samedi 18 mai 2013

La poésie française : poèmes et poétique, "C'est tout un poème" : atelier d'écriture n° 24 de La PUBLiance


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 24



La poésie française : poèmes et poétique, « C'est tout un poème »



(…) Devant elle soudainement,

De mon cheval je descends,

Et lui dis : « Pastore amie,

De bon cœur à vous me rends ;

Faisons de feuilles courtine,

Pour s'aimer mignotement. » Aé !

Extrait de : Pastourelle, de Jean de Brienne [lettré français, roi de Jérusalem en 1210 et empereur de Constantinople de 1231 à 1237, 1144 ?-1237].

Remarque : une courtine désigne au moyen âge un rideau de lit, ici c'est un rideau de feuillage.



Chez Roman Jakobson [linguiste américain d’origine russe, 1896-1982, dont l’activité interdisciplinaire (anthropologie, folklore, psychanalyse, théorie de l’information) lui permit de proposer nombre d’hypothèses et de modèles stimulants], la fonction poétique est la fonction du langage par laquelle un message peut être une œuvre d'art.



La langue française ne présente pas seulement des variétés géographiques, il y a l'opposition entre langue parlée et langue écrite. La langue parlée comprend divers registres, tandis que sous le concept langue écrite, on peut distinguer : la langue écrite courante (écrits scientifiques vulgarisés, journaux, etc.), la langue littéraire, et la langue poétique.

La langue poétique se réalise surtout dans la poésie classique : la forme est particulière, c'est le vers mesuré (on compte le nombre de syllabes qui le composent) et rimé ; beaucoup de mots de la langue courante sont exclus ; les romantiques se libéreront de certaines de ces contraintes :



Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier

(…)

Je nommai le cochon par son nom (…)

Dans l'herbe, à l'ombre du hallier,

Je fis fraterniser la vache et la génisse

(…)

J'ai dit à la narine : Eh mais ! tu n'es qu'un nez !

J'ai dit au long fruit d'or : Mais tu n'es qu'une poire !

(…)

Extrait de : Les Contemplations, de Victor Hugo [écrivain français, 1802-1885, entré à l'Académie française en 1841, il apparut dès 1827 comme le théoricien et le chef de l'école romantique, et l'animateur du Cénacle ; député en 1848, puis exilé de 1851 à 1870 ; il fut l'auteur d'une œuvre considérable et variée]



(…) Le Clovis de Desmarets, la Pucelle de Chapelain, ces poëmes fameux par leur ridicule, sont, à la honte des règles, conduits avec plus de régularité que l'Iliade.

(…) La honte qu'on a si longtemps reprochée à la France de n'avoir pu produire un poëme épique.

(…) Ce père de la poésie [Homère] est depuis quelque temps un grand sujet de dispute en France ; Perrault commença la querelle contre Despréaux...

Extraits de : Essai sur la poésie épique, de Voltaire [François Marie Arouet dit, écrivain français, 1694-1778, élu directeur de l'Académie française en 1746].

Remarques :

1. L'Iliade est le premier chef-d’œuvre de la littérature grecque, et il forgea la conception de l'épopée pour les Grecs et les Latins, mais aussi pour les Modernes. Ce poème épique, attribué à Homère (poète né en Ionie, au IXe siècle avant J.-C.) comme l'Odyssée, est composé de 15537 vers divisés en 24 chants, et raconte un épisode de la guerre de Troie (ou Ilion).

2. La dispute évoquée par Voltaire est celle déclenchée en 1687 par Charles Perrault et à laquelle participa Despréaux (Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux), appelée aussi Querelle des Anciens et des Modernes et qui fut une polémique littéraire qui opposa en France à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, les tenants de la supériorité des auteurs modernes (Charles Perrault, Bernard de Fontenelle, etc.) aux partisans des auteurs de l'Antiquité (Nicolas Boileau, Jean Racine, Jean de La Fontaine, Jean de La Bruyère).



Première forme de littérature, la poésie fut longtemps purement orale : elle exigeait des moyens mnémotechniques qui déterminèrent longtemps sa forme versifiée.

Plusieurs mythes grecs s'interrogent sur l'origine de la poésie : tous reconnaissent en elle un art d'inspiration surnaturelle indissociable de la musique. Trois types de poésie en découlent :

> 1. Le lyrisme, qui trouve sa source dans le mythe d'Orphée. Il exprime une souffrance personnelle ; les Poèmes saturniens (1866) de Paul Verlaine [poète français, 1844-1896, auteur de Poètes maudits (1884) consacrés à Tristan Corbière, Stéphane Mallarmé et Arthur Rimbaud, et de Jadis et Naguère (1884) qui contient L'Art poétique] en tirent leur principale signification.

Remarque : la légende d'Orphée est l'une des plus obscures de la mythologie grecque ; Orphée était fils du roi Œagre et de la muse Calliope, son chant charmait les dieux et les mortels, apprivoisait les fauves, parvenait même à émouvoir les êtres inanimés. Affligé par la perte définitive de son épouse, après qu'il soit descendu aux Enfers pour obtenir le retour à la vie de celle-ci, Orphée reste jusqu'à la fin inconsolable et solitaire, puis il est mis en pièces par les Ménades (les nymphes du cortège de Dionysos) ou foudroyé par Zeus, c'est selon.

> 2. Le Dionysisme (de Dionysos, dieu de la vigne, de l'ivresse) transporte le poète au-delà de la réalité. Arthur Rimbaud [poète français, 1854-1891, dont la brève œuvre est l'une des sources majeures de la mutation poétique moderne, influençant le surréalisme après le symbolisme] dans Une saison en enfer (1873) ; ou Guillaume Apollinaire [poète français, 1880-1918, dont la poésie fut mise en musique par de nombreux musiciens (Honegger, Poulenc, Chostakovitch, etc.)] dans Alcools (1913), l'illustrent.

> 3. L'apollinisme (d'Apollon, dieu de la musique, de la divination et de la poésie) cherche, par un travail ardu sur la langue et les formes, à ordonner le monde ; Stéphane Mallarmé [poète français, 1842-1898, influença fondamentalement la conception moderne du poétique], Paul Valéry [écrivain français, 1871-1945, entré à l'Académie française en 1925], orfèvres du langage, en relèvent.



Seulette suis, et seulette veux être,

Seulette m'a mon doux ami laissée.

Seulette suis, sans compagnon ni maître,

Seulette suis, dolente et courroucée,

Seulette suis, en langueur malaisée,

Seulette suis, plus que nulle autre égarée,

Seulette suis, sans ami demeurée.

Extrait de : Seulette suis, sans ami demeurée : ballade, de Christine de Pisan [écrivain français, 1363?-1431]



Poème, poète, poésie, poétique, poéticien : une même racine, poiein.

Le nom masculin poème est emprunté (1213, puis 1370) au latin poema, -atis (ouvrage de vers et poésie en général, par opposition à prose). Poema est emprunté au grec poiêma qui désigne ce que l'on fait, une création : une œuvre, un ouvrage manuel et une création de l'esprit, spécialement une œuvre en vers. Poiêma est dérivé de poiein (faire, fabriquer, produire, créer, dans le sens qu'a l'anglais to make, par opposition à to do) ; poiein signifie également causer, agir.

Poiein a également donné poiêtês (en grec), poeta (en latin), et poète (en français, vers 1150) ; il a aussi donné poiêsis (en grec), poesis (en latin), et poésie (en français, 1370).

L'adjectif verbal de poiein, poiêtos a donné poiêtikos (en grec), poeticus (en latin), l'adjectif poétique (en français, 1372-1374).

Le nom féminin la poétique est le dernier emprunt des mots de cette famille (1599), de poiêtikê (en grec) et poetica (en latin). Après une première attestation de sens incertain, le mot désigne (1637) le célèbre traité La Poétique d'Aristote [philosophe grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de La Poétique et de La Rhétorique] ; il se dit ensuite de l'ensemble des conceptions propres à une école, une époque, un pays (après 1750). Les linguistes et critiques modernes l'appliquent à la théorie de la création littéraire, en référence à la fois à Aristote, Paul Valéry, et Roman Jakobson. Les noms communs un poéticien et une poéticienne en sont dérivés (vers 1950).



Roland sent que la mort l'entreprend,

Et dans la tête et le cœur lui descend.

Dessous un pin il va courant

Et sur l'herbe verte s'allonge,

Plaçant sous lui épée et olifan...

Extrait de : La Chanson de Roland : poème épique, d'un auteur inconnu [La Chanson de Roland est une des plus anciennes chansons de geste qui nous ont été conservées ; elle date du dernier tiers du XIe siècle ; ce poème est composé d'environ quatre mille vers].



Présentant d'innombrables sous-genres, la poésie a revêtu au cours des siècles des formes extrêmement variées. On les distingue d'abord par leur inspiration, épique, lyrique, didactique ou satirique.

On peut aussi s'appuyer sur une typologie plus formelle, classifiant des poèmes construits selon des règles contraignantes (lai, ballade, ode, sonnet, pantoum, etc.)

Au XIXe siècle, on assiste à une profonde remise en cause des règles traditionnelles : Le Centaure (1840) de Maurice de Guérin [poète français, 1810-1839], Gaspard de la nuit (1842) d'Aloysius Bertrand [écrivain français, 1807-1841, précurseur du surréalisme], et Le Spleen de Paris (1869) de Charles Baudelaire [écrivain français, 1821-1867, a énoncé les principes créateurs de la poésie moderne, du symbolisme au surréalisme] inaugurent l'usage du poème en prose. La poésie moderne va largement confirmer cette tendance en dissociant l'écriture poétique de la stricte versification.



Longtemps asservie aux règles de la versification classique et aux lois des genres, la poésie commence à s'en libérer au XIXe siècle avec le romantisme [mouvement culturel et artistique qui s'est répandu en Europe à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, et qui est caractérisé par un changement de sensibilité et une rupture par rapport au classicisme et au rationalisme] et le symbolisme [mouvement poétique, littéraire et artistique, principalement français, de la fin du XIXe siècle, qui se constitua en réaction contre le réalisme trop descriptif et le naturalisme trop scientifique]. Du vers libéré au verset et au poème en prose, la poésie s'est métamorphosée, tout en se donnant de nouvelles règles.



> Les vers libres sont des vers de longueur inégale (hétérométrie) qui riment et restent réguliers ; on les rencontre surtout dans les fables, en poésie lyrique légère, ou dans des poèmes humoristiques :



Pour un âne enlevé deux voleurs se battaient

L'un voulait le garder, l'autre le voulait vendre.

Tandis que coups de poing trottaient,

Et que nos champions songeaient à se défendre,

Arrive un troisième larron,

Qui saisit maître Aliboron.

Extrait de : Les Voleurs et l'âne, de Jean de La Fontaine [poète français, 1621-1695, eut la charge de « maître des Eaux et Forêts », entré à l'Académie française en 1684]



> Les vers libérés, comme les vers libres, sont de longueur inégale, de mètre pair ou impair ; la rime disparaît ou devient occasionnelle ; souvent ils voisinent avec des vers réguliers ; pour éviter le risque de prosaïsme, le poète développe les compensations : parallélismes syntaxiques, répétitions, recherches rythmiques, richesse du vocabulaire et des images :



Qu'il fait beau

Sur ces plateaux de déserts et de charmilles

Dans la désolation blessée des antres verts !

Extrait de : Matière Céleste (1964), de Pierre-Jean Jouve [écrivain, poète, romancier et critique français, 1887-1976].

Remarques : le mètre est la mesure du vers caractérisé par : le nombre de syllabes qui le composent, et la coupe ou césure. Le mètre est dit pair ou impair. Pair comme l'alexandrin (vers de 12 syllabes), ou le décasyllabe (vers de 10 syllabes), ou l'octosyllabe (8 syllabes), etc. Impair comme l'ennéasyllabe (vers de 9 syllabes) prôné par Paul Verlaine en raison de sa légèreté, ou l'heptasyllabe (7 syllabes) que l'on trouve souvent dans les vers mêlés.



> Lorsqu'un vers libéré occupe deux ou trois lignes, il devient un verset, caractérisé par son ampleur et par une houle rythmique, à valeur souvent incantatoire (il convient en effet à une expression à la fois lyrique et dramatique). Hormis les textes religieux, le verset a été utilisé avec bonheur par Paul Claudel [poète et auteur dramatique français, 1868-1955, diplomate, consul, puis ambassadeur de France, entré à l'Académie française en 1946 ; il élabora une rhétorique personnelle dont la forme typique fut le verset « ce vers qui n'avait ni rime ni mètre » accordé au souffle humain], Saint-John Perse [Alexis Léger dit, diplomate et poète français, 1887-1975, prix Nobel de littérature en 1960] et Jean Grosjean [poète et écrivain français, traducteur et commentateur de textes bibliques, 1912-2006] :



Passé la ville dont les regards vitreux épiaient la brume, nous n'eûmes pour soleil que le grand nid défait qui pend aux branches.

Le froid t'enveloppait de son manteau quand tu enjambas les frontières dérisoires sans t'inquiéter des assauts à venir.

Extrait de : Élégies (1962), de Jean Grosjean.



On accorde à la poésie quatre intentions fondamentales :

> 1. Dire le monde : la poésie se fait peinture pour montrer l'univers, sa beauté (les poètes du Parnasse) ou caricaturer toutes ses tares (Boileau, Satires, 1660-1668).

> 2. Énoncer une idée : ce souci domine les poèmes didactiques de Voltaire (Le Mondain, 1736). Victor Hugo prétend même que « le vers est la forme optique de la pensée » (Préface de Cromwell, 1827). Les réflexions métaphysiques de Vigny (La Maison du Berger, 1843) ou la poésie dite engagée comme celle de Paul Éluard [Eugène Grindel dit, poète français, 1895-1952 ; participe aux activités du mouvement Dada ; fonde avec Louis Aragon, Philippe Soupault et André Breton en 1923 le mouvement surréaliste] traduisent des conceptions voisines.

> 3. Suggérer émotions et sentiments : c'est la vocation principale du lyrisme.

> 4. Transformer le monde : il s'agit de le voir autrement. Le poète, tel Arthur Rimbaud (Le Bateau ivre, 1871), donne naissance à un univers transfiguré par la magie de son verbe créateur.



Consigne : transformer ce texte (en prose) en poème en vers libérés, et l'enrichir avec des écarts de style. Un exemple de transformation sera donné au début de l'atelier suivant.



La ville paraît à peine habitée. Il y a bien des rues et des maisons mais si un homme a soif, personne ne lui donne à boire et si l'on a faim, les portes restent fermées. Les villes ont été créées en des lieux sans chansons ni pain pour les égarés, sans regards féminins pour les hommes.



Maisons = Hautes demeures,

Lieux sans chansons = Terres arides où le chant est banni,

Les égarés = Le voyageur égaré,

Les hommes = L'homme hanté d'amour,

Etc.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 48, 70.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 368.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., p. 17.



> LITTRÉ Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t. 5, p. 4797.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 40-54.



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 1558.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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