jeudi 14 février 2013

En syntaxe, êtes-vous plutôt hypotaxe ou plutôt parataxe ? : atelier d'écriture n° 8 de La Publiance


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L a - P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 8



En syntaxe, êtes-vous plutôt

hypotaxe ou plutôt parataxe ?



À l'intérieur de la linguistique, on distingue plusieurs domaines selon la nature des faits étudiés. Traditionnellement, on envisageait 4 domaines : la phonétique (étude des sons du langage), la lexicologie (étude de l'origine des mots, leur étymologie, de leur histoire et de leurs relations), la morphologie (étude des morphèmes ou des éléments variables dans les mots), la syntaxe (étude des constructions grammaticales par lesquelles le sens se forme et de la construction de la phrase, et étude de la disposition d'ensemble des matériaux ou des éléments concourant à la signification de l'énoncé).

Selon des tendances plus récentes, on distingue 3 domaines qui envisagent la réalité linguistique selon d'autres critères que ci-dessus : la sémantique (étude de la signification de la langue et du langage), la stylistique (étude des faits de langue du point de vue de leur expressivité, polysémie, registres), la pragmatique (étude des rapports entre l'usage fait de la langue et la situation, ainsi que du rôle des participants à la communication).

La langue peut aussi être étudiée par rapport à la société, c'est la sociolinguistique, par rapport à la psychologie des individus, c'est la psycholinguistique, par rapport à d'autres langues, c'est la grammaire comparée et la linguistique contrastive, ou encore dans ses variations géographiques (français régionaux et dialectes), c'est la géographie linguistique.



« Ce qui fait en chaque langue que les mots excitent le sens que l'on veut faire naître dans l'esprit de ceux qui savent la langue, c'est ce qu'on appelle syntaxe. »

Extrait de : Œuvres, t. 5, de César Chesneau Dumarsais (grammairien français, 1676-1756).



« Ce n'est pas assez d'avoir des mots pour chaque idée ; il faut encore savoir former, de plusieurs idées, un tout dont nous saisissions tout à la fois les détails et l'ensemble, et dont rien ne nous échappe ; voilà l'objet de la syntaxe. »

Extrait de : Œuvres complètes : Grammaire, de Étienne Bonnot de Condillac (philosophe français, 1715-1780, entré à l'Académie française en 1768 ; selon lui, c'est le langage qui sert de fondement et de support à la pensée abstraite et réflexive grâce à l'utilisation de signes, d'où la nécessité d'une « langue bien faite » ; certaines des conceptions de Condillac sur le langage annoncent les théories linguistiques modernes).



La syntaxe étudie les relations entre les mots dans la phrase : l'ordre des mots, l'accord sont des phénomènes de syntaxe. On appelle syntagme un groupe de mots (ou un mot unique) formant une unité à l'intérieur de la phrase, un groupe ayant une fonction dans la phrase. Le syntagme se compose d'un élément principal ou noyau et d'un ou de plusieurs éléments subordonnés.

Par exemple, dans la phrase : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », on distingue un syntagme nominal dont le noyau est un nom « Les petits RUISSEAUX », et un syntagme verbal dont le noyau est un verbe « FONT les grandes rivières » ; le syntagme prépositionnel désigne un syntagme introduit par une préposition ; par exemple dans la phrase : « Il est resté à la maison », on distingue un syntagme verbal dont le noyau est un verbe « Il est RESTÉ » et un syntagme prépositionnel « à la maison ».

La syntaxe étudie aussi les relations entre groupe constituants de la phrase.



Il existe deux types de syntaxe, deux types de manière de joindre ensemble les mots d'une phrase et les phrases entre elles : la parataxe et l'hypotaxe.



La parataxe combine des éléments de même niveau syntaxique, en les juxtaposant, sans expliciter par une particule de subordinations ou de coordination le rapport de dépendance qui existent entre eux. Caractéristique de la langue orale, la parataxe confère au texte écrit un style plus vif, souvent plus concis et en apparence plus simple. Lorsque la parataxe ne met en jeu aucun mot de liaison, on parle d'asyndète (l'asyndète a été étudiée plus en détail lors de l'Atelier n° 5 du 28 janvier 2013).

La phrase dépouillée de Jules Vallès dans cet extrait de L'Enfant, ou bien le style parlé de Louis-Ferdinand Céline dans cet extrait de Féerie pour une autre fois, sont des exemples de parataxe :



« Mon oncle Joseph, mon tonton comme je dis, est un paysan qui s'est fait ouvrier (...) On boit, on chante, on fait des tours de force, il me prend par la ceinture, me jette en l'air, me rattrape et me jette encore. J'ai plaisir et peur ! »

Extrait de : L'Enfant, de Jules Vallès (écrivain et journaliste français, 1832-1885).



« Voici Clémence Arlon. Nous avons le même âge, à peu près... Quelle drôle de visite ! En ce moment... Non, ce n'est pas drôle... Elle est venue malgré les alertes, les pannes de métro, les rues barrées... et de si loin !... de Vanves... Clémence vient presque jamais me voir... son mari non plus, Marcel... »

Extrait de : Féerie pour une autre fois, de Louis-Ferdinand Céline (écrivain français, 1894-1961).



Il peut y avoir parataxe avec coordination dans la mesure où le procédé favorise la possibilité, dans un même discours, de plusieurs interprétations ; lors de polysémie (significations multiples) interprétative, lorsque l'interprétation est multiple, alors apparaît un plus grand respect des impressions sensibles.

Par exemple dans ce court poème inspiré de : Les Deux pigeons, de Jean de La Fontaine (poète français, 1621-1695, eut la charge de « maître des Eaux et Forêts », entré à l'Académie française en 1684), où il y a parataxe (juxtaposition des syntagmes) et coordination avec « et » :

« Deux papillons s'aimaient d'amour tendre.

ET l'un d'eux, s'ennuyant au logis,

Fut assez fou pour entreprendre

Un voyage en lointain pays. »

De quelle nature est le lien entre les vers 1 et 2 ? Concession ? Ou causalité ? On peut comprendre que MALGRÉ l'amour tendre qui unit deux pigeons, l'un des deux entreprenne tout de même un long voyage (concession), mais on peut aussi comprendre que c'est À CAUSE de cet amour tendre que l'un des deux pigeons s'ennuyât et qu'il entreprit un long voyage (causalité).



L'hypotaxe désigne une syntaxe fondée sur des rapports hiérarchisés entre éléments de la phrase, du type propositions principales et subordonnées (ou coordonnées). Caractéristique du texte écrit, l'hypotaxe confère au discours davantage de complexité, comme par exemple la phrase proustienne, qui s'allonge dans une succession de propositions subordonnées enchâssées les unes dans les autres.

L'extrait qui suit ne comporte qu'une seule et très longue phrase :



« Entre la couleur grise et douce d'une campagne matinale et le goût d'une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l'originalité de la vie physique, intellectuelle et morale que j'avais apportée, environ une année auparavant, à Doncières, et qui, blasonnée de la forme oblongue d'une colline pelée - toujours présente même quand elle était invisible - formait en moi une série de plaisirs entièrement distincte de tous autres, indicibles à des amis en ce sens que les impressions tissées les unes dans les autres qui les orchestraient, les caractérisaient bien plus pour moi et à mon insu que les faits que j'aurais pu raconter. »

Extrait de : Le Côté de Guermantes, de Marcel Proust (écrivain français, 1871-1922).



Les grammairiens latins utilisaient l'hellénisme syntaxis (ordre, arrangement des mots) ou constructio (empiler, édifier) pour la partie de la grammaire qui traitait de l'« arrangement des mots » mais aussi de l'emploi des mots, des cas et des modes, cet arrangement étant « réalisé par la construction d'une oraison parfaite » (Priscien, grammairien latin, VIe siècle, dont l'ouvrage Institutiones grammaticae exerça une influence déterminante sur l'enseignement de la grammaire et du latin dans l'Europe médiévale).

Cette conception se maintient au moyen âge et ne commence à être discutée qu'à partir de la Renaissance, en particulier parce que les grammairiens doivent résoudre des problèmes liés à l'enseignement du français à des étrangers. Meigret (1550, Tretté de la grammere françoize) n'emploie pas syntaxis mais « bâtiment ou construccion ou ordonance bone de parolles » ; C'est Ramus (Pierre de La Ramée, humaniste, mathématicien et philosophe français, 1515-1572) qui introduit syntaxe pour désigner l'arrangement des mots, la construction des propositions ainsi que l'étude des règles qui les régissent.

Par extension, le mot s'emploie pour « ouvrage qui traite de cette partie de la grammaire » (1718).

Au XVIIIe siècle, la notion de syntaxe change de contenu, avec les travaux qui définissent les méthodes d'analyse des mots et des propositions (César Chesneau Dumarsais (grammairien français, 1676-1756), Claude Buffier (philosophe et théologien français, 1661-1737), mais les rapports entre syntaxe et morphologie ne sont débattus qu'à partir de 1900 environ. Au XXe siècle, le mot s'emploie surtout en linguistique descriptive, la pédagogie des langues préférant nommer grammaire la syntaxe normative.

Le nom féminin hypotaxe est apparu en 1840, d'un emprunt au grec hupotaxis (subordination), composé de hupo (au-dessous, en-deçà), lui-même rattaché à une racine indoeuropéenne °upo-, et de taxis (mise en ordre). Son terme opposé parataxe est apparu en 1907, d'un assemblage du grec para (auprès de) et de taxis (mise en ordre).



Consigne : d'après le modèle suivant, construire un court récit suivant le procédé de la parataxe, puis le transformer suivant le procédé de l'hypotaxe.



Parataxe : « Cet homme est habile, il réussira » (il n'y a pas de subordination ou de coordination entre les deux syntagmes « Cet homme est habile » et « Il réussira » qui composent la phrase ; les deux syntagmes sont juxtaposés).



Hypotaxe : « Cet homme réussira parce qu'il est habile », « Cet homme est habile, aussi réussira-t-il », « Cet homme est habile, et donc il réussira », etc. (les deux syntagmes sont toujours subordonnés ou coordonnés).



Commencer par choisir un thème, par exemple la description d'une tempête et de ses effets sur la nature (les arbres renversés, les jardins dévastés, etc.), l'activité humaine (les rues désertées, les habitants qui se barricadent chez eux, etc.), sur les constructions et les communications (coupures d'électricité, tuiles arrachées, infiltrations d'eau, inondations, etc.), ou bien la description d'un bal ou d'une fête (les danseurs, les spectateurs, le buffet, les serveurs, les guirlandes ou les lampions, etc.), ou encore un projet de vacances (la recherche d'une destination, les activités envisagées, le trajet en avion, en train ou en voiture, la préparation des bagages, etc.).

Une fois le thème choisi, raconter en juxtaposant les actions et les descriptions (parataxe), puis relier les phrases entre elles pour composer des phrases les plus longues (et compréhensibles) possibles (hypotaxe).



Cela pourrait donner ceci :



Parataxe :

Une voix crie : Romain, les volets ! Un vent violent s'est levé durant la nuit, les volets claquent, Romain a oublié de les attacher hier soir, avant d'aller se coucher. Le ciel est gris foncé, couvert de nuages depuis la cime des arbres jusqu'au pied du soleil. Une lumière couleur plomb, tout est gris, clair, foncé, mais gris quand même. Le souffle puissant de la tempête nous parvient même à travers les murs épais, des blocs de calcaire épais d'au moins cinquante centimètres, un mur de muraille, lorsque le village était fortifié, au moyen-âge, lorsque les anciens logis étaient accolés à l'enceinte fortifiée. Etc.



Hypotaxe :

- Romain, les volets ! crie une voix.

Les volets claquent dans le vent violent, dont la puissance a grandi durant la nuit, et les volets claquent car Romain a oublié de les attacher avant d'aller se coucher. Le ciel n'est plus qu'un épais tapis de nuages gris foncé, lourd et bas, qui recouvre tout l'espace depuis la cime des arbres jusqu'au pied du soleil. Dans une lumière grise comme le plomb qui transforme chaque couleur en un arc-en-ciel de gris qui va du gris clair au gris foncé mais qui reste du gris quand même, le souffle puissant de la tempête nous parvient encore à travers l'épaisseur des murs de calcaire qui mesure au moins cinquante centimètres, semblable en cela et sûrement à la muraille moyenâgeuse des fortifications du mur d'enceinte du village, auxquelles étaient accolés les logis les plus anciens. Etc.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 36, 53.



> DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, pp. 236, 344, 468.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol., t. 3, p. 2007, t. 5, p. 211.



> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., p. 7.



> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t. 6, p. 6157.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 98.



> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 2068.



> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 69, 74, 82.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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