¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
L
a - P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n - l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture n° 8
En
syntaxe, êtes-vous plutôt
hypotaxe
ou plutôt parataxe ?
À
l'intérieur de la linguistique, on distingue plusieurs domaines
selon la nature des faits étudiés. Traditionnellement, on
envisageait 4 domaines : la phonétique (étude des sons du langage),
la lexicologie (étude de l'origine des mots, leur étymologie, de
leur histoire et de leurs relations), la morphologie (étude des
morphèmes ou des éléments variables dans les mots), la syntaxe
(étude des constructions grammaticales par lesquelles le sens se
forme et de la construction de la phrase, et étude de la disposition
d'ensemble des matériaux ou des éléments concourant à la
signification de l'énoncé).
Selon
des tendances plus récentes, on distingue 3 domaines qui envisagent
la réalité linguistique selon d'autres critères que ci-dessus : la
sémantique (étude de la signification de la langue et du langage),
la stylistique (étude des faits de langue du point de vue de leur
expressivité, polysémie, registres), la pragmatique (étude des
rapports entre l'usage fait de la langue et la situation, ainsi que
du rôle des participants à la communication).
La
langue peut aussi être étudiée par rapport à la société, c'est
la sociolinguistique, par rapport à la psychologie des individus,
c'est la psycholinguistique, par rapport à d'autres langues, c'est
la grammaire comparée et la linguistique contrastive, ou encore dans
ses variations géographiques (français régionaux et dialectes),
c'est la géographie linguistique.
« Ce
qui fait en chaque langue que les mots excitent le sens que l'on veut
faire naître dans l'esprit de ceux qui savent la langue, c'est ce
qu'on appelle syntaxe. »
Extrait
de : Œuvres,
t. 5,
de César Chesneau Dumarsais (grammairien français, 1676-1756).
« Ce
n'est pas assez d'avoir des mots pour chaque idée ; il faut encore
savoir former, de plusieurs idées, un tout dont nous saisissions
tout à la fois les détails et l'ensemble, et dont rien ne nous
échappe ; voilà l'objet de la syntaxe. »
Extrait
de : Œuvres
complètes : Grammaire,
de Étienne Bonnot de Condillac (philosophe français, 1715-1780,
entré à l'Académie française en 1768 ; selon lui, c'est le
langage qui sert de fondement et de support à la pensée abstraite
et réflexive grâce à l'utilisation de signes, d'où la nécessité
d'une « langue
bien faite »
; certaines des conceptions de Condillac sur le langage annoncent les
théories linguistiques modernes).
La
syntaxe étudie les
relations entre les mots dans la phrase
: l'ordre des mots, l'accord sont des phénomènes de syntaxe. On
appelle syntagme
un groupe de mots (ou un mot unique) formant une
unité à l'intérieur de la phrase,
un groupe ayant une
fonction dans la phrase.
Le syntagme se compose d'un élément principal ou noyau
et d'un ou de plusieurs éléments
subordonnés.
Par
exemple, dans la phrase : « Les
petits ruisseaux font les grandes rivières »,
on distingue un syntagme nominal dont le noyau est un nom « Les
petits RUISSEAUX »,
et un syntagme verbal dont le noyau est un verbe « FONT
les grandes rivières »
; le syntagme prépositionnel désigne un syntagme introduit par une
préposition ; par exemple dans la phrase : « Il
est resté à la maison »,
on distingue un syntagme verbal dont le noyau est un verbe « Il
est RESTÉ »
et un syntagme prépositionnel « à
la maison ».
La
syntaxe étudie aussi les
relations entre groupe constituants de la phrase.
Il
existe deux types de syntaxe, deux types de manière de joindre
ensemble les mots d'une phrase et les phrases entre elles : la
parataxe et l'hypotaxe.
La
parataxe
combine des éléments de même niveau syntaxique, en les
juxtaposant,
sans expliciter par une particule de subordinations ou de
coordination le rapport de dépendance qui existent entre eux.
Caractéristique de la langue orale, la parataxe confère au texte
écrit un style plus vif, souvent plus concis et en apparence plus
simple. Lorsque la parataxe ne met en jeu aucun mot de liaison, on
parle d'asyndète
(l'asyndète a été étudiée plus en détail lors de l'Atelier n°
5 du 28 janvier 2013).
La
phrase dépouillée de Jules Vallès dans cet extrait de L'Enfant,
ou bien le style parlé de Louis-Ferdinand Céline dans cet extrait
de Féerie
pour une autre fois,
sont des exemples de parataxe :
« Mon
oncle Joseph, mon tonton comme je dis, est un paysan qui s'est fait
ouvrier (...) On boit, on chante, on fait des tours de force, il me
prend par la ceinture, me jette en l'air, me rattrape et me jette
encore. J'ai plaisir et peur ! »
Extrait
de : L'Enfant,
de Jules Vallès (écrivain et journaliste français, 1832-1885).
« Voici
Clémence Arlon. Nous avons le même âge, à peu près... Quelle
drôle de visite ! En ce moment... Non, ce n'est pas drôle... Elle
est venue malgré les alertes, les pannes de métro, les rues
barrées... et de si loin !... de Vanves... Clémence vient presque
jamais me voir... son mari non plus, Marcel... »
Extrait
de : Féerie
pour une autre fois,
de Louis-Ferdinand Céline (écrivain français, 1894-1961).
Il
peut y avoir parataxe
avec coordination
dans la mesure où le procédé favorise la possibilité, dans un
même discours, de plusieurs interprétations ; lors de polysémie
(significations multiples) interprétative, lorsque l'interprétation
est multiple, alors apparaît un plus grand respect des impressions
sensibles.
Par
exemple dans ce court poème inspiré de : Les
Deux pigeons,
de Jean de La Fontaine (poète français, 1621-1695, eut la charge de
« maître
des Eaux et Forêts »,
entré à l'Académie française en 1684), où il y a parataxe
(juxtaposition des syntagmes) et coordination avec « et »
:
« Deux
papillons s'aimaient d'amour tendre.
ET
l'un d'eux, s'ennuyant au logis,
Fut
assez fou pour entreprendre
Un
voyage en lointain pays. »
De
quelle nature est le lien entre les vers 1 et 2 ? Concession ? Ou
causalité ? On peut comprendre que MALGRÉ l'amour tendre qui unit
deux pigeons, l'un des deux entreprenne tout de même un long voyage
(concession), mais on peut aussi comprendre que c'est À CAUSE de cet
amour tendre que l'un des deux pigeons s'ennuyât et qu'il entreprit
un long voyage (causalité).
L'hypotaxe
désigne une syntaxe fondée sur des rapports
hiérarchisés
entre éléments de la phrase, du type propositions
principales et subordonnées (ou coordonnées).
Caractéristique du texte écrit, l'hypotaxe confère au discours
davantage de complexité, comme par exemple la phrase proustienne,
qui s'allonge dans une succession de propositions subordonnées
enchâssées les unes dans les autres.
L'extrait
qui suit ne comporte qu'une seule et très longue phrase :
« Entre
la couleur grise et douce d'une campagne matinale et le goût d'une
tasse de chocolat, je faisais tenir toute l'originalité de la vie
physique, intellectuelle et morale que j'avais apportée, environ une
année auparavant, à Doncières, et qui, blasonnée de la forme
oblongue d'une colline pelée - toujours présente même quand elle
était invisible - formait en moi une série de plaisirs entièrement
distincte de tous autres, indicibles à des amis en ce sens que les
impressions tissées les unes dans les autres qui les orchestraient,
les caractérisaient bien plus pour moi et à mon insu que les faits
que j'aurais pu raconter. »
Extrait
de : Le
Côté de Guermantes,
de Marcel Proust (écrivain français, 1871-1922).
Les
grammairiens
latins
utilisaient l'hellénisme syntaxis
(ordre,
arrangement des mots)
ou constructio
(empiler,
édifier)
pour la partie de la grammaire qui traitait de l'« arrangement
des mots »
mais aussi de l'emploi des mots, des cas et des modes, cet
arrangement étant « réalisé
par la construction d'une oraison parfaite »
(Priscien, grammairien latin, VIe
siècle, dont l'ouvrage Institutiones
grammaticae
exerça une influence déterminante sur l'enseignement de la
grammaire et du latin dans l'Europe médiévale).
Cette
conception se maintient au moyen âge et ne commence à être
discutée qu'à partir de la Renaissance, en particulier parce que
les grammairiens doivent résoudre des problèmes liés à
l'enseignement du français à des étrangers. Meigret (1550, Tretté
de la grammere françoize)
n'emploie pas syntaxis
mais « bâtiment
ou construccion ou ordonance bone de parolles »
; C'est Ramus (Pierre de La Ramée, humaniste, mathématicien et
philosophe français, 1515-1572) qui introduit syntaxe
pour désigner l'arrangement des mots, la construction des
propositions ainsi que l'étude des règles qui les régissent.
Par
extension, le mot s'emploie pour « ouvrage
qui traite de cette partie de la grammaire »
(1718).
Au
XVIIIe
siècle, la notion de syntaxe change de contenu, avec les travaux qui
définissent les méthodes d'analyse des mots et des propositions
(César Chesneau Dumarsais (grammairien français, 1676-1756), Claude
Buffier (philosophe et théologien français, 1661-1737), mais les
rapports entre syntaxe et morphologie ne sont débattus qu'à partir
de 1900 environ. Au XXe
siècle, le mot s'emploie surtout en linguistique descriptive, la
pédagogie des langues préférant nommer grammaire
la syntaxe normative.
Le
nom féminin hypotaxe
est apparu en 1840, d'un emprunt au grec hupotaxis
(subordination),
composé de hupo
(au-dessous,
en-deçà),
lui-même rattaché à une racine indoeuropéenne °upo-,
et de taxis
(mise en ordre). Son terme opposé parataxe
est apparu en 1907, d'un assemblage du grec para
(auprès
de)
et de taxis
(mise
en ordre).
Consigne
: d'après le modèle suivant, construire un court récit suivant le
procédé de la parataxe, puis le transformer suivant le procédé de
l'hypotaxe.
Parataxe
: « Cet homme est habile,
il réussira »
(il n'y a pas de subordination ou de coordination entre les deux
syntagmes « Cet homme est
habile »
et « Il réussira »
qui composent la phrase ; les deux syntagmes sont juxtaposés).
Hypotaxe
: « Cet homme réussira
parce qu'il est habile »,
« Cet homme est habile,
aussi réussira-t-il »,
« Cet homme est habile, et
donc il réussira »,
etc. (les deux syntagmes sont toujours subordonnés
ou coordonnés).
Commencer
par choisir un thème, par exemple la description d'une tempête et
de ses effets sur la nature (les arbres renversés, les jardins
dévastés, etc.), l'activité humaine (les rues désertées, les
habitants qui se barricadent chez eux, etc.), sur les constructions
et les communications (coupures d'électricité, tuiles arrachées,
infiltrations d'eau, inondations, etc.), ou bien la description d'un
bal ou d'une fête (les danseurs, les spectateurs, le buffet, les
serveurs, les guirlandes ou les lampions, etc.), ou encore un projet
de vacances (la recherche d'une destination, les activités
envisagées, le trajet en avion, en train ou en voiture, la
préparation des bagages, etc.).
Une
fois le thème choisi, raconter en juxtaposant les actions et les
descriptions (parataxe), puis relier les phrases entre elles pour
composer des phrases les plus longues (et compréhensibles) possibles
(hypotaxe).
Cela
pourrait donner ceci :
Parataxe
:
Une
voix crie : Romain, les volets ! Un vent violent s'est levé durant
la nuit, les volets claquent, Romain a oublié de les attacher hier
soir, avant d'aller se coucher. Le ciel est gris foncé, couvert de
nuages depuis la cime des arbres jusqu'au pied du soleil. Une lumière
couleur plomb, tout est gris, clair, foncé, mais gris quand même.
Le souffle puissant de la tempête nous parvient même à travers les
murs épais, des blocs de calcaire épais d'au moins cinquante
centimètres, un mur de muraille, lorsque le village était fortifié,
au moyen-âge, lorsque les anciens logis étaient accolés à
l'enceinte fortifiée. Etc.
Hypotaxe
:
-
Romain, les volets ! crie une voix.
Les
volets claquent dans le vent violent, dont la puissance a grandi
durant la nuit, et les volets claquent car Romain a oublié de les
attacher avant d'aller se coucher. Le ciel n'est plus qu'un épais
tapis de nuages gris foncé, lourd et bas, qui recouvre tout l'espace
depuis la cime des arbres jusqu'au pied du soleil. Dans une lumière
grise comme le plomb qui transforme chaque couleur en un arc-en-ciel
de gris qui va du gris clair au gris foncé mais qui reste du gris
quand même, le souffle puissant de la tempête nous parvient encore
à travers l'épaisseur des murs de calcaire qui mesure au moins
cinquante centimètres, semblable en cela et sûrement à la muraille
moyenâgeuse des fortifications du mur d'enceinte du village,
auxquelles étaient accolés les logis les plus anciens. Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 36, 53.
>
DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, pp. 236, 344, 468.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t. 3, p. 2007, t. 5, p. 211.
>
GREVISSE, Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
p. 7.
>
LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1
supplément, t. 6, p. 6157.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET, Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 98.
> REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p. 2068.
>
THERON, Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 69, 74, 82.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
a - P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n - l i g n e . . .
. . . . . .
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire