jeudi 25 avril 2013

Niveaux de langue, langages, registre, style : atelier d'écriture n° 20


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 20



Niveaux de langue, langages,

registre, style

« Mignonne, allons voir si la rose... »

ou : « Viens par ici ma poulette ! »

ou encore : « Mademoiselle, seriez-vous
 
disposée à m'accompagner pour

visiter le jardin ? »



Langage



Langage, langue : ces deux mots ne diffèrent que par la finale « age » qui, étant la finale « aticus » des latins, signifie ce qui opère, ce qui agit. C'est là ce qui fait la nuance des deux mots.

La langue est plutôt la collection des moyens d'exprimer la pensée par la parole ; le langage est plutôt l'emploi de ces moyens. C'est la nuance que l'on aperçoit, par exemple, entre la langue française et le langage français. Pour la même raison, on dit le langage par signes, le langage des yeux, et non la langue par signes, la langue des yeux. La langue du cœur, ce sont les expressions dont le cœur se sert d'ordinaire ; le langage du cœur, ce sont les émotions que le cœur fait partager (1870).



Au propre, le langage, c'est l'emploi de la langue pour l'expression des pensées et des sentiments. Le langage des oiseaux pour leur chant, le langage des animaux pour leurs cris, leurs rugissements, le langage des plantes, etc. Au figuré, c'est tout ce qui sert à exprimer des sensations et des idées. Le langage du geste pour le mime.



C'est vers 1361 que le langage est l'emploi particulier d'une langue envisagée sous son aspect formel, du point de vue de la correction et du registre. Ce n'est que vers 1587 que le langage est considéré par rapport aux idées exprimées et au contenu de la communication. Le mot est défini linguistiquement au XVIIe siècle comme un système de signes plus ou moins complexe servant à l'expression et à la communication (1662). Le mot s'emploie par extension, d'une manière plus ou moins flottante, à propos d'un ensemble de signe formant système (1867), par exemple dans le langage des parfums, le langage des couleurs.



Langue



La langue d'un auteur, c'est l'ensemble des mots et des tournures dont un auteur fait surtout usage, c'est le contenu de son discours, non par son thème mais par l'usage que l'auteur fait du vocabulaire (lexique) et des procédés syntaxiques (composition de la phrase, temps et mode des verbes). Par exemple la langue de Corneille, de Racine.

La langue de bois est une façon de s'exprimer qui abonde en stéréotypes et en formules figées.



Les têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte des idiomes. La raison seule est commune, l'esprit en chaque langue a sa forme particulière,

extrait de : L'Émile, II, de Jean-Jacques Rousseau (écrivain et philosophe genevois de langue française, 1712-1778).



Un idiome est un parler propre à une région (dialecte, patois) ou à un groupe social ; Se former sur quelque chose, a le sens de : le prendre comme modèle, comme exemple.



Les niveaux de langue désignent les façons particulière de s'exprimer, l'usage du langage propre à un groupe ou à un individu.

La valeur du niveau est donnée par le vocabulaire employé et la tournure de la phrase, allant du langage commun, courant, général, ordinaire, quotidien, au langage simple ; du langage parlé, populaire, argotique, cru, libre,trivial, vulgaire, au langage littéraire, écrit, prosaïque (prose), poétique, lyrique, choisi, noble, relevé, soutenu ; du langage académique, châtié, guindé, affecté, amphigourique (compliqué, confus et obscur), précieux, au langage archaïque ou d'aujourd'hui, moderne, nouveau ; du langage clair, direct, expressif, au langage ésotérique, hermétique, secret, incompréhensible, confus.



En linguistique, on parle de niveaux de langue en tant que actualisations d'une langue, selon les caractéristiques d'un usage déterminé, et d'après la situation de communication, les possibilités et les intentions du locuteur, manifestées par des stratégies de discours. Les niveaux de langue, comme les registres et les styles, sont variables suivant le niveau social, culturel, de ceux qui parlent.



Registre



Le mot registre est l'adaptation (XIIIe siècle) de l'ancien français regeste (vers 1155), puis regestre (vers 1265) qui signifie « récit, histoire ». Ce mot rare a été repris au XIXe siècle par Maximilien Paul Émile Littré (1801-1881) dont les nombreux travaux philologiques et lexicographiques devaient aboutir à la publication de son œuvre principale : le Dictionnaire de la langue française (1863-1872).

Ce mot rare a aussi été repris à partir de 1870 par les historiens médiévistes pour désigner le répertoire chronologique enregistrant les actes issus des pouvoirs publics ou intervenus entre des particuliers.

Il est intéressant de noter que dès 1559 le mot désigne l'étendue des moyens dont quelqu'un dispose dans un certain domaine, d'abord à propos de la parole.



Les registres de la parole sont les utilisations que chaque sujet « parlant » fait des niveaux de langue existant dans l'usage social d'une langue (familier, standard, soutenu, populaire, cultivé, etc.). Car non seulement les manières de parler (et d'écrire) peuvent considérablement varier d'une personne à l'autre, de plus un même locuteur s'exprimera de façon extrêmement diversifiée selon les situations de communication dans lesquelles il se trouvera (on ne rédige pas de manière identique une lettre à sa mère et une lettre à un collègue de travail et une lettre à un supérieur hiérarchique). On distingue habituellement trois registres de langue : familier, standard et soutenu.



Le registre familier correspond au français parlé entre interlocuteurs placés sur un pied d'égalité, avec un lexique composé de mots courants, argotiques parfois, d'expressions imagées et pittoresques, d'écarts de style insolites, et dont la syntaxe est faite de phrases courtes, hachées ou inachevées, où les propositions (sous-phrases) sont juxtaposées plutôt que subordonnées, et qui admet beaucoup d'écarts dans l'agencement des groupes de mots.

Par exemple : Dans la salle à manger, on risquait pas de manquer de place. Et ça sentait drôlement bon. La cire, je crois bien, et même le miel sauvage. Y avait aussi des lilas. Tout ça annonçait des rupins !.



Le registre standard correspond au français écrit ou parlé entre des interlocuteurs qui ne se connaissent pas : le vocabulaire est informatif, neutre, composé de mots usuels compris sans difficultés par la majorité, parfois appauvris (pas de mots vulgaires, ni trop spécialisés, ni trop littéraires, pas d'emphase ni d'expressivité excessive), les phrases sont facilement compréhensibles et composées sur le modèle sujet + verbe + complément, dans le respect de la norme, sans recherche ni effet. Ce registre est utilisé dans la littérature dite « réaliste ».

Par exemple : Dans la salle à manger, très spacieuse, les meubles venaient d'être cirés.



Le registre soutenu ou « cultivé » (par nature le registre du style) correspond au français écrit ou écrit oralisé, utilisé dans des communications officielles ou institutionnelles et en littérature. Le vocabulaire est recherché, composé de mots précis, de mots rares ou abstraits, de mots riches en connotations ou polysémiques (qui présentent plusieurs sens) ; les phrases sont souvent complexes avec beaucoup de subordonnées, dans une recherche stylistique de la variété, obtenue par des écarts (antithèse, inversion, métaphore, métonymie, etc.) ou par l'emploi de certaines figures de rhétoriques (par exemple le zeugme, la syllepse, l'anacoluthe, l'abstraction, la synchyse, etc.).

Exemple : Dans la salle à manger, les reflets chatoyants que renvoyaient les meubles, les senteurs rares et raffinées de cire et de miel sauvage, les volutes voluptueuses des lilas sur la desserte, tout annonçait la liesse des sens et de l'esprit.

***

On a donc deux notions distinctes : le niveau de langue d'un texte, défini par l'analyse du lexique et de la syntaxe, et le registre de langue d'un auteur, soit lorsqu'il mélange plusieurs tons, plusieurs styles, plusieurs genres, ou au contraire lorsqu'il privilégie l'unité de ton, l'homogénéité lexicale (par exemple l'épopée et la tragédie, la satire et la comédie aux époques classiques).

Exemple :

Apporte le café, le beurre et les tartines

On dirait que le vent dit des phrases latines...

de Guillaume Apollinaire (poète français, 1880-1918),

où l'auteur mélange deux niveaux de langue (vocabulaire familier du premier vers, et registre soutenu du deuxième vers par utilisation de l'image du vent parlant en latin) et deux tons différents, celui de la prose (premier vers) à celui de la poésie (deuxième vers rimé) sans rendre pour autant cette dernière prosaïque, car les deux vers sont des alexandrins.

Dans les deux cas, niveaux de langue du texte et registre de langue de l'auteur, les clivages sont d'ordre lexical (argot et langue standard, vocabulaire technique et langue commune) ou/et d'ordre phonétique, morphologique, syntaxique et lexical (langue cultivée et langue populaire, langue courante et patois)



Consignes :

1. À l'aide des mots et expressions ci-après, composer une demande en mariage dans une unité de ton, d'abord dans une langue courante et commune (par exemple entre un homme et une femme qui se connaissent depuis l'enfance), puis dans une langue soutenue et cultivée (dans le cas où les amoureux ne se connaissent que très peu, mais sont issus d'un même niveau social élevé).

Chérir, aimer, avoir à la bonne, conter fleurette, faire les yeux doux, faire la cour, avoir dans la peau, en pincer pour, avoir le béguin, adorer, aduler, amoureux, amoureuse, jules, soupirant, cavalier servant, adorateur, affectionner, porter dans son cœur, attentionné, charmant, amène, chic, qui est d'un prix trop élevé, ça coûte bonbon, dispendieux, onéreux, coûteux, ruineux, hors de prix, faramineux, noce, mariage, hyménée, conjungo, se marier, convoler, épouser, épousailles, demande en mariage, fiançailles, accordailles, promesse de mariage, prétendant, la future, cœur, les époux, les conjoints, ma moitié, vie commune, de gaité de cœur, cri du cœur, à contre-cœur, aller droit au cœur, aimer de tout son cœur, donner son cœur.



Ça peut donner ceci, dans un registre familier :

Jean-Luc, 23 ans, chauffeur routier et ami d'enfance de Lucienne, coiffeuse de 21 ans, a proposé à celle-ci une promenade au bord du lac. Ils parlent de tout et de rien, quand tout à coup Jean-Luc se tourne vers Lucienne et lui déclare :

- Lucienne, tu le sais, j't'aime depuis l'enfance. Tu veux bien m'épouser ? Est-ce que tu m'aimes ? J'en suis sûr... Moi, je suis dingue de toi, j't'ai dans la peau.

- C'est chic de ta part. C'est vrai qu'ça fait des années que tu m'fais les yeux doux, j'vois bien qu't'as l'béguin pour moi. Moi aussi j't'aime. Mais j'ai la tête sur les épaules, moi. Un mariage, ça coûte bonbon, c'est hors de prix. T'as les moyens ?

- C'est pas si faramineux que ça. Écoute, j'ai une idée. Je vais économiser pendant toute la durée des fiançailles, ça te va ?

- Ça m'va, j't'ai à la bonne, toi. Viens là que j't'embrasse.



Ou cela, dans un registre soutenu :

Bertrand, 23 ans, organisateur de soirées mondaines à l'étranger, a été convié à une réception dans la demeure de la famille de Clarisse, étudiante de 21 ans, dont le père dirige un élevage de chevaux pur-sang et utilise fréquemment les services de Bertrand.

- Clarisse, ma chérie... Puis-je vous appeler ma chérie ?

- Faites, Bertrand, faites.

- Vous connaissez mes sentiments à votre égard.

- C'est-à-dire, Bertrand ?

- Eh bien, Clarisse, je vous adore, que dis-je, je vous adule. Je veux vous chérir toute votre vie, alors vous ne serez pas surprise si je vous demandais votre main. Je me mets à genou devant vous, ma chérie et je vous fais officiellement ma demande en mariage.

- Voyons, Bertrand, relevez-vous, tout le monde nous regarde. En avez-vous déjà parlé à Père ?

- Certainement, Clarisse. Il m'a même confié qu'il voyait en moi le parfait soupirant et le cavalier servant idéal.

- Eh bien, soit. Je vous permets de me faire la cour. Vous êtes si amène... et je suis si exigeante. Nous convolerons une fois les accordailles accordées... Bertrand la regarde, interloqué. Le contrat de mariage, Bertrand, le contrat de mariage. Un bon contrat de mariage fait d'heureuses épousailles et des époux heureux.

- Certainement, Clarisse, comme vous voudrez, ma chérie, dit Bertrand en la regardant des étoiles plein les yeux.



2. Composer une demande en mariage en incluant et en harmonisant au moins deux tons différents (par exemple commun et soutenu, ou bien argotique et cultivé, ou encore cru et précieux et ésotérique, etc.), soit parce que les amoureux appartiennent à deux classes sociales différentes, soit parce l'un (ou l'une) refuse la demande en mariage de l'autre, et utilise volontairement un niveau de langage éloigné de celui utilisé dans la demande.



- Chérie, je t'ai à la bonne, tu veux m'épouser ? Je te ferai la cour, si tu veux...

- Eh bien, c'est que...

- Oui ? Allez, me conte pas fleurette, j't'ai dans la peau.

- C'est que, un mariage, mon ami, c'est onéreux, hors de prix même. Et puis Père ne serait pas d'accord. Bien que je ne le porte pas dans mon cœur, car il est par trop sévère et strict, je lui doit obéissance et respect.

- Mais j't'aime moi, j'en pince sévère et même strictement que pour toi. Je suis prêt à te faire la cour, des années même, si tu y tiens...

- C'est que, j'ai de nombreux soupirants, tous plus beaux les uns que les autres, plus riches aussi... Laissons là, je ne tiens pas à vous vexer. Au revoir, mon ami. Restons-en là.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 22, 59.



> DUBOIS, Jean, GIACOMO, Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, pp. 324, 406.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol., t. 4, pp. 664, 1924.



> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., pp. 17-19.



> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t. 4, pp. 3447, 3449.



> NIOBEY, Georges (dir.), 1997. Dictionnaire analogique, Paris, Larousse (Références Larousse).



> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 20, 36.



> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 1102, 1750.



> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiche 24.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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