lundi 13 mai 2013

L'oxymore ou le clair-obscur : atelier d'écriture n° 23 de La PUBLiance


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atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 23



L'oxymore ou le clair-obscur



Le nom masculin l'oxymoron est emprunté au grec (1765) oxumôron (ingénieuse alliance de mots contradictoires), composé de oxu- (aigu, fin, spirituel) et de môros (mou, inerte, puis : sot, bêta, stupide, fou), terme sans étymologie établie. Oxumôros était employé en tant qu'adjectif au sens de fin, spirituel, sous une apparence de niaiserie ou d'obscurité.



Cette OBSCURE CLARTÉ qui tombe des étoiles. (Corneille)



Ce terme de rhétorique désigne une alliance de deux mots incompatibles, la réunion d'un mot et d'un autre mot exprimant son contraire, à des fins stylistiques, pour leur donner plus de force expressive. On emploie aussi la forme francisée oxymore.



Cette BELLE LAIDEUR et cette DOUCE VIOLENCE d'un BONBON AMER.

Suit un SILENCE ÉLOQUENT.



L'oxymoron est une figure de style qui consiste à forger une expression constituée de deux termes qui s'opposent. On distingue des oxymores strictement perceptifs, ou immédiatement sensibles (voir les exemples précédents), des oxymores de pensée, ou intellectuels (exemples suivants).



Cette PETITE GRANDE ÂME venait de s'envoler. (Victor Hugo)



Un même oxymore peut être tantôt « de perception », tantôt « de pensée », exemple avec l'oxymore « soleil noir » :

À certaines heures, la campagne était NOIRE DE SOLEIL, extrait de : Noces, d'Albert Camus [écrivain français, 1913-1960, prix Nobel de littérature en 1957], où le soleil, ordinairement associé à sa clarté ou à la couleur claire, peut aussi être aveuglant par son excès de clarté, et donc noir ; l'oxymore est dit « de perception »,

et,

Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé

Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Extrait de : El Desdichado, de Gérard de Nerval [écrivain français, 1808-1855], où le soleil, naturellement associé à la chaleur et à la clarté, physique autant que spirituelle, renvoie ici le poète à sa mélancolie et à l'absence de chaleur et de lumière qui accompagne toute mélancolie, donc noire est la mélancolie qui rayonne comme un soleil (noir) ; l'oxymore est dit « de pensée ».



Opposer est une opération intellectuelle fondamentale, applicable à la connaissance du réel. L'oxymore fait partie des écarts de style qui mettent en valeur les oppositions. Il réunit deux mots ou deux expressions de nature antithétiques pour les rendre identiques. Cette alliance est donc la résolution d'une antithèse.



Printemps après printemps, de belles fiancées

Suivirent de CHERS RAVISSEURS...

Extrait de : La Vigne et la Maison, de Alphonse de Lamartine [poète français, 1790-1869, entré à l'Académie française en 1829 ; membre du gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères en 1848].



L'oxymore relève d'une vision dialectique [la dialectique est l'ensemble des moyens mis en œuvre dans la discussion en vue de démontrer, réfuter, emporter la conviction, c'est la marche de la pensée reconnaissant l'inséparabilité des contradictoires (thèse et antithèse), que l'on peut unir dans une catégorie supérieure (la synthèse)]. Les contraires, qui par définition, appartiennent à des isotopies (secteurs du réel) différentes, sont unis dans une nouvelle isotopie.



Surgir du fond des eaux le REGRET SOURIANT... (Baudelaire)



Attention à ne pas confondre l'oxymoron et l'antithèse. L'antithèse oppose des mots, des phrases ou des ensembles plus vastes dont le sens est inverse ou le devient. Elle met en parallèle pour mieux opposer. Elle systématise, met en évidence, valorise l'un des éléments ou les deux, selon le contexte, sans résoudre leur opposition. Par exemple : Niort qui rit, Poitiers qui pleure (titre d'un article sportif, où Niort est l'équipe de football qui a gagné le match, et Poitiers l'équipe de football qui a perdu).



Tu t'es, en m'offensant, montré digne de moi ;

Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.

Extrait de : Le Cid (tirade de Chimène), de Pierre Corneille [poète dramatique français, 1606-1684, membre de l'Académie française en 1647].



L'antithèse met en valeur la dualité d'une notion (vision manichéenne du réel), tandis que l'oxymore réunit deux sens opposés pour en proposer un troisième, synthèse des oppositions.

Philosophiquement, l'oxymoron traduit une rupture avec le principe d'identité hérité d'Aristote [philosophe grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de La Poétique et de La Rhétorique], pour qui « A est A, et A n'est pas non-A ». Il permet l'éclatement de la logique aristotélicienne et l'accès à une logique plus profonde. Il ouvre à une nouvelle logique où les contraires cessent d'être perçus « contradictoirement », selon le mot d'André Breton [écrivain français, 1896-1966, fonde avec Louis Aragon, Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste].

Comme tout paradoxe [en logique, un paradoxe est une proposition qui est à la fois vraie et fausse, exemple : le paradoxe du menteur – qui dit : « Je mens », où un menteur qui dit « Je mens » dit donc la vérité et n'est donc plus un menteur], l'oxymore révèle l'ambivalence de toute réalité, il est du côté de la « pensée ouverte », contre la « pensée close », selon l'expression employée par Henri Bergson [philosophe français, 1859-1941, entré à l'Académie française en 1914, prix Nobel de littérature en 1927] dans Les Deux sources de la morale et de la religion (1932).



Consigne : choisir quelques oxymores parmi les exemples précédents, ou construire des oxymorons à partir des mots suivants ou de mots choisis dans un dictionnaire, pour illustrer un récit de quelques lignes.

Les mots proposés sont les suivants : perdre-garder, altérer-conserver, vide-plein, saisir-lâcher, oublié-inoubliable, corriger-gâter, silencieux-bavard, préoccupé-tranquille, attentionné-égoïste, faiblesse-fermeté, distance-promiscuité, court-long, destruction-construction, clair-obscur, noir-blanc, parfum-remugle, froid-chaud, le mépris-l'estime, le passé-le futur, la présence-l'absence.



Cela pourrait donner ceci, avec :



Perdre-gagner => le gain de la perte,

Oublié-inoubliable => j'ai oublié l'inoubliable,

Le passé-le futur => le futur de mon passé.



J'étais à l'article de la mort. Et puis un médecin que certains jugeaient incompétent m'a prescrit un traitement connu de lui seul. J'ai rapidement perdu mes douleurs, mes angoisses, mon manque d'appétit, mes nausées, mes migraines, et j'en passe et des meilleures, et des vertes et des pas mûres. Je peux dès à présent assurer sans me tromper que LE GAIN DE LA PERTE s'est révélé inestimable, car j'ai retrouvé une santé florissante. De plus, j'ai OUBLIÉ L'INOUBLIABLE : je ne me rappelle plus du tout à quel point mes douleurs et mes souffrances étaient abominables. Comme j'étais loin d'imaginer à quel point LE FUTUR DE MON PASSÉ serait agréable et euphorisant. J'en veux pour preuve ce tour du monde en vélo que je viens d'achever.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !



Bibliographie :



> BERTAUD DU CHAZAUD Henri, 1999. Dictionnaire de synonymes et contraires. Paris, Le Robert (Collection Les usuels).



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 148.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 339.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol., t. 5, p. 91.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 100.



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1398.



> THERON Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches 56-59.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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