vendredi 24 mai 2013

Les champs sémantiques et les champs lexicaux : atelier d'écriture n° 25 de La PUBLiance


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 25



Les champs sémantiques et

les champs lexicaux



Avant de commencer l'atelier sur les champs sémantiques et les champs lexicaux,

Il a été demandé dans la consigne de l'Atelier précédent (n° 24, du 18 mai 2013) intitulé : La poésie française, de transformer un texte (en prose) en poème en vers libérés.

Voici un exemple de transformation d'un texte (en prose) en poème en vers libérés, extrait de : Contre Solitude (1946), d'Ilarie Voronca [Éduard Marcus, poète et écrivain français d'origine roumaine, 1903-1946] :



Est-ce un lieu habité ici, est-ce un désert ?

Quelles sont donc ces rues et ces hautes demeures ?

Un homme a soif et nul ne lui apporte à boire

Je m'écrie « J'ai faim », et nulle porte ne s'ouvre.

Villes ! On vous a bâties sur des terres arides

Où le chant est banni, où la haine triomphe,

Ni pain, ni sel pour le voyageur égaré

Ni doux regard de femme pour l'homme hanté d'amour.



***



Les champs sémantiques et les champs lexicaux



Le nom masculin champ, d'abord camp (1080) à côté de champ (1080) est issu du latin campus (camp, campagne), mot probablement autochtone (d'une ancienne langue d'Italie ?) désignant originellement la plaine, par opposition à mons (la montagne). Cédant ce sens géographique au mot plana (plaine), il s'est spécialisé aux sens de plaine cultivée, terrain d'opérations militaires, domaine d'action (au propre et au figuré), et campagne, par opposition à urbs (la ville), tous sens repris par le français.

Le sens figuré s'est développé à partir du XVIe siècle, à la fois en locutions (sur-le-champ, 1538 ; à tout bout de champ, 1611) et en emploi autonome au sens de domaine d'action. Ce dernier a reçu en technique l'acception restreinte de secteur délimité, réalisée dès le XIIIe siècle en héraldique et qui a fait fortune en optique (1753), désignant à la fois le secteur dont tous les points sont vus dans un instrument, la portion d'image enregistrée par l’œil (champ visuel) ou, récemment, par la caméra (1911 ; d'où hors-champ, contrechamp, 1929).

Au cours du XXe siècle, le mot est entré dans d'autres vocabulaires scientifiques : anatomie, physique avec champ magnétique (1854), champ électrique (1881), champ de force (1881) etc., mathématiques, linguistique avec champ sémantique (ensemble structuré de sens) traduit de l'allemand Begriffsfeld (Just Trier [linguiste allemand, 1894-1970, pour qui « chaque langue représente un système unique de représentations et de catégorisations du monde »]), champ lexical (ensemble structuré de mots), champ conceptuel (ensemble structuré de concepts), champ notionnel (ensemble structuré de notions), sociologie, etc.



Déterminer un champ, en linguistique, c'est chercher à dégager la structure d'un domaine donné ou en proposer une structuration.

Les champs linguistiques comprennent aussi bien le champ sémantique d'un mot (par exemple avec le mot père : celui qui a un ou plusieurs enfants, le grand-père, le père de famille, le père putatif (que l'on pense être tel), le père adoptif, le père nourricier, le beau-père, le père d'une lignée (l'ancêtre, le patriarche), le père spirituel, le Saint-Père (le pape), les Pères de l'Église, le Révérend Père, etc.),

le champ lexical d'une famille de mots (par exemple avec les mots père, mère, frère, soeur : auteur, géniteur, papa, aïeul, ancêtre, ascendant, chef, origine, patriarche, souche, tige, créateur, fondateur, parents, maman, cause, source, génitrice, mère poule, matrice, fils, fille, frangine, enfant, frangin, frérot),

ou le champ lexical d'une réalité extérieure à la langue (exemple avec le mot la parenté : l'affinité, l'alliance, l'apparentement, la consanguinité, la famille, le lignage, la filiation, dans différentes sociétés et dans différents pays).



Dès lors qu'ils sont partie prenante d'un énoncé et non pas considérés isolément comme des unités purement syntaxiques ou grammaticales, les mots entrent dans des réseaux de significations et se font écho à l'intérieur d'un texte.

On nomme champ sémantique l'ensemble des sens ou des nuances couverts par l'emploi d'un mot récurrent ou non. L'étude du champ sémantique permet d'apprécier les différents sens, emplois et valeurs d'un terme, selon le contexte dans lequel il est utilisé. Un mot qui présente de nombreuses occurrences (par exemple le terme changer a pour occurrences changeant, changé, le changement, etc.) à l'intérieur d'un texte, dans des contextes variés, et dont le champ sémantique est large, est qualifié de mot-thème.



On appelle champ lexical l'ensemble des mots qui peuvent se regrouper autour d'un même thème ou d'une même notion. On établit les champs lexicaux d'un énoncé en tentant des rapprochements fondés sur la contiguïté des significations, sur la parenté des thèmes, et en étudiant les interférences entre les champs lexicaux, qui peuvent être la source d'images prolongées. Le croisement de deux ou plusieurs champs lexicaux présents dans un texte, permet de mettre en évidence le fonctionnement des images structurantes et d'en dégager des métaphores, allégories ou symboles (voir à ce sujet l'Atelier n° 22 du 7 mai 2013, intitulé : Métaphores et allégorie).

Dans un texte plus long qu'un poème ou qu'un extrait de roman ou qu'une nouvelle, la présence récurrente de certains champs lexicaux crée des échos et des parallélismes de sens que l'on nomme motifs. Lorsqu'ils sont établis, les motifs d'une œuvre permettent de mettre en lumière les idées clés, les passions, les hantises parfois, conscientes ou non, bref le style de l'écrivain, et de révéler les sens profonds d'un texte.



Par exemple, dans cet extrait de L'Or (1925), de Blaise Cendrars [écrivain français d'origine suisse, 1887-1961], où l'on peut repérer et regrouper tous les mots ayant un sème commun [un sème est un élément de sens permettant le rapprochement entre certains termes]. On peut regrouper dans une seule isotopie (secteur du réel) de nombreux mots qui tous appartiennent au champ lexical de la parole : menteurs, bavards, vantards, hâbleurs, taciturnes, mot immense, récits, disent, parlent... Certains de ces termes sont en outre affectés d'un sème supplémentaire, celui d'une parole excessive ou déformante. À partir de cette isotopie simple, plus précisément d'une isotopie lexicale (ou association de mots présentant au moins un élément de sens en commun), va se dégager le motif de la représentation fabuleuse de l'Ouest américain, fondée sur la reproduction et la déformation des récits initiaux.



Un jour, il a une illumination. Tous, tous les voyageurs qui ont défilé chez lui, les menteurs, les bavards, les vantards, les hâbleurs, et même les plus taciturnes, tous ont employé un mot immense qui donne toute sa grandeur à leurs récits. Ceux qui en disent trop comme ceux qui n'en disent pas assez, les fanfarons, les peureux, les chasseurs, les outlaws, les trafiquants, les colons, les trappeurs, tous, tous, tous, tous parlent de l'Ouest, ne parlent en somme que de l'Ouest.

L’Ouest.

Mot mystérieux.

Qu'est-ce que l'Ouest ?



Quatre procédés conduisent à la constitution d'un champ lexical : la désignation (par synonymie, définition, explications...), la caractérisation (par adjectifs, adverbes, verbes), les propos (ce qu'on pense du thème), et l'apparition de connotations (sens second, ou sens particulier que prend un mot ou un énoncé en fonction du contexte situationnel).



Quant à la constitution d'un champ sémantique, la condition première est la répétition d'un mot ou de ses occurrences. À chaque répétition, le mot se charge de connotations (une connotation est un sens particulier que prend un mot ou un énoncé en fonction du contexte situationnel) nées du contexte ou se nuance lors d'échanges connotatifs entre mots proches.



Consigne : écrire un petit récit avec le mot commander, en utilisant les 5 sens de ce mot (champ sémantique) et en piochant dans les champ lexicaux.



1. Commander = exercer une autorité sur quelqu'un, des soldats, une équipe (champ lexical : diriger, conduire, mener, donner des ordres, enjoindre, exiger, intimer, sommer, dominer, donner un ordre, être le maître, gouverner, un ordre, une sommation, un commandement, un commandant, une autorité, une direction, un pouvoir, une puissance, une injonction, un chef, une autorité, un despote, un poste de commande).

2. Commander = ordonner quelque chose à quelqu'un (prescrire, enjoindre, imposer, obliger, sommer, donner l'ordre de, décréter, contraindre, recommander, un conducteur,, un directeur, un dirigeant, un entraîneur, un maître, un patron).

3. Commander = demander une chose à un fabriquant, à un fournisseur (champ lexical : commander un meuble, un vêtement, retenir, faire fabriquer, faire confectionner, acheter, passer commande, un achat, un ordre, une commande, les commandes, marchandise commandée).

4. Commander = agir sur quelque chose (en parlant d'un mécanisme), faire fonctionner, déclencher, mettre en mouvement, en marche, levier, organe de transmission, câble, volant, commande de direction.

5. Commander = tenir les commandes (au figuré), diriger, avoir la haute main sur, un décideur, un rassembleur, un responsable, une tête, un poste de direction.



Cela pourrait donner ceci :



Dans une caserne militaire, le commandant donne un ordre à ses soldats. Un des soldats refuse d'obtempérer, il est emprisonné. Un autre soldat désobéit, idem. Un troisième déserte. Finalement, il y a une mutinerie au terme de laquelle la troupe prend le commandement. Le commandant, lui, prend la fuite. Mais la troupe ne sait pas se commander et elle se transforme en fournisseur de comptoir en laiton (il n'en restait que deux au monde). Le commandant, reconverti en patron de bar, commande un comptoir à la troupe. Ça fera 1300 euros, lui annonce un employé, payables au comptant.



- Soldat, je vous ai donné un ordre ! Obéissez !

- Vous aurez beau m'ordonner, m'intimer, me sommer, exiger, me contraindre même, je ne vous obéirez plus, mon commandant.

- Au cachot, trois semaines, pour vous donner le temps de réfléchir.

- Moi non plus, je ne vous obéirai plus, mon commandant, intervint un deuxième soldat. Je n'accepte plus l'autorité que vous exercez sur moi. Je refuse le pouvoir du chef. Je veux être mon propre chef, je ne veux obéir qu'à moi-même. Je veux être le seul à me commander, à me diriger. Je veux être mon propre patron.

- Même régime. Au cachot pendant trois semaines. On reparlera de tout ça après. Je ne suis pas sûr que vos bonnes intentions survivent à autant de pression. Vous rentrerez dans les rangs, comme les autres.

À ces paroles, et devant autant d'injustice, de despotisme affiché, le reste de la troupe se débande et s'enfuit. Le commandant reste seul au milieu de la cour, puis il sort de la caserne, monte dans sa voiture, et reste assis au volant, perdu dans ses pensées. Comment a-t-on pu en arriver là ? Qui a pu commander une telle débandade, quel a été le déclencheur, comment l'indiscipline et l'insubordination ont-elles pu se mettre en mouvement sans qu'il n'ait rien vu venir ? Quel levier, quel câble, quel organe de transmission, quelle commande de direction de la machine humaine, qu'il connaît pourtant sur le bout des doigts, a pu mettre en mouvement tous ces soldats jusque à présent obéissants, disciplinés et respectueux du moindre ordre par lui donné ?

Trois ans plus tard, le commandant, reconverti en patron de bar, monte dans sa voiture. Il démarre et il se dirige vers la sortie de la ville, où se trouve une société de fournitures pour bars et cafés, une des trois dernières entreprises au monde où l'on fabrique des comptoirs en laiton. Il a passé commandé six mois plus tôt pour un montant de 1300 euros. Etc.



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !





Bibliographie :



> BERTAUD DU CHAZAUD Henri, 1999. Dictionnaire de synonymes et contraires. Paris, Le Robert (Collection Les usuels).



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p. 30.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, p. 81.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> NIOBEY Georges (dir.), 1997. Dictionnaire analogique, Paris, Larousse (Références Larousse).



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 18, 70.



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., p. 385.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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