samedi 8 mars 2014

Atelier d'écriture VIII avec L'Oeuvre au Noir de Marguerite Yourcenar



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L a P U B L i a n c e

atelier d'écriture et publication

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Atelier d'écriture VIII



Mot-valise et néologisme avec

L’Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar



Sommaire



> Extrait de L’Œuvre au Noir (1968) de Marguerite Yourcenar, pp. 336-338.

> Qui était Marguerite Yourcenar ?

> Que raconte L’Œuvre au Noir ?

> Qu'est-ce qu'un mot-valise ? Qu'est-ce qu'un néologisme ?

> Extrait de L’Œuvre au Noir (1968, pp. 336-338) de Marguerite Yourcenar, où certains mots (en majuscule) seront repris dans la consigne.

> Exercices et consignes d'écriture.



***



> Extrait de L’Œuvre au Noir (1968) de Marguerite Yourcenar, pp. 336-338.



Il bâilla. Ces alternatives ne l'intéressaient plus. Il enleva ses souliers alourdis par le sable, enfonçant avec satisfaction ses pieds dans la couche chaude et fluide, cherchant et trouvant plus bas la fraîcheur marine. Il ôta ses habits, plaça précautionneusement sur eux son bagage et ses pesantes chaussures, et s'avança vers la mer.

La marée baissait déjà : de l'eau jusqu'à mi-jambe, il traversa des flaques miroitantes, et s'exposa au mouvement des vagues.

Nu et seul, les circonstances tombaient de lui comme l'avaient fait ses vêtements. […] Rien dans cette immensité n'avait de nom : il se retint de penser que l'oiseau qui pêchait, balancé sur une crête, était une mouette, et l'étrange animal qui bougeait dans une mare ses membres si différents de ceux de l'homme une étoile de mer.

La marée baissait toujours, laissant derrière elle des coquillages aux spirales aussi pures que celles d'Archimède ; le soleil montait insensiblement, diminuant cette ombre humaine sur le sable. […] Dans ce monde sans fantômes, la férocité même était pure : le poisson qui frétillait sous la vague ne serait dans un instant qu'un sanglant bon morceau sous le bec de l'oiseau pêcheur, mais l'oiseau ne donnait pas de mauvais prétextes à sa faim. Le renard et le lièvre, la ruse et la peur, habitaient la dune où il avait dormi, mais le tueur ne se réclamait pas de lois promulguées jadis par un renard sagace ou reçues d'un renard-dieu ; la victime ne se croyait pas châtiée pour ses crimes et ne protestait pas en mourant de sa fidélité à son prince. La violence du flot était sans colère. La mort, toujours obscène chez les hommes, était propre dans cette solitude. Un pas de plus sur cette frontière entre le fluide et le liquide, entre le sable et l'eau, et la poussée d'une vague plus forte que les autres lui ferait perdre pied ; cette agonie si brève et sans témoin serait un peu moins la mort. Il regretterait peut-être un jour cette fin-là. Mais il en était de cette possibilité comme des projets d'Angleterre ou de Zélande, nés de craintes de la veille ou de dangers futurs absents de ce moment sans ombre, plans formés par l'esprit et non nécessité s'imposant à l'être. L'heure du passage n'avait pas encore sonné.

Il revint vers ses vêtements, qu'il eut quelque peine à retrouver, recouverts comme ils l'étaient déjà par une légère couche de sable. Le recul de la mer avait en peu de temps changé les distances. La trace de ses pas sur la grève humide avait été immédiatement bue par l'onde ; sur le sable sec, le vent effaçait toutes les marques.

Son corps lavé avait oublié la fatigue. Une autre matinée au bord de la mer se raccordait de plain-pied à celle-ci, comme si ce bref interlude de sable et d'eau durait depuis dix ans.



> Qui était Marguerite Yourcenar ?



Première femme élue à l'Académie française en 1980, Marguerite de Crayencour (1903-1987), dite Marguerite Yourcenar (anagramme de son nom à une lettre près) était une romancière et une essayiste française. Nourrie d'une culture humaniste qui explique son amour de la Grèce (elle a présenté une anthologie des poètes de l'Antiquité grecque avec La Couronne et la lyre, en 1979, traduit Pindare, etc.), Marguerite Yourcenar a voyagé en Suisse, en Italie, avant de séjourner aux États-Unis, où elle se fixa en 1949.



Elle est l'auteure de romans : Alexis ou le Traité du vain combat (1929), Le Coup de grâce (1939), Denier du rêve (1959) ; de poèmes, d'essais : Les Songes et les sorts (1938), Sous bénéfice d'inventaire (1962) ; de pièces de théâtre, de mémoires, de traductions : Les Vagues de Virginia Woolf (1937), Ce que Maisie savait de Henry James (1947), etc.



Un roman historique intitulé Mémoires d'Hadrien (1951), où elle livre par le biais des mémoires imaginaires de l'empereur (acceptant sereinement les charges et la mort) une réflexion lucide sur la fin des civilisations, lui valut une réputation internationale, tandis que L’Œuvre au Noir lui permit d'obtenir à l'unanimité le Prix Femina 1968.



> Que raconte L’Œuvre au Noir ?



L’Œuvre au Noir est l'histoire d'un personnage fictif, Zénon, médecin, alchimiste, philosophe, depuis sa naissance illégitime à Bruges en l'an 1510 (Bruges est une ville de Belgique en région flamande, située à 13 km de la mer du Nord), jusqu'à la tragique catastrophe qui termine sa vie.

Nous le suivons dans ses voyages à travers l'Europe et le Levant de son temps (le Levant est la frange côtière de l'Espagne orientale), dans ses travaux de médecin des pestiférés et des pauvres et de médecin de cour, dans ses recherches en avance sur la science officielle de son siècle, dans ses expériences de l'esprit et de la chair et son dangereux faufilement entre la révolte et le compromis.



L’Œuvre au Noir évoque un XVIe siècle insolite, tout ensemble journalier et souterrain, vu des perspectives de la grand-route, de l'officine, du cloître, de la taverne, et finalement de la prison. Le titre est emprunté à une vieille formule alchimique : « l’œuvre au noir » était la phase de séparation et de dissolution de la matière qui constituait pour les alchimistes la partie la plus difficile du Grand Œuvre. Elle symbolisait aussi les épreuves de l'esprit se libérant des routines et des préjugés.



Le héros de L’Œuvre au Noir se veut ardemment en quête de la vérité sur le mystère de la vie, au sein d'un XVIe siècle où s'affrontent le Moyen Âge et la Renaissance et où apparaît un nouvel humanisme.

L'histoire de la vie de Zénon se déroule en trois parties :

Première partie : la vie errante (le grand chemin, les enfances de Zénon, les loisirs de l'été, la fête à Dranoutre, le départ de Bruges, la voix publique, la mort à Münster, les Fugger de Cologne, la conversation à Innsbruck, la carrière d'Henri-Maximilien).



Deuxième partie : la vie immobile (le retour à Bruges, l'abîme, la maladie du prieur, les désordres de la chair, la promenade sur la dune, la souricière).



Troisième partie : la prison (l'acte d'accusation, une belle demeure, la visite du chanoine, la fin de Zénon).



> Qu'est-ce qu'un mot-valise ? Qu'est-ce qu'un néologisme ?



Les notions de mot-valise et de néologisme ont été abordées lors de l'atelier d'écriture n°38 (samedi 15 septembre 2012) intitulé : J'emporte un mot-valise, tu crées un néologisme, il (elle) fait un calembour.



La vie des mots

Les mots d'une langue sont en perpétuelle évolution : ils naissent, vieillissent et meurent, et le lexique reflète les évolutions culturelles, idéologiques et technologiques d'une société. La création de mots nouveaux, ou néologismes, peut se faire par dérivation, composition ou emprunt.

Un mot dérivé est créé par adjonction à un radical (ou base) d'affixes que sont les préfixes (par exemple : charger -> charger) et les suffixes (par exemple : rapide -> rapideMENT).

On forme des termes nouveaux en ajoutant un suffixe à un radical (par exemple : l'informaTIQUE, la domoTIQUE), tandis que la composition consiste à créer un mot à partir de plusieurs termes ayant un sens autonome (par exemple : un procès-verbal, un abat-jour). On distingue les mots composés à partir d'éléments du français et ceux composés à partir d'éléments grecs ou latins (exemple : HÉLIOtrope).

Les emprunts à d'autres langues sont fort anciens (mots italiens à la Renaissance) ou plus récents (mots anglo-américains comme baby-sitter, charter).



Les mots changent de forme mais aussi de sens La signification d'un mot n'est jamais figée et s'inscrit dans des évolutions sémantiques. Le signifié d'un mot évolue au cours des époques. Ainsi l'évolution des mœurs, des techniques, des pratiques culturelles, etc., expliquent l'évolution sémantique des nombreux mots (exemple avec le verbe dîner qui désignait initialement le repas du matin, a désigné ensuite celui du midi et enfin celui du soir).

Les glissement sémantiques peuvent être dus à l'usure des mots ou, plus souvent, à l'emploi nouveau d'un mot existant, qui voit alors son sens s'étendre (exemple avec le mot souris qui désigne par métaphore une commande d'ordinateur).



La grammaire comparée permet de grouper les langues en familles. Les langues de l'Europe se répartissent en deux familles : la famille finno-ougrienne et la famille indo-européenne, à laquelle appartient le français.

La famille indo-européenne réunit un grand nombre de langues d'Asie et d'Europe. La famille indo-européenne d'Europe regroupe le groupe hellénique (le grec), le groupe germanique (l'anglais, l'allemand, le néerlandais, le suédois, etc.), le groupe balto-slave (le russe, le polonais, etc.) et le groupe italo-celtique.

Le groupe italo-celtique se subdivise en branche celtique et en branche italique. Dans la première se trouvent le gaulois, qui régnait en Gaule avant la conquête romaine, le breton, encore vivant dans l'ouest de la Bretagne, ainsi que des dialectes parlés dans les îles Britanniques (gaélique, gallois, irlandais).

La langue la plus importante de la branche italique est le latin, d'où sont issues les langues romanes, notamment le français.



Le français est une langue romane, c'est-à-dire que, comme l'italien, l'espagnol, le portugais, le catalan, le roumain, l'occitan ou le provençal, le sarde, il est issu de l'évolution du latin. La diffusion du latin s'est faite, non pas tellement par les écoles, mais par les relations de personnes, notamment avec les commerçants, les soldats, les fonctionnaires romains, qui ont répandu non pas un latin classique ou littéraire (apparu en réaction après la généralisation du latin vulgaire), mais un latin parlé, soit une langue quotidienne, populaire et familière, le latin vulgaire qui se distinguait du latin classique ou littéraire par sa liberté et son expressivité.

Le latin vulgaire a pris, selon les régions, des formes différentes, qui se sont développées de plus en plus librement au fur et à mesure que diminuait la force centralisatrice de Rome. Les invasions germaniques ont eu d'importantes conséquences linguistiques, car en détruisant l'unité romaine, elles ont fait disparaître le latin (notamment dans la Belgique flamande, en Alsace, dans le nord de la Suisse, en Grande-Bretagne). En Gaule du nord, les Francs ont constitué une classe dirigeante, et leur langue, le francique, a donné au français un assez grand nombre de mots.



Vers l'an 800, le latin du nord de la Gaule a pris des caractères assez particuliers pour qu'il ne puisse plus se confondre avec le latin véritable, que la réforme des études à l'époque de Charlemagne avait d'ailleurs restitué comme langue de culture. D'importantes évolutions phonétiques se produisent encore en ancien français, qui achèvent de séparer le français des autres langues romanes.

D'un point de vue morphologique, l'ancien français se caractérisait notamment par une déclinaison à deux cas, le cas sujet (pour le sujet et l'attribut), continuant le nominatif latin, et le cas régime (pour tous les compléments), continuant l'accusatif latin. Exemple avec le mot le mur : qui donnait li murs (en latin murus) au cas sujet singulier, et li mur (en latin muri) au cas sujet pluriel, et qui donnait le mur (en latin murum) au cas régime singulier, et les murs (en latin muros) au cas régime pluriel.



Le moyen français, que l'on situe du milieu du XIVe siècle à la fin du XVIe siècle, vit la disparition de la déclinaison et plus précisément la disparition du cas sujet, mais aussi d'autres phénomènes : le pronom personnel sujet devient obligatoire, l'article aussi, etc. ; De plus le français sert à des usages jusque-là réservés au latin (écrits scientifiques avec les traductions d'Aristote, et administratifs avec les premières chartes), ce qui exige un enrichissement du vocabulaire : de nombreux mots sont empruntés au latin, à l'italien et au grec.



Le français moderne naît avec le XVIIe siècle. La phonétique et la morphologie n'auront plus dorénavant d'évolution notable, à part le triomphe de la prononciation [wa] (soit le son « oua » de froid, ou croire) et le remplacement de « l » mouillé par yod. Le lexique connaîtra des enrichissements sensibles par le développement des sciences et des techniques, par l'influence des pays anglo-saxons, par le renouvellement des institutions avec la Révolution de 1789. Le français moderne achève de conquérir les derniers bastions du latin : la philosophie, le droit, la science et la théologie. D'autre part, le français, langue d'une minorité, devient à partir du XIXe siècle la langue de la majorité, grâce à l'enseignement, aux moyens de communication (presse, etc.), aux brassages sociaux (conscription, guerres, exode des campagnes vers les villes).



Au XVIIe siècle, on prend conscience que le français vaut le latin, et l'on croit qu'il est arrivé à un état de perfection qu'il faut maintenir. L'Académie française est fondée en 1635 pour « travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue, et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». Les grammairiens obtiennent le droit de régenter la langue, de distinguer ce qui est bien et ce qui est mal. À cela s'ajoute le prestige des grands écrivains classiques : ils sont reconnus comme modèles dans l'art d'écrire. De là naîtra la différence entre un français classique ou littéraire et un français courant, regroupés dans un français contemporain illustré par des auteurs des deux derniers siècles.

Il est important de distinguer une bonne langue écrite d'une mauvaise, différenciée en cela par : sa clarté (c'est la condition même pour que le but de la communication soit atteint, pour que le message soit compris du destinataire), sa correction (les critères sont variables suivant l'utilisation de la langue), sa variété (préférer l'emploi des synonymes, de l'ellipse et de la suppléance plutôt que l'emploi de la répétition d'un même mot et de l'uniformité des constructions grammaticales), son harmonie (le rythme et les sonorités) et sa concision (éviter le pléonasme et la tautologie).



Le langage est un code qui a pour fonction essentielle de permettre la communication entre des interlocuteurs ; si certains énoncés sont tout simplement informatifs, d'autres permettent l'expression de sentiments ou une réflexion esthétique et analytique sur la langue elle-même. Le langage a d'autres fonctions que la communication entre les hommes : notamment, il sert d'expression, de support à la pensée.



Le mot-valise et le néologisme

Le mot-valise et le néologisme sont deux notions très proches, qu'il ne faut cependant pas confondre. Tandis que le mot-valise (notion qui apparaît en 1953) est un « mot composé d'éléments non signifiants de deux ou plusieurs mots », le néologisme (mot apparu en 1735) quant à lui est un « mot nouveau ou un sens nouveau donné à un mot ancien ».



Le mot-valise

Le mot-valise : expression créée en 1953 par G. Ferdière pour traduire le « portmanteau word » (en anglais) de Lewis Carroll. La formation de mots-valises est très productive en américain, par exemple : motor (car) et hotel (en anglais) donnent motel.



Le mot-valise désigne un « composé formé avec un élément (syllabe, initiale...) prélevé à plusieurs mots ». Par exemple : Borgiaque, de Beckett, est formé de Borgia et de orgiaque ; Amphibiguïté, de Ponge, est composé de amphibie et de ambiguïté ; Un malentendur : c'est un malentendu qui dure (toujours trop longtemps), composé de malentendu et de durer ; Un bachelièvre est un bachelier rapide et rusé, et est composé de bachelier et de lièvre.



On parle aussi de mot-forgé ou de forgerie ; Toutefois, le mot-forgé étant un mot dont le signifiant (le sens) est inventé par l'auteur, il peut être complètement incompréhensible et désorienter le lecteur, par exemple : un scabitor a pitelé les dréfales, peut faire penser - ou pas - à : un scribe a perdu les pédales, ou, un scarabée a parlé d'un désastre, etc. Les effets de l'emploi d'un mot-forgé sont le dépaysement, l'impression de gratuité, la fantaisie cocasse, la poésie et la musicalité.



Le néologisme

Néologisme est un mot formé de néo- (jeune, récent, neuf) et -logie (théorie, discours, logique), et qui signifiait à l'origine (1734) une « tendance fautive à abuser des mots nouveaux ». « On oppose ainsi vers la fin du XVIIIe siècle la création nécessaire de modes d'expression nouveaux (la néologie) et l'abus des nouveautés par rapport à la norme (le néologisme) ». Encore aujourd'hui, on utilise la valeur péjorative du mot pour exprimer son sentiment face à un emploi immodéré de mots nouveaux et de notions nouvelles. « Au XIXe siècle, le mot néologisme entre dans le vocabulaire de la linguistique avec une valeur objective : mot, locution récemment attesté ».



Les néologismes sont rendus nécessaires par les progrès des sciences et des techniques, par les nombreuses innovations technologiques, et par les appropriations culturelles des différentes générations. Ainsi, le lecteur de CD a remplacé le tourne-disque, le CD a remplacé le disque-compact, sont apparus : le cyberespace, le e-commerce, etc.



Il est intéressant de noter qu'au sens strict, le mot-valise n'est pas un néologisme, dans la mesure où le mot n'est pas attesté ; et pourtant, d'une manière générale, on considère le mot-valise comme un néologisme, dans la mesure où l'un comme l'autre sont des inventions, obtenues par déformation, dérivation, composition ou emprunt.



Par ailleurs, un néologisme est aussi un mot en général ancien et tombé en désuétude, employé avec un sens nouveau. Par exemple : « l'extravagante priapée des gratte-ciel » (Julien Gracq (1910-2007). La priapée est le nom féminin donnée à une pièce de poésie licencieuse ; Dans la mythologie gréco-romaine, Priape était le dieu des jardins et de l'amour physique. Ou encore : « Il va nous mésarriver quelque chose » (Georges Hyvernaud), le verbe mésarriver, ou mésavenir, ou bien mésadvenir, signifie arriver malheur, et n'est plus guère employé. L'auteur sous-entend qu'il va arriver quelque chose de négatif et de malheureux.



> Extrait de L’Œuvre au Noir (1968, pp. 336-338) de Marguerite Yourcenar, où certains mots (en majuscule) seront repris dans la consigne.



Il BÂILLA. Ces alternatives ne l'INTÉRESSAIENT plus. Il ENLEVA ses souliers ALOURDIS par le sable, enfonçant avec SATISFACTION ses pieds dans la couche chaude et FLUIDE, cherchant et trouvant plus bas la fraîcheur marine. Il ÔTA ses habits, PLAÇA précautionneusement sur eux son BAGAGE et ses pesantes chaussures, et S'AVANÇA vers la mer.

La marée BAISSAIT déjà : de l'eau jusqu'à mi-jambe, il TRAVERSA des flaques MIROITANTES, et S'EXPOSA au mouvement des VAGUES.

Nu et seul, les circonstances TOMBAIENT de lui comme l'avaient fait ses VÊTEMENTS. […] Rien dans cette immensité n'avait de nom : il SE RETINT de penser que l'oiseau qui PÊCHAIT, balancé sur une crête, était une MOUETTE, et l'étrange animal qui BOUGEAIT dans une MARE ses membres si différents de ceux de l'homme une ÉTOILE de mer.

La marée BAISSAIT toujours, laissant derrière elle des coquillages aux spirales aussi pures que celles d'Archimède ; le soleil MONTAIT insensiblement, diminuant cette OMBRE humaine sur le sable. […] Dans ce monde sans FANTÔMES, la férocité même était pure : le poisson qui FRÉTILLAIT sous la vague ne serait dans un INSTANT qu'un sanglant bon morceau sous le BEC de l'oiseau pêcheur, mais l'oiseau ne DONNAIT pas de mauvais prétextes à sa FAIM. Le renard et le lièvre, la ruse et la peur, HABITAIENT la DUNE où il avait dormi, mais le tueur ne SE RÉCLAMAIT pas de lois promulguées jadis par un renard SAGACE ou reçues d'un renard-dieu ; la victime ne SE CROYAIT pas CHÂTIÉE pour ses crimes et ne PROTESTAIT pas en mourant de sa FIDÉLITÉ à son prince. La violence du flot était sans COLÈRE. La MORT, toujours obscène chez les hommes, était propre dans cette SOLITUDE. Un pas de plus sur cette frontière entre le fluide et le liquide, entre le sable et l'eau, et la poussée d'une vague plus forte que les autres lui ferait perdre pied ; cette AGONIE si brève et sans témoin serait un peu moins la mort. Il REGRETTERAIT peut-être un jour cette fin-là. Mais il en était de cette possibilité comme des PROJETS d'Angleterre ou de Zélande, nés de craintes de la veille ou de dangers futurs absents de ce MOMENT sans ombre, plans formés par l'esprit et non nécessité s'imposant à l'être. L'heure du PASSAGE n'avait pas encore sonné.

Il REVINT vers ses vêtements, qu'il eut quelque peine à retrouver, recouverts comme ils l'étaient déjà par une légère couche de SABLE. Le recul de la mer avait en peu de temps changé les distances. La TRACE de ses pas sur la grève humide avait été immédiatement BUE par l'onde ; sur le sable SEC, le vent EFFAÇAIT toutes les marques.

Son corps lavé avait oublié la FATIGUE. Une AUTRE matinée au bord de la mer SE RACCORDAIT de plain-pied à celle-ci, comme si ce BREF interlude de sable et d'eau DURAIT depuis dix ANS.



> Exercices et consignes d'écriture.



Remplacer les mots en majuscule dans l'extrait de texte cité ci-avant, par des mots-valises ou des néologismes. Ou bien, créer des mots-valise et des néologismes à partir de mots choisis dans l'extrait de texte cité ci-avant. Puis les utiliser dans un court récit d'une trentaine de lignes.



Avec les mots suivants :

- bâiller : s'embâiller (mot-valise) qui signifie : bâiller d'ennui.

- intéresser : chaloir (mot ancien tombé en désuétude), il ne me chaut, point ne m'en chaut.

- enlever : retilever ou retiver (mot-valise) qui signifie : retirer ses chaussures.

- alourdis : balourdir (mot-valise) qui signifie : devenir balourd et maladroit à cause d'un alourdissement.

- ôter : billoter (mot-valise) qui signifie : ôter ses billes ou ses vêtements.

- placer : placouvrir (mot-valise) qui signifie : placer en recouvrant.

- fluide : limouquide (mot-valise) qui signifie : liquide et mou.

- bagage : aroi ou harnois (mot ancien tombé en désuétude).

- miroitantes : réfulgent (mot ancien tombé en désuétude) qui signifie : luire, briller, replendir, étinceler ; ou bien : miroiceler (mot-valise) qui signifie : étinceler comme le reflet de la lumière dans un miroir.

- des vêtements : des soussurvestirs, se soussurvestir (mot-valise) qui signifie : enlever ses sous-vêtements, ses vêtements et ses chaussures. La vêture (mot ancien tombé en désuétude) ne comprend que les habits (sans les chaussures).



Cela pourrait donner ceci :

J'ai commencé par m'embâiller à m'en décrocher la mâchoire, puis je me suis soussurvesti, retivant mes sandales balourdies, billotant mon pantalon et ma chemise, lançant au loin mon caleçon déchiré. Il ne me chaut que ma vêture finisse en loques, et c'est sans harnois aucun que je plonge dans l'onde réfulgente, limouquide miroicelante. Etc.



Et maintenant...

À vous de jouer - et d'écrire,

À vos claviers, plumes et stylos !



Bibliographie :

=> Remarque : la bibliographie qui suit donne les références des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers hebdomadaires et mensuels.

Pour connaître plus précisément le numéro de la page qui traite de la notion recherchée, consulter la bibliographie qui se trouve à la fin de chaque atelier hebdomadaire. Par exemple, pour les notions de mot-valise et de néologisme, voir la bibliographie à la fin de l'Atelier n°38, publié le samedi 15 septembre 2012.



> BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis de français : langue et littérature. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).



> DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse.



> Le Grand Robert de la langue française, 2001, 2e éd. 6 vol.



> GREVISSE Maurice, 1993. Le bon usage : grammaire française. Paris, Duculot. 13éd.



> Le Petit Robert des noms propres, 2007.



> PEYROUTET Claude, 1994. Style et rhétorique. Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).



> REY Alain (dir.), 1994. Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Le Robert. 2 vol.



> THERON Michel, [199-?]. 99 réponses sur les procédés de style. Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Languedoc-Roussillon) du L.-R.



> VOLKOVITCH Michel. Verbier : herbier verbal. M. Nadeau, 2000.



> YOURCENAR Marguerite. L’Œuvre au Noir. Paris : Gallimard, 1979

(Folio, 798). 469 p.



Contact : numencegalerielitteraire@gmail.com



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