samedi 29 novembre 2014

La catachrèse, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« Les petits enfants vont à cheval sur leurs bâtons tandis que bourdonnent les ailes du moulin. »

La catachrèse

Une catachrèse est une métaphore si bien entrée dans l'usage qu'elle n'est plus sentie comme telle.

La catachrèse fait partie des 13 figures ou tropes1 dans la Tradition antique, avec l'allégorie, la métaphore, l'épithète, la périphrase, la métalepse, la métonymie, l'antonomase, l'onomatopée, l'hyperbate, la fable, l'hyperbole et la synecdoque. La rhétorique antique est principalement représentée par Aristote (384-322 avant J.-C., philosophe grec, auteur de La poétique et de La rhétorique), Quintilien (vers 30 - vers 100, maître latin de rhétorique considéré comme le représentant officiel de l'éloquence), et Donat (grammairien latin du IVe siècle et précepteur de saint Jérôme, qui traduisit la Bible en latin).

KATAKHRÊSIS

Le nom féminin la catachrèse est un emprunt au latin « catachresis » (1557), lui-même emprunté du grec « katakhrêsis ».

La catachrèse est une figure de rhétorique qui consiste à détourner un mot de son sens propre, par exemple : Ferré d'argent, Aller à cheval sur un bâton. Plus précisément, elle intéresse deux notions construites selon des critères différents :

1. C'est une métaphore lexicalisée (qui n'est plus sentie comme une figure), par exemple : Les ailes d'un château, Les ailes d'un moulin.

2. La notion d'extension de sens d'un mot (par métaphore2, métonymie3, ou synecdoque4) à une notion non désignée dans la langue.

UNE NOTION NON DÉSIGNÉE DANS LA LANGUE,
UN MOT DÉJÀ EXISTANT DANS LA LANGUE

Lorsque la langue ne possède aucun mot propre pour désigner un objet, elle procède par métaphores appelées catachrèses, par exemple : Le bras du fauteuil, Le fouet du cuisinier. La langue pourvoit aux besoins nouveaux de dénomination, nés des modifications de la réalité, en réutilisant des mots déjà existants. Le nouveau mot obtenu par extension métaphorique, métonymique ou par synecdoque, se lexicalise ou non : les Fruits de mer n'évoquent pas « les fruits de terre, les produits de la terre » dans leur sens étymologique ; tandis que le comique de l'expression « À cheval sur un âne » témoigne de son irrecevabilité lexicale. Selon que l'on perçoit ou non l'origine catachrétique d'un néologisme, son emploi peut être ou non considéré comme abusif. Quintilien insiste sur la distinction qu'il faut opérer entre la catachrèse et la métaphore, « car la catachrèse est employée quand il n'y a pas de terme spécifique utilisable, et la métaphore quand il y en a un autre ». Ainsi, « La saisie des données informatiques » est formée par catachrèse, tandis que « Saisir par le regard » est une expression métaphorique pour dire « Apercevoir ».

Mais je ne vous insulte pas, espèce de catachrèse ! [dit le capitaine Haddock].
Extrait de : Tintin et les bijoux de la Castafiore : bande-dessinée (p. 19), de Hergé [dessinateur et auteur de bandes dessinées belge (1907-1983), créateur du personnage de Tintin (1929) qui remporta un succès immense (traduit en 30 langues), dont le dessin représente le type de ce que l'on a appelé « la ligne claire » en bandes dessinées, au graphisme simple et réaliste, et qui montre un constant souci de précision et de véracité documentaire].

UNE COMPARAISON ABRÉGÉE ET IMPLICITE

La catachrèse est une figure de rhétorique consistant à élargir le sens d'un mot au-delà de son domaine strict (Une feuille de papier parce qu'elle est plate et mince comme une feuille d'arbre). C'est une métaphore (une comparaison abrégée selon Quintilien, une comparaison implicite), par exemple : La faucille d'or dans le champ des étoiles, pour : La lune brille au milieu du ciel étoilé, ou une métonymie dont l'usage est si courant qu'elle n'est plus sentie comme telle, par exemple : Les pieds d'une table, Le collège est rentré.

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Notes

1. Un trope (du grec tropos, tour, manière) est une figure de rhétorique par laquelle un mot (ou une expression) est détourné de son sens propre.

2. La métaphore est une figure de rhétorique, un procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique. Exemples : La racine du mal ; Une source de chagrins.

3. La métonymie est une figure qui consiste à désigner un objet par le nom d'un autre objet, existant séparément mais lié au premier par une relation privilégiée, la cause pour l'effet, l'instrument pour la cause, le contenant pour le contenu, le lieu pour ce qui s'y tient ; par exemple : Un premier violon (dans un orchestre) renvoie au violoniste et non à l'instrument.

4. La synecdoque est une figure de style qui consiste à désigner un objet par le nom d'un autre objet avec lequel il forme un ensemble, l'existence de l'un se trouvant comprise dans l'existence de l'autre. Par exemple : Croiser le fer (pour : se battre à l'épée), Le seuil (pour : la maison ou le foyer). Certains linguistes ont unifié les deux notions de métonymie et de synecdoque, en faisant de la synecdoque une métonymie par extension, tant la distinction entre ces deux figures est souvent ténue.

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Consigne : transformer les figures (métaphores, comparaisons, catachrèses, etc.) contenues dans le poème suivant, en prose descriptive, réaliste et concrète. Le texte est extrait de : Élégies, Marie, et romances : l'adieu du soir, poème (p. 12), de Marceline Desbordes-Valmore (Paris, François Louis, 1819).

L'adieu du soir

Dieu ! qu'il est tard !... quelle surprise !
Le temps a fui comme un éclair !
Douze fois l'heure a frappé l'air,
Et près de toi je suis encore assise ;
Et, loin de pressentir le moment du sommeil,
Je croyais voir encore un rayon de soleil.
Se peut-il que déjà l'oiseau dorme au bocage !
Ah ! pour dormir, il fait si beau !
Les étoiles en feu brillent dans le ruisseau,
Et le ciel n'a pas un nuage :
On dirait que c'est pour l'Amour
Qu'une si belle nuit a remplacé le jour.
Mais il le faut, regagne ta chaumière ;
Garde-toi d'éveiller notre chien endormi :
Il méconnaîtrait son ami,
Et de mon imprudence il instruirait ma mère.
(…) Écoute la raison, va-t-en, laisse ma main !
Il est minuit, tout repose au village,
Et nous voilà presqu'à demain !
Écoute ! si le soir nous cause un mal extrême,
Bientôt le jour saura nous réunir ;
Et le bonheur du souvenir
Va se confondre encore avec le bonheur même.

Cela pourrait donner ceci :

Dieu ! qu'il est tard... je suis surprise ! Le temps est passé tellement vite ! Je suis assise à côté de toi depuis douze heures sans me sentir fatiguée, sans même m'apercevoir que la lumière du jour a disparu. Les oiseaux ne chantent plus, je ne veux pas dormir. Le reflet des étoiles brille dans l'eau du ruisseau et le ciel n'a pas un nuage. Etc.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 77.

Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM, articles intitulés : Catachrèse (rhétorique), de Véronique Klauber ; Métaphore, de Jean-Yves Pouilloux.

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 1, p. 1993.

GREVISSE (Maurice), GOOSSE (André), Le bon usage : grammaire française, 13ème édition, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993, p. 264.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 1, p. 763.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

PEYROUTET (Claude), Style et rhétorique, Paris, Nathan, 1994 (collection Repères pratiques Nathan), p. 69.

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