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L
a - P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n - l i g n e . . .
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Atelier d'écriture n° 12
La
métalepse et la syllepse (l'échange de significations), la prolepse
(l'anticipation)
Avant
de commencer l’atelier sur les métalepse-syllepse-prolepse, voici
- en entier - le poème de Robert Desnos (poète français,
1900-1945, qui s’affirma dans la lignée du romantisme nervalien
comme l’un des maîtres de la poésie onirique) intitulé C'était
un bon copain, et qui illustre
l'atelier n° 11, sur la métonymie :
C’était
un bon copain
Il
avait le cœur sur la main
Et
la cervelle dans la lune
C’était
un bon copain
Il
avait l’estomac dans les talons
Et
les yeux dans nos yeux
C’était
un triste copain
Il
avait la tête à l’envers
Et
le feu là où vous pensez
Mais
non quoi il avait le feu au derrière
C'était
un drôle de copain
Quand
il prenait ses jambes à son cou
Il
mettait son nez partout
C'était
un charmant copain
Il
avait une dent contre Étienne
À
la tienne Étienne à la tienne mon vieux
C'était
un amour de copain
Il
n'avait pas sa langue dans la poche
Ni
la main dans la poche du voisin
Il
ne pleurait jamais dans mon gilet
C'était
un copain
C'était
un bon copain.
***
Les
trois notions, la syllepse, la métalepse et la prolepse, ont en commun une même racine étymologique (lambanein
qui signifie prendre), et une même fonction grammaticale, ou
syntaxique ou sémantique : elles appartiennent à l'ensemble des
figures de rhétorique qui participent à la construction d'un écart
par rapport à la norme, afin de substituer à l'ordre normal de la
phrase celui de la sensibilité ou de l'imagination.
La
métalepse
On
appelle métalepse la figure de rhétorique par laquelle on
fait entendre la cause en exprimant la conséquence (ou l'effet).
Exemples : Nous les pleurons
(pour : Ils sont morts),
on exprime l'effet ou la conséquence (pleurer)
pour faire entendre la cause (la
mort) ; Ou bien : J'ai le
ventre qui gargouille (pour : J'ai
très faim).
La
métalepse est une variante de la métonymie
(voir l'atelier précédent, Atelier d'écriture n° 11), qui
consiste à faire entendre une chose en exprimant ce qui l'amène (ou
la précède), ou bien ce qui la suit. C'est une figure par laquelle
on prend l'antécédent pour le conséquent, ou vice-versa le
conséquent pour l'antécédent. Par exemple : on peut dire Elles
ont bien vécu (on dit ce qui précède, on prend l'antécédent
pour le conséquent), ou Nous les
pleurons (on dit ce qui suit, on prend le conséquent pour
l'antécédent), dans les deux cas on entend Elles
sont mortes.
La
métalepse ne dit pas la chose directement, mais indirectement. Jean
Giraudoux (écrivain français, 1882-1944, romancier dont la
fantaisie et l'humour se paraient de tous les prestiges d'un style
chatoyant, riche d'images insolites et rares) par exemple, fut très
friand de métalepses.
Pour
Jules Marouzeau (philologue français, 1878-1964) la métalepse est
une « figure invoquée par
les auteurs de traités de rhétorique pour expliquer de prétendus
transferts (...) de signification ; ainsi dans l'emploi de entendre
au sens de comprendre,
de écouter
au sens de obéir »
(extrait de : Lexique de la terminologie linguistique).
Le
nom féminin métalepse est emprunté (1585) au grec de même
sens metalêpsis (changement, échange), dérivé de
metalambanein (recevoir sa part, échanger), de
lambanein (prendre). Il est possible que le latin
impérial metalepsis ait servi d'intermédiaire, mais l'époque
d'emprunt rend possible l'emprunt direct au grec.
La
prolepse
Le
nom féminin prolepse est emprunté à la Renaissance (1564)
au grec prolêpsis (opinion que l'on se fait d'avance,
préjugé) spécialement en rhétorique (réponse anticipée à
une question). Ce substantif est dérivé du verbe prolambanein
(futur prolêpsesthai) qui signifie prendre, porter en
avant et, avec une valeur temporelle, prendre par avance
d'où, au figuré, prendre d'avance par l'esprit, présumer,
préjuger. Ce verbe est formé de pro (pour) et de
lambanein (prendre).
On
peut rencontrer des prolepses de mots (anticipation de mot(s) par
déplacement de ce(s) mot(s) dans la phrase) et des prolepses de
style (anticipation des objections d'autrui).
Le
mot désigne en rhétorique une figure, dite aussi anticipation,
par laquelle on va au-devant des objections de l'adversaire ; pour
prévenir les objections d'autrui et les détruire, les réfuter, on
se les fait à soi-même d'avance. Exemple : On
me dira que je n'aurai
pas dû le frapper. Mais j'avais de bonnes raisons de le faire : il
venait d'insulter ma fille et de gifler ma femme.
Dans
la narration, on parle de prolepse lorsqu'on annonce des faits
à venir, à l'inverse d'un retour en arrière ou flashback. Exemple
: On me dira que je n'aurai pas
dû entrer chez lui sans sonner, que je n'aurai pas dû l'insulter,
que je n'aurai pas dû le frapper. On me dira que j'aurai dû essayer
de discuter et de parlementer, on me dira que j'aurai dû essayer
d'engager le dialogue.
En
stylistique ou en grammaire, il désigne (1933) le fait de placer un
mot dans la proposition qui précède celle où il devrait
normalement figurer. Le poéticien Gérard Genette (critique
littéraire et théoricien français de la littérature, 1930-) étend
ce sens, rejoignant l'emploi initial du terme (prendre d'avance
par l'esprit, présumer, préjuger).
Le
procédé peut paraître grammaticalement ou syntaxiquement
incorrect, toutefois l'intonation et les pauses peuvent rendre ce
type de phrase acceptable en langue parlée. Par exemple : Tu
sais Jean comme il aime le chocolat (au lieu de : Tu
sais comme il aime le chocolat, Jean). Un tel procédé met en
valeur un élément de signification par rapport aux autres. Exemples
: Regarde le soleil comme il
brille (au lieu de : Regarde comme le soleil brille), Il faut
savoir raison garder (au lieu de : Il
faut savoir garder la raison).
La
syllepse
On
appelle syllepse,
l'accord des mots en genre et en nombre non d'après la grammaire,
mais d'après le sens. Par exemple : viendra,
au lieu de viendront
dans : Demain
VIENDRA l'orage, et le soir, et la nuit
(Victor Hugo (1802-1885) ; on parle alors de syllepse
grammaticale.
En rhétorique, on parle aussi de syllepse quand un terme est pris
dans la même phrase au propre et au figuré ; on parle alors de
syllepse
de sens.
Par exemple : Vêtu
de probité candide et de lin blanc.
Attention
à ne pas confondre la syllepse
avec la synchyse
(qui est le bouleversement de l'ordre des mots dans la phrase :
D'amour
me font, Belle Marquise, vos beaux yeux mourir,
pour : Belle
Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour)
ou avec l'anacoluthe
(qui est une rupture dans la construction de la phrase : Celui
qui n'est pas encore convaincu, c'est à lui que je m'adresse,
pour : Je
m'adresse à celui qui n'est pas encore convaincu)
ou encore avec le jeu de mots.
Le
nom féminin syllepse
est un emprunt au bas latin (1660) des rhétoriciens syllepsis,
qui reprend le grec sullêpsis
(action
de prendre ensemble),
d'où compréhension
et spécialement accord
grammatical selon le sens.
Sullêpsis
dérive de sullambanein
(prendre
ensemble, réunir,
qui donna le mot syllabe).
***
Consigne
: construire un court récit (une page format A4) en utilisant les
syllepses et métalepses suivantes, et en annonçant les faits à
venir dans la narration (prolepse) en utilisant : on
me dira que, les gens
penseront que, les
critiques fuseront, les
langues se délieront, etc.
Commencer
par lire les figures qui suivent afin de s'en imprégner, puis
laisser libre court à son imagination afin de permettre à des
personnages et à des situations de prendre corps ; enfin, bâtir une
petite histoire (ou un scénario, ou une succession d'actions) afin
de mettre en scène les personnages invoqués, dans des situations
que l'on aura provoquées, au prétexte d'utiliser les phrases
proposées et les figures imposées.
.
Le voleur, on l'a rattrapé en même temps qu'un bon rhume, tant il
faisait froid et humide,
.
Minuit sonnèrent, une foule de gens l'attendent,
.
Se constituer une garde-robe et une conduite personnelle et
originale,
.
À
cinquante ans, beaucoup le tiennent pour un jeune quadragénaire,
.
Nous les pleurons (elles sont mortes),
.
J'ai le ventre qui gargouille (j'ai très faim),
.
Elles ont bien vécu (elles sont mortes),
.
J'ai bien entendu : On doit rejoindre à pied la gare qui est à plus
de quinze kilomètres ! (j'ai bien compris),
.
Je n'obéirai pas aux ordres, d'ailleurs je n'écoute pas, je
n'entends plus rien,
.
Tu sais Jean comme il aime le chocolat (tu sais comme Jean aime le
chocolat),
.
Regarde le soleil comme il brille (regarde comme le soleil brille),
.
On me dira que je n'aurai pas dû le frapper, on me dira que j'avais
tort,
.
Il faut savoir raison garder (il faut savoir garder les idées
claires).
Cela
pourrait donner ceci :
Au
village, tout est sens dessus dessous. Dans la nuit du 31 décembre
au 1er janvier, la veille au soir, deux vies ont été volées. Ce
matin, deux corps sans vie ont été découvert près du Pont aux
Chats par un passant qui allait chercher du pain à la boulangerie.
Un sergent du commissariat voisin arrive sur les lieux et commence
son enquête.
-
Le voleur, on va l'attraper en même temps qu'un bon rhume, lance une
dame au joli visage qui est en train de donner à manger aux chats du
Pont aux Chats. Sur ce, elle éternue, puis elle se mouche bruyamment
tandis que le sergent, qui observe la neige immaculée qui recouvre
les deux corps, ne pipe mot. Pas de trace de lutte, pas de sang,
aucune trace de pas.
Le
passant qui a découvert le vol et qui a prévenu le commissariat, se
tient à côté du sergent. Ce dernier, qui s'appelle Jean, on n'a
pas le droit de donner son nom de famille, question de sécurité,
quoique tout le monde se connaisse au village, prénoms et nom de
famille compris, et tu sais Jean comme il aime le chocolat, Jean sort
une tablette de chocolat de sa poche et il enfourne une barre entière
de quatre carrés de chocolat dans sa bouche, signe d'une profonde et
intense concentration.
-
Regarde le soleil comme il brille, Jean ! La neige ne va pas tenir
bien longtemps avec ce temps-là, dit le passant en tendant un doigt
vers le ciel. Il s'appelle Raymond et à cinquante ans beaucoup le
tiennent pour un jeune quadragénaire. Il est amoureux de la belle
Madeleine, la quarantaine, qui nourrit tous les jours les chats du
Pont aux Chats.
-
Qui a bien pu faire ça ? demande Madeleine en rangeant dans son
panier les sacs qui contenaient les croquettes et un peu de mou
qu'elle a déversé dans des écuelles en plastique. Voler deux vies
qui ne vous appartiennent pas, voler la vie des autres, quelle honte
! On dira ce qu'on voudra, moi, je suis d'avis de condamner à mort
le voleur, de lui ôter la vie, de lui faire subir ce qu'il a osé
faire subir à d'autres.
Raymond
se détourne de Jean le sergent et dit en se rapprochant de Madeleine
: Il faut savoir raison garder, ma petite Madeleine, ils ont bien
vécu, nous les pleurerons, la vie c'est comme ça, ça va ça vient
ces deux-là seront oubliés dans la journée, deux de moins, au
printemps prochain, il en naîtra d'autres...
-
Arrête, Raymond ! Comment oses-tu parler ainsi devant deux pauvres
petites dépouilles...
-
De chat, Madeleine, des cadavres de chats, précise Raymond avec
sérénité. Cette nuit, la température est descendu largement
en-dessous de zéro. Ces deux chats étaient vieux et très
certainement malade, ton voleur s'appelle le froid et son acolyte
s'appelle la vieillesse. Un couple de voleurs redoutables et
redoutés.
-
Bon, c'est pas tout ça, articule le sergent, les dents barbouillées
de chocolat, j'ai pas encore eu le temps de prendre mon petit
déjeuner et j'ai le ventre qui gargouille. Je rentre au
commissariat, annonce Jean le sergent. J'enverrai le stagiaire
prendre vos dépositions pour établir un procès-verbal.
Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 58.
>
DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, pp. 301, 382, 460.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago,
Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t.
4, p. 3860, t. 5, p. 5034, t. 6, p. 6148.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET, Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 102.
> REY,
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 1232, 1645, 2061.
>
THERON, Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 41, 77, 78.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
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d'écriture et publication
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