jeudi 9 octobre 2014

L'homéotéleute, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« À tout prendre, car il n'est pas un tendre, il est décidé à se défendre et non à se rendre. »

L'homéotéleute

L'homéotéleute est une figure de rhétorique, consistant en une succession de finales semblables à la fin de mots ou de groupes de mots « suffisamment proches les uns des autres » (dans une phrase, par exemple) « pour que la répétition soit sensible à l'oreille », selon Marouzeau1.

Un destin plus heureux vous conduit en Épire :
Le pompeux appareil qui suit ici vos pas
N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas.

Extrait de : Andromaque (1667, acte I, scène 1), de Jean Racine [poète dramatique français (1639-1699), auteur de nombreuses pièces de théâtre : La Thébaïde (1664), Alexandre (1665), Les Plaideurs (1668), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Phèdre (1677), etc.]

La rime est un genre particulier d'homéotéleute, qu'on rencontre quand les unités terminées par les homéotéleutes entrent dans un ensemble rythmique harmonisé (des vers, par exemple).

On appelle rhétorique l'ensemble des procédés constituant l'art oratoire, l'art du bien-dire. Elle comporte 3 composantes essentielles : l'invention (thèmes et arguments), la disposition (arrangement des parties) et surtout l'élocution (choix et disposition des mots) ; on y ajoute parfois la prononciation (ou mode d'énonciation) et la mémoire (ou mémorisation).

L'élocution, objet principal de la rhétorique, se définit essentiellement par l'étude des figures ou tropes.

L'homéotéleute fait partie des figures de diction qui jouent sur les sonorités, telles l'allitération (répétition d'une consonne placée au début des mots, par exemple : « Croulante sous les crachats critiques et sonores de leurs criailleries quotidiennes »), l'assonance (répétition d'une même voyelle accentuée, par exemple : « Qu'elle est belle quand elle rêve ») et la paronomase (dans une phrase, rapprochement de mots aux sonorités voisines, par exemple : « Comme la vie et lente, et comme l'expérience est violente »).

- Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Rest
ons-y. Nous avons du monde atteint les bornes.

Extrait de : La légende des siècles : la conscience (1859-1883) de Victor Hugo [écrivain français (1802-1885), auteur d'une œuvre considérable et variée, entré à l'Académie française en 1841.]

LES FIGURES EN RHÉTORIQUE

En rhétorique et pour la partie Élocution, les figures sont les divers aspects que peuvent revêtir dans le discours les différentes expressions de la pensée. De nombreux classements des figures existent, en voici deux :

Selon le Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage (1999, p. 203), on distingue les figures de pensée, les figures de signification, les figures d'expression (ou tropes), les figures de diction, les figures de construction, les figures d'élocution et les figures de style.

Les figures de pensée consistent en certains tours de pensée indépendants de leur expression. Les figures de signification intéressent le changement de sens des mots. Les figures d'expression (ou tropes) concernent le changement de sens affectant des mots, des groupes de mots ou des phrases. Les figures de diction consistent dans la modification matérielle de la forme des mots. Les figures de construction intéressent l'ordre naturel des mots. Les figures d'élocution concernent le choix des mots convenant à l'expression de la pensée. Les figures de style intéressent la façon dont est présentée la pensée, ou l'expression des relations entre plusieurs idées.

Selon le Grand Robert de la langue française (2001, t. 3, p. 754), on distingue les figures de mots (qui comprennent les figures de diction, les figures de construction, les tropes, et les autres) et les figures de pensées, qui consistent selon Dumarsais2, « dans la pensée, le sentiment, le tour d'esprit, en sorte que l'on conserve la figure quelles que soient les paroles dont on se sert pour l'exprimer ».

Les figures de diction jouent sur les altérations du matériel du mot par augmentation, par retranchement, par transposition, par séparation ou par contraction. Les figures de construction, quant à elles, jouent sur la rupture avec l'ordre simple de succession des mots. Quant aux tropes, ils jouent sur les changements de la signification du mot.

HOMOIOS ET TELEUTÊ

Terme de grammaire attesté dès 1839 (homoïotéleute) et qui prit sa forme actuelle (homéotéleute) à partir de 1866, le nom féminin homéotéleute est un emprunt au grec homoioteleutos, formé du grec homoios, qui donna homéo- en latin et qui signifie « semblable », et du grec teleutê qui signifie « fin ». L'élément latin homéo- sert à composer des termes didactiques dont le second élément est le plus souvent tiré du grec (homéopathie, homéomorphisme, homéostasie, homéothermie, homéostatique...).

- M. Purgon : Et je veux qu'avant qu'il soit quatre jours, vous deveniez dans un état incurable (…) Que vous tombiez dans la bradypepsie (digestion anormalement lente) (…) De la bradypepsie dans la dyspepsie (digestion difficile et douloureuse) (…) De la dyspepsie dans l'apepsie (ralentissement important de la digestion) (…) De l'apepsie dans la lienterie (diarrhée) (…) De la lienterie dans la dysenterie (infection intestinale) (…) De la dyssenterie dans l'hydropisie(épanchement de sérosité ou de liquides organiques) (…) Et de l'hydropisie dans la privation de la vie, où vous aura conduit votre folie.

Extrait de : Le malade imaginaire (1673, acte III, scène 5), de Molière [Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), auteur dramatique et comédien français qui n'a vécu que pour le théâtre ; en utilisant la totalité des ressources de la scène, il y apparaît comme un créateur dans tous les domaines ; auteurs de très nombreuses pièces de théâtre : L'étourdi (1655), Les précieuses ridicules (1659), Les fâcheux (1661), L'école des femmes (1662), Tartuffe (1664), Psyché (1671), etc.]

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Notes

1. Jules Marouzeau est un latiniste français (1878-1964), auteur de : Aspects du français (1950), La linguistique ou science du langage (1950), Notre langue : enquêtes et récréations philologiques (1955), Lexique de la terminologie linguistique (1933), Précis de stylistique française (1941), etc.

2. César Chesneau Dumarsais est un grammairien français (1676-1756), auteur du Traité des tropes, ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue (1730), chargé par Diderot et d'Alembert de la partie grammaticale de l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1780), dont il en écrit environ 150 articles.

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Consignes :

1. À l'aide de mots choisis dans le Dictionnaire des rimes orales et écrites de Léon Warnant (1994) ou provenant de toute autre source, composer un court récit émaillé d'homéotéleutes.

L'objectif de l'exercice n'est pas de « faire joli » ou de composer « une œuvre littéraire » mais plutôt de s'entraîner à savoir provoquer la musicalité d'une succession de phrases, à faire entrer en résonance des mots et des sons, quitte à obtenir du non-sens ou de la fantaisie.

Mots proposés : hâle, pâle, châle, Graal, compose, décompose, dépose, expose, dispose, indispose, interpose, juxtapose, oppose, propose, suppose, superpose, transpose.

Cela pourrait donner ceci :

Pâle sous son hâle, elle décompose le message déposé par le valet. Des mots elle dispose - ça l'indispose, des lettres elle juxtapose – ça l'expose. Elle se cache sous son châle, pâle sous son hâle. C'est son graal : superposer transposer tout ce qui s'oppose et que tout oppose.

2. Dans le texte suivant, extrait de : L'oiseau bleu : conte (1697), de Mme d'Aulnoy (Paris, Garnier frères, 1882, p. 17), ajouter, intercaler ou remplacer certains mots (noms communs, adjectifs qualificatifs, verbes, etc.) par des mots ayant la même finale, de manière à créer des homéotéleutes.

Il était une fois un roi fort riche en terres et en argent ; sa femme mourut, il en fut inconsolable. Il s'enferma huit jours entiers dans un petit cabinet, où il se cassait la tête contre les murs, tant il était affligé. On craignit qu'il ne se tuât : on mit des matelas entre la tapisserie et la muraille, de sorte qu'il avait beau frapper, il ne se faisait plus de mal. Tous ses sujets résolurent entre eux de l'aller voir, et de lui dire ce qu'ils pourraient de plus propre à soulager sa tristesse. Les uns préparaient des discours graves et sérieux, d'autres d'agréables, et même de réjouissants ; mais cela ne faisait aucune impression sur son esprit, à peine entendait-il ce qu'on lui disait. Enfin il se présenta devant lui une femme si couverte de crêpes noirs, de voiles, de mante, de longs habits de deuil, et qui pleurait et sanglotait si fort et si haut, qu'il en demeura surpris.

Cela pourrait donner cela :

Il était une fois, un roi matois fort riche en poids et en anchois. Sa femme mourut, il en fut tout bourru. Il s'enferma huit mois en pyjama dans un quant-à-soi maxima, où l'anonymat lui cassait la tête autant que la moquette. Etc.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), pp. 160, 233, 412.

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 1852.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 3, p. 3006.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., t. 1, p. 967.

WARNANT (Léon), Dictionnaire des rimes orales et écrites, nouvelle édition, Paris, Larousse, 1994 (collection Références), pp. 328, 385.

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