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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture
VI
La
métaphore, les
champs sémantiques
et
les champs lexicaux avec
Terre
des hommes d'Antoine
de
Saint-Exupéry
Sommaire
>
Extrait de Terre
des hommes
(1939)
d'Antoine
de Saint-Exupéry,
pp. 9
et
57-61.
>
Qui était Antoine
de Saint-Exupéry
?
>
Que raconte Terre
des hommes
?
>
Que
sont les
métaphores,
les champs sémantiques et les champs lexicaux
?
>
Extrait de Terre des hommes
(1939)
d'Antoine de Saint-Exupéry
(pp. 9
et
57-61),
où les métaphores
sont en majuscule.
>
Exercices et consignes d'écriture.
***
>
Extrait de Terre
des hommes
(1939)
d'Antoine
de Saint-Exupéry,
pp.
9
et
57-61.
La
terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce
qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec
l'obstacle. Mais, pour l'atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut
un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arrache peu à
peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu'il dégage est
universelle. De même l'avion, l'outil des lignes aériennes, mêle
l'homme à tous les vieux problèmes.
J'ai
toujours, devant les yeux, l'image de ma première nuit de vol en
Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des
étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine.
Chacune
signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d'une
conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on
poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait
à sonder l'espace, on s'usait en calculs sur la nébuleuse
d'Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans
la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu'aux plus
discrets, celui du poète, de l'instituteur, du charpentier. Mais
parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien
d'étoiles éteintes, combien d'hommes endormis...
[…]
L'usage
d'un instrument savant n'a pas fait de toi [Guillaumet], un
technicien sec. Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui
s'effraient par trop de nos progrès techniques. Quiconque lutte dans
l'unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui
vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas
un but : c'est un outil. Un outil comme la charrue.
Si
nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être,
nous manquons un peu de recul pour juger les effets de
transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que
sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux
cent mille années de l'histoire de l'homme ? C'est à peine si
nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales
électriques. C'est à peine si nous commençons d'habiter cette
maison nouvelle, que
nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite
autour de nous : rapports humains, conditions de travail,
coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses
bases les plus intimes. Les notions de séparation, d'absence, de
distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne
contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde
aujourd'hui [1939], nous usons d'un langage qui fut établi pour le
monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à
notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre
langage.
Chaque
progrès nous a chassés un peu plus loin hors d'habitudes que nous
avions à peine acquises, et nous sommes véritablement des émigrants
qui n'ont pas fondé encore leur patrie.
Nous
sommes tous de jeunes barbares que nos jouets neufs émerveillent
encore. Nos courses d'avion n'ont point d'autre sens. Celui-là monte
plus haut, court plus vite. Nous oublions pourquoi nous le faisions
courir. La course, provisoirement, l'emporte sur son objet.
[…]
Nous
étions autrefois en contact avec une usine compliquée. Mais
aujourd'hui nous oublions qu'un moteur tourne. Il répond enfin à sa
fonction, qui est de tourner, comme un cœur bat, et nous ne prêtons
point, non plus, attention à notre cœur. Cette attention n'est plus
absorbée par l'outil. Au-delà de l'outil, et à travers lui, c'est
la vieille nature que nous retrouvons, celle du jardinier, du
navigateur, ou du poète.
[...]
Il
faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer
avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la
campagne.
>
Qui était Antoine
de Saint-Exupéry
?
Écrivain
et aviateur français (1900-1944),
Antoine de Saint-Exupéry fut pilote de ligne
dans l'entre-deux-guerres
sur le parcours Toulouse-Casablanca, puis pilote d'essai et pilote
militaire. Cette vie d'homme d'action nourrit et éclaire les
réflexions d'un humaniste soucieux de trouver une signification
morale et spirituelle à l'activité humaine.
Auteur
de Courrier
Sud
(1928) et
de
Vol
de nuit
(1931, prix
Femina),
Antoine
de
Saint-Exupéry
cherche dans son expérience personnelle un sens universel, trouvant
dans la solitude dangereuse de l'avion ou dans celle du désert un
terrain propice à la méditation.
Il
est aussi l'auteur de : Terre
des hommes
(1939), Pilote
de guerre
(1942), Lettre
à un otage
(1943), Citadelle
(1948, inachevé),
Écrits
de guerre
(textes rassemblés en 1982), et enfin de :
Le
Petit Prince
(1943),
récit
en forme de
conte
où
l'écrivain, préférant les vertus de l'amour à celles de
l'intelligence, a habillé de symboles naïfs sa nostalgie de
l'amitié.
>
Que raconte Terre
des hommes
?
Grand
prix du roman de l'Académie française en 1939, de
facture très classique, Terre
des hommes
est un essai composé
de
8
courts
récits
inspirés par le
métier d'aviateur exercé
par
l'écrivain, qui
insiste
sur la nécessaire rigueur de l'individu vis-à-vis de lui-même,
pour devenir un homme et cultiver le « seul
luxe, celui des relations humaines ».
Dans
La
ligne,
un
jeune pilote de ligne novice raconte son premier voyage sur la ligne
Toulouse-Dakar, et comment il rejoignit difficilement sa base alors
que les relevés radiogoniométriques transmis par les tours de
contrôle étaient
faux.
Dans
Les
camarades
sont
évoqués les exploits de Jean Mermoz –
qui fonda les lignes Casablanca-Dakar, Buenos Aires-Santiago et
Toulouse-Buenos Aires -,
et d'Henri Guillaumet, qui
revint vivant d'un grave accident dans les Andes chiliennes et à
qui est dédié ce livre.
Pour
le narrateur-auteur-aviateur,
l'avion
n'est pas un but mais un outil, un outil de conquête (L'avion),
mais
aussi
un instrument d'analyse et de connaissance de la terre, grâce
auquel
au fin fond du désert le héros trouve un fragment de météorite
(L'avion
et la planète).
Dans
Oasis,
l'auteur
raconte comment il est
invité dans une modeste maison lors
d'une
escale près de Concordia en Argentine, et
où
il
découvre que des
vipères logent sous le parquet.
Dans
le désert
raconte
comment, isolé
de toute vie, au fortin de Nouatchott en Mauritanie, ou
de
Port-Etienne,
on sent l'écoulement du temps ; comment,
au
fort de Cap Juby en plein Sahara, le narrateur rachète un esclave et
le rend à sa dignité d'homme.
Au
centre du désert
est
le récit d'un crash au cours duquel le
narrateur a cru en mourir :
au
cours d'un raid vers l'Indochine en 1935, l'avion s'écrase en plein
désert de Lybie ; le
pilote et son radio
seront
sauvé par un bédouin après une errance de plusieurs jours.
L'essai
se clôt avec
Les
hommes,
où
l'auteur-narrateur avoue : « Ce
qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce
qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette
laideur. C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné ».
>
Que
sont les
métaphores,
les champs sémantiques et les champs lexicaux
?
La
notion de métaphore a été abordée lors de l'atelier
d'écriture n°22 (mardi 7 mai 2013) intitulé :
Métaphores et allégories.
Les
notions de champ sémantique et de champ lexical ont
été abordées lors de l'atelier d'écriture n°25 (vendredi
24 mai 2013) intitulé : Les champs sémantiques et les
champs lexicaux.
La
métaphore
Le
nom féminin métaphore est un terme de rhétorique emprunté
(vers 1278) au grec puis au latin metaphora (transport)
et depuis Aristote [philosophe
grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de :
La Poétique,
et de : La
Rhétorique], il signifie changement, transposition de
sens ; il est composé de meta (au milieu de,
parmi, entre, avec, derrière, ensuite) et phora (action
de porter, de se mouvoir), de pherein (porter,
supporter, transporter) qui contient la même racine
indoeuropéenne °bher- (porter) que le latin ferre
(qui donna conférer, déférer, offrir, préférer, etc.).
(…)
toute métaphore fondée sur l'analogie doit être également juste
dans le sens renversé. Ainsi, l'on a dit de la vieillesse qu'elle
est l'hiver de la vie, renversez la métaphore et vous la trouverez
également juste, en disant que
l'hiver
est la vieillesse de l'année.
Extrait
de : Maximes et Pensées, Philosophie et
morale, LV,
de
Nicolas de Chamfort [moraliste
français, 1741-1794,
entré
à l'Académie française en 1781].
La
figure de rhétorique la métaphore, consiste dans l'emploi
d'un mot concret pour exprimer une notion abstraite, en l'absence de
tout élément introduisant formellement une comparaison. C'est un
procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme
concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique. Par
exemple : L'abeille, pépite
vive sur la corolle, est ivre d'été (image du caractère
infatigable de l'abeille) ; ou : La
lumière assourdie frissonnait à travers les branches (image
qui rend compte du clair-obscur d'un sous-bois).
La
métaphore est fondée sur la substitution d'un mot comparant
à un mot comparé, selon
un rapport de ressemblance
; par exemple dans l'abstraction suivante : « vivre c'est
l'inquiétude » où le comparant l'inquiétude, mot
abstrait, remplace le très concret comparé vivre.
On
appelle donc métaphore le remplacement d'un mot ou d'une
expression normalement attendus, par un autre mot ou une autre
expression, selon un rapport d'analogie entre le premier (le comparé)
et de second (le comparant). Exemple : L'offensive
du froid, où le comparé est L'offensive
(l'arrivée brutale) et le comparant (du
froid).
Pour
que la métaphore soit possible entre deux termes différents, deux
comparés, il faut que les termes aient en commun au moins un
sinon plusieurs élément de signification.
Présence
ou absence du comparé.
La
métaphore in presentia conserve les deux termes
comparés mais n'opère pas de comparaison explicite. Par exemple :
Ma jeunesse ne fut qu'un
ténébreux orage (extrait de : L'ennemi, de :
Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire
[écrivain français,
1821-1867]).
Alors
que dans la métaphore in absentia, le comparé
disparaît tout à fait, laissant au destinataire (au lecteur, à la
lectrice) le soin de reconstituer l'image en décodant la métaphore.
Exemple : Voilà que j'ai
touché l'automne des idées (extrait de : L'ennemi,
de : Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire
[écrivain français,
1821-1867]), où le comparé, absent, est le dépérissement
et la vieillesse.
Attention
à ne pas confondre la métaphore et la comparaison. La
comparaison opère un rapprochement entre deux termes, dont les sens
respectifs ne sont pas affectés. Un terme de comparaison
(comme, pareil, ainsi que, tel,
semblable à,
etc.) établit le lien de ressemblance entre le comparé et le
comparant. Par exemple : Mon
cœur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux (extrait de :
Voyage à Cythère, de Charles Baudelaire
[écrivain français,
1821-1867]), où l'outil de comparaison comme
relie le comparé Mon cœur
au comparant un oiseau ;
Tes yeux sont bleus comme le ciel
(comparaison), Le ciel de tes
yeux (métaphore) ; L'homme
est semblable à un roseau (comparaison),
L'homme est un roseau pensant (Pascal).
La
métaphore est suivie ou filée quand elle introduit
plusieurs rapprochements successifs. Exemples :
Cette
femme tend les filets de ses charmes pour chasser le gibier des
naïfs.
Il
semblait que l'eau fût incendiée (...) toute la mer flamboyait. Ce
flamboiement n'était pas rouge (…) des traînées bleuâtres
imitaient sur la vague des plis de suaire. Une large lueur blême
frissonnait sur l'eau. Ce n'était pas l'incendie, c'en était le
spectre.
(extrait
de : Les Travailleurs de la mer, de Victor Hugo
[écrivain français, 1802-1885,
entré à l'Académie française en 1841, il apparut dès 1827 comme
le théoricien et le chef de l'école romantique, et l'animateur du
Cénacle ; député en 1848, puis exilé de 1851 à 1870 ;
il fut l'auteur d'une œuvre considérable et variée]).
La
métaphore filée ou suivie
(qui est un essaimage de métaphores sur une idée conductrice
commune) fait partie, avec la
prosopopée (qui
permet de donner la parole, la vie, des sentiments, des opinions, à
un être absent ou mort, ou à un être
moral) et
la personnification
(qui permet de donner
figure humaine à une idée, à un objet, ou
à un animal),
des trois procédés
littéraires qui,
traditionnellement,
caractérisent l'allégorie.
Par exemple :
« Je
suis la Loi ! La loi commune à tous les hommes qui vivent de ce
côté-ci de l'océan, et je décrète, article premier, que
quiconque pêchera du poisson entre ces deux rochers sera sévèrement
puni. » Ayant fini de parler, la Loi s'envola au petit matin
dans un tourbillon d'écume et de sel d'aurore.
Le
BONHEUR est un PRÉ EN FLEUR, multicolore et odorant, couvert de
rosée et à jamais parcouru d'une brise légère et tiède.
Tout
le jour, le FLEUVE DU VENT s'est RUÉ dans les cuvettes de la Drôme.
MONTÉ jusqu'aux châtaigneraies, il a fait les CENT COUPS DU DIABLE
dans les grandes branches ; il s'est ENFLÉ, peu à peu, jusqu'à
DÉBORDER les montagnes et, sitôt le bord SAUTÉ, POMPONNÉ de
pelotes de feuilles, il a DÉVALÉ sur nous.
Extrait
de : Colline, de
Jean Giono
[écrivain
français, 1895-1970, entré
à l'Académie Goncourt en 1954].
Le
champ sémantique
Le
nom masculin champ,
d'abord camp
(1080) à côté de champ
(1080) est issu du latin campus
(camp, campagne),
mot probablement autochtone (d'une ancienne langue d'Italie ?)
désignant originellement la plaine,
par opposition à mons
(la montagne).
Cédant ce sens géographique au mot plana
(plaine),
il s'est spécialisé aux sens de plaine
cultivée, terrain
d'opérations militaires, domaine
d'action (au propre et au figuré),
et campagne,
par opposition à urbs
(la ville),
tous sens repris par le français.
Le
sens figuré s'est développé à partir du XVIe
siècle, à la fois en locutions (sur-le-champ,
1538 ; à tout bout de champ,
1611) et en emploi autonome au sens de domaine
d'action. Ce dernier a reçu en
technique l'acception restreinte de secteur
délimité, réalisée dès le XIIIe
siècle en héraldique et qui a fait fortune en optique (1753),
désignant à la fois le secteur dont tous les points sont vus dans
un instrument, la portion d'image enregistrée par l’œil (champ
visuel) ou, récemment, par la
caméra (1911 ; d'où hors-champ,
contrechamp,
1929).
Au
cours du XXe
siècle, le mot est entré dans d'autres vocabulaires scientifiques :
anatomie, physique avec champ
magnétique (1854), champ
électrique (1881), champ
de force (1881) etc., mathématiques,
linguistique
avec champ sémantique
(ensemble structuré de sens)
traduit de l'allemand Begriffsfeld
(Just Trier [linguiste allemand,
1894-1970, pour qui « chaque
langue représente un système unique de représentations et de
catégorisations du monde »]),
champ lexical
(ensemble structuré de mots),
champ conceptuel
(ensemble structuré de concepts),
champ notionnel
(ensemble structuré de notions),
sociologie, etc.
Déterminer
un champ,
en linguistique, c'est chercher à dégager la structure
d'un domaine donné ou en proposer
une structuration.
Les
champs linguistiques
comprennent aussi bien le champ
sémantique d'un mot (par exemple
avec le mot père
: celui
qui a un ou plusieurs enfants, le
grand-père, le
père de famille, le
père putatif (que l'on pense
être tel), le
père adoptif, le
père nourricier, le
beau-père, le
père d'une lignée (l'ancêtre,
le patriarche), le
père spirituel, le
Saint-Père (le pape), les
Pères de l'Église, le
Révérend Père, etc.),
le
champ lexical d'une famille de mots
(par exemple avec les mots père,
mère,
frère,
soeur :
auteur,
géniteur,
papa,
aïeul,
ancêtre,
ascendant,
chef,
origine,
patriarche,
souche,
tige,
créateur,
fondateur,
parents,
maman,
cause,
source,
génitrice,
mère
poule, matrice,
fils,
fille,
frangine,
enfant,
frangin,
frérot),
ou
le champ lexical d'une réalité
extérieure à la langue (exemple
avec le mot la
parenté : l'affinité,
l'alliance,
l'apparentement,
la
consanguinité, la
famille, le
lignage, la
filiation, dans différentes
sociétés et dans différents pays).
Dès
lors qu'ils sont partie prenante d'un énoncé et non pas considérés
isolément comme des unités purement syntaxiques ou grammaticales,
les mots entrent dans des réseaux de
significations et se font écho
à l'intérieur d'un texte.
On
nomme champ sémantique
l'ensemble des sens ou des nuances
couverts par l'emploi d'un mot récurrent ou non. L'étude du champ
sémantique permet d'apprécier les différents
sens, emplois et valeurs d'un terme,
selon le contexte
dans lequel il est utilisé. Un mot qui présente de nombreuses
occurrences (par exemple le terme changer
a pour occurrences changeant,
changé, le changement, etc.) à
l'intérieur d'un texte, dans des contextes variés, et dont le champ
sémantique est large, est qualifié de mot-thème.
Le
champ lexical
On
appelle champ lexical
l'ensemble des mots qui peuvent se
regrouper autour d'un même thème ou d'une même notion.
On établit les champs lexicaux d'un énoncé en tentant des
rapprochements fondés sur la contiguïté des significations, sur la
parenté des thèmes, et en étudiant les interférences entre les
champs lexicaux, qui peuvent être la source d'images prolongées. Le
croisement de deux ou plusieurs champs lexicaux présents dans un
texte, permet de mettre en évidence le fonctionnement des images
structurantes et d'en dégager des
métaphores,
des allégories
ou des symboles.
Dans
un texte plus long qu'un poème ou qu'un extrait de roman ou qu'une
nouvelle, la présence récurrente de certains champs lexicaux crée
des échos
et des parallélismes de sens
que l'on nomme motifs.
Lorsqu'ils sont établis, les motifs d'une œuvre permettent de
mettre en lumière les idées clés,
les passions,
les hantises
parfois, conscientes ou non, bref le style
de l'écrivain, et de révéler les sens
profonds d'un texte.
Par
exemple, dans cet extrait de L'Or
(1925), de Blaise Cendrars
[écrivain
français d'origine suisse, 1887-1961],
où l'on peut repérer et regrouper tous les mots ayant un sème
commun [un
sème
est un élément de sens permettant le rapprochement entre certains
termes]. On peut regrouper dans
une seule isotopie
(secteur du réel) de nombreux mots qui tous appartiennent au champ
lexical de la parole
: menteurs,
bavards, vantards, hâbleurs, taciturnes, mot immense, récits,
disent, parlent... Certains de
ces termes sont en outre affectés d'un sème
supplémentaire, celui d'une parole
excessive ou déformante. À partir
de cette isotopie simple, plus précisément d'une isotopie
lexicale (ou association
de mots présentant au moins un élément de sens en commun),
va se dégager le motif
de la représentation fabuleuse de l'Ouest américain, fondée sur la
reproduction et la déformation des récits initiaux.
Un
jour, il a une illumination. Tous, tous les voyageurs qui ont défilé
chez lui, les menteurs, les bavards, les vantards, les hâbleurs, et
même les plus taciturnes, tous ont employé un mot immense qui donne
toute sa grandeur à leurs récits. Ceux qui en disent trop comme
ceux qui n'en disent pas assez, les fanfarons, les peureux, les
chasseurs, les outlaws, les trafiquants, les colons, les trappeurs,
tous, tous, tous, tous parlent de l'Ouest, ne parlent en somme que de
l'Ouest.
L’Ouest.
Mot
mystérieux.
Qu'est-ce
que l'Ouest ?
Quatre
procédés conduisent à la constitution
d'un champ lexical : la désignation
(par synonymie, définition, explications...), la caractérisation
(par adjectifs, adverbes, verbes), les propos
(ce qu'on pense du thème), et l'apparition de connotations
(sens second,
ou sens particulier que prend un mot ou un énoncé en fonction du
contexte situationnel).
Quant
à la constitution d'un champ sémantique, la condition
première est la répétition d'un mot ou de ses occurrences.
À chaque répétition, le mot se charge de connotations (une
connotation est un sens particulier que prend un mot ou un énoncé
en fonction du contexte situationnel) nées du contexte ou se nuance
lors d'échanges connotatifs entre mots proches.
>
Extrait de Terre des
hommes (1939)
d'Antoine de Saint-Exupéry
(pp. 9 et 57-61),
où les métaphores
sont en majuscule.
LA
TERRE nous en apprend plus long sur nous que tous LES LIVRES. Parce
qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec
l'obstacle. Mais, pour l'atteindre, il lui faut UN OUTIL. Il lui faut
UN RABOT, ou UNE CHARRUE. Le paysan, dans son labour, arrache peu à
peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu'il dégage est
universelle. De même L'AVION, l'outil des lignes aériennes, mêle
l'homme à tous les vieux problèmes.
J'ai
toujours, devant les yeux, l'image de ma première nuit de vol en
Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des
étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine. [Attention !
le mot « comme »
introduit une comparaison et non une métaphore]
Chacune
signalait, dans cet OCÉAN DE TÉNÈBRES, LE MIRACLE d'une
CONSCIENCE. Dans ce foyer, ON LISAIT, ON RÉFLÉCHISSAIT, on
poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait
à sonder l'espace, on s'usait en calculs sur la nébuleuse
d'Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient CES FEUX DANS
LA CAMPAGNE qui réclamaient leur NOURRITURE. Jusqu'aux plus
discrets, celui du poète, de l'instituteur, du charpentier. Mais
parmi ces ÉTOILES VIVANTES, combien de FENÊTRES FERMÉES, combien
D'ÉTOILES ÉTEINTES, combien D'HOMMES ENDORMIS...
[…]
L'usage
d'un instrument savant n'a pas fait de toi [Guillaumet], un
technicien sec. Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui
s'effraient par trop de nos progrès techniques. Quiconque lutte dans
l'unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui
vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas
un but : c'est un outil. Un outil comme la charrue.
Si
nous croyons que la machine abîme l'homme c'est que, peut-être,
nous manquons un peu de recul pour juger les effets de
transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que
sont les cent années de l'histoire de la machine en regard des deux
cent mille années de l'histoire de l'homme ? C'est à peine si
nous nous installons dans CE PAYSAGE DE MINES ET DE CENTRALES
ÉLECTRIQUES. C'est à peine si nous commençons d'habiter CETTE
MAISON NOUVELLE, que
nous n'avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite
autour de nous : rapports humains, conditions de travail,
coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses
bases les plus intimes. Les notions de séparation, d'absence, de
distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne
contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde
aujourd'hui [1939], nous usons d'un langage qui fut établi pour le
monde d'hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à
notre nature, pour la seule raison qu'elle répond mieux à notre
langage.
Chaque
progrès nous a chassés un peu plus loin hors d'habitudes que nous
avions à peine acquises, et NOUS sommes véritablement DES ÉMIGRANTS
qui n'ont pas fondé encore leur patrie.
Nous
sommes tous de jeunes barbares que nos jouets neufs émerveillent
encore. Nos courses d'avion n'ont point d'autre sens. Celui-là monte
plus haut, court plus vite. Nous oublions pourquoi nous le faisions
courir. La course, provisoirement, l'emporte sur son objet.
[…]
Nous
étions autrefois en contact avec une usine compliquée. Mais
aujourd'hui nous oublions qu'un moteur tourne. Il répond enfin à sa
fonction, qui est de tourner, comme un cœur bat, et nous ne prêtons
point, non plus, attention à notre cœur. Cette attention n'est plus
absorbée par l'outil. Au-delà de l'outil, et à travers lui, c'est
la vieille nature que nous retrouvons, celle du jardinier, du
navigateur, ou du poète.
[...]
Il
faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer
avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la
campagne.
>
Exercices et consignes d'écriture.
Composer
un texte d'une vingtaine de lignes en utilisant des métaphores
construites à l'aide des comparés/comparants suivants :
L'esprit/le
vent qui souffle, l'enfant/un arbre, Mozart/un arbre protégé
entouré cultivé, l'homme/une machine à piocher et à cogner, la
camaraderie/une cordée d'hommes unis pour atteindre un même sommet,
l'amour/regarder ensemble dans la même direction, une
mer/les nuages, un ruisseau/un père nourricier, un vieil omnibus
branlant/une chrysalide grise, un
orage/des dragons noirs et des crêtes couronnées d'une chevelure
d'éclairs bleus, des trombes marines/les piliers noirs d'un temple,
la terre/un grain de poussière égaré parmi les constellations, la
terre/des
livres,
l'outil/un
rabot/une charrue/un avion, un océan/les ténèbres, un
miracle/la conscience, une
conscience/des
feux dans la campagne, on lisait on réfléchissait/la nourriture,
ces feux dans la campagnes/des étoiles vivantes, des hommes
endormis/des fenêtres fermées/des étoiles éteintes, ce
paysage de mines et de centrales électriques/cette
maison nouvelle, nous (les hommes)/des émigrants.
Cela
pourrait donner ceci :
Assis
au fond d'un
vieil omnibus branlant, chrysalide grise qui annonce
par son ancienneté même toute
une flotte de bus puissants et rapides comme des fusées, assis près
de la fenêtre le front collé à la vitre, j'observe, effrayé,
l'orage qui illumine l'obscurité de la nuit, et le combat des
dragons noirs aux
crêtes couronnées d'une chevelure d'éclairs bleus. La
plaine sans fin recouverte de nuit nous laisse la traverser, et elle
doit rire tout bas de nos vains efforts sans cesse déployés pour
parvenir à notre but : trouver au bout du voyage notre
condition d'homme, car si
on n'est pas, on ne naît
pas homme, on le devient.
Nous
sommes tous des émigrants, tous des hommes de terre, de glaise
animée d'un esprit, d'un souffle qui telles ces rafales de vent qui
poussent le bus encore plus vite vers son but ultime, nous bousculent
nous dérangent nous font trébucher.
Assis
au fond du
vieil omnibus branlant, j'observe,
inquiet, un paysage de
mines et de centrales électriques, cette
maison, nouvelle à
l'homme pourtant construite par lui et pour lui, aux fenêtres
fermées, aux portes cadenassées, qu'il n'habite qu'endormi.
Au-delà
de la tempête qui nous enserre, le chauffeur les passagers moi les
autres, luisent les étoiles, scintillent les lumières de la
connaissance et de la fraternité, resplendissent les feux dans la
campagne.
Et maintenant...
À vous de jouer - et
d'écrire,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
=>
Remarque : la bibliographie qui suit donne les références
des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers
hebdomadaires et mensuels.
Pour
connaître plus précisément le numéro de la page qui traite de la
notion recherchée, consulter la bibliographie qui se trouve à la
fin de chaque atelier hebdomadaire. Par exemple, pour la
métaphore, voir la
bibliographie à la fin de l'Atelier n°22,
publié le mardi 7
mai
2013.
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse.
>
Encyclopædia
Universalis 2009, édition numérique.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
GREVISSE Maurice, 1993. Le
bon usage : grammaire française.
Paris, Duculot. 13e éd.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol.
>
SAINT-EXUPÉRY Antoine de. Terre
des hommes.
Paris, Gallimard, 1993, 213 p.
>
THERON Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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