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L
a - P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n - l i g n e . . .
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Atelier d'écriture n° 6
« Vers
à douze pieds l'alexandrin,
deux
de moins,
Un
vers décasyllabe, l'on obtient »
Attention
à ne pas confondre l'alexandrin,
vers français de douze syllabes, avec les
grands alexandrins
(savants, poètes, érudits, lettrés du monde grec rassemblés dans
l'Alexandrie antique, tels Archimède, Callimaque, Euclide,
Théocrite, Hérondas), et avec les
Alexandrins,
des grammairiens de la ville d'Alexandrie (ville d'Égypte fondée en
332-331 avant Jésus-Christ par Alexandre le Grand, sur une bande de
terre entre la mer Méditerranée et le lac Mariout, à l'extrémité
nord-ouest du delta du Nil).
Ces
grammairiens ont développé au IIIe
siècle avant J.-C. une série de recherches qui, sans être
elles-mêmes linguistiques, ont contribué par leurs fins à asseoir
pour des millénaires une certaine conception de la langue.
Leur
travail a surtout été un travail d'édition consistant à
rechercher, à collationner et à publier avec des commentaires les
textes les plus célèbres de la Grèce de l'époque classique.
En
effet, les textes anciens différaient à bien des égards de la
langue grecque du IIIe
siècle avant J.-C., surtout telle qu'elle était parlée à
Alexandrie. Aussi les éditeurs alexandrins des textes anciens
ont-ils pris l'habitude de les accompagner de commentaires (gloses)
et de traités de grammaire destinés à faciliter la lecture des
chefs-d'œuvre du passé.
C'est
ainsi qu'est née l'opinion que cette langue était plus « pure »
et plus « correcte » que le parler quotidien
d'Alexandrie. De là est issue la tradition qui consiste à
privilégier la langue écrite par rapport à la langue parlée et à
estimer qu'en évoluant la langue se corrompt et perd de sa pureté.
L'alexandrin,
nom masculin désignant le vers français de douze syllabes, est la
substantivation de vers
alexandrin
(1492), type de vers représenté par le Roman
d'Alexandre,
poème du XIIe
siècle évoquant de manière légendaire Alexandre le Grand.
Le
prénom, en grec Alexandros, signifie littéralement « qui
protège les hommes »
; comme le prénom Andreas
(André),
il contient anêr
(homme)
qui forme le préfixe andro-
(homme,
par opposition à la femme).
L'appellation
« Roman
d'Alexandre » recouvre
différentes strates de textes, apparues dès le XIIe
siècle, puis rassemblées, sinon remaniées, par Alexandre de Paris
(ou de Bernay).
L'Alexandre
d'Albéric (ou de Briançon), datant du premier tiers du XIIe
siècle, est le premier ouvrage romanesque consacré à Alexandre :
seul en subsiste le début, 105 octosyllabes (vers de 8 syllabes) en
franco-provençal, répartis en 15 laisses (une laisse est une tirade
ou un couplet d'une chanson de geste) de longueur variable.
Vient
ensuite la rédaction décasyllabique (vers de 10 syllabes),
composée par un anonyme, en Poitou, vers 1170, et qui compte 785
vers en 76 laisses. Imité manifestement de celui d'Albéric, cet
Alexandre
décasyllabique,
se terminant au milieu des premiers exploits du héros, peut être
considéré comme un Livre
des enfances.
Lambert
le Tort, un clerc de Châteaudun dans l'Eure-et-Loir, aux confins de
la Beauce et du Perche, écrit une suite et porte l'histoire à son
achèvement. Ce texte, assez difficile à reconstituer, se trouve
fondu dans un ouvrage bien plus important, le Roman
d'Alexandre
(version d'Alexandre de Paris, ou de Bernay) qui, avec ses quatre
branches, totalise environ 16 OOO de ces vers de douze syllabes qui
porteront désormais le nom d'alexandrins.
Le
cycle d'Alexandre poursuit son développement avec, à la fin du XIIe
siècle, le Vengement
d'Alixandre,
de Gui de Cambrai, et la Venjance
d'Alixandre,
de Jehan Le Névelon (avant 1191), puis au XIIIe
siècle, avec la Prise
de Defur
et le Voyage
en paradis terrestre,
et au XIVe
siècle, les poèmes du Paon.
« Il
venait de trouver le premier vers :
Mon
âme a son mystère, ma vie a son secret,
mais,
en comptant sur ses doigts, il s'aperçut que son alexandrin marchait
sur treize pieds ; il chercha un synonyme de mystère. Énigme, non,
Cacher, bien ; mais le substantif correspondant ? Se taire, pas mal.
Mon
âme se tait,
non.
Ça ne marchait pas. De nouveau, il calcula sur ses doigts combien de
pieds faisaient :
Mon
âme a son mystère, ma vie a son secret.
Il
y en avait bien treize. »
Extrait
de : Le
chiendent,
de Raymond Queneau (1903-1976, auteur de Zazie
dans le métro, académicien
Goncourt en 1951, crée en 1960 l'OuLiPo avec François Le Lionnais ;
acronyme de : Ouvroir de Littérature potentielle, l'OuLiPo est un
atelier d'expérimentation littéraire qui cherche à réintroduire
la notion de contrainte formelle dans la création littéraire).
Les
vers alexandrins sont aussi appelés vers héroïques. L'épopée est
le genre littéraire le plus ancien. Dans l'Antiquité, il s'agissait
d'un récit chanté, transmis par la tradition. À partir du XVIe
siècle, une épopée est un poème héroïque qui exalte, à travers
les exploits d'un personnage exemplaire qui évolue dans un monde
d'archétypes (c'est-à-dire de modèles), les valeurs auxquelles un
peuple veut s'identifier. L'épopée émeut d'autant plus le lecteur
que le poème héroïque est rythmé par les vers décasyllabes et
alexandrins aux descriptions saisissantes, à l'abondance des
comparaisons et des métaphores.
Après
la poésie héroïque au XVIe
siècle, c'est au tour de la tragédie en tant que forme théâtrale
(XVIIe
siècle) de réclamer l'alexandrin. Du XVIe
au XIXe
siècle, l'histoire de l'alexandrin se confond presque avec celle de
la poésie française. L'alexandrin a été considéré à partir de
l'âge classique comme le vers noble, le vers le plus approprié pour
les poèmes épiques et pour la poésie la plus relevée (la poésie
religieuse en particulier), pour les pièces de théâtre, l'élégie
amoureuse et plaintive, dans les stances, dans la satire, etc.
Le
renouveau de la poésie versifiée (initié au début du XIXe
siècle), associé en 1886 à l'inauguration, ou à la commémoration,
de trois formes littéraires : le vers libre, le poème en prose et
le monologue intérieur, verra le déclin du vers alexandrin.
Plus
que la rime, c'est la mesure,
fondée sur le nombre de pieds, qui distingue vraiment le vers de la
prose. Le nombre de pieds permet aussi de classer les vers en
différents mètres selon leur longueur. Les mètres pairs comme les
vers de 2, 4, 6, 8 (octosyllabes), 10 (décasyllabes), et 12
(alexandrins) pieds ont pour effets la régularité, la netteté, le
découpage facile en segment (l'alexandrin est découpé en 2
hémistiches ou 2 parties égales, de 6 pieds chacun). Les mètres
impairs de 5, 7, 9 et 11 pieds dont la coupe ne peut pas être
régulière, ont des effets de légèreté, de flou, de variété et
de liberté.
Exemple
de vers de 7 pieds :
« C'estoit
une belle brune
Filant
au clair de la lune »
Extrait
de Pierre de Ronsard (poète français, 1524-1585, élève de Dorat
de 1544 à 1550, il fut au centre des jeunes poètes de la Brigade
qui prendra ensuite le nom de Pléiade).
Exemple
de vers de 9 pieds :
« De
la musique avant toute chose
Et
pour cela préférer l'impair
Plus
vague et plus soluble dans l'air »
Extrait
de : L'Art
poétique,
de Paul Verlaine (poète français, 1844-1896, auteur de Poètes
maudits,
1884, consacrés à T. Corbière, Mallarmé et Rimbaud ; et de Jadis
et Naguère,
1884, qui contient L'Art
poétique).
Le
rythme
naît du retour de temps forts à intervalles réguliers, comme les
accents (en français, chaque mot plein, verbe, nom, adjectif,
adverbe, porte un accent tonique sur la dernière syllabe prononcée,
on parle alors d'accent rythmique dans un vers) et les coupes (la
coupe est un arrêt bref de la voix après un accent rythmique). Par
exemple :
« Tout
à coup, comme atteints d'une rage insensée
Ces
hommes, se levant à la même pensée... »
Extrait
de : Jocelyn,
d'Alphonse de Lamartine (poète français, 1790-1869, auteur des
Méditations
poétiques
(1820) et de Les
Harmonies poétiques et religieuses
(1830) ; entre à l'Académie française en 1829 ; membre du
gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères en
1848).
Où
le signe ` montre l'accent tonique, et le signe // montre la coupe :
« Tout
à coùp, comme atteìnts // d'une ràge insensèe
Ces
hòmmes, se levànt // à la mème pensèe... »
L'alexandrin
classique est un tétramètre,
c'est-à-dire un vers de 12 pieds (un pied est une syllabe prononcée
entièrement), à 4 accents rythmiques (l'accent rythmique est
l'accent tonique porté sur la dernière syllabe d'un mot) et donc à
4 mesures (ou coupes). Deux mesures tombent obligatoirement sur
le 6e
et le 12e
pieds. Les deux autres mesures, qui doublent l'accent tonique de 2
mots pleins, ont une place variable.
Dans
l'exemple précédent, le premier vers alexandrin est un tétramètre
régulier (le schéma rythmique est : 3 + 3 + 3 + 3), le deuxième
vers alexandrin est un tétramètre croissant et régulier (le schéma
rythmique est : 2 + 4 + 3 + 3) :
« Tout
à coùp
(3
syllabes), comme atteìnts (3)
//
d'une ràge
(3) insensèe
(3)
Ces
hòm(2)mes,
se levànt (4)
//
à la mè(3)me
pensèe (3)... »
Lorsque
la césure (ou coupe) de l'alexandrin est affaiblie ou inexistante,
le vers change de rythme. La césure médiane (du milieu) est
remplacée par deux autres césures qui divisent le vers en trois
mesures : c'est un trimètre.
Par exemple :
« Elle
peignait ses cheveux d'or je croyais voir
Ses
patientes mains calmer un incendie. »
Extrait
de : La
Diane Française,
de Louis Aragon (écrivain et poète français, 1897-1982, auteur de
Le
Fou d'Elsa
(1963, monument de la poésie lyrique française d'après-guerre) ;
participe un temps au mouvement Dada, puis fonde avec André Breton,
Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste).
Où
l'on a :
« Elle
peignait /
ses cheveux d'or /
je croyais voir (3
+ 4 + 5)
Ses
patientes mains /
calmer /
un incendie. »
(5 + 2 + 5)
Consigne
: transformer les décasyllabes suivants en alexandrins (il peut y
avoir plusieurs alexandrins possibles pour un décasyllabe) :
1.
Heureux, je glissai mes pieds
sous la table
(décasyllabe)
->
Bienheureux, j'allongeai les
jambes sous la table
(alexandrin),
ou
bien : Heureux mortel, je glissai
mes pieds sous la table
(alexandrin),
ou
encore : Mortel mais heureux,
pieds sous la table : manger !
(alexandrin).
2.
Il fait sombre, fils, voleur d'étincelles !
(décasyllabe).
3.
Me plaît le beau temps de Pâques, lys d'or
(décasyllabe).
Puis,
composer en vers alexandrins (pas nécessairement rimés) un poème
de quelques strophes, ou une chanson avec un refrain et trois
couplets, ou un petit récit en prose.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BEAUMARCHAIS, Jean-Pierre de, COUTY, Daniel, REY, Alain, 1994.
Dictionnaire
des littératures de langue française.
Paris, Bordas, nouv. éd. mise à jour et enrichie, 4 vol., t. 1, p.
25, t. 3, p. 2205, t. 4, p. 2582.
>
BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 50, 66, 76.
>
DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p. 23.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 1, p. 346.
>
LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 1, p. 155.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET, Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 44, 132.
> REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 44.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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