vendredi 15 mars 2013

La fable, la nouvelle et la photo de famille : atelier n° 13


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L a - P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 13



La fable, la nouvelle,

et la photo de famille



Le nom féminin fable vient (environ 1155) du latin fabula (récit, propos), qui donne récit mythologique, allégorique, conte, apologue, du verbe fari (parler), issu d'une racine indoeuropéenne °bha- (énoncer). Au milieu du XIIe siècle, le mot apparaît au sens de récit imaginaire, histoire, allégation mensongère (1160). Le sens de petit récit moralisant qui met en scène des animaux est lui aussi ancien (1180). Ce n'est qu'au début du XVIIe que le mot désigne la mythologie de l'antiquité païenne.



À l'origine, la fable appartient à la tradition orale ; elle semble née dans les pays orientaux, mais on la retrouve dans toutes les civilisations. Dans la Grèce antique, le fabuliste le plus célèbre est Ésope qui vécu au VIe siècle avant J.‑C., et dont l'œuvre présente une influence orientale. Au Ier siècle avant J.‑C., il inspire le Latin Caïus Julius Phèdre (15 avant J.-C.-50 après J.-C.) auteur de 123 fables et qui introduisit ce genre à Rome.

En France, au Moyen Âge, la veine ne tarit pas, comme l'atteste le vif engouement pour les bestiaires et les ysopets (ou isopet, terme formé à partir du nom d'Ésope et qui signifie recueil de fables), tels ceux de Marie de France (poète française, 1154-1189, première femme qui ait écrit de la poésie en français, auteur de fables ésopiques et de Lais en vers octosyllabes). Il s'agit d'apologues (courts récits proches du genre de la fable) plagiés des fables d'Ésope et de Phèdre.

Les auteurs de la Renaissance, Clément Marot (poète français, 1496-1544, qui, maniant avec aisance le décasyllabe, contribua à épurer la langue de son temps, s'exprimant avec un pittoresque dans l'invention verbale et une clarté que vantèrent Boileau et La Fontaine), Mathurin Régnier (poète français, 1573-1613, auteur de Satires en vers, inspirées d'Horace et de Juvénal) adaptent les œuvres antiques.



« Petit récit qui cache une moralité sous le voile d'une fiction et dans lequel d'ordinaire les animaux sont les personnages, l'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps, l'autre l'âme ; le corps est la fable ; l'âme la moralité (…) Aristote n'admet dans la fable que les animaux (...) Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être ; le plus simple animal nous y tient lieu de maître »,

extrait de la préface des Fables, de Jean de La Fontaine (poète français, 1621-1695, entré à l'Académie française en 1684).



Le genre n'a cessé d'engendrer des créations célèbres. Jean de La Fontaine demeure, certes, notre plus grand fabuliste. Mais des recueils tels que La Fable du monde (publié en 1938) de Jules Supervielle (poète et romancier français, 1884-1960), ou Chantefables (publié posthumement en 1970) de Robert Desnos (poète français, 1900-1945) témoignent de la pérennité de ce genre poétique.

La finalité de la fable n'est pas de raconter une histoire avec des nuances complexes et de fines analyses : il s'agit plutôt d'une mise en scène mettant habilement en valeur le trait efficace. La fonction moralisatrice de la fable est indéniable depuis l'Antiquité. Le récit qui sert d'exemple pour la morale finale utilise les animaux ou la nature plus souvent que les hommes, ces derniers incarnent des situations types et n'ont pas de réelle psychologie.



Le renard et les raisins



Certain renard gascon [Les Gascons ont la réputation d'être vantards],

d'autres disent normands [Les Normands, eux, ont la réputation de ne jamais

s'engager clairement]

Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille

Des raisins mûrs apparemment

Et couverts d'une peau vermeille.

Le galant en eût fait volontiers un repas ;

Mais, comme il n'y pouvait atteindre :

« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. »

Fit-il pas mieux que de se plaindre ?



Extrait du Livre troisième (onzième fable) des Fables, de Jean de La Fontaine (poète français, 1621-1695, eut la charge de « maître des Eaux et Forêts », entré à l'Académie française en 1684).

***

Le nom féminin nouvelle qui désigne une œuvre littéraire et, par métonymie, un genre littéraire, est emprunté (1414) à l'italien novella (récit imaginaire) issu (1050) du latin tardif °novella, pluriel neutre de novellus (nouveau). À cette époque, il est employé au sens de récit concernant un événement présenté comme réel et récent.



La traduction en français du Décaméron, œuvre écrite en 1348-1353 et constituée de cent récits répartis sur dix journées, de Boccace (Giovanni Boccaccio, écrivain italien, 1313-1375), et des Facéties, recueil d'anecdotes divertissantes écrit en 1438-1452, du Pogge (Gian Francesco Poggio Bracciolini, écrivain italien, 1380-1459), fournit le modèle d'un genre qui, à la fin du moyen âge, remplace le fabliau (petit récit en vers octosyllabes propre à la littérature « bourgeoise » des XIIIe et XIVe siècles) et le « dit » en vers (genre littéraire du moyen âge qui consistait en une petite pièce – un poème ou un petit récit - traitant d'un sujet familier ou d'actualité).



À la Renaissance, la nouvelle désigne le récit bref d'une aventure ou d'une anecdote. Elle conserve de la tradition du fabliau le caractère oral et un sujet inscrit dans la vie quotidienne.

Ce sont par exemple, les Cent Nouvelles nouvelles (auteur anonyme) titre qui exploite l'homonymie avec l'adjectif « nouveau, nouvelle », ou l'Heptaméron (ouvrage inachevé qui comprend 72 nouvelles) de Marguerite de Navarre (de Valois ou d'Angoulême, reine de Navarre, 1492-1549), ou encore les Nouvelles récréations et joyeux devis de Bonaventure Des Périers (poète et conteur français, 1510-1543).



« Sorte de roman très court, récit d'aventures intéressantes ou amusantes. Les Espagnols avaient le secret de faire de petites histoires, qu'ils appellent nouvelles, qui sont plus à notre usage et plus à la portée de l'humanité, que ces héros imaginaires de l'antiquité (...) Si l'on faisait des nouvelles en français aussi bien faites que quelques-unes de celles de Michel de Cervantès (écrivain espagnol, 1547-1616, auteur de El Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha ou Don Quichotte, et des Nouvelles exemplaires, qui marquent un tournant dans le domaine de la brève narration), elles auraient cours autant que les romans héroïques »,

extrait de : Le Roman comique de Paul Scarron (écrivain français, 1610-1660, époux de Françoise d'Aubigné, petite-fille d'Agrippa d'Aubigné, qui devait devenir Mme de Maintenon, organisatrice de salons littéraires avec Mme de Sévigné et Mme de La Fayette, fondatrice de Saint-Cyr-l'École pour l'éducation des jeunes filles nobles sans fortune).



Au XVIIe siècle, la nouvelle perd de son caractère oral et narre plusieurs aventures.

Au XVIIIe siècle, par exigence de réalisme, les auteurs de nouvelles ont recours à la chronique judiciaire et criminelle et on assiste à un retour à la conception originelle de la nouvelle : un récit bref, rapide, resserré, à la progression dramatique affirmée.

Le XIXe siècle voit l'apogée du genre par sa diffusion considérable grâce à la place que lui accordent les journaux et les revues. D'ailleurs, tous les romanciers du siècle le pratiquent : Honoré de Balzac (écrivain français, 1799-1850) auteur de Sarrazine, Stendhal (Henri Beyle dit, 1783-1842) auteur des Chroniques italiennes (recueil de nouvelles où il exprime son culte de la passion et de l'énergie), Émile Zola (écrivain français, 1840-1902) avec les Contes à Ninon (où l'auteur exprime sa ferveur romantique), Jules Amédée Barbey d'Aurevilly (écrivain français, 1808-1889) auteur des Diaboliques (sombres et extravagantes histoires où des caractères tourmentés éprouvent des passions invincibles), Gustave Flaubert (écrivain français, 1821-1880) avec Trois Contes.

Prosper Mérimée (écrivain français, 1803-1870, auteur de nombreuses nouvelles publiées dans la Revue de Paris et dans la Revue française entre 1829 et 1830, auteur de Mosaïque, recueil de nouvelles d'inspiration très diverse, toutes remarquables par la rapidité de la progression et la concision du style) et Guy de Maupassant (écrivain français, 1850-1893, auteur de quelques trois cents nouvelles publiées dans les journaux puis réunies en recueils) sont alors les nouvellistes les plus célèbres.



En français moderne, le mot nouvelle est plus précis que récit, narration et, en tant que genre littéraire, se distingue du conte par la nature du contenu et du roman par l'ampleur. Bien que soumis à des évolutions, le genre obéit toujours aux critères de concentration, de vraisemblance et de cohérence. Sa forme reste celle d'un récit concis, resserré et rapide, centré autour d'une anecdote, entièrement construit pour être ponctué par une phrase surprenante qui clôt le texte sur un effet saisissant : la chute.



Dans la consigne, on ne tiendra pas compte de la différence entre le récit en tant que énoncé rapporté par rapport au moment de l'énonciation, et le discours en tant que énonciation directe. On comprendra récit au sens de histoire, racontée au présent de l'indicatif par un narrateur qui est lui-même un des personnages de l'histoire.



Consigne : le but de cet exercice est de décrire une photo imaginaire d'une famille imaginée. Mais si les personnages-membres de la famille sont inventés de toute pièce, il n'en va pas de même pour les sentiments, les sensations et les souvenirs qui doivent être réels, qui doivent partir d'une expérience vécue et d'un ressenti personnel.

Les éléments donnés ci-après servent de point de départ à une fable (qui est l'invention d'un événement : une photo de famille prise à l'occasion d'un autre événement : un mariage, un enterrement, un anniversaire, des vacances d'été, des retrouvailles, etc.) ou à une nouvelle (un récit bref et clos qui contient un début ou scène(s) d'exposition, un milieu ou le récit d'une ou de plusieurs anecdote(s) et une fin ou la chute).

On peut envisager le récit du point de vue du photographe en train de réaliser la photo (grand angle du récit, vision d'ensemble des membres de la famille en train de se placer et de prendre la pose, grande distance entre le narrateur et les personnages), ou du point de vue d'un enfant (vocabulaire simplifié, vision enfantine du monde des adultes) ou d'un(e) adolescent(e), ou bien du point de vue d'un des membres de la famille imaginaire (situer la place de ce membre par rapport aux autres (frère, sœur, cousin, cousine, grand-père ou grand-mère, beau-frère ou belle-sœur, compagnon, compagne, etc.), son âge et son métier).

Employer le présent de l'indicatif.

Enfin, attribuer à chaque personnages le nom d'un animal ainsi que ses caractéristiques, et faire ressortir la morale de l'histoire en ponctuant le récit par une maxime, un adage ou un proverbe.



Éléments de départ :

. un groupe d'enfants, deux ou trois filles, deux ou trois garçons, âgés de 3 à 8 ans qui jouent à cache-cache dans un salon, dans un jardin, dans une cour, qui jouent à construire une tour de cubes en bois, qui dansent sur la musique d'une radio.

. une, deux ou trois vieilles personnes de soixante-dix à quatre-vingts ans assises dans un coin, qui somnolent, qui observent les enfants, qui détaillent les adultes.

. trois, cinq, six ou huit adultes, au moins deux femmes et un ou deux hommes, qui discutent (météorologue, vendeur(se) en jardinerie, caissier, institutrice, infirmière dans une maison de retraite, ouvrier du bâtiment, femme au foyer, chômeur) debout au milieu du salon, du jardin ou de la cour, ou qui courent après les enfants, ou qui se tiennent à côté d'une personne âgée, ou qui rêvasse, ou qui assiste le photographe avant d'aller prendre place devant l'objectif.

. le (la) photographe qui place les quelques membres (deux ou trois enfants, deux ou trois adultes, une vieille personne) sur des chaises ou autour d'une table, devant une charmille en fleur, sur un perron, devant une piscine, etc., qui place une famille composée d'une vingtaine de membres, ou qui place une cinquantaine de personnes réparties sur les marches d'un escalier monumental.

. les anecdotes doivent être tirées de sa propre expérience, de son vécu personnel, ou de ses souvenirs ; elles doivent être reliées à des sensations et à des sentiments personnels (employer le je).



Par exemple, cela pourrait donner ceci :



Aujourd'hui, je dois réaliser une photo de groupe, la photo de la famille M., réunie à l'occasion de l'enterrement de l'arrière-grand-père âgé de quatre-vingt-treize ans.

Je mets bien une heure trente avant de placer tout le monde : les deux enfants du défunt, âgés de soixante-treize et soixante-huit ans, les petits-enfants âgés de cinquante-trois ans, quarante-neuf et quarante-six ans, les arrières-petits-enfants (trente-trois, vingt-huit, vingt-six et vingt-deux ans), ainsi que leurs conjoints et compagnons (4), et trois petits enfants âgés de 3, 6 et 8 ans.

Au moment d'appuyer sur le bouton de l'appareil photo et de déclencher la cascade de photos du groupe enfin réuni, les deux bancs où avaient pris place les seize membres se cassent en deux, tout le monde tombe à terre et la photo est ratée. Au même moment, une pie, un moineau et un papillon se posent dans l'herbe. Au-dessus d'eux s'avancent un renard, un chien de berger, deux moutons, une chèvre et trois chevaux. Enfin, sur les bancs réparés se hissent tant bien que mal un vieil âne, une panthère arthritique et un ours asthmatique, tandis que volettent gaiement au-dessus d'eux un vieux coucou dégarni et une vieille chouette argentée.

Etc.

Moralité : Rien ne sert de courir, il faut partir à point, ou bien : Qui va doucement, va sûrement, ou encore : Qui trop se hâte reste en chemin ; et : Hâtez-vous lentement.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 72, 84.



> DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 398.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t. 3, p. 2357, t. 4, p. 4189.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 771, 1336.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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