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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture
IX
La
libre-association et
l'écriture
automatique avec
Soleil
de nuit : poèmes
de
Jacques Prévert
Sommaire
>
Extraits
de Soleil
de nuit
(1936-1977)
de Jacques
Prévert,
pp. 64
et 194-195.
>
Qui était Jacques
Prévert
?
>
Présentation
de
Soleil
de nuit.
>
Que
sont l'écriture automatique et la libre-association
?
>
Extraits
de Soleil de nuit
(1936-1977, pp. 64
et 194-195) de Jacques
Prévert, où quelques
images surréalistes sont en majuscule.
>
Exercices et consignes d'écriture.
***
>
Extraits
de Soleil
de nuit
(1936-1977)
de Jacques
Prévert,
pp. 64
et 194-195.
Le
Strict superflu
(1946 ?)
Un
beau jour
Les
hommes qui fabriquent mangeront à leur faim
Et
ce qu'ils mangeront sera bon
très
bon
pas
bon comme la romaine
ou
bon pour le service
mais
simplement bon
comme
le bon pain
Un
beau jour
Les
hommes qui fabriquent dormiront leur content
et
ils auront de beaux rêves
de
belles amours
et
des draps blancs
et
de grandes orgues de Barbarie
qui
marcheront au quart de tour
et
qui joueront tous les jours
les
plus beaux airs du monde
et
les
plus difficiles
Parce
qu'un jour
les
hommes qui fabriquent
connaîtront
enfin la musique
***
Un
homme vient d'entrer...
(1972 ?)
Paris
Mil
neuf sans soixante douze
937
après J.-C.
Un
homme vient d'entrer sans frapper, sans se frapper, dans sa
soixante-dixième année.
-
Bonjour !
-
Quel temps fait-il ?
-
Il fait vite, mais si le cœur vous en dit il peut revenir sur ses
pas. Le temps, les années sont dedans mais ailleurs en même temps.
L'homme
qui vient d'entrer et qui retrouve des amis a le sourire aux lèvres,
ses amis ont le même, celui de l'amitié.
Pas
l'amitié « virile » des camps et des casernes, la
nostalgique fraternité des héros épargnés par la der des ders.
Non,
l'amitié comme l'amour, la chance, le vin, la mer ou le travail
heureux, accepté, partagé.
Et
l'homme, Steph Simon, c'est son nom, a mis cartes sur table, cartes
du tendre où les coups durs sont à demi effacés, cartes marines de
son quartier.
Et
il fait le point.
Phares
de Saint Germain de Flore ou de Saint Tropez des Prés. Quais des
cinq Pères, des Quatre mers et petit Havre des Six-Eaux.
Sur
les berges du boulevard saint Parking l'ombre des arbres condamnés,
exécutés, sans le moindre petit tocsin pour annoncer le massacre,
caresse encore la mémoire des passants qui savaient, qui pouvaient
passer, mais la rue de Rennes est en rade depuis qu'on a chassé le
Dragon de sa cour et madame la Gare de l'Ouest, chaque
jour, monte à sa tour.
Pour
voir venir.
Venir
quoi ? Les regrets du passé, les espoirs de demain passent dans
le même broyeur de ferrailles et de fleurs, de beautés et
d'horreurs. Aujourd'hui la vie est ainsi faite, à ce qu'il paraît,
disparaît, reparaît mais toujours elle est aussi fête et il
convient de la souhaiter.
70
années et celui qui est fêté quand on lui parle du « troisième
âge » ce new-look de la longévité, le fou rire le prend et
le garde un bon petit bout de temps. Il sait bien qu'il n'y a pas
tellement loin du siècle des lumières à celui du néon et très
loin est si près et aussitôt si tard qu'il n'est pas plus facile de
garder ses distances que de garder son sérieux.
Autant
chercher le quart d'heure de Rabelais dans les vingt-quatre heures du
Mans ou dans le septième discours sur la Méthode la quatrième
dimension de la quadrature du cercle de la cinquième roue du
carrosse du Saint-Sacrement.
Chacun
navigue à sa manière, lui sur son Bourru III d'autres sur leur
sous-marin nucléaire.
Sa
manière est la bonne et beaucoup la préfèrent.
>
Qui était Jacques
Prévert
?
Poète
français (1900-1977) hostile à toutes les forces d'oppression
sociale et capable d'ironie et de violence mais aussi de grâce et de
tendresse, dont la poésie célèbre, à l'usage d'un très large
public, les thèmes de la liberté, de la justice et du bonheur.
Jacques
Prévert a porté à son plus haut point d'efficacité burlesque la
technique de l'énumération, de l'inventaire et des jeux de langage.
Il
est l'auteur de nombreux recueils poétiques :
Paroles
(1945), Histoires
(1946), La
Pluie et le beau temps
(1955), Fatras
(1965), Choses
et autres
(1972), etc.
Il
intègre le groupe surréaliste en
1925
[groupe
fondé
en
1923 par André Breton (écrivain français, 1896-1966),
Louis
Aragon (écrivain
et poète français, 1897-1982),
Philippe Soupault (écrivain
français, 1897-1990) et
Paul Éluard (poète
français, 1895-1952) ;
loin
de s'affirmer par une rupture radicale, le surréalisme tel qu'André
Breton en a défini et illustré les ambitions, peut être considéré
comme l'aboutissement du romantisme autant que du symbolisme],
mais
assez vite il
entre
en dissidence avec Yves Tanguy [peintre
américain d'origine française, 1900-1955]
et
Marcel Duhamel [éditeur,
traducteur, scénariste et acteur français, 1900-1977],
avec
qui il
fonde le « Groupe de la rue du Château » [le
54 rue du Château, à Montparnasse, était l'adresse de Marcel
Duhamel],
groupe
auquel
viendront s'adjoindre Raymond Queneau [écrivain
français, 1903-1976, entré
à l'Académie
Goncourt en 1951 ; a créé en 1960 l'OuLiPo avec François Le
Lionnais ; acronyme de : Ouvroir de Littérature potentielle,
l'OuLiPo était
un atelier d'expérimentation littéraire qui cherchait
à réintroduire la notion de contrainte formelle dans la création
littéraire]
et
Michel Leiris [ethnologue
et écrivain français, 1901-1990].
De
1932 à 1936, il fait aussi partie de
la compagnie théâtrale
« Octobre », composée
d'intellectuels passionnés de théâtre militant, pour lesquels il
écrit des textes, des
poèmes
pour chœurs parlés ou des
saynètes
impromptues.
Parallèlement,
Jacques Prévert entreprend d'écrire pour le cinéma en tant que
scénariste et dialoguiste, et
en particulier pour
quelques-uns des plus grands films de Marcel Carné [cinéaste
français, 1906-1996] :
Jenny
(1936), Drôle
de drame
(1937), Quai
des brumes
(1938), Le
Jour se lève
(1939), Les
Visiteurs du soir
(1942), Les
Enfants du paradis
(1942) et Les
Portes de la nuit
(1946).
>
Présentation
de
Soleil
de nuit.
Soleil
de nuit
réunit des textes écrits par Jacques Prévert (plus d'une centaine)
entre 1936 et 1977 (année de sa disparition), inédits pour la
plupart, pour certains parus isolément dans des revues ou dans des
éditions à tirage limité.
On
y
trouve
aussi
bien des
poèmes : Lumières
d'homme
(1936), Couplet
(1946),
Les
Machinoutis
(1966),
Sizygie
(1969), etc. ; que
des textes accompagnant des photographies, des
collages ou
des gravures : Terres
cuites de Béotie
(1936), Eaux-fortes
(1973), Le
Jour des temps
(1975), etc. ; que
des
préfaces : Dominique
(1959), C'est
l'été...
(1975), etc. ;
ou
encore
des textes de chansons : Nuit
blanche
(1936), Complainte
de Gilles
(1944), Les
Feuilles mortes
(1947), Simple
comme bonjour
(1958).
>
Que
sont l'écriture automatique et la libre-association
?
Le
langage poétique a été abordé lors de nombreux ateliers,
intitulés :
=>
Vers à douze pieds
l'alexandrin, deux de moins, Un vers décasyllabe, l'on obtient
(atelier d'écriture n°6,
publié samedi 2 février 2013),
=>
L'oxymore ou le
clair-obscur
(atelier d'écriture n°23,
publié lundi 13 mai 2013),
=>
La poésie
française : poèmes et poétique, « C'est tout un poème »
(atelier d'écriture n°24,
publié samedi 18 mai 2013),
=>
Le surréalisme, la
libre-association, l'écriture automatique
(atelier d'écriture n°29,
publié lundi 17 juin 2013).
Dans
cet atelier ne seront abordées que les notions d'oxymoron,
d'écriture automatique
et de libre-association.
L'oxymoron
Le
nom masculin l'oxymoron est emprunté au grec (1765) oxumôron
(ingénieuse alliance de mots contradictoires), composé de
oxu- (aigu, fin, spirituel) et de môros (mou,
inerte, puis : sot,
bêta, stupide, fou), terme sans étymologie établie. Oxumôros
était employé en tant qu'adjectif au sens de fin, spirituel,
sous une apparence de niaiserie ou d'obscurité.
Cette
OBSCURE CLARTÉ qui tombe des étoiles. (Corneille)
Ce
terme de rhétorique désigne une alliance de deux mots
incompatibles, la réunion d'un mot et d'un autre mot exprimant
son contraire, à des fins stylistiques, pour leur donner plus de
force expressive. On emploie aussi la forme francisée oxymore.
Cette
BELLE LAIDEUR et cette DOUCE VIOLENCE d'un BONBON AMER.
Suit
un SILENCE ÉLOQUENT.
L'oxymoron
est une figure de style qui consiste à forger une expression
constituée de deux termes qui s'opposent. On distingue des oxymores
strictement perceptifs, ou immédiatement sensibles (voir les
exemples précédents), des oxymores de pensée, ou
intellectuels (exemples suivants).
Cette
PETITE GRANDE ÂME venait de s'envoler. (Victor Hugo)
Un
même oxymore peut être tantôt « de perception »,
tantôt « de pensée », exemple avec l'oxymore
« soleil noir »
:
À
certaines heures, la campagne était NOIRE DE SOLEIL, extrait
de : Noces, d'Albert Camus
[écrivain
français, 1913-1960, prix Nobel de littérature en 1957],
où le soleil,
ordinairement associé à sa clarté ou à la couleur claire, peut
aussi être aveuglant par son excès de clarté, et donc noir
; l'oxymore est dit « de perception »,
et,
Ma
seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte
le soleil noir de
la Mélancolie.
Extrait
de : El Desdichado, de Gérard
de Nerval [écrivain
français, 1808-1855], où le soleil,
naturellement associé à la chaleur et à la clarté, physique
autant que spirituelle, renvoie ici le poète à sa mélancolie
et à l'absence de chaleur et de lumière qui accompagne toute
mélancolie, donc noire est la mélancolie qui rayonne comme un
soleil (noir) ;
l'oxymore est dit « de pensée ».
Opposer
est une opération intellectuelle fondamentale, applicable à la
connaissance du réel. L'oxymore fait partie des écarts de style qui
mettent en valeur les oppositions. Il réunit deux mots ou
deux expressions de nature antithétiques pour les rendre identiques.
Cette alliance est donc la résolution d'une antithèse.
Printemps
après printemps, de belles fiancées
Suivirent
de CHERS RAVISSEURS...
Extrait
de : La Vigne et la Maison, d'Alphonse
de Lamartine [poète
français, 1790-1869, entré
à l'Académie française en 1829 ; membre du gouvernement provisoire
et ministre des Affaires étrangères en 1848].
L'oxymore
relève d'une vision dialectique [la
dialectique est l'ensemble des moyens mis en œuvre dans la
discussion en vue de démontrer, réfuter, emporter la conviction,
c'est la marche de la pensée reconnaissant l'inséparabilité des
contradictoires (thèse et antithèse), que l'on peut unir dans une
catégorie supérieure (la synthèse)]. Les contraires, qui
par définition, appartiennent à des isotopies (secteurs du réel)
différentes, sont unis dans une nouvelle isotopie.
Surgir
du fond des eaux le REGRET SOURIANT... (Baudelaire)
Attention
à ne pas confondre l'oxymoron et l'antithèse. L'antithèse
oppose des mots, des phrases ou des ensembles plus vastes dont le
sens est inverse ou le devient. Elle met en parallèle pour mieux
opposer. Elle systématise, met en évidence, valorise l'un des
éléments ou les deux, selon le contexte, sans résoudre leur
opposition. Par exemple : Niort
qui rit, Poitiers qui pleure (titre d'un article sportif, où
Niort est l'équipe de
football qui a gagné le match, et Poitiers
l'équipe de football qui a perdu).
Tu
t'es, en m'offensant, montré digne de moi ;
Je
me dois, par ta mort, montrer digne de toi.
Extrait
de : Le Cid (tirade de Chimène), de Pierre
Corneille [poète
dramatique français, 1606-1684, membre de l'Académie française en
1647].
L'antithèse
met en valeur la dualité d'une notion (vision manichéenne du réel),
tandis que l'oxymore réunit deux sens opposés pour en proposer un
troisième, synthèse des oppositions.
Philosophiquement,
l'oxymoron traduit une rupture avec le principe d'identité
hérité d'Aristote
[philosophe
grec, 384 avant J.-C.-322 avant J.-C., auteur entre autre de La
Poétique
et de La
Rhétorique], pour qui « A est A, et A n'est pas
non-A ». Il permet l'éclatement de la logique
aristotélicienne et l'accès à une logique plus profonde. Il ouvre
à une nouvelle logique où les contraires cessent d'être
perçus « contradictoirement », selon le mot
d'André Breton [écrivain
français, 1896-1966, fonde
avec Louis Aragon, Philippe
Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste].
Comme
tout paradoxe [en logique, un
paradoxe
est une proposition qui est à la fois vraie
et fausse, exemple :
le paradoxe du menteur – qui dit : « Je mens », où
un menteur qui dit « Je mens » dit donc la vérité et
n'est donc plus un menteur], l'oxymore révèle l'ambivalence
de toute réalité, il est du côté de la « pensée
ouverte », contre la « pensée close »,
selon l'expression employée par Henri
Bergson [philosophe
français, 1859-1941, entré à l'Académie française en 1914, prix
Nobel de littérature en 1927] dans Les Deux sources de la
morale et de la religion (1932).
Écriture
automatique et libre-association
Locution
apparue en 1920, l'« écriture
automatique » est
une des techniques utilisée par les surréalistes visant à traduire
instantanément la « pensée
parlée »,
technique consistant à rédiger « un
monologue de débit aussi rapide que possible, sur lequel l'esprit
critique du sujet ne puisse porter aucun jugement, qui ne
s'embarrasse par suite d'aucune réticence, et qui soit aussi
exactement que possible la pensée parlée »
(extrait de : Manifeste
du surréalisme
(1924),
d'André Breton).
La
libre-association
d'idées ou de choses abstraites (opposée à l'association de
personnes ou d'objets) est une notion qui apparaît en 1751 en
psychologie, et en psychanalyse en 1967. L'association libre est une
méthode qui consiste à exprimer sans discrimination toutes les
pensées qui viennent à l'esprit, soit à partir d'un élément
donné (mot, nombre, image d'un rêve, représentation quelconque),
soit de façon spontanée.
La
libre-association de mots, d'idées ou d'images,
et l'écriture automatique
sont des procédés de création et d'expression qui
permettent aux différents contenus du champ de la conscience
(représentations, images, concepts, idées, sentiments, etc.) de
s'appeler les uns les autres, sans intervention de la volonté ou
même malgré elle. Ces
procédés de création et d'expression ont notamment été utilisés
par les surréalistes.
Tu
te lèves l'eau se déplie
Tu
te couches l'eau s'épanouit
Tu
es l'eau détournée de ses abîmes
Tu
es la terre qui prend racine
Et
sur laquelle tout s'établit
...
On
appelle surréalisme l'ensemble des procédés de création et
d'expression utilisant toutes les forces psychiques (automatisme,
rêve, inconscient, etc.) libérées du contrôle de la raison et en
lutte contre les valeurs reçues. C'est un mouvement intellectuel
révolutionnaire affirmant la supériorité de ces procédés, qui se
développa surtout en littérature et dans les arts plastiques, la
peinture, le cinéma...
C'est
de très mauvaise foi qu'on nous contesterait le droit d'employer le
mot surréalisme dans le sens très particulier où nous
l'entendons car il est clair qu'avant nous ce mot n'avait pas fait
fortune. Je le définis donc une fois pour toutes :
Surréalisme :
automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer (…)
le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en
l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute
préoccupation esthétique ou morale.
D'un
point de vue philosophique, le surréalisme repose sur la croyance à
la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées
jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé
de la pensée.
Extrait
de : Manifeste du surréalisme (p. 41-42, 1924), d'André
Breton [écrivain
français, 1896-1966 ; fonde
avec Louis Aragon,
Philippe Soupault et Paul Éluard en 1923 le mouvement surréaliste ;
loin de s'affirmer par une
rupture radicale, le surréalisme tel qu'André Breton en a défini
et illustré les ambitions, peut être considéré comme
l'aboutissement du romantisme autant que du symbolisme].
...
Tu
fais des bulles de silence dans le désert des bruits
Tu
chantes des hymnes nocturnes sur les cordes e l'arc-en-ciel
Tu
es partout tu abolis toutes les routes
...
La
création du mon masculin et adjectif surréaliste est
attribuée à Guillaume Apollinaire (1917, Les Mamelles de
Tirésias, drame surréaliste) ; le mot lui aurait été
suggéré par Pierre
Albert-Birot [écrivain
français, 1876-1967, dont la création la plus étonnante fut le
personnage de Grabinoulor] : employé primitivement au
sens de surnaturaliste
(adepte du surnaturalisme,
acceptation du surnaturel),
il a pris peu après (1920) une valeur particulière en relation avec
un mouvement intellectuel, artistique et littéraire issu de Dada
[mouvement artistique et
littéraire, nihiliste et fondamentalement
subversif créé en 1916 à
Zurich par Tristan Tzara entre autres] et qui sera défini
sous le terme de surréalisme par André Breton autour de
valeurs psychanalytiques et révolutionnaires.
À
sa suite, Guillaume Apollinaire créa ou diffusa le premier le nom
masculin surréalisme (1917) qui lui serait venu de Marc
Chagall [peintre, graveur et
sculpteur français d'origine russe, 1887-1985] ou de Pierre
Albert-Birot. Le mot, défini et illustré par André Breton dans le
Manifeste du surréalisme (1924) comme un « automatisme
psychique [exprimant] le mouvement réel de la pensée »,
resta lié plus que le mot surréaliste à la référence
artistique et littéraire.
André
Breton est l'auteur de trois Manifestes du surréalisme :
le premier s'intitule Manifeste du surréalisme
(1924) et il expose la
théorie surréaliste ; le deuxième s'intitule Second
Manifeste du surréalisme (1929) et il justifie l'adhésion
politique du mouvement surréaliste au communisme et au matérialisme
historique ; le troisième permet à André Breton de confirmer,
depuis New York où il s'est exilé, l'enracinement révolutionnaire
du surréalisme, et il est intitulé : Prolégomènes à un
troisième manifeste du surréalisme ou non
(1942). Le mot prolégomènes
signifie : introduction, préface, principes préliminaires à
l'étude d'une question.
La
surréalité (mot créé en 1919 d'après surréalisme)
désigne chez les surréalistes la réalité absolue,
considérée comme synthèse de la réalité courante (appauvrie par
la raison) et de l'inconscient, du rêve. Elle désigne, dans un
usage littéraire, ce qui va au-delà de la réalité courante.
Le
nom féminin réalité, d'abord reellité (vers 1290),
puis realté (XIVe siècle) et réalité
(vers 1550), est emprunté, à la suite de réel, au latin
médiéval realitas, -atis, dérivé de realis
(qui donna réel). Realitas correspond à bien,
propriété (1120) et, dans l'usage scolastique (au moyen âge,
la scolastique rassemblait la philosophie et la théologie qui
étaient enseignées par l'université) désigne le caractère
réel de quelque chose, de quelqu'un (vers 1300, John Duns Scot,
théologien et philosophe
écossais, 1266-1308).
Dans
l'usage courant, la réalité correspond à vie réelle,
par opposition au rêve, au désir, à la fiction (vers 1700).
La psychanalyse freudienne a élaboré un concept qui lui est propre
avec principe de réalité (1923), contemporain de principe
de plaisir, épreuve de la réalité (1922).
...
Tu
sacrifies le temps
À
l'éternelle jeunesse de la flamme exacte
Qui
voile la nature en la reproduisant
...
Le
surréalisme ne remet pas seulement en cause le sujet de l'art ou ses
buts. Ce sont les notions mêmes d'artiste ou d’œuvre
qui se trouvent ébranlées. Les surréalistes s'écartent de l'idée
d'un créateur individuel et identifiable. Il ne s'agit plus d'écrire
un texte ni de peindre un tableau selon des méthodes bien définies.
Doit
apparaître une chose toujours étrange et nouvelle, destinée à une
surréalité, c'est-à-dire à un monde que la raison ne
saurait pénétrer. L'analogie, les associations d'idées,
la libre-association, l'onirisme et les connotations
(une connotation est un sens particulier que prend un mot ou un
énoncé en fonction du contexte situationnel) peuvent, seules, y
opérer souverainement.
...
Femme
tu mets au monde un corps toujours pareil
Le
tien
Tu
es la ressemblance
Facile,
de Paul Éluard [Eugène
Grindel dit, poète français, 1895-1952 ; participe
aux activités du mouvement Dada ; fonde
avec Louis Aragon,
Philippe Soupault et André
Breton en 1923 le
mouvement surréaliste].
L'image
surréaliste
Au
premier abord, l'image surréaliste semble inclassable. Il est
très difficile et souvent impossible de la réduire à un trope
(un trope est une figure sémantique portant sur un mot et le faisant
changer de sens dans l'histoire, un écart de style de substitution,
par exemple : Il a relavé
la bête et prêté l'oseille, pour : Il
a relevé la tête et prêté l'oreille) ou à une métaphore
ou une métonymie. En effet, elle est dépourvue de référent réel :
elle ne renvoie pas à un objet, un être, ou une situation
reconnaissables. Exemple :
Parfums
éclos d'une couvée d'aurores
Qui
gît toujours sur la paille des astres
Extrait
de : Capitale de la douleur, de Paul Éluard, où couvée
d'aurores peut certes être réductible à une métaphore,
mais à une image sans référent plausible : Qui
gît toujours sur la paille des astres.
Le
degré d'arbitraire de l'image surréaliste doit toujours être
le plus élevé, sans être total. De plus, la syntaxe est respectée.
La réalité de l'image surréaliste doit être seulement psychique,
loin de toute isotopie (secteur de la réalité).
L'image
surréaliste est une image à prendre à la lettre, car selon
des Surréalistes, tenter de la réduire à un trope est dérisoire.
Mieux vaut écouter en elle les pulsions inconscientes de l'auteur,
ses désirs symboliquement révélés. L'image surréaliste « cogne
à la vitre ». Exemple :
La
campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante
Avidité
et contrainte s'étaient réconciliées
Le
château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Extrait
de : Évadné, de : Fureur et mystère, de
René Char [poète
français, 1907-1988].
Au lieu de chercher des métaphores, il faut admettre l'appétit de
la campagne (La campagne mangeait), la présence de la jupe et de
l'avidité, symboles du désir, la beauté visuelle du château qui
sombre (Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile).
>
Extraits
de Soleil de nuit
(1936-1977, pp. 64
et 194-195) de Jacques
Prévert, où quelques
images surréalistes sont
en majuscule.
Le
Strict superflu
(1946 ?)
Un
beau jour
Les
hommes qui fabriquent mangeront à leur faim
Et
ce qu'ils mangeront sera bon
très
bon
pas
BON COMME LA ROMAINE
ou
BON POUR LE SERVICE
mais
simplement BON
COMME
LE BON PAIN
Un
beau jour
Les
hommes qui fabriquent dormiront leur content
et
ils auront de beaux rêves
de
belles amours
et
des draps blancs
et
de grandes orgues de Barbarie
qui
marcheront au quart de tour
et
qui joueront tous les jours
les
plus beaux airs du monde
et
les
plus difficiles
Parce
qu'un jour
les
hommes qui fabriquent
connaîtront
enfin la musique
***
Un
homme vient d'entrer...
(1972 ?)
Paris
Mil
neuf sans soixante douze
937
après J.-C.
Un
homme vient D'ENTRER SANS FRAPPER, SANS SE FRAPPER, DANS SA
SOIXANTE-DIXIÈME ANNÉE.
-
Bonjour !
-
Quel temps fait-il ?
-
IL FAIT VITE, mais si le cœur vous en dit il peut REVENIR SUR SES
PAS. LE TEMPS, LES ANNÉES SONT DEDANS MAIS AILLEURS EN MÊME TEMPS.
L'homme
qui vient d'entrer et qui retrouve des amis a le sourire aux lèvres,
ses amis ont le même, celui de l'amitié.
Pas
l'amitié « virile » des camps et des casernes, la
nostalgique fraternité des héros épargnés par la der des ders.
Non,
l'amitié comme l'amour, la chance, le vin, la mer ou le travail
heureux, accepté, partagé.
Et
l'homme, Steph Simon, c'est son nom, a mis CARTES SUR TABLE, CARTES
DU TENDRE où LES COUPS DURS SONT À DEMI EFFACÉS, CARTES MARINES de
son quartier.
Et
il fait le point.
Phares
de Saint Germain de Flore ou de Saint Tropez des Prés. Quais des
cinq Pères, des Quatre mers et petit Havre des Six-Eaux.
Sur
les berges du boulevard saint Parking l'ombre des ARBRES CONDAMNÉS,
EXÉCUTÉS, SANS LE MOINDRE PETIT TOCSIN POUR ANNONCER LE MASSACRE,
caresse encore la mémoire des passants qui savaient, qui pouvaient
passer, mais la rue de Rennes est en rade depuis qu'on a chassé le
Dragon de sa cour et madame la Gare de l'Ouest, chaque
jour, monte à sa tour.
Pour
voir venir.
Venir
quoi ? Les regrets du passé, les espoirs de demain passent dans
le même broyeur de ferrailles et de fleurs, de beautés et
d'horreurs. Aujourd'hui la vie est ainsi faite, À CE QU'IL PARAÎT,
DISPARAÎT, REPARAÎT mais toujours elle est aussi fête et il
convient de la souhaiter.
70
années et celui qui est fêté quand on lui parle du « troisième
âge » ce new-look de la longévité, LE FOU RIRE LE PREND ET
LE GARDE un bon petit bout de temps. Il sait bien qu'il n'y a pas
tellement loin DU SIÈCLE DES LUMIÈRES À CELUI DU NÉON et TRÈS
LOIN EST SI PRÈS et AUSSITÔT SI TARD qu'il n'est pas plus facile de
GARDER SES DISTANCES que de GARDER SON SÉRIEUX.
Autant
chercher le quart d'heure de Rabelais dans les vingt-quatre heures du
Mans ou dans le septième discours sur la Méthode la quatrième
dimension de la quadrature du cercle de la cinquième roue du
carrosse du Saint-Sacrement.
Chacun
navigue à sa manière, lui sur son Bourru III d'autres sur leur
sous-marin nucléaire.
Sa
manière est la bonne et beaucoup la préfèrent.
>
Exercices et consignes d'écriture.
En
reprenant les mots utilisés par Jacques Prévert pour créer ses
images surréalistes (mots
en majuscule) ou en choisissant des mots au hasard dans le poème
et/ou dans le texte cités ci-avant,
utiliser la libre-association et l'écriture automatique pour créer
vos propres images littéraires.
L'écriture
automatique : il faut écrire rapidement, au fil de la plume,
sans volonté
préconçue, sans préjuger
de la suite, de la cohérence ou du sens général.
Un défilé d'images issues du subconscient s'impose vite à
« l'auteur » qui
est autant le
créateur que le scripteur
de l'histoire.
La
syntaxe doit être respectée (la phrase doit avoir un sens, les
mots-valise ou les néologismes doivent être employés avec
parcimonie, etc.).
Avec
les mots suivants : paraître,
disparaître, reparaître, mettre cartes sur table, revenir sur ses
pas, faire un pas en avant, pas chassé, au quart de tour, la demie
de l'heure, faire les quatre cents coups, une once de générosité,
la quatrième dimension ;
cela pourrait donner ceci :
Il
paraît qu'il a disparu par une chaude nuit d'été odorante.
Pour ne plus reparaître, ou alors si peu, pour se repaître de
l'ancien spectacle. Sur la scène de l'amour où vit encore sa
famille, sa famille d'avant sa disparition, c'est encore le bonheur,
malgré sa disparition. Ou grâce ? à sa disparition.
Il
paraît qu'il a disparu, mais lui, il a encore l'impression d'être
toujours là.
Alors,
un jour, il met cartes sur table. Il dispose le jeu de sa vie sur la
grande table longue du salon, celle en bois brut de merisier. Il
revient sur ses pas, il fait des pas chassé qui le mènent jusqu'à
leur première rencontre : elle et lui sous un cerisier en
fleur, c'était le printemps, le printemps de leur amour, un amour de
jeunesse. Un
pas en avant et c'est un enfant qui naît. Un autre pas en avant et
c'est un poste de travail pour elle. Encore un et c'est un deuxième
enfant. Et ainsi de suite jusqu'à aujourd'hui, jusqu'au jour de sa
disparition.
Le
décor est planté, le spectacle peut se jouer. C'est la vie qui se
joue de lui, c'est son impression à lui, est-il un peu perdu ?
c'est que les règles du jeu – de cartes – ont changé. À quel
nouveau jeu joue-t-on ? pourrait-il se demander. Il ne le fait
pas. Il paraît qu'il a disparu, mais lui n'en a pas conscience.
La
scène de sa vie est belle, pourtant, rien à y redire. Tout part au
quart de tour : le bonheur, la joie, la beauté, les bons
moments, les instants rares, tout pousse, tout éclot, tout
scintille... Pas besoin de faire les quatre cents coups pour obtenir
une once de générosité, quand sonne la demie de l'heure pas besoin
de la quatrième dimension, tout prend forme, tout prend vie. Mais
ça, c'était avant. Avant qu'il ne disparaisse... Maintenant, c'est
l'hiver, l'hiver de sa vie.
Et maintenant...
À vous de jouer - et
d'écrire,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
=>
Remarque : la bibliographie qui suit donne les références
des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers
hebdomadaires et mensuels.
Pour
connaître plus précisément le numéro
de la page qui traite de la notion recherchée, consulter la
bibliographie qui se trouve à la fin de chaque atelier hebdomadaire.
Par exemple, pour l'oxymoron,
voir la bibliographie à la fin de l'Atelier n°23,
publié le lundi 13 mai
2013.
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
Encyclopædia
Universalis 2009, édition numérique.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
> Le
Petit Robert des noms propres,
2007.
>
PEYROUTET Claude, 1994. Style
et rhétorique.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
PRÉVERT Jacques. Soleil de nuit : recueil de poèmes.
Paris : Gallimard, 1980. 303 p.
> REY
Alain (dir.), 1994. Dictionnaire
historique de la langue française.
Paris, Le Robert. 2 vol.
>
THERON Michel, [199-?]. 99
réponses sur les procédés de style.
Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
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