jeudi 30 mai 2013

Dénotation-connotation, monosémie et polysémie : atelier d'écriture n° 26 de LA PUBLiance


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture n° 26



Dénotation-connotation,

monosémie et polysémie



Un mot peut avoir un seul sens (monosémie) ou plusieurs sens (polysémie) et ce mot peut être pris séparément ou associé à d'autres. Seul ou associé à d'autres mots, un mot peut avoir un sens premier (on parle alors de dénotation) ou un second sens, voire un troisième, etc. (on parle alors de connotation).

Le langage, ne pouvant avoir autant de mots qu'il y a d'objets à désigner ou d'idées à exprimer, doit suppléer à cette insuffisance en donnant à un même mot plusieurs sens.



Nettoyage des accessoires de votre presse-agrumes

Pour le premier entretien, un rinçage à l'eau chaude suffit. Par la suite, vous pouvez mettre les accessoires au lave-vaisselle dans le panier du haut. N'utilisez ni éponge abrasive, ni tampon métallique, ni eau de javel pour nettoyer les accessoires, le bol et les couvercles.

Cet extrait du mode d'emploi d'un robot ménager presse-agrumes est un énoncé strictement monosémique, où le sens objectif de chaque mot sert à transmettre un message d'un grande précision et d'une grande justesse techniques, indispensable à sa bonne compréhension.



Un mot est dit monosémique lorsqu'il n'a qu'une seule signification, une seule acception - et non pas accepTAtion, quels que soient les contextes dans lesquels on l'emploie (par exemple : un séquoia = grand conifère de Californie, un dégât = destruction causée par un accident, etc.). La plupart des termes appartenant aux terminologies scientifiques n'ont qu'un sens (par exemple : laryngologie, névralgie, pluviométrie, etc.).

On distingue deux cas de monosémie. Premièrement, lorsque dans le dictionnaire, certains mots ont un seul sens dénoté (le sens objectif), par exemple : dégivrer = enlever le givre, un féculent = légume qui contient de la fécule, etc.

Deuxièmement, lorsque d'autres mots, dotés de plusieurs sens dénotés (donc polysémiques) dans le dictionnaire, n'en conservent qu'un seul dans un énoncé (par exemple dans la phrase : J'ai mangé un croissant chaud, où le croissant n'est évidemment pas celui de la lune, mais bien une pâtisserie feuilletée en forme d'arc de cercle).



Énoncé monosémique : Allongé dans le noir, il gardait les yeux ouverts tout en écoutant le silence de la chambre.



Énoncé polysémique : Ses yeux naviguaient dans le noir, ses oreilles s'emplissaient de noir. Il respirait, il happait du noir à pleine bouche, à pleines narines.

Extrait de : La neige en deuil (1952, p. 49), de Henri Troyat [romancier, essayiste et auteur dramatique français d'origine russe, 1911-2007, entré à l'Académie française en 1959].



Un mot est polysémique lorsqu'il porte au moins deux significations (par exemple : pétiller, qui signifie aussi bien Faire des petits bruits secs et répétés comme dans : « Le feu pétille dans la cheminée », que Faire des petites bulles de gaz comme dans : « Cette boisson pétille trop, ça pique ! », ou encore que Briller d'un vif éclat comme dans « Ses yeux pétillent de bonheur ».



Le concept de polysémie s'inscrit dans un double système d'oppositions : l'opposition entre polysémie et homonymie (par exemple : dessin et dessein qui malgré une étymologie commune sont traités en pratique comme deux unités distinctes, donc comme des homonymes ; ou encore LE pendule et LA pendule, le pot et la peau, etc.), et l'opposition entre polysémie et monosémie : cette deuxième opposition est semblable à l'opposition mot/terme, où le mot emprunté au vocabulaire en général peut être polysémique, et où le même mot devient un terme, avec une seule signification, par exemple dans une terminologie scientifique (exemple avec le mot polysémique fer = métal, objet, matière, qui devient en chimie le terme monosémique fer, symbolisé Fe).



On distingue trois types de polysémie :



> Premièrement, la polysémie par dénotation, lorsqu'un mot offre plusieurs sens dénotés (exemples : croissant = quartier de lune - pâtisserie feuilletée en forme d'arc de cercle ; peuple = ensemble des habitants d'un même pays - ensemble des citoyens de condition modeste).



> Deuxièmement, la polysémie par addition d'un sens dénoté (sens premier, objectif) et d'une ou plusieurs connotations (sens seconds, subjectifs). Exemple : or = métal précieux, monnaie - Affaire en or (affaire très avantageuse) - Âge d'or (époque de bonheur) - À prix d'or (très cher) - Cœur d'or (personne généreuse) - Livre d'or (recueil de signatures), etc.



> Troisièmement, la polysémie par écart de style, lorsque l'écart consiste en une substitution d'un mot par un autre, que le mot exprimé perd son sens dénoté (objectif) pour prendre celui du mot remplacé, et que ses connotations sont les siennes propres et celles du mot remplacé. Exemple : dans l'expression « L'offensive du froid » qui désigner une chute brusque de la température de l'air, le terme offensive perd son sens dénoté (attaque contre quelqu'un ou quelque chose), capte celui de forte poussée, et se charge des connotations de l’agressivité guerrière et de la rapidité.



Le mot féminin connotation est emprunté (1660) au latin scolastique connotatio (indication seconde, signification seconde). Le mot apparaît chez les auteurs de la Grammaire de Port-Royal [ou Grammaire générale et raisonnée (application de la doctrine cartésienne à l'analyse du langage, publiée en 1660), de Antoine Arnauld, théologien français (1612-1694) et Claude Lancelot, religieux janséniste et grammairien français (1615-1695)] avec le sens de propriété d'un terme de faire connaître en même temps que son objet certains attributs du sujet, lequel est aujourd'hui réservé à l'histoire des sciences. Il est repris à l'anglais connotation, traduit en français en 1866, et employé par le logicien John Stuart Mill [philosophe et économiste britannique, 1806-1873], pour désigner les traits de signification intrinsèques d'un mot qui renvoient à des attributs seconds par opposition aux traits principaux. Plus récemment, il a été repris aux linguistes américains (1954, Louis Hjelmslev en français [linguiste danois, 1899-1965]) pour désigner des traits de signification qui relèvent du contexte particulier de l'emploi d'un mot.



Connotation se dit du sens particulier que prend un mot ou un énoncé en fonction du contexte situationnel ; la connotation s'oppose à la dénotation qui désigne l'élément invariant de signification ; ainsi l'adjectif sage, appliqué à ce qui est fait avec discernement et prudence (dénotation), s'emploie souvent avec la connotation absence d'originalité.



Le nom féminin dénotation est emprunté (vers 1420) au dérivé latin impérial denotatio (indication). Il a suivi une évolution parallèle à celle du verbe dénoter. Le verbe transitif dénoter est emprunté (vers 1160) au latin denotare (faire connaître). D'abord attesté au sens ancien de remarquer, le mot a pris la valeur de désigner, dénoncer (1350). Il s'est spécialisé en logique (1375) où, par opposition à connoter, il désigne le fait de renvoyer à l'extension d'un terme.



Par opposition à la dénotation, contenu objectif, neutre, du message, on appelle connotation ce que l'expression ajoute à ce contenu objectif. Par exemple les mots gifle et soufflet qui désignent tous les deux un coup sur la joue, ont la même dénotation, mais diffèrent par la connotation.



Les rapports entre sens dénoté et connotations obéissent à une logique de l'inconscient. Le plus souvent, ils sont de l'ordre de la synecdoque (la partie/le tout), de la métonymie (la cause/l'effet, rapport de contiguïté), de la métaphore (rapport de ressemblance) ou de l'antithèse (rapport d'opposition). Exemples : un sabot peut évoquer la campagne par synecdoque et la bergère par métonymie, une chevelure blonde peut évoquer un champ d'épis de blé mûrs par métaphore.



Les connotations peuvent avoir quatre origines : la nature psychologique de l'homme, son environnement social, son histoire personnelle, et dans le cas d'un texte, les interrelations des mots et des phrases.

Le texte connotatif mobilise le lecteur et l'interpelle. Le lecteur ne peut pas se contenter d'un sens seulement dénoté. Au-delà, il découvre et décode les connotations dont le texte et l'auteur sont porteurs. Il peut aussi, éventuellement, apporter ses propres connotations, enrichir celles du texte et de l'auteur, et devenir ainsi une sorte d'acteur sensible.



Exemple avec cet extrait de : Les Beaux Quartiers (1936), de Louis Aragon [écrivain et poète français, 1897-1982, fonde avec André Breton, Paul Éluard et Philippe Soupault en 1923 le mouvement surréaliste] :

(…) et, au-delà du quartier militaire, vers la Seine, il y a de grands silences abandonnés, car ici, passées de petites entreprises, commencent de longs murs enfermant des usines.

Les mots silences, petites entreprises et usines sont connotés. Les connotations de silences sont : solitude, inquiétude, nuit, et elles ont pour origine le contexte. Les connotations de petites entreprises sont : la taille artisanale, rassurante, évoquant le passé, et elles ont pour origine le contexte mais aussi l'environnement social à travers l'histoire du monde industriel. Les connotations de usines sont : bâtiments de grandes dimensions, univers de l'aliénation, inhumanité, et elles ont pour origine le contexte mais aussi l'environnement social, et pour certains, l'histoire personnelle.



Consigne : donner le(s) sens dénoté(s) des mots suivants : courant, été, canon, bleu, puis trouver des connotations suggérées par chacun de ces mots ou par leur(s) association(s). Puis écrire deux textes assez courts, l'un avec le(s) sens dénoté(s) des mots, l'autre avec des connotations choisies parmi celles qui auront été trouvées précédemment.



Cela pourrait donner ceci :



> courant. Sens dénotés : mouvement de l'eau - électricité qui passe dans les fils - être informé de quelque chose (au courant) - pendant une période (dans le courant de la semaine prochaine). Connotations suggérées : le mouvement, le sens, la direction, la force, la tension, l'énergie, l'action de s'informer, se mettre au parfum, le manque d'information, être dans le secret, rester en dehors, une date approximative ou floue ou vague, un non-engagement, la liberté de mouvement.

> été. Sens dénoté : saison. Connotations suggérées : joie, soleil, vacances, voyage, repos, loisirs, famille.

> canon. Sens dénotés : arme - règle - chant à deux ou plusieurs voix. Connotations suggérées : guerre, carnage, agression, western, tragédie, mort, blessures, normes, beauté, principes rigides, majorité, groupe d'individus, chorale d'enfants, chants religieux.

> bleu. Sens dénotés : couleur - bifteck à peine cuit - marque sur la peau causée par un coup - vêtement de travail - fromage - débutant. Connotations suggérées : ciel dégagé, beau temps, la tranquillité, un regard vif, maisons grecques, mer calme, gourmandise carnivore, appétit carnassier, violence, agressivité, long labeur, uniforme de l'ouvrier, bleu de Bresse, bleu d'Auvergne, plateau de fromages au restaurant, policier pas encore au courant des ficelles du métier, soldat novice qui n'a participé à aucune guerre.



Premier texte (sens dénotés) : En plein ÉTÉ, le COURANT de la rivière est très faible à cause du manque d'eau. L'activité de canoë-kayak doit être annulée. Ça évite pas mal de BLEUS aux débutants. À la place, on organise un CANON à trois voix, enfantines, masculines et féminines. Les représentations ont lieu le soir, lorsque le BLEU du ciel se fonce jusqu'à noircir l'horizon, jusqu'à s'illuminer de milliers de paillettes dorées, comme ton regard lorsque tu m'aperçois.



Deuxième texte (connotations) : Les COURANTS de la lande et les ornières immenses du reflux filent circulairement vers l'est. Là où le bruit du CANON ne résonne plus que très faiblement, là où le BLEU du ciel pâlit puis rosit dans un éclatant carnage. C'est l'ÉTÉ de tous les dangers, celui où je te rencontrerai...

La première phrase est extraite de : Illuminations (1886), de Arthur Rimbaud [poète français, 1854-1891, dont la brève œuvre est l'une des sources majeures de la mutation poétique moderne, influençant le surréalisme après le symbolisme].



À vous de jouer,

À vos claviers, plumes et stylos !



Bibliographie :



> BERTAUD DU CHAZAUD Henri, 1999. Dictionnaire de synonymes et contraires. Paris, Le Robert (Collection Les usuels).



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 28-29.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse, pp. 111, 135, 309, 369.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd., pp. 8, 260.



> NIOBEY Georges (dir.), 1997. Dictionnaire analogique, Paris, Larousse (Références Larousse).



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), pp. 12-15.



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol., pp. 476, 577.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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