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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n l i g n e . . .
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Atelier
d'écriture n° 24
La
poésie française : poèmes et poétique, « C'est tout un
poème »
(…)
Devant elle soudainement,
De
mon cheval je descends,
Et
lui dis : « Pastore amie,
De
bon cœur à vous me rends ;
Faisons
de feuilles courtine,
Pour
s'aimer mignotement. » Aé !
Extrait
de : Pastourelle, de Jean de Brienne [lettré
français, roi de Jérusalem en 1210 et empereur de Constantinople de
1231 à 1237, 1144 ?-1237].
Remarque :
une courtine désigne au moyen âge un rideau de lit, ici
c'est un rideau de feuillage.
Chez
Roman Jakobson [linguiste américain d’origine
russe, 1896-1982, dont l’activité interdisciplinaire
(anthropologie, folklore, psychanalyse, théorie de l’information)
lui permit de proposer nombre d’hypothèses et de modèles
stimulants], la fonction poétique est la fonction du langage
par laquelle un message peut être une œuvre d'art.
La
langue française ne présente pas seulement des variétés
géographiques, il y a l'opposition entre langue parlée et
langue écrite. La langue parlée comprend divers registres,
tandis que sous le concept langue écrite, on peut distinguer :
la langue écrite courante (écrits scientifiques vulgarisés,
journaux, etc.), la langue littéraire, et la langue
poétique.
La
langue poétique se réalise surtout dans la poésie
classique : la forme est particulière, c'est le vers mesuré
(on compte le nombre de syllabes qui le composent) et rimé ;
beaucoup de mots de la langue courante sont exclus ; les
romantiques se libéreront de certaines de ces contraintes :
Plus
de mot sénateur ! plus de mot roturier
(…)
Je
nommai le cochon par son nom (…)
Dans
l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je
fis fraterniser la vache et la génisse
(…)
J'ai
dit à la narine : Eh mais ! tu n'es qu'un nez !
J'ai
dit au long fruit d'or : Mais tu n'es qu'une poire !
(…)
Extrait
de : Les Contemplations, de Victor Hugo
[écrivain français, 1802-1885,
entré à l'Académie française en 1841, il apparut dès 1827 comme
le théoricien et le chef de l'école romantique, et l'animateur du
Cénacle ; député en 1848, puis exilé de 1851 à 1870 ;
il fut l'auteur d'une œuvre considérable et variée]
(…)
Le Clovis de Desmarets, la Pucelle de Chapelain, ces poëmes fameux
par leur ridicule, sont, à la honte des règles, conduits avec plus
de régularité que l'Iliade.
(…)
La honte qu'on a si longtemps reprochée à la France de n'avoir pu
produire un poëme épique.
(…)
Ce père de la poésie [Homère] est depuis quelque temps un grand
sujet de dispute en France ; Perrault commença la querelle
contre Despréaux...
Extraits
de : Essai sur la poésie épique, de Voltaire
[François Marie Arouet dit, écrivain français, 1694-1778, élu
directeur de l'Académie française en 1746].
Remarques :
1.
L'Iliade est le premier chef-d’œuvre de la
littérature grecque, et il forgea la conception de l'épopée
pour les Grecs et les Latins, mais aussi pour les Modernes. Ce poème
épique, attribué à Homère (poète né en Ionie, au IXe
siècle avant J.-C.) comme l'Odyssée, est composé de 15537
vers divisés en 24 chants, et raconte un épisode de la guerre de
Troie (ou Ilion).
2.
La dispute évoquée par Voltaire est celle déclenchée en
1687 par Charles Perrault et à laquelle participa Despréaux
(Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux), appelée aussi Querelle
des Anciens et des Modernes et qui fut une polémique littéraire
qui opposa en France à la fin du XVIIe et au début du
XVIIIe siècle, les tenants de la supériorité des
auteurs modernes (Charles Perrault, Bernard de Fontenelle, etc.) aux
partisans des auteurs de l'Antiquité (Nicolas Boileau, Jean Racine,
Jean de La Fontaine, Jean de La Bruyère).
Première
forme de littérature, la poésie fut longtemps purement
orale : elle exigeait des moyens mnémotechniques
qui déterminèrent longtemps sa forme versifiée.
Plusieurs
mythes grecs s'interrogent sur l'origine de la poésie :
tous reconnaissent en elle un art d'inspiration surnaturelle
indissociable de la musique. Trois types de poésie en
découlent :
>
1. Le lyrisme, qui trouve sa source dans le mythe d'Orphée.
Il exprime une souffrance personnelle ; les Poèmes saturniens
(1866) de Paul Verlaine [poète français, 1844-1896,
auteur de Poètes maudits (1884) consacrés à Tristan
Corbière, Stéphane Mallarmé et Arthur Rimbaud, et de Jadis et
Naguère (1884) qui
contient L'Art poétique] en tirent leur principale
signification.
Remarque :
la légende d'Orphée est l'une des plus obscures de la mythologie
grecque ; Orphée était fils du roi Œagre
et de la muse Calliope, son chant charmait les dieux et les mortels,
apprivoisait les fauves, parvenait même à émouvoir les êtres
inanimés. Affligé par la perte définitive de son épouse, après
qu'il soit descendu aux Enfers pour obtenir le retour à la vie de
celle-ci, Orphée reste jusqu'à la fin inconsolable et solitaire,
puis il est mis en pièces par les Ménades (les nymphes du cortège
de Dionysos) ou foudroyé par Zeus, c'est selon.
>
2. Le Dionysisme (de Dionysos, dieu de la vigne, de l'ivresse)
transporte le poète au-delà de la réalité. Arthur
Rimbaud [poète français, 1854-1891, dont la brève œuvre est
l'une des sources majeures de la mutation poétique moderne,
influençant le surréalisme après le symbolisme] dans Une saison
en enfer (1873) ; ou Guillaume Apollinaire [poète
français, 1880-1918, dont la poésie fut mise en musique par de
nombreux musiciens (Honegger, Poulenc, Chostakovitch, etc.)] dans
Alcools (1913), l'illustrent.
>
3. L'apollinisme (d'Apollon, dieu de la musique, de la divination et
de la poésie) cherche, par un travail ardu sur la langue et les
formes, à ordonner le monde ; Stéphane Mallarmé
[poète français, 1842-1898, influença fondamentalement la
conception moderne du poétique], Paul Valéry
[écrivain français, 1871-1945, entré à l'Académie française en
1925], orfèvres du langage, en relèvent.
Seulette
suis, et seulette veux être,
Seulette
m'a mon doux ami laissée.
Seulette
suis, sans compagnon ni maître,
Seulette
suis, dolente et courroucée,
Seulette
suis, en langueur malaisée,
Seulette
suis, plus que nulle autre égarée,
Seulette
suis, sans ami demeurée.
Extrait
de : Seulette suis, sans ami demeurée : ballade, de
Christine de Pisan [écrivain français, 1363?-1431]
Poème,
poète, poésie, poétique, poéticien :
une même racine, poiein.
Le
nom masculin poème est emprunté (1213, puis 1370) au latin
poema, -atis (ouvrage de vers et poésie en général,
par opposition à prose). Poema est emprunté au grec
poiêma qui désigne ce que l'on fait, une création :
une œuvre, un ouvrage manuel et une création de l'esprit,
spécialement une œuvre en vers. Poiêma est dérivé
de poiein (faire, fabriquer, produire,
créer, dans le sens qu'a l'anglais to make, par
opposition à to do) ; poiein signifie également
causer, agir.
Poiein
a également donné poiêtês (en grec), poeta (en
latin), et poète (en français, vers 1150) ; il a aussi
donné poiêsis (en grec), poesis (en latin), et poésie
(en français, 1370).
L'adjectif
verbal de poiein, poiêtos a donné poiêtikos
(en grec), poeticus (en latin), l'adjectif poétique
(en français, 1372-1374).
Le
nom féminin la poétique est le dernier emprunt des mots
de cette famille (1599), de poiêtikê (en grec) et
poetica (en latin). Après une première attestation de
sens incertain, le mot désigne (1637) le célèbre traité
La Poétique d'Aristote [philosophe
grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de La
Poétique et de La
Rhétorique] ; il se
dit ensuite de l'ensemble des conceptions propres à une école,
une époque, un pays (après 1750). Les linguistes et
critiques modernes l'appliquent à la théorie de la création
littéraire, en référence à la fois à Aristote, Paul Valéry,
et Roman Jakobson. Les noms communs un poéticien et une
poéticienne en sont dérivés (vers 1950).
Roland
sent que la mort l'entreprend,
Et
dans la tête et le cœur lui descend.
Dessous
un pin il va courant
Et
sur l'herbe verte s'allonge,
Plaçant
sous lui épée et olifan...
Extrait
de : La Chanson de Roland : poème épique, d'un
auteur inconnu [La Chanson de Roland est une des plus anciennes
chansons de geste qui nous ont été conservées ; elle date du
dernier tiers du XIe siècle ; ce poème est composé
d'environ quatre mille vers].
Présentant
d'innombrables sous-genres, la poésie a revêtu au cours des siècles
des formes extrêmement variées. On les distingue d'abord par leur
inspiration, épique, lyrique, didactique ou satirique.
On
peut aussi s'appuyer sur une typologie plus formelle, classifiant des
poèmes construits selon des règles contraignantes (lai, ballade,
ode, sonnet, pantoum, etc.)
Au
XIXe siècle, on assiste à une profonde remise en cause
des règles traditionnelles : Le Centaure (1840) de
Maurice de Guérin [poète français, 1810-1839], Gaspard
de la nuit (1842) d'Aloysius Bertrand [écrivain français,
1807-1841, précurseur du surréalisme], et Le Spleen de Paris
(1869) de
Charles Baudelaire [écrivain français,
1821-1867, a énoncé les principes créateurs de la poésie moderne,
du symbolisme au surréalisme] inaugurent l'usage du poème en prose.
La poésie moderne va largement confirmer cette tendance en
dissociant l'écriture poétique de la stricte versification.
Longtemps
asservie aux règles de la versification classique et aux lois des
genres, la poésie commence à s'en libérer au XIXe
siècle avec le romantisme [mouvement culturel et artistique
qui s'est répandu en Europe à la fin du XVIIIe siècle
et au début du XIXe siècle, et qui est caractérisé par
un changement de sensibilité et une rupture par rapport au
classicisme et au rationalisme] et le symbolisme
[mouvement poétique,
littéraire et artistique, principalement français, de la fin du
XIXe
siècle, qui se constitua en
réaction contre le réalisme trop descriptif et le naturalisme trop
scientifique].
Du vers libéré au verset et au poème en
prose, la poésie s'est métamorphosée, tout en se donnant de
nouvelles règles.
>
Les vers libres sont des vers de longueur inégale
(hétérométrie) qui riment et restent réguliers ; on les
rencontre surtout dans les fables, en poésie lyrique légère, ou
dans des poèmes humoristiques :
Pour
un âne enlevé deux voleurs se battaient
L'un
voulait le garder, l'autre le voulait vendre.
Tandis
que coups de poing trottaient,
Et
que nos champions songeaient à se défendre,
Arrive
un troisième larron,
Qui
saisit maître Aliboron.
Extrait
de : Les Voleurs et l'âne, de Jean de La Fontaine
[poète français, 1621-1695, eut la charge de « maître des
Eaux et Forêts », entré à l'Académie française en
1684]
>
Les vers libérés, comme les vers libres, sont de longueur
inégale, de mètre pair ou impair ; la rime disparaît ou
devient occasionnelle ; souvent ils voisinent avec des vers
réguliers ; pour éviter le risque de prosaïsme, le poète
développe les compensations : parallélismes syntaxiques,
répétitions, recherches rythmiques, richesse du vocabulaire et des
images :
Qu'il
fait beau
Sur
ces plateaux de déserts et de charmilles
Dans
la désolation blessée des antres verts !
Extrait
de : Matière Céleste (1964), de Pierre-Jean Jouve
[écrivain, poète, romancier et critique français, 1887-1976].
Remarques :
le mètre est la mesure du vers caractérisé par : le
nombre de syllabes qui le composent, et la coupe ou césure. Le mètre
est dit pair ou impair. Pair comme l'alexandrin
(vers de 12 syllabes), ou le décasyllabe (vers de 10
syllabes), ou l'octosyllabe (8 syllabes), etc. Impair
comme l'ennéasyllabe (vers de 9 syllabes) prôné par Paul
Verlaine en raison de sa légèreté, ou l'heptasyllabe (7
syllabes) que l'on trouve souvent dans les vers mêlés.
>
Lorsqu'un vers libéré occupe deux ou trois lignes, il devient un
verset, caractérisé par son ampleur et par une houle
rythmique, à valeur souvent incantatoire (il convient en effet à
une expression à la fois lyrique et dramatique). Hormis les textes
religieux, le verset a été utilisé avec bonheur par Paul
Claudel [poète et auteur
dramatique français, 1868-1955, diplomate, consul, puis ambassadeur
de France, entré à l'Académie française en 1946 ; il élabora
une rhétorique personnelle dont la forme typique fut le verset « ce
vers qui n'avait ni rime ni mètre »
accordé au souffle humain], Saint-John Perse [Alexis
Léger dit, diplomate et poète français, 1887-1975, prix Nobel de
littérature en 1960] et Jean Grosjean [poète
et écrivain français,
traducteur et commentateur
de textes bibliques, 1912-2006]
:
Passé
la ville dont les regards vitreux épiaient la brume, nous n'eûmes
pour soleil que le grand nid défait qui pend aux branches.
Le
froid t'enveloppait de son manteau quand tu enjambas les frontières
dérisoires sans t'inquiéter des assauts à venir.
Extrait
de : Élégies
(1962), de Jean
Grosjean.
On
accorde à la poésie quatre intentions fondamentales :
>
1. Dire le monde : la poésie se fait peinture pour
montrer l'univers, sa beauté (les poètes du Parnasse) ou
caricaturer toutes ses tares (Boileau,
Satires, 1660-1668).
>
2. Énoncer une idée : ce souci domine les poèmes
didactiques de Voltaire (Le Mondain, 1736). Victor
Hugo prétend même que « le vers est la forme
optique de la pensée » (Préface de Cromwell,
1827). Les réflexions métaphysiques de Vigny
(La Maison du Berger, 1843) ou la poésie dite engagée comme
celle de Paul Éluard [Eugène Grindel dit, poète français,
1895-1952 ; participe aux activités du mouvement Dada ;
fonde avec Louis Aragon, Philippe Soupault et André Breton en 1923
le mouvement surréaliste] traduisent des conceptions voisines.
>
3. Suggérer émotions et sentiments : c'est la vocation
principale du lyrisme.
>
4. Transformer le monde : il s'agit de le voir autrement.
Le poète, tel Arthur Rimbaud
(Le Bateau ivre, 1871), donne naissance à un univers
transfiguré par la magie de son verbe créateur.
Consigne :
transformer ce texte (en prose) en poème en vers libérés, et
l'enrichir avec des écarts de style. Un exemple de transformation
sera donné au début de l'atelier suivant.
La
ville paraît à peine habitée. Il y a bien des rues et des maisons
mais si un homme a soif, personne ne lui donne à boire et si l'on a
faim, les portes restent fermées. Les villes ont été créées en
des lieux sans chansons ni pain pour les égarés, sans regards
féminins pour les hommes.
Maisons
= Hautes demeures,
Lieux
sans chansons = Terres arides où le chant est banni,
Les
égarés = Le voyageur égaré,
Les
hommes = L'homme hanté d'amour,
Etc.
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp.
48, 70.
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p.
368.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
GREVISSE Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
p.
17.
>
LITTRÉ Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago,
Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t.
5, p. 4797.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp.
40-54.
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., p.
1558.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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