatoire] aux côtés de Séraphin ce jour-là, donc Pierre Magnan écrit que Séraphin, sans plus réfléchir, se porte en oblique vers le bosquet, par le plus long, comme s'il faisait partie d'une patrouille [l'imparfait est nécessaire car il traduit un conditionnel]. Je reste immobile, caché derrière un gros rocher de calcaire blanc, et je surveille les alentours. Séraphin ne remue pas une herbe, pas une pierre. Il arrive sous les branches du bouquet d'arbres avant que Marie, sous le cyprès, ait pu faire un geste [subjonctif qui traduit une action possible mais non réalisée]. Etc.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 58.



> DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 478.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., p. 1247.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 114.



> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiche 86.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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