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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n l i g n e . . .
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Atelier
d'écriture n° 23
L'oxymore
ou le clair-obscur
Le
nom masculin l'oxymoron est emprunté au grec (1765) oxumôron
(ingénieuse alliance de mots contradictoires), composé de
oxu- (aigu, fin, spirituel) et de môros (mou,
inerte, puis : sot,
bêta, stupide, fou), terme sans étymologie établie. Oxumôros
était employé en tant qu'adjectif au sens de fin, spirituel,
sous une apparence de niaiserie ou d'obscurité.
Cette
OBSCURE CLARTÉ qui tombe des étoiles. (Corneille)
Ce
terme de rhétorique désigne une alliance de deux mots
incompatibles, la réunion d'un mot et d'un autre mot exprimant
son contraire, à des fins stylistiques, pour leur donner plus de
force expressive. On emploie aussi la forme francisée oxymore.
Cette
BELLE LAIDEUR et cette DOUCE VIOLENCE d'un BONBON AMER.
Suit
un SILENCE ÉLOQUENT.
L'oxymoron
est une figure de style qui consiste à forger une expression
constituée de deux termes qui s'opposent. On distingue des oxymores
strictement perceptifs, ou immédiatement sensibles (voir les
exemples précédents), des oxymores de pensée, ou
intellectuels (exemples suivants).
Cette
PETITE GRANDE ÂME venait de s'envoler. (Victor Hugo)
Un
même oxymore peut être tantôt « de perception »,
tantôt « de pensée », exemple avec l'oxymore
« soleil noir »
:
À
certaines heures, la campagne était NOIRE DE SOLEIL, extrait
de : Noces, d'Albert Camus [écrivain
français, 1913-1960, prix Nobel de littérature en 1957], où
le soleil, ordinairement
associé à sa clarté ou à la couleur claire, peut aussi être
aveuglant par son excès de clarté, et donc noir
; l'oxymore est dit « de perception »,
et,
Ma
seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte
le soleil noir de
la Mélancolie.
Extrait
de : El Desdichado, de Gérard
de Nerval [écrivain français, 1808-1855], où le
soleil, naturellement
associé à la chaleur et à la clarté, physique autant que
spirituelle, renvoie ici le poète à sa mélancolie
et à l'absence de chaleur et de lumière qui accompagne toute
mélancolie, donc noire est la mélancolie qui rayonne comme un
soleil (noir) ;
l'oxymore est dit « de pensée ».
Opposer
est une opération intellectuelle fondamentale, applicable à la
connaissance du réel. L'oxymore fait partie des écarts de style qui
mettent en valeur les oppositions. Il réunit deux mots ou
deux expressions de nature antithétiques pour les rendre identiques.
Cette alliance est donc la résolution d'une antithèse.
Printemps
après printemps, de belles fiancées
Suivirent
de CHERS RAVISSEURS...
Extrait
de : La Vigne et la Maison, de Alphonse de Lamartine
[poète français, 1790-1869, entré à l'Académie française en
1829 ; membre du gouvernement provisoire et ministre des Affaires
étrangères en 1848].
L'oxymore
relève d'une vision dialectique [la dialectique est l'ensemble des
moyens mis en œuvre dans la discussion en vue de démontrer,
réfuter, emporter la conviction, c'est la marche de la pensée
reconnaissant l'inséparabilité des contradictoires (thèse et
antithèse), que l'on peut unir dans une catégorie supérieure (la
synthèse)]. Les contraires, qui par définition, appartiennent à
des isotopies (secteurs du réel) différentes, sont unis dans une
nouvelle isotopie.
Surgir
du fond des eaux le REGRET SOURIANT... (Baudelaire)
Attention
à ne pas confondre l'oxymoron et l'antithèse. L'antithèse
oppose des mots, des phrases ou des ensembles plus vastes dont le
sens est inverse ou le devient. Elle met en parallèle pour mieux
opposer. Elle systématise, met en évidence, valorise l'un des
éléments ou les deux, selon le contexte, sans résoudre leur
opposition. Par exemple : Niort
qui rit, Poitiers qui pleure (titre d'un article sportif, où
Niort est l'équipe de
football qui a gagné le match, et Poitiers
l'équipe de football qui a perdu).
Tu
t'es, en m'offensant, montré digne de moi ;
Je
me dois, par ta mort, montrer digne de toi.
Extrait
de : Le Cid (tirade de Chimène), de Pierre Corneille
[poète dramatique français, 1606-1684, membre de l'Académie
française en 1647].
L'antithèse
met en valeur la dualité d'une notion (vision manichéenne du réel),
tandis que l'oxymore réunit deux sens opposés pour en proposer un
troisième, synthèse des oppositions.
Philosophiquement,
l'oxymoron traduit une rupture avec le principe d'identité
hérité d'Aristote [philosophe
grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de La
Poétique et de La
Rhétorique], pour qui « A est A, et A n'est pas
non-A ». Il permet l'éclatement de la logique
aristotélicienne et l'accès à une logique plus profonde. Il ouvre
à une nouvelle logique où les contraires cessent d'être
perçus « contradictoirement », selon le mot
d'André Breton [écrivain français, 1896-1966, fonde avec
Louis Aragon, Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement
surréaliste].
Comme
tout paradoxe [en logique, un paradoxe est une proposition qui
est à la fois vraie et fausse, exemple : le
paradoxe du menteur – qui dit : « Je mens »,
où un menteur qui dit « Je
mens » dit donc la vérité et n'est donc plus un
menteur], l'oxymore révèle l'ambivalence de toute réalité,
il est du côté de la « pensée ouverte », contre
la « pensée close », selon l'expression employée
par Henri Bergson [philosophe français, 1859-1941,
entré à l'Académie française en 1914, prix Nobel de littérature
en 1927] dans Les Deux sources de la morale et de la religion
(1932).
Consigne
: choisir quelques oxymores parmi les exemples précédents, ou
construire des oxymorons à partir des mots suivants ou de mots
choisis dans un dictionnaire, pour illustrer un récit de quelques
lignes.
Les
mots proposés sont les suivants : perdre-garder,
altérer-conserver, vide-plein, saisir-lâcher,
oublié-inoubliable, corriger-gâter, silencieux-bavard,
préoccupé-tranquille, attentionné-égoïste, faiblesse-fermeté,
distance-promiscuité, court-long, destruction-construction,
clair-obscur, noir-blanc, parfum-remugle, froid-chaud, le
mépris-l'estime, le passé-le futur, la présence-l'absence.
Cela
pourrait donner ceci, avec :
Perdre-gagner
=> le gain de la perte,
Oublié-inoubliable
=> j'ai oublié l'inoubliable,
Le
passé-le futur => le futur de mon passé.
J'étais
à l'article de la mort. Et puis un médecin que certains jugeaient
incompétent m'a prescrit un traitement connu de lui seul. J'ai
rapidement perdu mes douleurs, mes angoisses, mon manque d'appétit,
mes nausées, mes migraines, et j'en passe et des meilleures, et des
vertes et des pas mûres. Je peux dès à présent assurer sans me
tromper que LE GAIN DE LA PERTE s'est révélé inestimable, car j'ai
retrouvé une santé florissante. De plus, j'ai OUBLIÉ
L'INOUBLIABLE : je ne me rappelle plus du tout à quel point mes
douleurs et mes souffrances étaient abominables. Comme j'étais loin
d'imaginer à quel point LE FUTUR DE MON PASSÉ serait agréable et
euphorisant. J'en veux pour preuve ce tour du monde en vélo que je
viens d'achever.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BERTAUD DU CHAZAUD Henri, 1999. Dictionnaire
de synonymes et contraires.
Paris, Le Robert (Collection Les usuels).
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p.
148.
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p.
339.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol., t.
5, p. 91.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p.
100.
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p.
1398.
>
THERON Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R. Fiches
56-59.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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