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L
a P U B L i
a n c e
atelier
d'écriture et publication
.
. . . . . .
. .
e n l i g n e . . .
. . . . . .
Atelier d'écriture
X
La
polysémie avec Le
Savon
de
Francis
Ponge
Sommaire
>
Extrait de Le
Savon
(1967)
de Francis
Ponge,
pp. 28-32.
>
Qui était Francis
Ponge
?
>
Que raconte Le
Savon
?
>
Qu'est-ce que
la polysémie
?
>
Extrait de Le Savon
(1967, pp. 28-32)
de Francis Ponge,
où certains
mots polysémiques
sont mis en
majuscule.
>
Exercices et consignes d'écriture.
***
>
Extrait de Le
Savon
(1967)
de Francis
Ponge,
pp. 28-32.
*
En
raison des qualités de cet objet, il me faut développer cela
quelque peu, le faire mousser à vos yeux.
*
Coligny,
juin 1943.
Thème
abstrait (notion de toilette intellectuelle).
Si
je voulais montrer que la pureté ne s'obtient pas par le silence,
mais par n'importe quel exercice de la parole (dans certaines
conditions, un certain petit objet dérisoire tenu en mains), suivi
d'une catastrophe subite d'eau pure,
Quel
objet conviendrait-il mieux que le savon ?
*
Violente
envie de faire toilette.
Cher
lecteur, je suppose que tu as parfois envie de faire toilette ?
Pour
ta toilette intellectuelle, lecteur, voici un texte sur le savon.
*
Coligny,
juin 1943.
…Voici
donc, cher lecteur, pour ta
toilette intellectuelle (si
tu es de mes amis, tu en sens parfois impérieusement le besoin),
voici un petit morceau de vrai
savon.
C'est
que l'homme, en effet, ne peut se décrasser à l'eau simple,
serait-ce sous des torrents à s'y noyer, ni au vent frais, si
parfumé soit-il, ni par le silence, ni par la prière (serait-ce,
dans le Jourdain, immergé jusqu'à la ceinture), ni par le suicide
en la plus noire source (malgré toutes sortes de préjugés courant
là-dessus).
Il
y faut – et il y suffit, mais il y faut – dans la main (dans la
bouche) quelque chose de plus matériel et peut-être de moins
naturel, quelque chose d'artificiel et de volubile, quelque chose à
la fois qui se déploie, se développe et qui se perde, s'exténue
dans le même temps. Quelque chose qui ressemble beaucoup à la
parole employée dans certaines conditions...
…En
un mot : un
petit morceau de savon.
*
Il
y faut ce noyau de brouillard azuré. Ce tourbillon de très fragiles
sphères.
Cette
prestigieuse (prestidigiticieuse) mise en scène derrière laquelle
disparaît la mémoire.
La
mémoire de toute saleté se dissout et certainement la plus mauvaise
solution en cette matière, consiste à ce que votre idée fixe ou
celle de vos parents vous mène en laisse à vous tremper, les bras
en croix, dans quelque fade affluent de la Mer Morte.
Peau
neuve ! Place nette !
*
Coligny,
juillet 1943.
Cet
œuf, cette plate
limande,-
cette petite
amande,
qui se
développe
si rapidement
(presque
instantanément)
en
poisson chinois
Avec
ses voiles, ses kimonos
à
manches larges
Elle
fête ainsi son mariage
avec
l'eau. Telle est sa robe de mariée avec l'eau.
*
On
n'en finirait plus,
avec
le savon !
...Il
faut pourtant le rendre à sa soucoupe, à sa stricte apparence, à
son ovale austère, à sa patience sèche et à son pouvoir de
resservir.
*
Coligny,
le 6 juillet 1943.
Thème
(sec et modeste dans sa soucoupe) et variations
(volumineuses et nacrées) sur
LE
SAVON (suivi d'un paragraphe de rinçage à l'eau simple).
Pour
la toilette intellectuelle, un petit morceau de savon, bien manié,
suffit. Où des torrents d'eau simple ne décrasseraient rien.
>
Qui était Francis
Ponge
?
Poète,
essayiste et critique d'art français (1899-1988), Prix international
de poésie en 1959 ; reconnaissant aux choses une primauté
ontologique, percevant d'abord l'autonomie de leur existence, et en
élaborant ces descriptions minutieuses et objectives du coquillage,
de la bougie, de l'orange, de l'escargot ou du papillon, l'auteur
rejette les techniques surréalistes et ouvre les plus grands
perspectives à une réflexion sur le langage qui devient l'objet de
la poésie.
Poète
écrivain avec Douze petits écrits (1926), Le Parti pris
des choses (1942), Proêmes (1948), Le Grand
recueil : Lyres (I), Méthodes (II), Pièces
(III) (1961), Le Savon (1967), etc.
Poète
essayiste avec Pour un Malherbe (1965), Comment une figue
de paroles et pourquoi (1977), L'Écrit Beaubourg (1977).
Poète
critique d'art avec Le Peintre à l'étude (1950), De la
nature morte et de Chardin (1964), etc.
Avec
La Fabrique du pré (1971), Francis Ponge s'est appliqué à
dire tout l'itinéraire qui va du prétexte à l’œuvre terminée,
introduisant le brouillon, la retouche, la réflexion critique, le
texte « dans tous ses états » pour s'affirmer un
écrivain toujours « plus enragé d'expression », mais
aussi un artiste qui fait de l'humour un moyen de percevoir le monde.
>
Que raconte Le
Savon
?
Francis
Ponge écrit :
Début
du livre.
Le
lecteur, d'emblée, soit prié (il comprendra très vite pourquoi) –
nous voulons dire : pour le décollage – de ses doter, par
l'imagination, d'oreilles
allemandes.
Et
qu'il en use encore, de loin en loin, chaque fois – sans que nous
ayons autrement à le signaler – que nous aborderons quelque
perturbation destinée
plutôt à l'écoute :
ces passages à ses yeux se rencontrant toujours sous forme de
nébulosités cursivement inclinées vers la droite (ou disons,
tandis que nous roulons encore sur une piste de Babel : en
italique).
Dès
que notre SAVON aura été placé sur orbite, toute sujétion de cet
ordre cessera.
[...]
Mesdames
et Messieurs, voici donc les premières notes, que j'ai jetées sur
le papier en avril 1942, à Roanne, petite ville du centre de la
France, où nous étions, ma famille et moi, comme on disait alors,
repliés
– ou réfugiés.
Nous
étions donc, alors, en pleine guerre, c'est-à-dire en pleines
restrictions,
de tous genres, et le savon, le vrai savon, en particulier, nous
manquait. Nous n'avions que de mauvais ersätze
– qui ne moussaient
pas du tout.
Peut-être
cela fut-il une des raisons, inconsciente, de ce qu'il me faut bien
appeler mon inspiration
du savon, en avril 1942... ?
Mais
voici ces premières notes – et à partir d'ici, je ne vais plus
m'arrêter...
Plus
de commentaires...
LE
SAVON,
le savon seulement !
LE
SAVON, Roanne,
avril 1942.
Si
je m'en frotte les mains, le savon écume, jubile...
Plus
il les rend complaisantes, souples,
liantes,
ductiles, plus il bave, plus
sa
rage devient volumineuse et nacrée...
Pierre
magique !
[…]
Là-dessus,
les circonstances de l'époque nous obligèrent à quitter Roanne, et
je me retrouve, au chapitre suivant, dans un village au nord de Lyon,
à Coligny.
Coligny,
le 3 juin 1943.
Il
n'est dans la nature rien de pareil au savon. Point de pierre aussi
glissante, et dont la réaction entre vos doigts – si vous avez
réussi à l'y maintenir en l'agaçant avec de l'eau – soit une
bave aussi volumineuse et nacrée, consiste en tant de grappes de si
pléthoriques bulles.
[…]
Coligny,
juin 1943.
Thème
abstrait (notion de la toilette intellectuelle).
[…]
Prélude
en saynète ou momon.
Coda
en dialogue.
Coligny,
du 17 au 22 juillet 1946.
L'exercice
du savon. Prélude. Du savon sec avant l'emploi. De
la confusion spontanée du savon dans les eaux tranquilles. De l'eau
savonneuse et des bulles de savon. Rinçage. Appendices :
variante de l'adresse, proême, nouveaux travaux pour le savon, les
mots, la chose, […]
Paris,
le 3 janvier 1965. Fin du livre.
>
Qu'est-ce que
la polysémie
?
La
notion de polysémie
a été abordée lors d'ateliers d'écriture sur
le calembour,
le télescopage,
et les notions de dénotation-connotation,
intitulés :
=>
Dénotation-connotation,
monosémie
et polysémie
(atelier
n°26,
jeudi 30 mai 2013)
=>
J'emporte
un mot-valise, tu crées un néologisme, il (elle) fait un calembour
(atelier
n°38,
samedi 15 septembre 2012)
=>
La dissociation, le télescopage,
l'haplologie et l'inconséquence
(atelier
n°50,
samedi 24 novembre 2012)
La
polysémie
Un
mot peut avoir un seul sens (monosémie)
ou plusieurs sens
(polysémie).
Un
mot est polysémique
lorsqu'il porte au moins deux
significations (par exemple :
pétiller,
qui signifie aussi bien Faire
des petits bruits secs et répétés
comme dans : « Le feu pétille
dans la cheminée », que Faire
des petites bulles de gaz comme
dans : « Cette boisson pétille
trop, ça pique ! », ou encore
que Briller
d'un vif éclat comme dans « Ses
yeux pétillent de bonheur ».
Le
mot « polysémie »
a été créé par Michel Bréal en 1897 [linguiste
français, 1832-1915, secrétaire de la Société de linguistique de
Paris en 1868], de poly-
(nombreux, abondant) d'après
le grec polusêmos
(dont le sens est : qui a de nombreuses significations) pour
« caractère d'un signe unique,
de même étymologie, qui a plusieurs significations, plusieurs
signifiés ». « Polysémie »
et « polysémique »
(adjectif apparu en 1932) se sont diffusés dans l'usage didactique
(dans la langue des sciences et des
techniques, qui vise à instruire) avec
les discussions lexicographiques sur la polysémie et l'homonymie,
vers 1960.
Ce
concept est à différencier du concept de l'homonymie (l'homonymie
est ce qui concerne deux signes différents de même forme). Par
exemple avec le mot « mine » :
mine
(de crayon)
et mine
(d'or),
tous deux issus du gallo-romain mina,
relèvent de la polysémie ;
tandis que mine
(d'or)
et mine
(du visage)
relèvent de l'homonymie,
car mine
(du visage)
est issu du breton min.
Le
concept de polysémie s'inscrit donc
dans un double
système d'oppositions :
l'opposition entre polysémie et
homonymie
(par exemple : dessin
et dessein
qui malgré une étymologie commune sont traités en pratique comme
deux unités distinctes, donc
comme des homonymes
; ou encore LE
pendule
et LA
pendule,
le
pot
et la
peau,
etc.), et l'opposition entre
polysémie et monosémie
: cette deuxième opposition est semblable à l'opposition mot/terme,
où le mot emprunté au vocabulaire en général peut être
polysémique, et où le même mot devient un terme, avec une seule
signification, par exemple dans une terminologie scientifique
(exemple avec le mot polysémique
fer
= métal,
objet, matière, qui devient en
chimie le terme monosémique
fer,
symbolisé Fe).
On
distingue trois types de polysémie :
>
Premièrement, la polysémie par
dénotation, lorsqu'un mot offre
plusieurs sens dénotés
(exemples : croissant
= quartier
de lune - pâtisserie feuilletée en forme d'arc de cercle
; peuple
= ensemble
des habitants d'un même pays - ensemble des citoyens de condition
modeste).
>
Deuxièmement, la polysémie
par addition d'un sens dénoté (sens
premier, objectif) et
d'une ou plusieurs connotations
(sens seconds, subjectifs). Exemple : or
= métal
précieux, monnaie - Affaire
en or (affaire
très avantageuse) - Âge
d'or (époque
de bonheur) - À
prix d'or (très
cher) - Cœur
d'or (personne
généreuse) - Livre
d'or (recueil
de signatures), etc.
>
Troisièmement,
la polysémie par écart de style,
lorsque l'écart consiste en une substitution
d'un mot par un autre,
que le mot exprimé perd son sens
dénoté
(objectif) pour prendre celui du mot
remplacé,
et que ses connotations sont les
siennes propres et celles du mot remplacé.
Exemple : dans l'expression « L'offensive
du froid »
qui
désigner une chute brusque de la température de l'air,
le terme offensive perd son sens dénoté (attaque contre quelqu'un
ou quelque chose), capte celui de forte poussée, et se charge des
connotations de l’agressivité guerrière et de la rapidité.
On
peut utiliser la polysémie d'un mot pour construire des jeux de mots
(le calembour, le télescopage), pour effectuer des glissements
sémantiques ou isotopiques, lorsqu'on passe du concret à l'abstrait
(et vice-versa) ou lorsqu'on passe d'une réalité à une autre (le
zeugme sémantique, le calembour).
Le
télescopage
Le
télescopage
est une sorte de syllepse sémantique, par exemple : « Elle
saute le pas en sautant par-dessus la haie »,
où
on
utilise la polysémie d'un mot (plusieurs sens possibles) pour
contracter deux phrases en une seule.
Exemple
: « L'enfant
ne comprend pas un piètre-mot à toutes ces homélies‑mélo »,
où homélies-mélo
= homélies
+ méli-mélo
+ mélodramatique.
Le
calembour
Un
calembour
est un « jeu
de mots fondé soit sur une similitude de sons, homophonie,
recouvrant une différence de sens, équivoque ou double-sens,
ambigu, soit sur des mots pris à double sens ».
On
le construit par substitution de phonèmes (sons), ou par homonymie
(mots phonétiquement identiques mais de sens différents), ou par
homophonie (phrases phonétiquement identiques mais de sens
différents), ou en exploitant la polysémie (plusieurs sens) de
certains mots.
Le
calembour construit par substitution
de phonèmes
: on l'obtient en substituant à un ou plusieurs sons d'un mot un ou
plusieurs autres sons. Par exemple : « le
sacre en poudre »
(pour « le
sucre en poudre »)
; La substitution du A au U entraîne l'apparition d'un nouveau mot
et d'une nouvelle phrase : connotations du mot sacre
: « un
sacre en poudre »
est un sacre peu réussi, qui part en poussière.
Parfois,
ce mécanisme introduit un néologisme. Ainsi, un merdrigal
est un madrigal
(courte pièce de vers exprimant une pensée ingénieuse et galante)
irrévérencieux de L.-P. Fargue.
Le
calembour construit par homonymie
: par exemple, avec les mots ton
et thon,
on obtient : « changez
de thon ! »,
avec pain
et pin
: « il
a mangé tout son pin blanc parasol »,
avec
serein
et
serin
: « M.
de Bièvre disait que le temps était bon à mettre en cage,
c'est-à-dire serein »,
etc.
Le
calembour construit par homophonie
est obtenu lorsqu'une suite de phonèmes peut être découpée de
deux ou de plusieurs façons, en donnant des énoncés différents.
Par exemple : « La
gare, c'est là »
et « La
garce est là »,
ou encore : « Rien
ne m'intéresse »
et « Rie,
en aimant, Thérèse »
(R. Desnos), ou
bien : « Vocalise »
et « Le
veau qu'a Lise ».
Le
calembour produit par la polysémie
(plusieurs sens) d'un mot provoque le passage d'une isotopie à une
autre isotopie (une
isotopie est l'ensemble
des champs lexicaux et sémantiques qui renvoient à une seule
compréhension des ambiguïtés d'un texte),
par exemple, l'isotopie « concret » permet de comprendre
l'énoncé suivant : « Les
Californiens craignent les avocats véreux »,
comme : « craignent
les fruits nommés avocats lorsqu'ils ont des vers »,
car
ce
ne sont pas les avocats, en tant que personne, qui ont des vers, mais
bien les fruits.
Autres
exemples
: « On
a volé tes sabots ? - Oui, c'est le cheval ! »,
« Tout
facteur est un homme de lettres »
(différence de sens entre les
Lettres = la littérature,
et les
lettres = le courrier).
Les
calembours ont comme effets
: la rupture isotopique (par le passage d'un univers à un autre,
d'un secteur du réel à un autre) ; et la rupture comique, car très
souvent, la rupture isotopique entraîne le rire et l'humour.
Le
zeugme
Le
mot
a une racine indo-européenne « yug »,
comme le latin « jugum »,
qui signifie « joug »,
et il est le dérivé de « zeugnunai »
(unir, joindre, mettre sous le joug). Il est emprunté au bas-latin
des grammairiens qui reprend le grec « zeugma »
(lien, joug, au figuré : jonction). Il est d'abord adapté en
« zeume »
sans « g »
(vers 1380), puis refait en « zeugme »
(1765), « zeugma »
(1808).
Le
zeugme, ou le zeugma,
est un terme de rhétorique, ou une figure d'élocution. Le zeugme a
lieu quand un mot, déjà exprimé dans une proposition, est
sous-entendu dans une autre proposition analogue à la première et
attachée à celle-ci.
Le
zeugme est simple
quand le mot sous-entendu est exactement celui qui a été exprimé ;
dans l'exemple : « J'embrasse
mon père, ma mère, mes frères et mon pays »,
« j'embrasse »
est sous-entendu avant « ma
mère »,
avant « mes
frères »
et avant « mon
pays ».
Le
zeugme est composé
si le mot sous-entendu n'est pas absolument celui qu'on a déjà vu ;
dans l'exemple : « Le
boulanger va se coucher et les pains au chocolat et les croissants
aux gourmands »,
« va »
fait sous-entendre « vont »
après « croissants ».
Il
existe, par ailleurs, deux types de zeugme
: le zeugme grammatical, que nous venons de voir (le simple et le
composé, qui tous deux juxtaposent deux constructions hétérogènes),
et le zeugme sémantique, qui juxtapose deux réalités hétérogènes.
Un
zeugme sémantique, c'est par exemple : « Il
a attrapé le sucre et un rhume ».
C'est un zeugme très facile à réaliser car il joue sur les deux
sens du mot « attraper »,
le sens figuré et le sens propre. Ou encore : « Un
crumble, c'est quoi ? C'est bon »,
ou
bien : « Soldats
de Fontenoy, vous n'êtes pas tombés dans l'oreille d'un sourd »
(Jacques
Prévert),
où
l'auteur joue sur la polysémie du verbe « tomber »
: on peut tomber à la guerre, c'est-à-dire mourir, ou tomber dans
l'oreille d'un sourd, qui
se dit des paroles dites à une personne qui n'en tient pas compte.
>
Extrait de Le Savon
(1967, pp. 28-32)
de Francis Ponge,
où certains
mots polysémiques
sont mis en
majuscule.
*
En
RAISON (entendement,
bon sens, argument, honnête, logique, naturel, cause, réparation)
des
QUALITÉS (attribut,
caractère, choix, richesse, spécificité, avantage, talent, valeur,
fonction, métier, perfection)
de
cet objet, il me faut DÉVELOPPER (allonger,
approfondir, démontrer, exposer, former)
cela
quelque peu, le FAIRE MOUSSER (produire
de la mousse, avoir l'aspect de la mousse, vanter, faire valoir,
mettre en colère quelqu'un, le faire écumer de rage)
à
vos yeux.
*
Coligny,
juin 1943.
Thème
abstrait (notion de TOILETTE INTELLECTUELLE).
Si
je voulais montrer que la pureté ne s'obtient pas par le silence,
mais par n'importe quel exercice de la parole (dans certaines
conditions, un certain petit objet dérisoire tenu en mains), suivi
d'une catastrophe subite d'eau pure,
Quel
objet conviendrait-il mieux que le savon ?
*
Violente
envie de faire TOILETTE (nettoiement,
blanchiment, lavage, ménage, éclaircir, vêtement, garde-robe,
accoutrement, enveloppe).
Cher
lecteur, je suppose que tu as parfois envie de faire toilette ?
Pour
ta toilette intellectuelle, lecteur, voici un texte sur le savon.
*
Coligny,
juin 1943.
…Voici
donc, cher lecteur, pour ta
toilette intellectuelle (si
tu es de mes amis, tu en sens parfois impérieusement le besoin),
voici un petit morceau de vrai
savon.
C'est
que l'homme, en effet, ne peut se décrasser à l'eau simple,
serait-ce sous des torrents à s'y noyer, ni au vent frais, si
parfumé soit-il, ni par le silence, ni par la prière (serait-ce,
dans le Jourdain, immergé jusqu'à la ceinture), ni par le suicide
en la plus noire source (malgré toutes sortes de préjugés courant
là-dessus).
Il
y faut – et il y suffit, mais il y faut – dans la main (dans la
bouche) quelque chose de plus matériel et peut-être de moins
naturel, quelque chose d'artificiel et de volubile, quelque chose à
la fois qui se déploie, se développe et qui se perde, s'exténue
dans le même temps. Quelque chose qui ressemble beaucoup à la
PAROLE (assurance,
compliment, discours, engagement, expression, mot, langage, outrage,
promesse, propos, sentence, voix, foi, conviction, confiance, injure,
outrage)
employée
dans certaines conditions...
…En
un mot : un
petit morceau de savon.
*
Il
y faut ce NOYAU (centre,
cœur,
milieu, point, base, capitale, pivot, origine,
cause,
début, germe, motif, racine, principe, source, commencement,
naissance, groupe,
cellule,
équipe, attroupement, bande, amas, essaim, fournée, grappe,
famille, orchestre, parti, cercle)
de
BROUILLARD (brume,
embrun, nuage, obscurité, brouillon)
azuré.
Ce tourbillon de très fragiles sphères.
Cette
prestigieuse (prestidigiticieuse) mise en scène derrière laquelle
disparaît la MÉMOIRE (empreinte,
réminiscence, savoir, souvenir, trace, rappel, évocation, mention,
mobilisation, commémoration, anniversaire, célébration, fête,
réputation, considération, estime, notoriété, popularité,
renommée).
La
mémoire de toute saleté se dissout et certainement la plus mauvaise
solution en cette matière, consiste à ce que votre idée fixe ou
celle de vos parents vous mène en laisse à vous tremper, les bras
en croix, dans quelque fade affluent de la Mer Morte.
Peau
neuve ! Place nette !
*
Coligny,
juillet 1943.
Cet
œuf, cette plate
limande,-
cette petite
amande,
qui se
développe
si rapidement
(presque
instantanément)
en
poisson chinois
Avec
ses voiles, ses kimonos
à
manches larges
Elle
fête ainsi son mariage
avec
l'eau. Telle est sa robe de mariée avec l'eau.
*
On
n'en finirait plus,
avec
le savon !
...Il
faut pourtant le rendre à sa soucoupe, à sa stricte apparence, à
son ovale austère, à sa patience sèche et à son pouvoir de
resservir.
*
Coligny,
le 6 juillet 1943.
Thème
(sec et modeste dans sa soucoupe) et variations
(volumineuses et nacrées) sur
LE
SAVON (suivi d'un paragraphe de rinçage à l'eau simple).
Pour
la toilette intellectuelle, un petit morceau de savon, bien manié,
suffit. Où des torrents d'eau simple ne décrasseraient rien.
>
Exercices et consignes d'écriture.
Choisir
plusieurs mots polysémiques mis en majuscule dans l'extrait de texte
précédent, puis composer un court récit en utilisant (dans le même
texte) les différents sens des mots polysémiques choisis.
Avec :
QUALITÉS (attribut,
caractère, choix, richesse, spécificité, avantage, talent, valeur,
fonction, métier, perfection), FAIRE
MOUSSER (produire de la
mousse, avoir l'aspect de la mousse, vanter, faire valoir, mettre en
colère quelqu'un, le faire écumer de rage), TOILETTE
(nettoiement, blanchiment,
lavage, ménage, éclaircir, vêtement, garde-robe, accoutrement,
enveloppe), NOYAU (centre,
cœur, milieu, point,
base, capitale, pivot, origine,
cause, début, germe,
motif, racine, principe, source, commencement, naissance, groupe,
cellule, équipe,
attroupement, bande, amas, essaim, fournée, grappe, famille,
orchestre, parti, cercle), et MÉMOIRE
(empreinte, réminiscence,
savoir, souvenir, trace, rappel, évocation, mention, mobilisation,
commémoration, anniversaire, célébration, fête, réputation,
considération, estime, notoriété, popularité, renommée)
cela
pourrait donner ceci :
Vert
de rage, il s'est fait moussé pendant de longues minutes par le
gérant. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il ne se serait pas laissé
faire. D'habitude il réagit immédiatement à la provocation. Avec
ses poings, avec sa force, avec violence. Avec sa petite amie, pas
question de réagir avec agressivité. Sans se vanter, mettre en
colère quelqu'un, c'est sa spécialité. Question de mémoire. Sa
garde-robe, sa toilette sont ses racines. Ni très propres, ni trop
sales, tout est une question d'orchestration.
Dans
son métier, il valait mieux faire écumer de rage l'autre que se
faire mousser. Au centre des affaires, au cœur à la base à
l'origine de son talent, il y avait la discrétion. La discrétion et
la réputation. La discrétion qui amena la réputation, la
réputation qui le conduisit au seuil de la considération, la
considération qu'il fait fructifier en réminiscence et en
commémoration.
Il
change de toilette chaque matin. Il fait sa toilette chaque soir
avant de se coucher aux côtés de sa petite amie. Il bazarde
l'accessoire, il ne garde que l'essentiel : la mémoire.
Etc.
Et maintenant...
À vous de jouer - et
d'écrire,
À vos claviers, plumes
et stylos !
Bibliographie
:
=>
Remarque : la bibliographie qui suit donne les références
des ouvrages consultés pour rédiger le contenu des ateliers
hebdomadaires et mensuels.
Pour
connaître plus précisément le numéro
de la page qui traite de la notion recherchée, consulter la
bibliographie qui se trouve à la fin de chaque atelier hebdomadaire.
>
BERTAUD DU CHAZAUD Henri, 1999. Dictionnaire
de synonymes et contraires.
Paris, Le Robert (Collection Les usuels).
>
BOURDEREAU Frédéric, FOZZA Jean-Claude, [et al.], 1996. Précis
de français : langue et littérature.
Paris, Nathan (coll. Repères pratiques Nathan).
>
DUBOIS Jean, GIACOMO Mathée, [et al.], 1999. Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage.
Paris, Larousse.
>
Encyclopædia
Universalis 2009, édition numérique.
> Le
Grand Robert de la langue française,
2001, 2e éd.
6 vol.
>
LITTRÉ Paul-Émile, 1991 (1866-1877). Dictionnaire
de la langue française.
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Montpellier, Réseau CRDP/CDDP (Centre Régional de Documentation
Pédagogique/Centre Départemental de Documentation Pédagogique du
Languedoc-Roussillon) du L.-R.
Contact
: numencegalerielitteraire@gmail.com
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d'écriture et publication
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