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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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e n l i g n e . . .
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Atelier
d'écriture n° 34
Musique
et rythme en prose
Le
nom masculin rythme est une réfection (modification) savante
(1549, Joachim du Bellay) de rime (vers 1370), puis rithme
(1512). Le mot est emprunté au latin rhythmus (mouvement,
battement régulier, mesure, cadence) spécialement en rhétorique
(nombre oratoire) et, en latin médiéval (poème, vers
1036), repris au grec rhuthmos, qui est un des mots clés de
la philosophie aristotélicienne (psychologie, théorie de l'art)
[Aristote était un philosophe
grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de :
La Poétique, et de :
La Rhétorique ].
Le
mot est dérivé de rhein (couler), et, d'après Émile
Benveniste [linguiste français, 1902-1976, entré à l'Académie
des inscriptions et belles-lettres en 1960], rhuthmos aurait
d'abord le sens de forme, assumé par ce qui est mouvant,
fluide, modifiable. De ce sens, qui correspond à arrangement
des parties, dans l'espace, on serait passé à une notion
temporelle, illustrée dans les textes à partir de Platon
[philosophe grec, 428 avant J.-C.-348 avant J.‑C., auteur de 28
Dialogues].
Rythme,
après un emploi isolé en musique, est repris au XVIe
siècle et désigne le retour imposé à des intervalles réguliers
d'éléments harmoniques caractéristiques du vers ; puis, il
renvoie au mouvement général résultant, dans un texte, de
la répartition, du retour régulier et plus ou moins
rapide de certains éléments de la phrase.
Le
rythme, c'est l'équilibre des parties d'une phrase.
Une des règles les plus générales est de ne pas terminer une
phrase sur un membre beaucoup plus court que les précédents, sauf
si le scripteur vise un effet particulier de mise en évidence. On
considère souvent comme un défaut, par ailleurs, que la prose ait
le rythme des vers.
Le
rythme est la qualité du discours qui, par le moyen de
ses syllabes accentuées, vient frapper notre oreille à de certains
intervalles ; c'est la succession de syllabes accentuées (sons
forts) et de syllabes non accentuées (sons faibles).
Il
faut que les phrases s'agitent dans un livre comme les feuilles dans
une forêt, toutes dissemblables en leur ressemblance.
Extrait
de : Lettre à Louise Colet (7 avril 1854), de Gustave
Flaubert [écrivain français, 1821-1880].
La
langue française n'est pas une langue accentuée comme l'anglais ou
l'espagnol, et les syllabes semblent de même longueur. Pourtant, le
rythme est bien présent dans la prose française, à travers
la syntaxe (le choix des mots, d'un lexique, d'un
vocabulaire), le sens (polysémie, monosémie, connotations,
dénotations) ou les sons (l'harmonie, fondée sur la
répartition équilibrée des sons, participe au rythme et au
mouvement du texte dont elle est la mélodie).
Dans
la phrase simple, du type Groupe sujet + Groupe verbal + Groupes
compléments, chaque groupe peut être assimilé à une mesure,
décomptée en syllabes. Un rythme naît des rapports de longueur
entre ces mesures.
Dans
la phrase complexe, assemblage de propositions ou de phrases simples,
le rythme naît surtout des rapports de longueur entre ces
propositions (ce qui n'exclut pas leurs rythmes internes).
Il
existe 4 types de rythmes :
>
On parle de rythme binaire lorsque les groupes de mots (Groupe
sujet, Groupe verbal, Groupe complément) ou les propositions
(phrases dans la phrase) sont de longueur similaire et au nombre de
2. On obtient un effet de symétrie et de clarté. Par exemple :
Près de sa belle maison
(proposition 1, dont la longueur est de 7 syllabes) / vivait
un voisin irascible. (proposition 2, dont la longueur est de 8
syllabes).
>
On parle de rythme ternaire lorsque les groupes de mots ou les
propositions sont de longueur similaire et au nombre de 3. On obtient
un effet de clarté et de parallélisme. Par exemple : Près
de sa maison, (proposition 1, de 5 syllabes) / qui
était si belle, (proposition 2, de même longueur) / vivait
un voisin hargneux.
(proposition 3, de 7 syllabes).
>
On parle de rythme ascendant lorsqu'une phrase est composée
d'une succession de groupes de mots de plus en plus longs, ou de
propositions de plus en plus longues. Par exemple : Là-bas,
(2 syllabes) / près de sa
maison, (5 syllabes) / qui
était vraiment très belle, (7 syllabes) / avec
sa façade équilibrée, (9 syllabes) / et
ses peintures joyeuses aux tons pastels, (11 syllabes) /
demeurait ce ridicule et
irascible voisin. (14 syllabes).
On
emploie ce type de rythme pour obtenir des effets de suspense,
d'attente, de gradation et d'abondance. La
juxtaposition de phrases simples ou complexes ascendantes accélère
le rythme général d'un récit.
>
On parle de rythme descendant lorsqu'une phrase est composée
d'une succession de groupes de mots de plus en plus courts, ou de
propositions de plus en plus courtes. Par exemple : Près
de la si belle et si vaste demeure de mon ami Raymond, (18
syllabes) / avec ses
peintures joyeuses aux tons pastels, (12 syllabes) / et
sa façade bien équilibrée, (10 syllabes) / aux
beaux volets
rutilants, (7 syllabes) / vivait
ce voisin, (5 syllabes) / un
hargneux. (3 syllabes).
La
juxtaposition de phrases de plus en plus courtes a un effet de
ralentissement sur le rythme général du texte.
Passer
la nuit dans cet obscur wagon n'avait rien d'enchanteur ; et
puis je n'avais pas dîné. La gare était loin du village et
l'auberge m'attirait moins que l'aventure ; au surplus je
n'avais sur moi que quelques sous. Je partis sur la route, au hasard,
et me décidai à frapper à la porte d'un mas assez grand, d'aspect
propre et accueillant.
Extrait
de : Si le grain ne meurt (1924), d'André Gide
[écrivain français, 1869-1951, Prix Nobel de Littérature en 1947].
On
peut établir le schéma rythmique des phrases 1 (Passer...
dîné.), 2 (La gare...
sous.) et 3 (Je partis...
accueillant.), et observer les effets obtenus par l'emploi de
ces rythmes.
La
phrase 1 est composée de 2 phrases simples, de longueurs différentes
(16 et 8 syllabes). Le rythme binaire décroissant convient bien à
l'expression « un creux
dans l'estomac ».
La
phrase 2 est constituée de 3 phrases simples : 9 syllabes, 13
syllabes et 12 syllabes, et le rythme ternaire équilibré (la
longueur des 3 phrases simples est similaire) illustre bien le bilan
de la situation que le personnage effectue.
La
phrase 3 est ascendante : 10 + 25 syllabes, et traduit le
suspense : comment sera accueilli le personnage ?
Il
faut écrire, et l'on me donne une plume, de l'encre, du papier qui
se conviennent à merveille. J'écris avec facilité je ne sais quoi
d'insignifiant. Mon écriture me plaît. Elle me laisse une envie
d'écrire. Je sors. Je vais. J'emporte une excitation à écrire qui
se cherche une chose à écrire. Il vient des mots, un rythme, des
vers, et ceci finira par un poème dont le motif, la musique, les
agréments, et le tout,- procéderont de l'incident matériel dont
ils ne garderont aucune trace.
Extrait
de : Rhumbs (1926, p. 174), de Paul Valéry [écrivain
français, 1871-1945, entré à l'Académie française en 1925].
La
langue française est difficile. Elle répugne à certaines douceurs.
C'est ce que Gide exprime à merveille en disant qu'elle est un piano
sans pédales. On ne peut en noyer les accords. Elle fonctionne à
sec. Sa musique s'adresse plus à l'âme qu'à l'oreille.
Extrait
de : La Difficulté d'être (1947, p. 201), de Jean Cocteau
[écrivain français, 1889-1963, entré à l'Académie française en
1955].
La
musique d'un texte en prose est l'expression d'une pensée. Dans le
sens ancien et primitif, la musique n'était pas une science
particulière, c'était tout ce qui appartenait aux Muses ou en
dépendait ; c'était donc toute science et tout art qui
apportait à l'esprit l'idée d'une chose agréable et bien ordonnée.
Le
nom féminin musique (art de combiner les sons)
est emprunté (1150) au latin musica, lui-même emprunté au
grec mousikê (sous-entendu tekhnê), proprement l'art
ou technique des Muses, dérivé
de Mousa.
Mousa
en grec est un terme de mythologie généralement employé au pluriel
pour désigner les Muses
et servant d'appellatif avec le sens de poésie, culture,
musique. Les Muses, déesses des
champs et des montagnes, font don aux hommes de l'inspiration
poétique ainsi que de la connaissance ; elles sont filles de
Mnémosyne (Mémoire) et de Zeus ou, selon d'autres interprétations,
d'Harmonia, ou encore d'Ouranos et de Gê (le Ciel et la Terre). À
partir de l'époque classique (l'Antiquité gréco-romaine, qui
précède le Moyen-Âge), en latin, leur nombre est fixé à neuf.
Le
mot Muses a pénétré
en français pour désigner ces neuf déesses chez les traducteurs en
ancien français et en ancien provençal de Boèce
[philosophe et homme politique latin, 480-524, auteur de : De
la consolation de la philosophie
; sa place dans l'histoire de la logique est importante, entre
Aristote et les stoïciens d'une part, et le Moyen-Âge d'autre
part]. À la Renaissance, le mot a acquis
par extension la
signification
de belles lettres
(1548) au sens de littérature,
et spécialement poésie
(1549, L'Olive, de
Joachim Du Bellay
[poète français, 1522-1560, rédigea le programme de la Brigade,
qui deviendra la Pléiade en 1553, groupe composé
de sept poètes dont Ronsard,
qu'il avait rencontré en 1547]).
Quelques
sens analogiques du mot musique
se sont développés depuis le XVIe
siècle : musique se
dit de tout ce qui affecte l'oreille, de façon agréable ou,
ironiquement, désagréable (1560-1565, la musique d'un
asne). À la fin du XVIIIe
siècle, le mot commence à se dire de l'harmonie du
langage, d'un texte
(avant 1778), puis, plus abstraitement, de celle des pensées,
des rêveries (1800,
Chateaubriand).
Consigne
1 :
Utiliser
les mots suivants pour construire un petit texte aux phrases courtes
(rythme saccadé), puis un petit récit aux phrases moyennement
longues (rythme souple), et enfin une seule longue phrase au rythme
ample et soutenu.
Mots
proposés :
Torpeur
– Engourdissement – Somnolence – Boa – Languide – Lumière
– Septembre – Vibrer – Arbre – Immobile – Se tenir –
Étincelant – Majestueux – Odeur – Sûre – Poire –
Suspendre – Nuage – Journée – Lent – Se succéder – Passer
– Englober – Feuillage – Colline – Maison – Sommet –
Façade – Claire – Se dresser – Frondaisons – Inexpressive –
Énigmatique – Participer – Torpeur.
Phrases
courtes :
Je
somnole. Un engourdissement m'a saisi après le repas. Une torpeur
béate et languide. Tu fais le boa, m'a dit ma femme. Mes yeux
mi-clos, lumière d'une après-midi de septembre, elle débarrasse la
table, ma femme, pas la lumière. Elle vibre et étincelle, ma femme,
pas la lumière, car elle est en colère. Je fais le boa. Un boa ne
peut pas débarrasser une table, me semble-t-il. Au-dessus des
poiriers, les nuages sont suspendus au ciel, immobiles. L'odeur d'une
journée sûre qui se succède à elle-même. Immobile. Les secondes
passent. Englobent les feuillages. La colline, la maison, le somment
de la façade se dressent. Torpeur. Les frondaisons énigmatiques
participent au temps. Tout est torpeur inexpressive. Tout dort.
Phrases
moyennement longues :
Je
subis la torpeur d'une fin de repas bien arrosé. Je suis pris dans
les filets d'un engourdissement de boa. Je somnole dans la lumière
de septembre. L'arbre, dont le feuillage languide vibre immobile, se
tient étincelant et majestueux. C'est un peuplier, dont l'odeur sûre
comme celle de la poire, est suspendue aux nuages d'automne. La
colline, le sommet de la maison, la façade se succèdent et se
dressent sous les frondaisons. Une lente journée passe, englobée de
torpeur, inexpressive et énigmatique. Je ne participe pas.
Une
seule longue phrase, extraite de : L'Herbe (1958, p. 78),
de Claude Simon [écrivain français, 1913-2005, prix Nobel de
littérature en 1985] :
Et
tout au plus cette sorte de torpeur, d'engourdissement, la somnolence
du boa : dans la languide lumière de septembre vibrant
doucement, les arbres se tenant immobiles, étincelants, majestueux,
et l'odeur sûre des poires suspendues, les lents nuages, les lentes
journées se succédant, passant, englobant feuillages, collines, et
la maison au sommet de la colline, la façade claire se dressant
entre les frondaisons, inexpressive, énigmatique, participant,
semble-t-il, elle aussi, de cette torpeur, etc.
Consigne
2 :
Composer
un petit récit au rythme ascendant puis descendant, à partir des 2
phrases suivantes :
La
bergère est tombée malade. L'enfant a refusé.
Cela
pourrait donner ceci :
Première
partie, ascendante :
Jolie
est la
bergère (6 syllabes). C'est
une petite fille, qui travaille (9). Elle
part tous les matins dès le lever du soleil (13).
Depuis
qu'elle a 6 ans, elle part travailler tous les jours
(14). Quelque
soit le temps, chaud ou froid, quelque soit sa fatigue ou son envie
(18 syllabes). La
petite fille ne se plaint jamais, car son courage égale sa grâce et
sa beauté (23). Depuis
7 ans, émue jusqu'aux larmes, la
fidèle aube
assiste quotidiennement au départ de l'enfant
(27). La
petite
marche à petits pas derrière le troupeau trottinant de brebis
doucement bêlantes, encore toutes
emmêlées
de sommeil (35).
Deuxième
partie, descendante :
Un
jour, on
s'aperçoit que la
petite a grandi, que
le
cœur n'y est plus : la grâce a disparu, est apparue la fatigue
(32). La
jeune fille ne
se réveille pas et elle ne
se lève plus
pour accompagner le troupeau au pré (24). Alerté
par les bêlements impatients des bêtes enfermés, le père accourt
(21). Sa
fille reste
plongée dans un profond sommeil (12). Le
père se précipite et la secoue (10). Réveille-toi !
lui
ordonne-t-il
(9) ; non,
non, non et non, et encore
non
(9).
Le
père, incrédule, va en informer la mère (12). Il
répète : L'enfant – a – refusé (9). L'en
– fant – a – re – fu – sé (6). Stupeur
du
couple (4). Colère
(2). Peur
(1).
À vous de jouer,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
>
CRESSOT Marcel, JAMES Laurence (mise à jour), 1991. Le style et
ses techniques : précis d'analyse stylistique. Paris, Presses
universitaires de France. 13e éd., p. 268.
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse, p.
413.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
GREVISSE Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.,
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>
LITTRÉ Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
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Chicago,
Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément, t.
4, p. 4062, t. 6, p. 5581.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan), p.
56.
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol., pp.
1295, 1852.
>
VOLKOVITCH Michel. Verbier
: herbier verbal.
M.
Nadeau, 2000, p.
133.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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d'écriture et publication
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