mardi 7 mai 2013

Métaphores et allégorie : atelier d'écriture n° 22 de La PUBLiance


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 22



Métaphores et allégorie



Au sens premier de la rhétorique, une allégorie est une description ou un récit consistant en la personnification d'un être abstrait (la justice, la guerre, l'amour, etc.) dans une suite de métaphores, en général à valeur didactique (qui vise à instruire). Elle est fréquemment utilisée dans : les paraboles, proverbes, fables, et mythes, la poésie médiévale ou épique, les contes).

Par exemple, dans Le Corbeau et le Renard, fable de Jean de La Fontaine [poète français, 1621-1695, eut la charge de « maître des Eaux et Forêts », entré à l'Académie française en 1684], au delà de l'histoire amusante de ces deux animaux (premier sens, concret), il faut en découvrir la signification allégorique ; on a ici une allégorie de la flatterie : corbeau/roi/flatté par les courtisans et renard/courtisan/flatteur/profiteur (deuxième sens, abstrait). Cette fable, en effet, fut écrite pour l'éducation du fils du roi de France, le Dauphin.



Par ailleurs, l'allégorie est un type d'écriture très symbolique, à double sens, de concrétisation des idées ou de personnification des forces naturelles et des abstractions, avec une interprétation littérale (sens propre) et une interprétation intellectuelle (sens figuré), toutes deux possibles.

Dans l'univers tout devient animé, chaque force obscure a un corps, un esprit, une parole. Exemple avec la personnification du puits de mine du Voreux en un estomac jamais rassasié, dans cet extrait de : Germinal, d'Émile Zola [écrivain français, 1840-1902].

Il ne comprenait bien qu'une chose : le puits AVALAIT des hommes par BOUCHÉES de vingt ou trente, et d'un COUP DE GOSIER si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer. (…) Pendant une demi-heure le puits en DÉVORA de la sorte, d'une GUEULE PLUS OU MOINS GLOUTONNE, selon la profondeur de l'accrochage où ils descendaient, mais sans un arrêt, toujours AFFAMÉ, de BOYAUX GÉANTS capables de DIGÉRER un peuple.



Le nom féminin allégorie vient (1119) par le latin allegoria du grec tardif allêgoria, dérivé du verbe allêgorein (parler par figures), composé de allos (autre) et de agoreuein (parler), d'abord parler en public, dérivé de agora (place publique, assemblée de peuple).

Étymologiquement, l'allégorie est donc une parole différente ; employée en français aux sens grec et latin de discours métaphorique, le mot se spécialise dans l'usage classique pour désigner une narration dont tous les éléments concrets organisent un contenu différent, souvent abstrait.

Allégorie désigne aussi une œuvre utilisant ce type de narration.



Le poème intitulé L'albatros, de Charles Baudelaire [écrivain français, 1821-1867], est une allégorie du poète, ce dernier étant comparé à cet oiseau, géant des airs et infirme sur terre.



Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.



À peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.



Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !



Le poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.



Traditionnellement, trois procédés littéraires caractérisent l'allégorie : la prosopopée (qui permet de donner la parole, la vie, des sentiments, des opinions, à un être absent ou mort, ou à un être moral), la personnification (qui permet de donner figure humaine à une idée, à un objet, ou à un animal), la métaphore filée ou suivie (qui est un essaimage de métaphores sur une idée conductrice commune). Par exemple :

« Je suis la Loi ! La loi commune à tous les hommes qui vivent de ce côté-ci de l'océan, et je décrète, article premier, que quiconque pêchera du poisson entre ces deux rochers sera sévèrement puni. » Ayant fini de parler, la Loi s'envola au petit matin dans un tourbillon d'écume et de sel d'aurore.



Le BONHEUR est un PRÉ EN FLEUR, multicolore et odorant, couvert de rosée et à jamais parcouru d'une brise légère et tiède.



Tout le jour, le FLEUVE DU VENT s'est RUÉ dans les cuvettes de la Drôme. MONTÉ jusqu'aux châtaigneraies, il a fait les CENT COUPS DU DIABLE dans les grandes branches ; il s'est ENFLÉ, peu à peu, jusqu'à DÉBORDER les montagnes et, sitôt le bord SAUTÉ, POMPONNÉ de pelotes de feuilles, il a DÉVALÉ sur nous.

Extrait de : Colline, de Jean Giono [écrivain français, 1895-1970, entré à l'Académie Goncourt en 1954].



Le nom féminin métaphore est un terme de rhétorique emprunté (vers 1278) au grec puis au latin metaphora (transport) et depuis Aristote [philosophe grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de : La Poétique, et de : La Rhétorique], il signifie changement, transposition de sens ; il est composé de meta (au milieu de, parmi, entre, avec, derrière, ensuite) et phora (action de porter, de se mouvoir), de pherein (porter, supporter, transporter) qui contient la même racine indoeuropéenne °bher- (porter) que le latin ferre (qui donna conférer, déférer, offrir, préférer, etc.).



(…) toute métaphore fondé sur l'analogie doit être également juste dans le sens renversé. Ainsi, l'on a dit de la vieillesse qu'elle est l'hiver de la vie, renversez la métaphore et vous la trouverez également juste, en disant que

l'hiver est la vieillesse de l'année.

Extrait de : Maximes et Pensées, Philosophie et morale, LV,

de Nicolas de Chamfort [moraliste français, 1741-1794,

entré à l'Académie française en 1781].



La figure de rhétorique la métaphore, consiste dans l'emploi d'un mot concret pour exprimer une notion abstraite, en l'absence de tout élément introduisant formellement une comparaison. C'est un procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique. Par exemple : L'abeille, pépite vive sur la corolle, est ivre d'été (image du caractère infatigable de l'abeille) ; ou : La lumière assourdie frissonnait à travers les branches (image qui rend compte du clair-obscur d'un sous-bois).

On appelle aussi métaphore le remplacement d'un mot ou d'une expression normalement attendus, par un autre mot ou une autre expression, selon un rapport d'analogie entre le premier (le comparé) et de second (le comparant). Exemple : L'offensive du froid, où le comparé est L'offensive (l'arrivée brutale) et le comparant (du froid).

Pour que la métaphore soit possible entre deux termes différents, deux comparés, il faut que les termes aient en commun au moins un sinon plusieurs élément de signification.



Présence ou absence du comparé.

La métaphore in presentia conserve les deux termes comparés mais n'opère pas de comparaison explicite. Par exemple : Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage (extrait de : L'ennemi, de : Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire [écrivain français, 1821-1867]).

Alors que dans la métaphore in absentia, le comparé disparaît tout à fait, laissant au destinataire (au lecteur, à la lectrice) le soin de reconstituer l'image en décodant la métaphore. Exemple : Voilà que j'ai touché l'automne des idées (extrait de : L'ennemi, de : Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire [écrivain français, 1821-1867]), où le comparé, absent, est le dépérissement et la vieillesse.



Attention à ne pas confondre la métaphore et la comparaison. La comparaison opère un rapprochement entre deux termes, dont les sens respectifs ne sont pas affectés. Un terme de comparaison (comme, pareil, ainsi que, tel, semblable à, etc.) établit le lien de ressemblance entre le comparé et le comparant. Par exemple : Mon cœur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux (extrait de : Voyage à Cythère, de Charles Baudelaire [écrivain français, 1821-1867]), où l'outil de comparaison comme relie le comparé Mon cœur au comparant un oiseau ; Tes yeux sont bleus comme le ciel (comparaison), Le ciel de tes yeux (métaphore) ; L'homme est semblable à un roseau (comparaison), L'homme est un roseau pensant (Pascal).



La métaphore est suivie ou filée quand elle introduit plusieurs rapprochements successifs. Exemples :

Cette femme tend les filets de ses charmes pour chasser le gibier des naïfs.



Il semblait que l'eau fût incendiée (...) toute la mer flamboyait. Ce flamboiement n'était pas rouge (…) des traînées bleuâtres imitaient sur la vague des plis de suaire. Une large lueur blême frissonnait sur l'eau. Ce n'était pas l'incendie, c'en était le spectre.

(extrait de : Les Travailleurs de la mer, de Victor Hugo [écrivain français, 1802-1885, entré à l'Académie française en 1841, il apparut dès 1827 comme le théoricien et le chef de l'école romantique, et l'animateur du Cénacle ; député en 1848, puis exilé de 1851 à 1870 ; il fut l'auteur d'une œuvre considérable et variée]).



Consignes :



1. Reprendre le poème L'albatros et relever les métaphores relatives à l'oiseau (ces rois de l'azur, leurs grandes ailes blanches comme des avirons, ce voyageur ailé, l'infirme qui volait, etc.). Puis trouver deux ou trois nouvelles métaphores et écrire une suite au poème, une cinquième strophe composée de quatre vers (comme les strophes du poème) en alexandrins (vers à douze pieds ou syllabes).



Cela pourrait donner cela :



Embarrassé par tant de mauvais traitements

Un passager saisit ce prince solitaire

Saute avec lui dans une barque, ramant

S'arrête et projette le géant des airs.



2. Remplacer par des métaphores les mots soulignés :



Île rocheuse de Méditerranée, Chypre n'a jamais pu changer son destin. Cette terre abandonnée voulait se rattacher à la Grèce. Elle a dû dépendre de l'Angleterre, sa protectrice, avant de se faire envahir par la Turquie qui, depuis 1974, occupe le tiers de son territoire. En dépit de cela, la partie sud de l'île accueille chaque année plus de deux millions de touristes.



Cela pourrait donner ceci :



Petit caillou perdu au milieu de la mer Méditerranée, Chypre n'a jamais pu apprivoiser ni apitoyer son destin. Cette terre naufragée voulait s'amarrer à la Grèce. Elle s'est arrimée à l'Angleterre, sa duègne, etc.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 32.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, pp. 24, 301.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., p. 264.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 70, 78.



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 46, 1232.



> THERON Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 42, 47.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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