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L
a - P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n - l i g n e . . .
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Atelier d'écriture n° 5
Les
figures de la suppression : l'ellipse, l'asyndète, l'anacoluthe
Le
nom féminin ellipse
est un emprunt (1573) au latin impérial ellipsis,
lui-même emprunté au grec elleipsis
(manque,
omission d'un mot),
dérivé de elleipein,
verbe composé de en
(dans)
et de leipein
(laisser,
négliger),
à rattacher à une racine indoeuropéenne °leikw-
(laisser).
L'ellipse
peut être syntaxique (ou grammaticale), ou bien sémantique (ou
situationnelle).
Dans
le premier cas, l'ellipse
syntaxique ou l'ellipse grammaticale
sont provoquées par la suppression d'un ou de plusieurs mots dans
une phrase (le sujet, le verbe, le sujet et le verbe, un mot de
liaison, certaines conjonctions, etc.), sans que cela gêne forcément
la compréhension, les mots qui subsistent permettant de retrouver
ceux qui manquent, ou alors les mots qui manquent sont sous-entendus.
Exemples
: « Enchantée »
pour « Je suis enchantée
de faire votre connaissance »
; « Un second coup de
klaxon, puis un troisième, un quatrième, un cinquième, emplirent
de vacarme la petite rue et son embouteillage »
pour « Un second coup de
klaxon résonna, puis un troisième coup de klaxon résonna, puis un
quatrième coup de klaxon résonna, puis un cinquième coup de klaxon
résonna et ils emplirent de vacarme la petite rue et son
embouteillage »
; « Je t'aimais
inconstant, qu'aurais-je fait fidèle ? »
pour
« qu'aurais-je fait
si tu avais été fidèle ? »
Jean
Racine (1639-1699), Andromaque.
L'ellipse
raccourcit et allège l'énoncé. Elle interpelle et oblige à
imaginer les mots disparus. Elle permet de supprimer de fastidieuses
redites.
Dans
le deuxième cas, l'ellipse
sémantique ou l'ellipse situationnelle
sont rendues obligatoires par l'omission dans une suite logique,
narrative, ou bien lorsqu'on ne peut pas tout dire de certains
événements, de certaines scènes ou de certains discours, ou bien
lorsqu'il n'est pas nécessaire de construire une phrase énonciative
complète.
L'ellipse
peut alors devenir une véritable structure, un art de sous-entendre
et de suggérer.
Exemples
: « La veille au soir
elle poussait encore devant elle l'énormité de son gros ventre ; au
petit matin elle tenait dans ses bras un nourrisson tout frais et
tout rose »
ellipse qui élude la scène de l'accouchement ; « À quelle
heure pars-tu ? - À 4 heures »
pour
« Je pars à 4 heures »
; ou bien lorsqu'on demande à un randonneur ce qu'il a fait de sa
journée et qu'il répond « J'ai
marché »,
l'ellipse porte sur « en
suivant des sentiers balisés de montagne ».
L'ellipse
peut avoir un caractère archaïque, elle est très fréquente dans
les proverbes et les dictons, par exemple : « Trop
tirer rompt la corde »
pour « Lorsque l'on tire
trop fort sur une corde, celle-ci se rompt »
en parlant de l'échec des ambitions ou de l'abus d'un profit ; ou un
caractère familier : « Dans
mes bras ! »
pour « Viens que je te
prenne dans mes bras ! ».
Dans
le rythme d'un récit, l'ellipse est un silence de la narration sur
des événements qui ont eu lieu dans l'histoire : silence lourd de
sens et de sous-entendus, ou bien silence qui suggère et qui laisse
la part belle à l'imagination, ou encore silence qui allège et
dynamise le récit en le faisant sauter des descriptions qui
l'alourdiraient ou le ralentiraient.
L'ellipse
des mots qui feraient la liaison régulière entre deux membres de
phrase est une anacoluthe,
tandis que l'ellipse caractérisée par la suppression dans la phrase
de certains conjonctions s'appelle une asyndète.
***
Rappelons
l'étymologie du mot : le mot féminin « anacoluthe »
est issu du bas latin d'origine grecque, « anacoluthon »
(absence
de suite),
composé de : an-
(privatif), et de akolouthos
(qui
suit),
de keleuthos
(chemin).
Et
donnons-en quelques exemples :
« Et,
pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre ce que je viens de
raconter »
Jean de La Fontaine (1621-1695), l'ellipse est créée par l'omission
des mots « ils furent
ensevelis sous un marbre »
et l'anacoluthe par le changement de sujet entre le début de la
phrase (pleurés)
et la suite de la phrase (il)
; l'ellipse et l'anacoluthe mettent en valeur le mot « vieillard »
; sans ellipse ni anacoluthe, la phrase pourrait ressembler à ça :
« Et, pleurés du
vieillard, ils furent ensevelis sous un marbre que le vieillard grava
de ce que je viens de raconter »,
ou bien : « Et, pleurés du
vieillard, ils furent ensevelis sous un marbre et le vieillard y
grava ce que je viens de raconter ».
« Continuant
à manger, on aurait dit qu'il s'écoutait parler, de tout et de
rien, la bouche pleine », pour : « On aurait dit qu'il
s'écoutait parler, car il continuait à manger tout en parlant de
tout et de rien, et il parlait la bouche pleine ».
***
Asyndète
est un nom féminin empruntée soit au bas latin asyndeton,
lui-même emprunt au grec, soit directement au grec asundeton
qui signifie « style
sans conjonction »,
de a-
(privatif) et de sundein
(lier
ensemble),
de sun
(avec)
et de dein
(lier),
verbe indoeuropéen à comparer au sanskrit -dyati.
Ce
terme de grammaire désigne l'absence de mot de liaison (conjonctions
de coordination : mais,
ou, et, donc or, ni, car,
ou de subordination : comme,
lorsque, puisque, quand, que, quoique, si,
etc.) entre deux mots ou deux phrases qui le requièrent normalement,
par exemple : « Bon gré
mal gré »
pour « De bon gré ou de
mal gré ».
En rhétorique, une asyndète est une figure par laquelle on supprime
des particules et des conjonctions dans une phrase ou entre des
phrases (qui deviennent alors juxtaposées) pour accentuer la
rapidité et l'énergie du discours.
Exemples
: « Il est cynique, il
réussira »
au lieu de : « Il est
cynique, donc il réussira ».
« Ils
n'ont pas vu le vélo attaché à la grille. Masqué par la voiture
garée le long du trottoir »,
au lieu de : « Ils n'ont
pas vu le vélo attaché à la grille, car il était masqué par la
voiture garée le long du trottoir ».
« Sur
le plan forme »
au lieu de : « Sur le plan
de la forme ».
« Français,
Anglais, Lorrains, que la fureur assemble,
Avançaient,
combattaient, frappaient, mourraient ensemble. »
Voltaire (1694-1778), Henri
VI,
asyndète de la conjonction de coordination « et ».
***
Consignes
:
1.
Dans l'extrait de texte ci-après (Annie Ernaux (1940-), La
Place)
repérer les ellipses et les asyndètes, puis les supprimer en liant,
aussi bien syntaxiquement que sémantiquement, toutes les phrases.
« La
peur d'être déplacé, d'avoir honte. Un jour, il est monté par
erreur en première avec un billet de seconde. Le contrôleur lui a
fait payer le supplément. Autre souvenir de honte : chez le notaire,
il a dû écrire le premier « lu
et approuvé », il ne savait
pas comment orthographier, il a choisi « à
prouver ». Gêne, obsession de
cette faute, sur la route du retour ».
2.
Composer un texte de quelques lignes où toutes les phrases seront
reliées entre elles. Puis introduire des ellipses, des asyndètes,
et/ou quand le sens le permet, des anacoluthes.
Cela
peut donner ceci :
« Nous
arrivons au parking de la plage au début de la mâtinée, lorsque le
parking est encore désert. Je me gare à la droite d'un 4x4 et
l'avant de la voiture caresse un buisson de genets, dont les fleurs
ont depuis longtemps séché, puis elles se sont décrochées, et
elles sont tombées sur le sol sablonneux, pour enfin être
patiemment ensevelies sous le sable par un vent chaud et plusieurs
semaines d'un été torride. Les enfants jaillissent hors de la
voiture alors que j'ai à peine le temps d'ouvrir la portière et de
poser un pied nu sur le sable à peine tiédi par le soleil matinal.
Nous sommes hors saison. Les familles sont toutes reparties en
Hollande ou en Belgique. Il ne reste que quelques vieux couples,
quelques couples de vieux, et les habitués des bords de plage à la
morte saison.
Roger
se charge du cabas rempli de jouets et du sac isotherme qui renferme
nos piques-niques. Je n'oublie pas le parasol jaune citron et le
bateau gonflable. Zut ! J'ai oublié le gonfleur électrique. Roger
ne va pas être content car il va devoir passer les trente prochaines
minutes à gonfler à la bouche et de son souffle, qui n'est plus
celui de ses vingt ans, le bateau des enfants. On ne peut pas penser
à tout, marmonnè-je pour moi-même et sur la défensive, prête à
accueillir les reproches qui ne vont pas tarder à fuser dès que mon
oubli sera démasqué. »
« C'est
le petit matin, je me gare à la droite d'un 4x4 sur le parking de la
plage : désert. Le capot caresse les genets déflorés par les
semaines de vent chaud d'un été torride. Les enfants jaillissent
hors de la voiture. Mon pied nu dans le sable à peine tiédi. Hors
saison. Belges, Hollandais rentrés chez eux, ne restent que quelques
vieux couples, couples de vieux et habitués des bords de plage en
morte saison. Roger se charge du cabas rempli de jouets, les
piques-niques sont au frais dans le sac isotherme. Moi c'est le
parasol jaune citron et le bateau gonflable. Zut ! Oublié le
chargeur électrique, les reproches vont fuser, Roger n'a plus le
souffle de ses vingt ans. Peux pas penser à tout. »
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 58, 146.
>
DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, pp. 56, 174.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 2, p. 1973, t. 1, p. 917.
>
GREVISSE, Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
pp. 276, 365.
>
LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 1, p. 336, t. 2, p. 1973.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET, Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 98.
> REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 134, 673.
>
THERON, Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 70-71.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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