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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
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e n l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture
III
Les
inversions de mots ou de groupes
de
mots avec Au
château d'Argol
(1938)
de Julien
Gracq
Sommaire
>
Extrait de Au
château d'Argol
(1938) de Julien Gracq, pp. 82-83,
110 et 182.
>
Qui était Julien Gracq ?
>
Au
château d'Argol
ou
la genèse d'une écriture.
>
Qu'est-ce qu'une inversion de mots ou de groupes de mots ?
>
Extrait de Au château d'Argol
(1938) de Julien Gracq (pp. 82-83,
110 et 182), où les inversions de
mots sont en majuscule.
>
Exercices et consignes d'écriture.
***
>
Extrait de Au
château d'Argol
(1938) de Julien Gracq, pp. 82-83,
110
et
182.
Au
milieu même de la longue nuit de décembre, par les escaliers
déserts, par les salles désertes, aux flambeaux éteints, aux
flambeaux renversés, il quitta le château sous l'habit du voyageur.
Très vite ses pas le conduisirent (car il se hâtait dans la nuit
froide) vers l'allée magique qu'Albert et Heide avaient suivie en un
jour fatal. Les pans flottants de son manteau l'environnaient comme
des ailes noires.
[…]
Alors, du fond de son inquiétude un son s'éleva, qui parut emplir
en un instant la chapelle et ruisseler le long des murs luisants
d'eau, et Albert, sans oser se retourner, tellement cet accord le
confondait par son ampleur inouïe, devina alors qu'Herminien,
pendant son exploration silencieuse, avait gravi les degrés de
pierre d'un orgue qui s'élevait dans l'obscurité à gauche de la
porte et occupait une partie considérable de la chapelle, mais de
l'examen duquel avaient dû le distraire aussitôt les effets
séduisants de l'éclairage.
[…]
Mais lorsque le soir refaisait pour lui dans le grand salon l'unité
d'un monde qui y paraissait alors tout entier contenu, une trépidante
exaltation s'emparait de son esprit. Avec la ferveur d'un
demi-délire, avec une espèce de volubilité étourdissante, il
projetait alors ses paroles comme les mailles d'un filet dont il eût
voulu, d'une étreinte désespérée, envelopper son
âme,
l'âme
de Heide,
qui lui semblait désormais séparée de lui par l'effet d'une
malédiction atroce. Il eût voulu, pour la retenir, pour la garder,
pour la charmer, peupler le salon et le manoir entier de ses
arabesques dangereuses, de ses bouleversantes incantations, avec une
prévoyance merveilleusement active jalonner d'avance de ses pensées
toutes les avenues qui pouvaient s'ouvrir à l'âme de Heide –
distendre son esprit jusqu'aux limites extrêmes du monde comme un
tapis magique et vivant, aux fleurs géantes, hors duquel jamais son
pied ne pût trouver la chance de s'égarer.
Et
avec un acharnement sublime, dans le défi insensé de son cœur,
chaque soir à nouveau se tissait ce filet de Pénélope au tissu
arachnéen, que Heide crevait à chaque instant en se jouant et sans
s'en apercevoir même, mais dont Albert sentait tomber sur lui les
mille replis à la façon d'une ombre sur son cerveau.
>
Qui était Julien Gracq ?
Écrivain
français (1910-2007), prix Goncourt (refusé
par l'auteur) en 1951 avec Le Rivage des Syrtes,
Julien
Gracq est le
pseudonyme de Louis Poirier, qui
mena, parallèlement à sa carrière d'écrivain, une carrière dans
l'enseignement, en tant que
professeur agrégé
d'histoire et de géographie.
D'ailleurs,
ses romans soulignent
l'influence des milieux
géographiques sur l'homme ; les longues descriptions organisées
suivant une construction musicale, sont la projection du paysage
intérieur des personnages.
Publié
par la Librairie José Corti (Paris), Julien Gracq est l'auteur entre
autre de : Liberté
grande (1947, recueil de textes
surréalistes), Le Roi pêcheur
(1948, théâtre), Un balcon en forêt
(1958, roman), La Presqu'île
(1970, recueil de trois textes romanesques), En lisant, en
écrivant (1980, recueil de
textes critiques), Entretiens
(2002), etc.
>
Au
château d'Argol
ou
la genèse d'une écriture.
Premier
roman de Julien Gracq, immédiatement salué par André Breton
[écrivain
français (1896-1966) ;
fonde
avec Louis
Aragon,
Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste ;
dont
Julien Gracq fut un temps le compagnon de route sans jamais
s'associer aux textes collectifs],
Au
château d'Argol
paraît la même année (1938) que Le
Théâtre et son double,
essai d'Antonin Artaud [écrivain
français, 1896-1948]
et base de la réflexion moderne sur la mise en scène, que Les
Parents terribles
de Jean Cocteau [écrivain
français, 1889-1963,
entré à l'Académie française en 1955],
ou que La
Nausée,
roman de Jean-Paul Sartre [philosophe,
1905-1980,
écrivain et critique français]
sur l'existentialisme en littérature.
Remarque :
le
surréalisme
a été
abordé
lors
de
l'atelier
d'écriture n°29,
publié
le lundi 17 juin 2013.
L'emprunt
aux légendes du Moyen Âge et aux contes des romantiques allemands
est sensible dans ce premier livre de Julien Gracq, qui en utilise
les riches symboles pour mieux susciter le sentiment de l'étrange.
« Puissent
ici être mobilisées les puissantes merveilles des Mystères
d'Udolphe, du château d'Otrante, et de la maison Usher pour
communiquer à ces faibles syllabes un peu de la force d'envoûtement
qu'ont gardée leurs chaînes, leurs fantômes, et leurs cercueils »,
extrait de l'Avis
au lecteur,
écrit
par l'auteur en
1938
en
préface au roman.
Tout
récit gracquien est la reprise de récits antérieurs (appelée
aussi intertextualité).
Le
travail de l'écriture se réalisant par la transformation, ou
l'enfouissement, de textes antérieurs, tel
l'élaboration d'un palimpseste [un
palimpseste est un manuscrit dont on a effacé la première écriture
pour pouvoir écrire un nouveau texte ; c'est aussi un mécanisme
psychologique par lequel de nouveaux sentiments ou de nouvelles idées
se substituent aux précédents et les font disparaître],
pour
aboutir à une
écriture qui cultive le sentiment de « l'inquiétante
étrangeté ».
Au
château d'Argol
en est le premier exemple dans
l’œuvre de l'auteur,
qui superpose divers textes du XIXe
siècle :
=>
Les
Mystères d'Udolphe
(1794) d'Ann Radcliffe [romancière
britannique (1764-1823)
qui inventa le roman noir],
=>
La
Chute de la maison Usher : conte
fantastique
(1840)
d'Edgar
Allan
Poe
[écrivain
américain (1809-1849), maître du conte du raisonnement exagérément
subtil (ratiocination)
et d'horreur],
=>
Parsifal :
drame
musical
(1882)
de
Richard
Wagner
[compositeur
allemand (1813-1883) et l'un des plus grands réformateurs de
l'histoire de la musique],
=>
Béatrix :
roman
d'éducation
(1839-1845)
de
Honoré
de Balzac
[écrivain
français, 1799-1850],
=>
Le
Château des Carpathes
(1892) de Jules Verne [écrivain
français (1828-1905), dont un des buts littéraires était
d'éveiller par ses œuvres l'intérêt du public pour le mouvement
scientifique et les travaux du monde savant du milieu du XIXe
siècle],
=>
le
nom d'Argol
provenant quant à lui du plateau d'Orgall sur lequel est bâti le
château des Carpathes,
=>
tandis
que Otrante
est une ville de
l'extrême
Sud italien, au
sud de Bari et de Brindisi.
Résumé
du roman :
C'est
l'été. Albert,
dernier rejeton d'une famille noble et riche, mais peu mondaine, se
rend au manoir d'Argol [situé
en Bretagne (p.
39),
entre
la forêt de Storrvan (p. 39) et la mer (p. 47)],
qu'il a acheté un mois plus tôt sans le visiter, sur les
recommandations d'un ami très cher.
Quelques
jours plus tard, il y est rejoint par Herminien, un
autre ami très cher, à la fois son double et son contraire,
et Heide, qu'il
ne connaît pas mais dont Herminien est amoureux. Ils risquent tous
les trois la noyade lors d'un bain en pleine mer, et ce risque
révèlent l'ambiguïté et la puissance des sentiments qui animent
ces trois êtres.
Des
pluies à répétition, le désœuvrement, un malaise qui s'installe
insidieusement, ont raison d'Herminien, qui disparaît du château
(p. 129).
L'automne
arrive. Albert et Heide portent secours à Herminien blessé dans un
accident de cheval. Albert et Herminien retrouvent leurs relations
d'antan.
>
Qu'est-ce qu'une inversion de mots ?
L'ordre
des mots dans la phrase.
Inverser
un mot ou des mots dans une phrase, c'est modifier l'ordre de ces
mots dans la phrase, c'est déplacer un ou des mots de leur place
habituelle, créant ainsi un effet de style.
Dans
la chaîne parlée et sa représentation linéaire écrite, les mots
apparaissent dans la phrase les uns après les autres ; ils se
présentent dans un certain ordre. Dès qu'un certain ordre
tend à être habituel, tout changement se présente comme une
inversion pouvant avoir une valeur expressive. Toutes les
langues ont des cas où l'ordre des mots est rigoureusement fixe et
des cas où se manifeste une certaine liberté. Dans une langue
donnée, quand il existe une certaine liberté dans l'ordre des mots,
on parle d'ordre grammatical, ou ordre canonique pour
celui qui est le plus conforme aux règles générales de la langue ;
d'ordre logique pour celui qui paraît conforme à la démarche
supposée de la pensée ; d'ordre psychologique pour
celui qui résulte de l'état d'esprit de celui(celle) qui parle.
L'ordre
des mots dans la phrase française est régi par deux types de
facteurs : par des contraintes grammaticales, et par des
priorités d'expressivité ou de rythme. L'ordre
sujet-verbe-complément est l'ordre canonique de la phrase en
français. Lorsque des facteurs expressifs prennent le dessus, un mot
ou un groupe de mots peuvent occuper des places fort différentes,
par détachement ou par segmentation, afin d'être mis en relief.
Exemple : Quand je passai de
France en Italie, LA FRONTIÈRE, c'était un mardi, en été,
au lieu de : Quand je passai
LA FRONTIÈRE entre la France et l'Italie, c'était un mardi, en
été ; le déplacement de la
frontière met ce mot en valeur, et insiste sur son importance
pour l'auteur.
On
remarquera aussi que la langue poétique bouleverse fréquemment
l'ordre des mots, jusqu'à la dislocation des liens syntaxiques. Par
exemple avec le début de ce poème de Paul-Jean Toulet
[écrivain français, 1867-1920], intitulé : Ces roses pour
moi, in Les Contrerimes (1921) :
Ces
roses pour moi destinées
Par
le choix de sa main,
Aux
premiers feux du lendemain,
Elles
étaient fanées.
Si
l'on rétablit et la syntaxe et le sens, cela pourrait donner le
poème suivant, qui n'a ni la grâce, ni l'élégance du poème
originel :
Ces
roses étaient fanées,
Aux
premiers feux du lendemain.
Ces
roses qui m'étaient destiné,
Par
le choix de sa main.
Qu'est-ce
qu'une anastrophe ?
Une
anastrophe est un terme de grammaire, une figure de
construction, un renversement de l'ordre habituel des mots
dans la phrase. Exemple : Me
voici est l'anastrophe de : Voici
moi (en latin : Mecum
au lieu de Cum me).
L'inversion,
le déplacement d'un mot ou d'un groupe de mots par rapport à
l'ordre normal ou habituel de la construction d'une phrase, était
fréquent en grec ancien et en latin.
L'inversion
du complément déterminatif était très fréquente dans la
poésie classique. Un complément déterminatif est un complément de
nom (d'adjectif ou d'adverbe) qui se subordonne au nom (à l'adjectif
ou à l'adverbe), le plus souvent par une préposition, pour en
limiter l'extension. Exemples : Un manteau
D'HIVER, ou : Il est
incapable DE CELA.
Les
poètes du XVIIIe siècle ont usé et abusé de
l'anastrophe, qui obéissait souvent à des raisons de rimes. On la
trouve parfois encore chez les romantiques. Exemples :
RESTAIT
cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne.
Extrait
de : Discours sur l'histoire universelle, de Jacques
Bénigne Bossuet [prélat, théologien et écrivain
français, 1627-1704, entré à l'Académie française en 1671].
Là,
ses yeux, errants sur les flots,
D'ULYSSE
FUGITIF semblaient suivre la trace.
(…)
C'est ainsi QU'EN REGRETS sa douleur se déclare...
Extrait
de : Morceaux choisis des prosateurs et des poètes français
(p. 473), Cantate de Circé, de Jean-Baptiste Rousseau
[poète français, 1671-1741, célébré de son temps comme le
continuateur de Malherbe (François de, poète français, 1555-1628)
et de Boileau (Nicolas, écrivain français, 1636-1711,
historiographe du roi en 1677, entré à l'Académie française en
1684)].
(…)
Le bras fatal, SUR SA TÊTE étendu,
Prêt
à frapper, tient le fer suspendu.
(…)
Le couple affreux, d'une ardeur unanime,
Suit
son objet, va droit à sa victime,
L'atteint,
recule, et, DE TERRE élancé,
Forme
cent nœuds, AUTOUR D'ELLE enlacé.
Extrait
de : Morceaux choisis des prosateurs et des poètes français
(p. 487), Les Deux serpents, de Jacques de Clinchamp de
Malfilâtre [poète français, 1733-1767].
En
vain il a DES MERS fouillé la profondeur.
Extrait
de : Nuit de mai, d'Alfred de Musset [écrivain
français, 1810-1857 ; introduit dès 1828 dans le Cénacle
(entre 1823 et 1830, groupe qui se constitua d'abord chez Charles
Nodier, ensuite chez Victor Hugo, pour définir les idées du
romantisme naissant et lutter contre le formalisme classique) ;
entré à l'Académie française en 1852].
Vous
qui songez aux morts SOUS LA TERRE étendus.
Extrait
de : Morceaux choisis des prosateurs et des poètes français
(p. 512), Les Naufragés, Poèmes de la mer, de Joseph
Autran [poète marseillais, 1813-1877, considéré en son temps
comme le plus grand poète de son siècle après Victor Hugo, entré
à l'Académie française en 1868].
Sans
LIEN aucun (anastrophe de : Sans
aucun lien).
D'HIVER
le manteau, avec sa douce fourrure épaisse et blanche
(anastrophe
de : Un manteau d'hiver,
avec sa douce fourrure épaisse et blanche).
DE
CELA, il
est incapable (anastrophe de :
Il est incapable de cela).
Le
nom féminin une anastrophe est un emprunt (1718) au grec
anastrophê (retournement), composé de ana- (de
bas en haut, en arrière, en sens inverse, de
nouveau) et de strophê (tour). Ana- est un
mot grec dont l'origine indoeuropéenne est apparentée au gotique
ana (contre) et au vieux perse anā
(le long de). Le mot grec strophê (tour),
employé spécialement pour parler des évolutions du chœur lyrique
sur la scène et de l'air chanté par le chœur, et par figure au
sens de ruse, dérive de strephein (tourner),
verbe d'origine inconnue.
Les
effets de l'anastrophe sont multiples : esthétique
(la phrase À vivre nous aide le
langage est moins banale et nous transporte plus facilement
dans un autre univers que : Le
langage nous aide à vivre), sémantique (les
expressions Un homme grand
et Un grand homme n'ont
pas le même sens en français : on parle de la taille du
physique d'un homme dans la première, et dans la deuxième
expression, on parle de la notoriété et du prestige de ce même
homme ; en résumé et sans ironie Un homme
petit peut être un grand homme), rythmique, poétique
(certaines inversions de mots à l'intérieur d'un vers obéissent au
besoin de la rime), etc.
AUX
JARDINS À L'ANGLAISE, il préfère l'ordonnance à la française
(anastrophe
de : Il préfère l'ordonnance à la française aux
jardins à l'anglaise).
…on
l'utilisait dans la médication des maladies nerveuses contre
lesquelles ÉTAIT INVOQUÉ ce saint (anastrophe
de : ...contre lesquelles ce saint était invoqué). Il
me narrait, à ce propos, qu'un jour, ENTRE CHEZ LUI une dame qu'il
ne connaissait point... (anastrophe
de : ...qu'un jour, une dame qu'il ne connaissait point
entre chez lui).
Extrait
de : En ménage, de Georges Charles Huysmans
[écrivain français, 1848-1907, entré à l'Académie Goncourt en
1897].
Il
ne sent que les odeurs habituelles et tout particulièrement celles
qui
DE LA CAVE émanent.
Extrait
de : Zazie dans le métro, de Raymond Queneau
[écrivain français, 1903-1976,
entré à l'Académie Goncourt en 1951 ; a créé en 1960
l'OuLiPo avec François Le Lionnais ; acronyme de : Ouvroir de
Littérature potentielle, l'OuLiPo est un atelier d'expérimentation
littéraire qui cherche à réintroduire la notion de contrainte
formelle dans la création littéraire].
>
Extrait de Au château
d'Argol (1938) de
Julien Gracq (pp. 82-83,
110 et 182), où les
inversions sont en majuscule.
Au
milieu même de la LONGUE nuit de décembre, PAR LES ESCALIERS
DÉSERTS, PAR LES SALLES DÉSERTES, AUX FLAMBEAUX ÉTEINTS, AUX
FLAMBEAUX RENVERSÉS, il quitta le château sous l'habit du voyageur.
TRÈS VITE ses pas le conduisirent (car il se hâtait dans la nuit
froide) vers l'allée magique qu'Albert et Heide avaient suivie en un
jour fatal. Les pans flottants de son manteau l'environnaient comme
des ailes noires.
[…]
Alors, DU FOND DE SON INQUIÉTUDE un son s'éleva, qui parut emplir
en un instant la chapelle et ruisseler le long des murs luisants
d'eau, et ALBERT, SANS OSER SE RETOURNER, TELLEMENT CET ACCORD LE
CONFONDAIT PAR SON AMPLEUR INOUÏE, devina alors qu'Herminien,
PENDANT SON EXPLORATION SILENCIEUSE, avait gravi les degrés de
pierre d'un orgue qui s'élevait dans l'obscurité à gauche de la
porte et occupait une partie considérable de la chapelle, mais de
l'examen duquel avaient dû le distraire aussitôt les effets
séduisants de l'éclairage.
[…]
Mais lorsque le soir refaisait pour lui dans le grand salon l'unité
d'un monde qui y paraissait alors tout entier contenu, une TRÉPIDANTE
exaltation s'emparait de son esprit. Avec la ferveur d'un
demi-délire, avec une espèce de volubilité étourdissante, il
projetait alors ses paroles comme les mailles d'un filet dont il eût
voulu, D'UNE ÉTREINTE DÉSESPÉRÉE, envelopper son
âme
qui lui semblait DÉSORMAIS séparée de lui par l'effet d'une
malédiction atroce. IL EÛT VOULU, pour la retenir, pour la garder,
pour la charmer, peupler le salon et le manoir entier de ses
arabesques dangereuses, de ses BOULEVERSANTES incantations, AVEC UNE
PRÉVOYANCE MERVEILLEUSEMENT ACTIVE jalonner d'avance de ses pensées
toutes les avenues qui pouvaient s'ouvrir à l'âme de Heide –
distendre son esprit jusqu'aux limites extrêmes du monde comme un
tapis magique et vivant, aux fleurs géantes, hors duquel JAMAIS son
pied ne pût trouver la chance de s'égarer.
Et
avec un acharnement sublime, dans le défi insensé de son cœur,
chaque soir à nouveau SE TISSAIT ce filet de Pénélope au tissu
arachnéen, que Heide crevait à chaque instant en se jouant et sans
s'en apercevoir MÊME, mais dont Albert sentait tomber sur lui les
mille replis à la façon d'une ombre sur son cerveau.
>
Exercices et consignes d'écriture.
1.
Relever tous les noms communs de l'extrait de texte cité plus haut :
Le
milieu, la nuit, l'escalier, la salle, le flambeau, le château,
l'habit, le voyageur, le pas, la nuit, l'allée, le jour, le pan, le
manteau, l'aile, etc.
2.
Relever tous les adjectifs qualificatifs de l'extrait de texte cité
plus haut :
Longue,
désert, éteint, renversé, froide, magique, fatal, flottant, noir,
etc.
3.
Écrire un texte d'une trentaine de lignes, en utilisant tous les
noms et adjectifs précédemment relevés, et en inversant certains
mots ou certains groupes de mots à des fins d'esthétique (pour
obtenir un tour de phrase moins banal), de sémantique (choisir un
sens particulier d'un mot lorsque celui-ci en possède plusieurs), de
rythme, de sonorité ou de poésie.
Avec
les noms communs suivants :
le milieu, la nuit,
l'escalier, la salle, le flambeau, le château, l'habit, le voyageur,
et avec les adjectifs qualificatifs suivants :
longue, désert, éteint,
renversé, froide, magique, fatal, cela pourrait donner ceci :
Par
une nuit magique, une panne d'électricité avait éteint toutes les
lumières des lampadaires, et magique nuit librement, les étoiles
scintillaient sans entraves dans la nuit noire, noire rue, je
déambulais le nez en l'air. Fatale fut ma distraction : je ne
vis pas la première marche de l'escalier, la cheville je me foulai,
je me tordis le bras, de douleur je hurlai.
Je
revins à moi allongé sur le sol en terre battue d'une longue salle
déserte ; un flambeau à terre renversé projetait ses
incertaines lueurs sur les pierres disjointes d'un vieux mur. On
aurait dit les oubliettes d'un château hanté. Difficilement, je me
levai en prenant appui sur le mur froid. Je ne portais plus les mêmes
habits, un voyageur j'étais devenu. Je partis donc en voyage...
Et maintenant...
À vous de jouer - et
d'écrire,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
->
Remarque : la bibliographie qui suit donne les références
des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers
hebdomadaires et mensuels.
Pour
connaître plus précisément le numéro
de la page qui traite de la notion recherchée, consulter la
bibliographie qui se trouve à la fin de chaque atelier hebdomadaire.
>
BOURDEREAU, Frédéric, FOZZA, Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
CRESSOT Marcel, JAMES Laurence (mise à jour), 1991. Le style et
ses techniques : précis d'analyse stylistique. Paris, Presses
universitaires de France. 13e éd.
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée [et al.], 1999. Dictionnaire de
linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse.
>
Encyclopædia
Universalis 2009, édition numérique.
>
GRACQ, Julien. Au château
d'Argol.
Paris : Librairie José Corti, 2007. 182 p.
>
Le Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET, Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
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d'écriture et publication
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