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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture
IV
Style
et registre avec François
le
Champi
de George
Sand
Sommaire
>
Extrait de François
le Champi
(1847-1848)
de George
Sand,
pp.
221,
310-312, 402-403.
>
Qui était George
Sand
?
>
Que raconte François
le Champi
?
>
Que
sont le registre et le style
?
>
Extrait de François le Champi
(1847-1848)
de George Sand
(pp. 221, 310-312, 402-403),
où les expressions et les mots en
patois sont en majuscule.
>
Exercices et consignes d'écriture.
***
>
Extrait de François
le Champi
(1847-1848)
de George
Sand,
pp.
221,
310-312,
402-403.
Un
matin que Madeleine Blanchet, la jeune meunière du Cormouer, s'en
allait au bout de son pré pour laver à la fontaine, elle trouva un
petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui
sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet,
ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car
il n'y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là,
et on n'y rencontre que des gens de l'endroit. […
10
ans après]
-
Je ne veux pas me marier.
-
Voilà une idée ! Tu es trop jeune pour en répondre. Mais la
raison ?
-
La raison ! dit François. Ça vous importe donc, mon maître ?
-
Peut-être, puisque j'ai de l'intérêt pour toi.
-
Je vas vous la dire ; je n'ai pas de raison pour m'en cacher. Je
n'ai jamais connu ni père ni mère... Et, tenez, il y a une chose
que je ne vous ai jamais dite ; je n'y étais pas forcé ;
mais si vous m'aviez questionné, je ne vous aurais pas fait de
mensonge. Je suis champi, je sors de l'hospice.
-
Oui-da ! s'exclama Jean Vertaud, un peu saboulé par cette
confession ; je ne l'aurais jamais pensé.
-
Pourquoi ne l'auriez-vous jamais pensé ?... Vous ne répondez
pas, mon maître ? Eh bien, moi, je vas répondre pour vous.
C'est que, me voyant bon sujet, vous vous seriez étonné qu'un
champi pût l'être. C'est donc une vérité que les champis ne
donnent point de confiance au monde, et qu'il y a quelque chose
contre eux ? Ça n'est pas juste, ça n'est pas humain ;
mais enfin c'est comme ça, et c'est bien force de s'y conformer,
puisque les meilleurs cœurs n'en sont pas exempts, et que
vous-même...
-
Non, non, dit le maître en se ravisant – car il était un homme
juste, et ne demandait pas mieux que de renier une mauvaise pensée ;
- je ne veux pas être contraire à la justice, et si j'ai eu un
moment d'oubliance là-dessus, tu peux m'en absoudre, c'est déjà
passé. Donc, tu crois que tu ne pourrais pas te marier, parce que tu
es né champi ?
-
Ce n'est pas ça, mon maître, et je ne m'inquiète point de
l'empêchement. Il y a toutes sortes d'idées dans les femmes, et
aucunes ont si bon cœur que ça serait une raison de plus.
-
Tiens ! c'est vrai, dit Jean Vertaud. Les femmes valent mieux
que nous pourtant !... Et puis, fit-il en riant, un beau gars
comme toi, tout verdissant de jeunesse, et qui n'est écloché
[éclopé] ni de son esprit ni de son corps, peut bien donner du
réveillon au plaisir de se montrer charitable. Mais voyons ta
raison.
-
Écoutez, dit François ; j'ai été tiré de l'hospice et
nourri par une femme que je n'ai point connue. À sa mort, j'ai été
recueilli par une autre qui m'a pris pour le mince profit du secours
accordé par le gouvernement à ceux de mon espèce ; mais elle
a été bonne pour moi, et quand j'ai eu le malheur de la perdre, je
ne me serais pas consolé, sans le secours d'une autre femme qui a
été encore la meilleure des trois, et pour qui j'ai gardé tant
d'amitié que je ne veux pas vivre pour une autre que pour elle. Je
l'ai quittée pourtant, et peut-être que je ne la reverrai jamais,
car elle a du bien, et il se peut qu'elle n'ait jamais besoin de moi.
[… quelques
mois plus tard]
Et
à la fontaine, ils ne trouvèrent plus ni Jeannette ni Jeannie qui
étaient rentrés. Mais François retrouva le courage de parler, en
se souvenant que c'était là qu'il avait vu Madeleine pour la
première fois, et là aussi qu'il lui avait fait ses adieux onze ans
plus tard. Il faut croire qu'il parla très bien et que Madeleine n'y
trouva rien à répondre, car ils y étaient encore à minuit, et
elle pleurait de joie, et il la remerciait à deux genoux de ce
qu'elle l'acceptait pour son mari.
…
Là
finit l'histoire, dit le chanvreur. […]
-
L'histoire est donc vraie de tous points ? demanda Sylvine
Courtioux.
-
Si elle ne l'est pas, elle le pourrait être, répondit le chanvreur,
et si vous ne me croyez, allez y voir.
>
Qui était George
Sand
?
Aurore
Dupin (baronne
Dudevant, dit George Sand)
était
une
romancière
française (1804-1876),
qui revendiquait pour les femmes les droits de la passion, force
sacrée justifiée par sa sincérité même. La romancière se
passionna elle-même notamment pour Alfred
de Musset
[écrivain
français, 1810-1857, dont l’œuvre théâtrale est considérée
aujourd'hui comme la contribution la plus originale et la plus
durable du romantisme français à l'art dramatique]
et
pour Frédéric
Chopin
[compositeur
polonais, 1810-1849, qui apparaît avec Maurice Schumann et Franz
Liszt, comme le véritable créateur du style de piano].
Pour
George
Sand,
« L'art
n'est pas une étude de la réalité positive ; c'est une
recherche de la vérité idéale ».
Auteure
de Indiana
(1832) et de Lélia
(1833), qui sont des autobiographies transposées, de Le
Compagnon du Tour de France
(1840) et de Consuelo
(1842-1843), où elle reprend les thèses de Jean-Jacques Rousseau
[écrivain
et philosophe genevois de langue française, 1712-1778],
George Sand est aussi l'auteure d'une correspondance très abondante,
notamment avec Gustave Flaubert [écrivain
français, 1821-1880],
de romans « champêtres » :
La
Mare au diable
(1846), François
le Champi
(1847-1848), La
Petite Fadette
(1849), Les
Maîtres sonneurs
(1853), et
d'une autobiographie : Histoire
de ma vie
(1854).
Cette
production romanesque et dramatique, dont les effusions lyriques et
les déclamations humanitaires peuvent paraître excessives de nos
jours, frappe cependant par la générosité qui l'anime et la sûreté
de la narration.
C'était une auteure pour qui « Le
roman d'aujourd'hui [1840-1850] devrait remplacer la parabole et
l'apologue des temps naïfs ».
>
Que raconte François
le Champi
?
C'est
un roman dit
« champêtre »
[qui
appartient aux champs, à la campagne cultivée]
où
s'exprime l'optimisme sentimental de l'auteure, qui
peint l'évolution des sentiments de François pour Madeleine
(François est un enfant trouvé, ou un champi
en dialecte
berrichon). Madeleine
est une jeune meunière mal mariée, qui, à la mort du vieux
meunier, et malgré les calomnies, épousera François.
François
le Champi
a paru pour la première fois dans le feuilleton du Journal
des Débats
[quotidien
français fondé en 1789 et qui cessa de paraître en 1944],
du
31 décembre 1847 au 14 mars 1848. Ce
récit idyllique est mené avec une grande délicatesse et le style
en est d'une savante simplicité.
Par
un
style qui
doit réussir à évoquer la réalité paysanne, à la rendre
présente et vivante, l'ambition
de l'auteure serait d'être comprise et goûtée à la fois d'un
« Parisien
parlant la langue moderne »,
et d'un paysan ne connaissant que le parler de son terroir.
Pour
obtenir ce double résultat, les moyens stylistiques employés sont
les suivants :
=>
emprunts
au patois berrichon
de termes faciles à comprendre (locature,
le respire, précipiteux, amiteux, aiseté, dormille, folleté,
parlage),
et de termes plus particuliers nécessitant une explication qui
tantôt est donnée dans
le texte
(alochons,
pive),
tantôt ne l'est pas (tabâtres,
trigauderies, croquabeilles, courza, etc.)
qui contribuent à entretenir dans tout le roman une poésie
rustique, bucolique
et pastorale,
en évitant la vulgarité dans un souci de tenue littéraire.
=>
emploi
d'un patois de l'invention
de
l'auteure
par
déformation
des expressions courantes en y introduisant un détail insolite :
« les
hommes de la
loi »,
« un
petit le
toit de sa maison qui faisait
l'eau
de tous côtés »,
« il
se mit à faire l'examen de sa
conscience ».
L'effet de gaucherie qui en résulte paraît rendre suffisamment
l'allure du style paysan. « Le
patois est une langue vivante : la forme des mots est variable,
le jeu des suffixes et des préfixes est variable, les mots changent
de sens suivant le contexte, ou, plus exactement, n'ont pas un sens
rigoureusement défini. Tous les patoisants créent du patois et ont
le droit de créer du patois »,
extrait de : Histoire
de la langue française,
t. XII, L'Époque
romantique
(p. 429), de Charles Bruneau.
=>
la
structure de la phrase :
emploi de phrases simples, souvent incomplètes, ponctuées d'arrêts,
de reprises, d'exclamations, et de phrases complexes, harmonieusement
balancées et savantes.
>
Que
sont le registre et le style
?
Le
registre passe par l'utilisation d'un langage, tandis que le style
traduit la langue d'un(e) auteur(e).
Langage,
langue
: ces deux mots ne diffèrent que par la finale « age »
qui, étant la finale « aticus »
des latins, signifie ce
qui opère,
ce
qui agit.
C'est là ce qui fait la nuance des deux mots.
La
langue est plutôt la collection des moyens d'exprimer la pensée par
la parole ; le langage est plutôt l'emploi de ces moyens. C'est la
nuance que l'on aperçoit, par exemple, entre la langue française et
le langage français. Pour la même raison, on dit le langage par
signes, le langage des yeux, et non la langue par signes, la langue
des yeux. La langue du cœur, ce sont les expressions dont le cœur
se sert d'ordinaire ; le langage du cœur, ce sont les émotions que
le cœur fait partager
(1870).
Au
propre,
le langage, c'est l'emploi de la langue pour l'expression des pensées
et des sentiments. Le langage des oiseaux pour leur chant, le langage
des animaux pour leurs cris, leurs rugissements, le langage des
plantes, etc. Au
figuré,
c'est tout ce qui sert à exprimer des sensations et des idées. Le
langage du geste pour le mime.
C'est
vers 1361 que le langage est l'emploi particulier d'une langue
envisagée sous son aspect formel, du point de vue de la correction
et du registre.
Ce n'est que vers 1587 que le langage est considéré par rapport aux
idées exprimées et au contenu de la communication. Le mot est
défini linguistiquement au XVIIe
siècle comme un système de signes plus ou moins complexe servant à
l'expression et à la communication (1662). Le mot s'emploie par
extension, d'une manière plus ou moins flottante, à propos d'un
ensemble de signe formant système (1867), par exemple dans le
langage des parfums, le langage des couleurs.
Langue
La
langue
d'un auteur,
c'est l'ensemble des mots et des tournures dont un auteur fait
surtout usage, c'est le contenu de son discours, non par son thème
mais par l'usage que l'auteur fait du vocabulaire (lexique) et des
procédés syntaxiques (composition de la phrase, temps et mode des
verbes). Par exemple la langue de Corneille, de Racine.
La
langue
de bois
est une façon de s'exprimer qui abonde en stéréotypes et en
formules figées.
Les
têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte
des idiomes. La raison seule est commune, l'esprit en chaque
langue a sa forme particulière,
extrait
de : L'Émile,
II, de Jean-Jacques
Rousseau
[écrivain
et philosophe genevois de langue française, 1712-1778].
Un
idiome
est un parler propre à une région (dialecte, patois) ou à un
groupe social ; Se
former sur quelque chose,
a le sens de : le
prendre comme modèle, comme exemple.
Les
niveaux
de langue
désignent les façons particulière de s'exprimer, l'usage du
langage propre à un groupe ou à un individu.
La
valeur
du niveau est donnée par le vocabulaire employé et la tournure de
la phrase, allant du langage commun, courant, général, ordinaire,
quotidien, au langage simple ; du langage parlé, populaire,
argotique, cru, libre,trivial, vulgaire, au langage littéraire,
écrit, prosaïque (prose), poétique, lyrique, choisi, noble,
relevé, soutenu ; du langage académique, châtié, guindé,
affecté, amphigourique (compliqué, confus et obscur), précieux, au
langage archaïque ou d'aujourd'hui, moderne, nouveau ; du langage
clair, direct, expressif, au langage ésotérique, hermétique,
secret, incompréhensible, confus.
En
linguistique, on parle de niveaux
de langue
en tant que actualisations d'une langue, selon les caractéristiques
d'un usage déterminé, et d'après la situation de communication,
les possibilités et les intentions du locuteur, manifestées par des
stratégies de discours. Les niveaux de langue, comme les registres
et les styles, sont variables suivant le niveau social, culturel, de
ceux qui parlent.
Registre
Le
mot registre
est l'adaptation (XIIIe
siècle) de l'ancien français regeste
(vers 1155), puis regestre
(vers 1265) qui signifie « récit,
histoire ».
Ce mot rare a été repris au XIXe
siècle par Maximilien
Paul Émile Littré
[1801-1881]
dont les nombreux travaux philologiques et lexicographiques devaient
aboutir à la publication de son œuvre principale : le Dictionnaire
de la langue française
(1863-1872).
Ce
mot rare a aussi été repris à partir de 1870 par les historiens
médiévistes pour désigner le répertoire chronologique
enregistrant les actes issus des pouvoirs publics ou intervenus entre
des particuliers.
Il
est intéressant de noter que dès 1559 le mot désigne l'étendue
des moyens dont quelqu'un dispose dans un certain domaine, d'abord à
propos de la parole.
Les
registres
de la parole
sont les utilisations que chaque sujet « parlant »
fait des niveaux
de langue
existant dans l'usage social d'une langue (familier, standard,
soutenu, populaire, cultivé, etc.). Car non seulement les manières
de parler (et d'écrire) peuvent considérablement varier d'une
personne à l'autre, de plus un même locuteur s'exprimera de façon
extrêmement diversifiée selon les situations de communication dans
lesquelles il se trouvera (on ne rédige pas de manière identique
une lettre à sa mère et une lettre à un collègue de travail et
une lettre à un supérieur hiérarchique). On distingue
habituellement trois registres de langue : familier, standard et
soutenu.
Le
registre familier
correspond au français parlé entre interlocuteurs placés sur un
pied d'égalité, avec un lexique composé de mots courants,
argotiques parfois, d'expressions imagées et pittoresques, d'écarts
de style insolites, et dont la syntaxe est faite de phrases courtes,
hachées ou inachevées, où les propositions (sous-phrases) sont
juxtaposées plutôt que subordonnées, et qui admet beaucoup
d'écarts dans l'agencement des groupes de mots.
Par
exemple : Dans
la salle à manger, on risquait pas de manquer de place. Et ça
sentait drôlement bon. La cire, je crois bien, et même le miel
sauvage. Y avait aussi des lilas. Tout ça annonçait des rupins !
Le
registre standard
correspond au français écrit ou parlé entre des interlocuteurs qui
ne se connaissent pas : le vocabulaire est informatif, neutre,
composé de mots usuels compris sans difficultés par la majorité,
parfois appauvris (pas de mots vulgaires, ni trop spécialisés, ni
trop littéraires, pas d'emphase ni d'expressivité excessive), les
phrases sont facilement compréhensibles et composées sur le modèle
sujet + verbe + complément, dans le respect de la norme, sans
recherche ni effet. Ce registre est utilisé dans la littérature
dite « réaliste ».
Par
exemple : Dans
la salle à manger, très spacieuse, les meubles venaient d'être
cirés.
Le
registre soutenu
ou « cultivé »
(par nature le registre
du style)
correspond au français écrit ou écrit oralisé, utilisé dans des
communications officielles ou institutionnelles et en littérature.
Le vocabulaire est recherché, composé de mots précis, de mots
rares ou abstraits, de mots riches en connotations ou polysémiques
(qui présentent plusieurs sens) ; les phrases sont souvent complexes
avec beaucoup de subordonnées, dans une recherche stylistique de la
variété, obtenue par des écarts (antithèse, inversion, métaphore,
métonymie, etc.) ou par l'emploi de certaines figures de rhétoriques
(par exemple le zeugme, la syllepse, l'anacoluthe, l'abstraction, la
synchyse, etc.).
Exemple
: Dans
la salle à manger, les reflets chatoyants que renvoyaient les
meubles, les senteurs rares et raffinées de cire et de miel sauvage,
les volutes voluptueuses des lilas sur la desserte, tout annonçait
la liesse des sens et de l'esprit.
Style
et styles
On
a donc deux notions distinctes : le niveau
de langue d'un texte,
défini par l'analyse du lexique et de la syntaxe, et le registre
de langue d'un auteur,
soit lorsqu'il mélange plusieurs tons, plusieurs styles, plusieurs
genres, ou au contraire lorsqu'il privilégie l'unité de ton,
l'homogénéité lexicale (par exemple l'épopée et la tragédie, la
satire et la comédie aux époques classiques).
Exemple
:
Apporte
le café, le beurre et les tartines
On
dirait que le vent dit des phrases latines...
de
Guillaume
Apollinaire
[poète
français, 1880-1918],
où
l'auteur mélange deux niveaux de langue (vocabulaire familier du
premier vers, et registre soutenu du deuxième vers par utilisation
de l'image du vent parlant en latin) et deux tons différents, celui
de la prose (premier vers) à celui de la poésie (deuxième vers
rimé) sans rendre pour autant cette dernière prosaïque, car les
deux vers sont des alexandrins.
Dans
les deux cas, niveaux de langue du texte et registre de langue de
l'auteur, les clivages sont d'ordre lexical (argot et langue
standard, vocabulaire technique et langue commune) ou/et d'ordre
phonétique, morphologique, syntaxique et lexical (langue cultivée
et langue populaire, langue courante et patois).
Par
définition, « le
style
est l'aspect de l'énoncé qui résulte du choix des moyens
d'expression,déterminé par la nature et les intentions du sujet
parlant ou écrivant »,
extrait de : La
Stylistique (1954, p.
109), de Pierre Guiraud.
Le
style et il y en a de mille sortes, ne s'apprend pas ; c'est le
don du ciel, c'est le talent.
Extrait de : Mémoires
d'outre-tombe (t. II, p.
139), de François René de
Chateaubriand
[écrivain
français, 1768-1848, entré à l'Académie française en 1811].
Le
style résulte d'une sensibilité spéciale à l'égard du langage.
Cela ne s'acquiert pas ; mais cela se développe. Extrait
de : Regards sur le
monde actuel (1931,
La Pléïade, p. 1053),
de Paul Valéry
[écrivain
français, 1871-1945].
Le
style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre,
est une question non de technique mais de vision. Il est la
révélation, qui serait impossible par des moyens directs et
conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon
dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas
l'art, resterait le secret éternel de chacun. Extrait
de : Le Temps
retrouvé (1927,
La Pléïade, p. 895), de
Marcel Proust [écrivain
français, 1871-1922].
(…)
un style qui serait beau, que quelqu'un fera à quelque jour, dans
dix ans ou dans dix siècles, et qui serait rythmé comme le vers,
précis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des
ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu ; un style qui
vous entrerait dans l'idée comme un coup de stylet, et où votre
pensée enfin voguerait sur des surfaces lisses, comme lorsqu'on file
dans un canot avec bon vent arrière.
Extrait de : Correspondance
(318, 24 avril 1852), de Gustave
Flaubert [écrivain
français, 1821-1880].
(Huysmans)
s'était assuré le style de ses nerfs ; langage visant toujours
à l'inattendu et à l'extrême de l'expression, surchargé
d'adjectifs pervertis et employés hors d'eux-mêmes. (…) Il aimait
de brutaliser l'ordre des mots, d'éloigner le qualificatif du nom
qu'il qualifie, le complément du verbe. (…)
Il usait et abusait systématiquement des épithètes non impliquées
par l'objet mais suggérées par la circonstance (…) moyen puissant
– mais moyen périlleux et de courte vie, comme tous les moyens de
l'art qui se peuvent aisément définir.
Extrait de : Variété,
Études littéraires (La
Pléïade, p. 755), de Paul
Valéry [écrivain
français, 1871-1945].
>
Extrait de François le
Champi (1847-1848)
de George Sand
(pp. 221, 310-312,
402-403),
où les expressions et les
mots en patois sont en majuscule.
Un
matin que Madeleine Blanchet, la jeune meunière du Cormouer, s'en
allait au bout de son pré pour laver à la fontaine, elle trouva un
petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui
sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet,
ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car
il n'y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là,
et on n'y rencontre que des gens de l'endroit. […
10
ans après]
-
Je ne veux pas me marier.
-
Voilà une idée ! Tu es trop jeune pour en répondre. Mais la
raison ?
-
La raison ! dit François. Ça vous importe donc, mon maître ?
-
Peut-être, puisque j'ai de l'intérêt pour toi.
-
Je VAS vous la dire ; je n'ai pas de raison pour m'en cacher. Je
n'ai jamais connu ni père ni mère... Et, tenez, il y a une chose
que je ne vous ai jamais dite ; je n'y étais pas forcé ;
mais si vous m'aviez questionné, je ne vous aurais pas fait de
mensonge. Je suis champi, je sors de l'hospice.
-
OUI-DA ! s'exclama Jean Vertaud, un peu SABOULÉ par cette
confession ; je ne l'aurais jamais pensé.
-
Pourquoi ne l'auriez-vous jamais pensé ?... Vous ne répondez
pas, mon maître ? Eh bien, moi, je VAS répondre pour vous.
C'est que, me voyant bon sujet, vous vous seriez étonné qu'un
champi pût l'être. C'est donc une vérité que les champis ne
donnent point de confiance au monde, et qu'il y a quelque chose
contre eux ? Ça n'est pas juste, ça n'est pas humain ;
mais enfin c'est comme ça, et c'est bien force de s'y conformer,
puisque les meilleurs cœurs n'en sont pas exempts, et que
vous-même...
-
Non, non, dit le maître en se ravisant – car il était un homme
juste, et ne demandait pas mieux que de renier une mauvaise pensée ;
- je ne veux pas être contraire à la justice, et si j'ai eu UN
MOMENT D'OUBLIANCE là-dessus, tu peux m'en absoudre, c'est déjà
passé. Donc, tu crois que tu ne pourrais pas te marier, parce que tu
es né champi ?
-
Ce n'est pas ça, mon maître, et je ne m'inquiète point de
l'empêchement. Il y a toutes sortes d'idées dans les femmes, et
aucunes ont si bon cœur que ça serait une raison de plus.
-
Tiens ! c'est vrai, dit Jean Vertaud. Les femmes valent mieux
que nous pourtant !... Et puis, fit-il en riant, un beau gars
comme toi, tout verdissant de jeunesse, et qui n'est ÉCLOCHÉ
[éclopé] ni de son esprit ni de son corps, peut bien DONNER DU
RÉVEILLON au plaisir de se montrer charitable. Mais voyons ta
raison.
-
Écoutez, dit François ; j'ai été tiré de l'hospice
[l'assistance
publique] et
nourri par une femme que je n'ai point connue. À sa mort, j'ai été
recueilli par une autre qui m'a pris pour le mince profit du secours
accordé par le gouvernement à ceux de mon espèce ; mais elle
a été bonne pour moi, et quand j'ai eu le malheur de la perdre, je
ne me serais pas consolé, sans le secours d'une autre femme qui a
été encore la meilleure des trois, et pour qui j'ai gardé tant
d'amitié que je ne veux pas vivre pour une autre que pour elle. Je
l'ai quittée pourtant, et peut-être que je ne la reverrai jamais,
car elle a du bien, et il se peut qu'elle n'ait jamais besoin de moi.
[… quelques
mois plus tard]
Et
à la fontaine, ils ne trouvèrent plus ni Jeannette ni Jeannie qui
étaient rentrés. Mais François retrouva le courage de parler, en
se souvenant que c'était là qu'il avait vu Madeleine pour la
première fois, et là aussi qu'il lui avait fait ses adieux onze ans
plus tard. Il faut croire qu'il parla très bien et que Madeleine n'y
trouva rien à répondre, car ils y étaient encore à minuit, et
elle pleurait de joie, et il la REMERCIAIT À DEUX GENOUX de ce
qu'elle l'acceptait pour son mari.
…
Là
finit l'histoire, dit le chanvreur. […]
-
L'histoire est donc vraie de tous points ? demanda Sylvine
Courtioux.
-
Si elle ne l'est pas, elle le pourrait être, répondit le chanvreur,
et si vous ne me croyez, allez y voir.
>
Exercices et consignes d'écriture.
Choisir
un extrait d'une vingtaine de lignes parmi l'extrait précédent de
François
le Champi,
et y insérer des mots en patois berrichon proposés dans la liste
suivante :
mauvaiseté
(méchanceté), l'homme
de chez lui
(le maître de maison), acrêté
(agressif comme un coq dont la crête se dresse),
rabâter
(faire du bruit), tabâtre
(tapageur), quelques
vaisseaux de terre
(mauvaise vaisselle), une
locature
(petite maison de cultivateur sans labourage), en
se virant
(en se retournant), un
chéret
(manteau de laine beige des bergères), Zabelle
(Isabelle), une
route mal
achalandée
de passants
(une route peu fréquentée), un
champi
(enfant abandonné dans les champs), épouvantant
(effrayant), ennuyant
(ennuyeux), imaginant
(surprenant), amijoler
(cajoler, enjôler, séduire), une
retirance
(ressemblance), des
croquabeilles
(mésanges), au
droit
(à l'endroit exact, en face), mêmement
(de même, même), brave
(bien habillée), elle
était généreuse par braverie
(elle était généreuse par coquetterie), un
boursicot
(petit sac en toile dans lequel les paysans berrichons mettaient leur
argent), raccoisé
(apaisé), si
pourtant
(cependant), donner
du réveillon
(stimuler), tout
affolé de chagrin
(accablé de chagrin), porter
le chagrin
(mettre de mauvaise humeur), il
avait l'accoutumance
(il avait l'habitude), emmi
(parmi), les
saches
(grands sacs de farine), que
devant
(qu'avant),
Avec
l'extrait suivant, de « Un
matin que Madeleine Blanchet... »
(ligne 1) à « et
on n'y rencontre que des gens de l'endroit. »
(ligne 6), cela
pourrait donner ceci :
Un
matin, près
de la
locature
de
Madeleine Blanchet, une
jeune meunière bien
brave du
Cormouer, l'homme
de la maison trouva un boursicot. Il se vira de tous côtés si
pourtant c'était une route bien achalandée de passants.
Sans
mauvaiseté, il l'emporta et l'alla cacher emmi les saches du moulin.
Il alla
au bout de son pré comme
il avait l'accoutumance retrouver la Zabelle
qui
lavait
à la fontaine, et
le
champi
devant sa planchette, qui
jouait
avec la paille qui sert de coussinet aux genoux des lavandières. Le
petit portait le chéret de sa mère adoptive, en retirance d'une
croquabeille. Le petit semblait raccoisé, mêmement il avait
l'accoutumance d'être tout affolé de chagrin, cause que devant son
abandonnement, il
ne portait jamais le chagrin car il n'y avait pas d'acrêté en lui.
L'homme amijola l'enfant de quelques caresses sur la tête.
Au
bout de son pré, l'homme de la maison rencontra
des gens de l'endroit. Le
champi s'ennuyant rabâta quelques vaisseaux de terre, épouvantant
des croquabeilles perchées en haut des arbres. Le maître se vira
vers le tabâtre. Etc.
Et maintenant...
À vous de jouer - et
d'écrire,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
=>
Remarque : la bibliographie qui suit donne les références
des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers
hebdomadaires et mensuels.
Pour
connaître plus précisément le numéro de la page qui traite de la
notion recherchée, consulter la bibliographie qui se trouve à la
fin de chaque atelier hebdomadaire. Par exemple, pour
la
notion de registre,
voir la bibliographie à la fin de l'Atelier n°20,
publié le jeudi
25
avril
2013.
>
BEAUMARCHAIS Jean-Pierre de, COUTY Daniel, REY Alain, 1994.
Dictionnaire
des littératures de langue française.
Paris, Bordas, nouv. éd. mise à jour et enrichie, 4 vol.
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse.
>
Encyclopædia
Universalis 2009, édition numérique.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
GREVISSE Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.
>
LITTRÉ Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
Chicago,
Encyclopaedia Britannica Inc. Nouv. éd. 6 vol. + 1 supplément.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol.
> SAND
George. La Mare au diable ; François le Champi. Paris,
Garnier Frères, 1981. 451 p.
>
THERON Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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