samedi 28 septembre 2013

Atelier d'écriture II, avec L'Acacia de Claude Simon


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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture II



La très longue phrase avec

L'Acacia (1989) de Claude Simon



Sommaire



> Extrait de L'Acacia (1989) de Claude Simon, pp. 82-83.

> Qui était Claude Simon ?

> Que raconte L'Acacia ?

> Que sont la périphrase, la phrase simple, la phrase complexe, la phrase organisée, la phrase progressive, et la phrase discontinue ?

> Extrait de L'Acacia (1989) de Claude Simon (pp. 82-83), où les articulations sont en majuscule.

> Exercices et consignes d'écriture.



***



> Extrait de L'Acacia (1989) de Claude Simon, pp. 82-83.



[...] (tandis qu'elles continuaient à dormir dans leurs chambres aux plâtres rongés), avec au centre une table d'acajou, des fauteuils aux accoudoirs d'ébène, un piano dont aucune ne savait jouer et une vitrine à dessus de marbre, comme pour accueillir au fur et à mesure qu'elles les retiraient des caisses déclouées les coraux et les coquillages géants, les peaux de tigres, les sagaies achetées au hasard des marchés indigènes ou des escales, échoués là, dans la pénombre distillée par les rideaux de peluche et où luisaient sur les flancs de charbonneux cache-pots de bronze aux reliefs frottés d'or les pennes de hérons se poursuivant parmi les méandres de rivières et de collines semblables à des dragons, comme si d'un peu partout, arraché de place en place à la surface de ces continents qu'elles parcouraient par procuration (suivant sur la carte la marche des paquebots dont les panaches de fumée s'étiraient et se dissolvaient sur les océans de papier bleu pâle, doublant les caps, franchissant les détroits entre les îles, des terres coloriées de safran ou d'amande), parvenait aux deux femmes sous forme de flèches, de lances, de porcelaines, d'émaux, de paravents brodés d'oiseaux-paradis, de soyeux chrysanthèmes, et d'une succession de suaves visages féminins, l'hétéroclite butin arraché à des mondes barbares en même temps que peu à peu, photographie après photographie, elles pouvaient voir l'ancien gamin achever sa métamorphose, comme barbare lui-même à présent, avec ses yeux de plus en plus clairs dans son visage brûlé par le soleil, sa barbe sauvage, ses moustaches de brigand ou de corsaire, comme ces conquérants peu à peu assimilés par leurs conquêtes, de plus en plus tanné, la barbe de plus en plus hérissée, jusqu'au jour où non pas d'un de ces lointains pays aux noms exotiques, à l'exubérante végétation ou aux sables calcinés mais de la garnison du Midi où il servait entre deux voyages elles reçurent la lettre par laquelle il leur annonçait qu'il avait décidé de se marier.



> Qui était Claude Simon ?



Écrivain français (1913-2005), prix Nobel de littérature en 1985, Claude Simon est l'auteur d'une œuvre où l'écrivain « hanté par deux choses : la discontinuité, l'aspect fragmentaire des émotions qui ne sont jamais reliées les unes aux autres, et en même temps leur continuité », tente de saisir une réalité dont « le propre (...) est de nous paraître irréelle, incohérente », d'où l'effort pour substituer au temps classique « une durée vague, hachurée » où le passé et le présent coïncident.



La phrase participe à cette recherche de substituer au temps classique « une durée vague, hachurée » où le passé et le présent coïncident : phrase longue, coupée de parenthèses qui introduisent des descriptions minutieuses ou des analyses psychologiques « fragmentaires » rendues difficiles car « Je est d'autres », la phrase parvient à suggérer les rapports complexes de la conscience et de la réalité.



Auteur de Le Vent (1957), L'Herbe (1958), Le Palace (1962), Histoire (1967), Les Géorgiques (1981), etc., Claude Simon est aussi l'auteur de La Route des Flandres (1960), un des chefs-d’œuvre du Nouveau roman.



Le Nouveau roman n'a jamais été une école ni un groupe littéraire, et les seuls points communs à tous les écrivains publiés dans les années cinquante (Michel Butor, Claude Ollier, Nathalie Sarraute, Claude Simon, entre autres) par Jérôme Lindon (directeur des éditions de Minuit) sont de l'ordre du refus.

Le Nouveau roman est un roman contemporain qui s'oppose au roman traditionnel notamment par le refus de la psychologie (qui offrait une rassurante illusion d'identité) et le refus de la linéarité du discours (qui garantissait la cohérence du récit). Les « nouveaux romanciers » proposèrent une nouvelle forme de réalisme, celui qui suggère le déroulement de la conscience avec ses opacités, ses ruptures temporelles et son apparente incohérence.



> Que raconte L’Acacia ?



L’Acacia (1989) est une autobiographie paradoxale dont le « je » est banni, une tentative pour retourner aux sources de la mémoire familiale.



Dans les cimetières militaires de 1919, trois femmes en voiles de deuil, accompagnées d'un jeune garçon, cherchent la tombe d'un soldat tombé au combat. En 1940, revenu de la déroute, un jeune homme tente de reprendre pied dans la vie quotidienne, et, contemplant l'acacia dont les branches tremblent devant sa fenêtre, se met à écrire.



Entre ces deux « séquences » (la première et la dernière du livre), Claude Simon donne à lire – donne à voir plutôt, en douze tableaux (17 mai 1940, 27 août 1914, 1880-1914, 27 août 1939, 1982-1914, 1939-1940, 1914, 1940, 1910-1914-1940) – la naissance d'une vocation littéraire.

Il écrit parallèlement une sorte d'autobiographie familiale et se fait l'archéologue du passé de ses parents. Son roman se présente, en effet, comme un arbre généalogique aboutissant, à travers des générations de paysans pauvres du Jura ou de gens de petite noblesse du Sud-Ouest, à un jeune peintre dilettante qui, mûri par l'épreuve de la guerre, va tenter l'aventure de l'écriture.



> Que sont la périphrase, la phrase simple, la phrase complexe, la phrase organisée, la phrase progressive, et la phrase discontinue ?



La notion de périphrase a déjà été abordée lors de l'atelier n°42 (mardi 9 octobre 2012).



Qu'est-ce qu'une périphrase ?

La périphrase est « une figure de rhétorique qui consiste à exprimer une notion unique par un groupe de plusieurs mots, à l'aide de circonlocutions autour de la chose exprimée, de détours ». Au sens propre, la périphrase est une désignation de nature descriptive, la périphrase insiste sur la caractérisation, les qualités des objets ou des êtres.

Attention à ne pas la confondre avec la paraphrase, qui est le « développement explicatif d'un texte. Paraphraser c'est commenter, expliquer, amplifier, éclaircir, imiter ».



La Phrase :

Le nom féminin phrase est emprunté (1546) au latin phrasis (diction, style, élocution), lui-même emprunt au grec phrasis, phraseôs (discours, expression, langage, diction). C'est un dérivé du verbe phrazein dont le sens primitif est faire comprendre, indiquer par des signes ou par la parole, d'où expliquer ce que l'on veut dire et, après Homère [poète né en Ionie, au IXe siècle avant J.‑C.], parler pour se faire comprendre, dire, annoncer. Le mot est d'origine inconnue.



Phrase a été introduit en français avec les valeurs d'arrangement de mots, façon de parler, tour donné à l'expression, seuls sens connus aux XVIe et XVIIe siècles. Cet emploi est sorti d'usage, sauf dans quelques expressions comme « faire des phrases » (1729) parler, écrire avec affectation, (1829) pérorer verbeusement pour dire peu de chose, ou « phrase toute faite » (1688), ou encore « sans phrases » (1874) sans détours.



C'est au XVIIIe siècle, mais encore de façon équivoque et contradictoire que s'est dégagé le sens moderne de proposition simple ou réunion de propositions formant une unité d'expression et séparées dans l'écriture par des points (1737).



Pourquoi et comment faire de longues phrases ?

« Une phrase est un fil, que le point coupe. On aime parfois dérouler le fil, prolonger le suspens, laisser monter la tension, goûter le plaisir de l'attente, la fascination du crescendo, tandis que la phrase peu à peu, telle une montgolfière, se gonfle et s'arrondit jusqu'à l'envol. En fait, si la phrase est longue, c'est avant tout à cause de la réalité, si multiple et changeante, que l'on s'évertue à embrasser d'une seule étreinte. »



La phrase longue sert aussi à reproduire l'errance compliquée d'un personnage ou un espace labyrinthique.

Selon Claude Simon, elle peut et doit tout décrire :

« ... de sorte que plus tard, quand il essaya de raconter ces choses, il se rendit compte qu'il avait fabriqué au lieu de l'informe, de l'invertébré, une relation d'événements telle qu'un esprit normal (...) pourrait la constituer après coup, à froid, (...) tandis qu'à la vérité cela n'avait ni formes définies, ni noms, ni adjectifs, ni sujets, ni compléments, ni ponctuation (en tout cas pas de points), ni exacte temporalité, ni sens, ni consistance sinon celle, visqueuse, trouble, molle, indécise de ce qui lui parvenait... ».

Remarquer les nombreuses virgules (17 au total) qui articulent la compréhension du sens, les mots-articulations (« de sorte que », « tandis que ») qui permettent à la phrase de rebondir, et l'usage de la répétition (« ni » employé 9 fois) et de l'énumération (4 adjectifs : visqueuse, trouble, molle, indécise) qui caractérisent l'objet, c'est-à-dire la perception incohérente de la réalité par le narrateur.



Les mots-articulation (conjonctions, locutions et prépositions) servant à lier les propositions subordonnées qui composent une très longue phrase, sont les suivantes :

-> conjonctions qui marquent l'opposition : cependant, mais, néanmoins, or, pourtant, toutefois, l'alternative ou la négation : ni, ou, soit, tantôt, la conséquence : aussi, donc, partant, sinon, sorte, de sorte que, en sorte que, conjonctions qui marquent la conclusion : ainsi, enfin, l'union : et ;

-> locutions : au surplus, du reste, d'ailleurs, c'est pourquoi, par conséquent ;

-> conjonctions de subordination : comme (marque de comparaison), lorsque, quand (marques du temps), puisque, car (marques de cause), si (marque de condition), que (marque de conséquence), quoique (marque de concession), etc.

-> prépositions : après, avant, avec, chez, contre, dans, de, depuis, derrière, dès, devant, en, entre, envers, hors, jusque, malgré, outre, par, parmi, passé, pour, sans, sauf, selon, sous, sur, vers, pendant, suivant, etc.



La phrase simple, la phrase composée, la phrase complexe :

Les phrases offrent de multiples possibilités d'expression. On peut trouver des assemblages originaux et réaliser des expansions de termes : le style naît de ces potentialités. La phrase simple obéit théoriquement à la structure suivante : groupe sujet + groupe verbal + (ou -) groupe complément, ou attribut ou adverbe. Le verbe est l'élément moteur, sujet et complément s'y accrochent, par exemple : « Le garçon s'était endormi sur la plage ».

Elle peut être réduite à un simple sujet + verbe : « Le garçon s'était endormi », voire à un verbe seul : « Dort ! ».

Des inversions de mots sont possibles : « Sur la plage, le garçon s'était endormi ».

La phrase simple peut être étendue par expansion et enrichie de 3 manières : par addition (« Le garçon, fatigué et détendu, s'était endormi sur la plage »), par emboîtement (« Le garçon de la villa aux volets bleus s'était endormi sur la plage »), et par dédoublement (« Le garçon, d'autres enfants plus jeunes, et même le petit chien allongé à l'ombre d'un parasol, s'étaient endormi sur la plage »). Expansions, réductions et inversions créent des potentialités stylistiques.



La phrase composée est un assemblage de phrases simples, juxtaposées ou coordonnées, qui deviennent des propositions. Par exemple : « Il déploie un ample mouchoir (1ère phrase simple) et se mouche avec grand bruit (2ème phrase simple coordonnée par la conjonction de coordination « et ») ; il crache fort loin (3ème phrase simple), et il éternue fort haut (4ème phrase simple). » Jean de La Bruyère (1645-1696), « Les Caractères ».



Chaque proposition peut être enrichie par addition, emboîtement ou dédoublement, tout comme une phrase simple.

La variété des phrases simples et des phrases composées, leur alternance dans un texte ainsi que leurs expansions constituent des virtualités stylistiques.



Par exemple cet extrait des « Essais » de Montaigne (1533-1592) :

« J'ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu'homme du monde. La diversité des façons d'une nation à une autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soient des assiettes d'étain, de bois, de terre ; bouilli ou rôti ; beurre ou huile de noix ou d'olive ; chaud ou froid, tout m'est un. » est une succession de :

phrase composée dont l'effet est la symétrie (phrase 1 « J'ai la complexion... du monde. »),

phrase simple dont l'effet est de donner des informations claires (phrase 2 : « La diversité... variété. »),

phrase simple qui, par sa brièveté, ressemble à une maxime (phrase 3 : « Chaque usage a sa raison. »),

phrase composée avec 2 propositions : la première est enrichie par expansion (addition et dédoublement), « Soient des assiettes... froid » ; la deuxième est courte et conclusive : « tout m'est un ». Cette phrase composée exprime la variété des goûts de l'auteur et la concrétisation de ces goûts.



La phrase complexe est faite d'un assemblage de phrases simples, comme la phrase composée, avec cette différence qu'elle accepte une ou plusieurs propositions principales et une ou plusieurs propositions subordonnées, et qu'elle demande une attention plus soutenue, ou un abandon au rythme, à la musicalité, à la modulation des sentiments. C'est le cas de la période.



La phrase organisée et la phrase progressive :

La phrase organisée revêt, ou non, un certain degré d'intellectualisation de l'émotion ou de l'affectivité. Divers types de phrases résultent de la logique et de l'articulation de la pensée, et de l'expression d'une ou de plusieurs émotions. Une phrase organisée peut être progressive, peut se trouver relier à d'autres phrases par une notion, peut devoir son organisation à l'ordre de ses mots, ou à l'association de masses croissantes de mots :



La phrase progressive met en valeur par une place privilégiée le terme considéré comme le plus important ; la progression du connu à l'inconnu, où le déterminant suit le déterminé, donne à la phrase une assise logique, une allure directe et une netteté certaine. Par exemple : Notre langue un peu sèche et sans inversions, peut-elle subjuguer les autres nations ? (Voltaire).



La liaison des phrases entre elles, peut se faire au moyen non d'un outil grammatical, mais au moyen d'une notion. Par exemple : Il a plu hier, il fait beau aujourd'hui, où la progression logique et claire des deux énoncés Il a plu hier et il fait beau aujourd'hui affaiblit (voire annule) aussi bien l'opposition des deux journées (hier/aujourd'hui) que l'opposition des deux états météorologiques (pluie/beau temps). Que l'on écrive au contraire : Il a plu hier, aujourd'hui il fait beau, ou bien : Hier il a plu, il fait beau aujourd'hui, et l'on rétablit une liaison indispensable à la vigueur de l'opposition. La liaison se fait grâce à la contiguïté d'une seule notion, ou bien la notion de temps (hier/aujourd'hui), ou bien la notion de climat (pluie/beau temps). Un souci de liaison des idées peut donc modifier l'ordre des mots.



Il a plu hier, il fait beau aujourd'hui (effet de platitude)

ou,

Il a plu hier, aujourd'hui il fait beau (effet de relief)

ou bien,

Hier il a plu, il fait beau aujourd'hui (effet de relief)

ou encore,

Il a plu hier, comme il fait beau aujourd'hui ! (effet emphatique)



> En effet, c'est essentiellement l'ordre des mots qui donne son mouvement à la phrase.



La phrase discontinue :

La phrase désorganisée ou discontinue est obtenue volontairement par altération de son caractère rationnel et de son ordre logique. Par exemple, dans cet extrait de : Le Renégat, ou Un esprit confus, in L'Exil et le Royaume : recueil de nouvelles (1957), d'Albert Camus [écrivain français, 1913-1960, prix Nobel de littérature en 1957] :



Il a bougé, non, le bruit vient d'ailleurs, et de l'autre côté, là-bas, ce sont eux, les voilà qui accourent comme un vol d'oiseaux sombres, mes maîtres, qui foncent sur moi, me saisissent, ah ! ah ! oui, frappez, ils craignent leur ville éventrée et hurlante, ils craignent les soldats vengeurs que j'ai appelés, c'est ce qu'il fallait, sur la cité sacrée...



où la clarté de l'exposé est troublé par des exclamations, par une apposition (mes maîtres) éloignée du terme auquel elle se rapporte (eux), par un changement formel du destinataire (au milieu d'un récit rapporté au lecteur, l'impératif frappez introduit une amorce de dialogue avec des personnages), par une ponctuation qui, juxtaposant des actions diverses, n'organise pas les événements mais les livre en vrac, avec un rythme haché destiné à évoquer un débit haletant. Tout ceci traduit le désordre des pensées et des sentiments du narrateur.

La syntaxe, cependant, est encore maintenue, ce qui n'est pas toujours le cas. Exemple avec cet extrait de Samuel Beckett [romancier et dramaturge irlandais, 1906-1989, prix Nobel de littérature en 1969, il composa une œuvre influencée par celles de Franz Kafka et de James Joyce, dont il fut le traducteur et l'ami] :



en moi qui furent dehors quand ça cesse de haleter bribes d'une voix ancienne en moi pas la mienne



> Extrait de L'Acacia (1989) de Claude Simon (pp. 82-83), où les articulations sont en majuscule.



[...] (TANDIS QU'elles continuaient à dormir dans leurs chambres aux plâtres rongés), AVEC au centre une table d'acajou, des fauteuils aux accoudoirs d'ébène, un piano DONT aucune ne savait jouer et une vitrine à dessus de marbre, COMME POUR accueillir au fur et à mesure QU'elles les retiraient des caisses déclouées les coraux et les coquillages géants, les peaux de tigres, les sagaies achetées au hasard des marchés indigènes ou des escales, échoués là, DANS la pénombre distillée par les rideaux de peluche ET OÙ luisaient sur les flancs de charbonneux cache-pots de bronze aux reliefs frottés d'or les pennes de hérons se poursuivant PARMI les méandres de rivières et de collines semblables à des dragons, COMME SI d'un peu partout, arraché de place en place à la surface de ces continents QU'elles parcouraient par procuration (SUIVANT sur la carte la marche des paquebots DONT les panaches de fumée s'étiraient et se dissolvaient sur les océans de papier bleu pâle, doublant les caps, franchissant les détroits entre les îles, des terres coloriées de safran ou d'amande), parvenait aux deux femmes sous forme de flèches, de lances, de porcelaines, d'émaux, de paravents brodés d'oiseaux-paradis, de soyeux chrysanthèmes, ET d'une succession de suaves visages féminins, l'hétéroclite butin arraché à des mondes barbares EN MÊME TEMPS QUE PEU À PEU, photographie après photographie, elles pouvaient voir l'ancien gamin achever sa métamorphose, COMME barbare lui-même à présent, AVEC ses yeux de plus en plus clairs DANS son visage brûlé par le soleil, sa barbe sauvage, ses moustaches de brigand ou de corsaire, COMME ces conquérants peu à peu assimilés par leurs conquêtes, de plus en plus tanné, la barbe de plus en plus hérissée, JUSQU'AU JOUR OÙ non pas d'un de ces lointains pays aux noms exotiques, à l'exubérante végétation OU aux sables calcinés MAIS de la garnison du Midi OÙ il servait entre deux voyages elles reçurent la lettre PAR LAQUELLE il leur annonçait QU'il avait décidé de se marier.



> Exercices et consignes d'écriture.



1. Relever tous les verbes de l'extrait de texte de L'Acacia cité plus haut.

Continuer, dormir, ronger, savoir, jouer, accueillir, retirer, déclouer, acheter, échouer, distiller, luire, etc.



2. Puis relever les mots (conjonctions, locutions, prépositions) ainsi que les signes de ponctuation qui articulent les différentes propositions de cette très longue phrase.

Les parenthèses, « tandis que », la virgule, « avec », « dont », « comme pour », « que », « dans », « et où », « comme si », « suivant », etc.



3. Enfin, composer votre propre très longue phrase, en utilisant les verbes et les mots-articulation relevés précédemment.



Avec les verbes et les articulations des 5 premières lignes de l'extrait de L'Acacia cité plus haut, cela pourrait donner ceci :

Verbes : continuer, dormir, ronger, savoir, jouer, accueillir, retirer, déclouer, acheter.

Articulations : les parenthèses, « tandis que », la virgule, « avec », « dont », « comme pour », « que ».

Très longue phrase :

Ça continue (ça n'est pas moi, ni un autre, ni une autre, cuisson : trois minutes par pancake) tandis que tout le monde dort dans la pénombre d'une une nuit infinie, océan d'une marine nuit, nuit polaire décennale – 250 g de farine, une demie cuillère à café de sel, 50 g de sucre en poudre, trois œufs, un demi sachet de levure chimique, 50 cl de lait, 100 g de beurre, délicatement et patiemment rongée par des étoiles inaccessibles, blanches et froides (certaines étoiles ne sont ni si blanches ni si froides que ça) avec ça on sait quand ça commence mais jamais quand ça finit (ici ou ailleurs) on joue à savoir qu'on est soi ou un autre ou une autre ou je ne sais pas qui... (un peu d'huile pour la poêle à blinis), dont on accueille, soulagé, la remontée vers la surface, la surface des choses, les choses ordinaires et banales, l'ordinaire balisé, la remontée d'une longue apnée de soi qui retire toujours du goût aux choses, de l'appétit au ventre, de l'élan aux jambes et au cœur, comme pour déclouer la possibilité de cette remontée, la possibilité d'un recommencement, tout petit recommencement, et ça continue encore et encore, que je respire, que ça respire, que l'on respire, sirop d'érable un peu de crème amandes émondées... qu'il respire, qu'elle respire ou pas, et ça continue à acheter le temps, encore un tout petit peu de temps, à acheter un tout petit instant, pour que ça continue (moi je mets du miel sur les pancakes).



Et maintenant...

À vous de jouer - et d'écrire,

À vos claviers, plumes et stylos !



Bibliographie :

-> Remarque : la bibliographie qui suit donne les références des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers hebdomadaires et mensuels.

Pour connaître plus précisément le numéro de la page qui traite de la notion recherchée, consulter la bibliographie qui se trouve à la fin de chaque atelier hebdomadaire. Par exemple, pour la périphrase, voir la bibliographie à la fin de l'Atelier n°42, publié le mardi 9 octobre 2012.



> BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).



> CRESSOT Marcel, JAMES Laurence (mise à jour), 1991. Le style et ses techniques : précis d'analyse stylistique. Paris, Presses universitaires de France. 13e éd.



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse.



> Encyclopædia Universalis 2009, édition numérique.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE, Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot, 13éd.



> LITTRÉ, Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire de la langue française. Chicago, Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET, Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).



> REY, Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol.



> SIMON, Claude. L'Acacia. Paris : Les Éditions de Minuit, 1989. 379 p.



> THERON, Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R.



> VOLKOVITCH, Michel. Verbier : herbier verbal. M. Nadeau, 2000.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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