jeudi 25 décembre 2014

L'image, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« Est-elle ? la vie, ce long fleuve tranquille, ou bien ce torrent des montagnes, impétueux, sauvage et farouche ? »

L'image

Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent

Extrait de : Alcools : recueil de poèmes (1913), Cors de chasse, de Guillaume Apollinaire.

L'image est une figure de style qui joue par analogie sur le sens des mots. Fondée sur l'équivalence, l'image consiste en un rapprochement de deux champs lexicaux qui met en évidence un élément qui leur est commun.

IMAGO

Le nom féminin une image est un emprunt au latin imago qui signifie « image, représentation, portrait, fantôme, apparence par opposition à la réalité » ; il est également un terme de rhétorique, comme figura (forme, aspect, représentation sculptée, mode d'expression, manière d'être). Imago suppose un radical « im- », d'origine obscure qui serait à la base du verbe « imitari » (imiter, reproduire par imitation, être semblable à).

Le mot image a d'abord eu le sens latin de statue, puis de représentation graphique d'un objet ou d'une personne. Abstraitement, le mot entre dans le vocabulaire de la rhétorique avec Brunetto Latini1 (Li livres dou Tresor, 1265), en tant qu'évocation dans le discours d'une réalité (souvent abstraite) différente de celle à laquelle renvoie le sens propre littéral du texte, mais liée à elle par une relation de similitude, d'analogie. Le procédé se construit en même temps qu'il se définit, et de la même manière : par imitation. On emploie des images pour construire des allégories, des comparaisons, des métaphores, des clichés, des symboles (le symbole en tant qu'image référence), des figures...

Chez vous le mariage est fâcheux et pénible
Et vos discours en font une image terrible

Extrait de : L'école des femmes (1662, V, 4) de Molière.

À partir de 1550, une image désigne la manifestation sensible de quelque chose d'abstrait ou d'invisible, l'évocation d'une réalité de nature différente, en raison d'un rapport de similitude.

IDÉE VERSUS RÉALITÉ

Une image est ce qui figure, ce qui imite, c'est une représentation des objets dans l'esprit, dans l'âme, c'est une représentation des personnes dans l'esprit, dans le souvenir, c'est une idée.

Ces « images » que d'autres appellent « peintures » ou « fictions », sont aussi d'un grand artifice pour donner du poids, de la magnificence et de la force au discours. Ce mot d' « image » se prend en général pour toute pensée propre à produire une expression, et qui fait une peinture à l'esprit de quelque manière que ce soit ; mais il se prend encore, dans un sens plus particulier et resserré, pour ces discours que l'on fait « lorsque, par un enthousiasme et un mouvement extraordinaire de l'âme, il semble que nous voyons les choses dont nous parlons, et quand nous les mettons devant les yeux de ceux qui écoutent. »

Extrait de : Traité du sublime (XIII), d'un auteur grec inconnu de la seconde moitié du Ier siècle, longtemps attribué à Longin (philosophe et rhéteur grec du IIIe siècle), traduction (1674) de Nicolas Boileau (Œuvres complètes, Garnier, 1870-1873, 4 vol.)

C'est une description, une métaphore, une similitude. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, on a utilisé indistinctement les mots « idée » et « image ».

Ainsi, dans toutes les langues, le cœur brûle, le courage s'allume, les yeux étincellent,
l'esprit est accablé, le sang se glace, la tête se renverse (…)
la nature se peint partout dans ces images fortes devenues ordinaires.

Extrait de : Dictionnaire philosophique, Éloquence (1770), de Voltaire.

Presque tout est image dans Homère2, dans Virgile3, dans Horace4, sans même qu'on s'en aperçoive.

Voltaire, ibid.

Depuis cette époque, le mot image s'oppose d'une part au concept ou à l'idée abstraite, d'autre part à la réalité ou aux choses qui existent indépendamment de l'esprit qui les pense. On parle d'image banale, usée, d'images de style, de la justesse ou de la puissance de l'image, de la profusion d'images, d'images descriptives ou colorées ou savoureuses, d'images forcées, etc, d'image surréaliste. Manière de rendre une idée plus sensible, ou représentation d'un être ou d'une chose dans l'esprit, l'image est avant tout une mise à distance entre une réalité et la perception de cette réalité, mise à distance qui permet d'engager le dialogue entre la perception d'une chose et l'idée que l'on s'en fait.

L'image, c'est l'évocation d'un spectacle de la nature ou d'une vérité de l'homme, dans la peinture d'une situation. C'est, en somme, le rattachement de l'émotion que l'artiste veut faire naître d'un certain concours de choses, nouveau pour le lecteur, à des émotions généralement éprouvées par l'homme. Véritable induction de l'art. Appel au général pour faire ressentir le particulier, au connu pour que surgisse dans l'attrait de la chose découverte cette relation nouvelle entre les choses qu'est une création de l'esprit.

Extrait de : La prose d'aujourd'hui (1956, p. 253), de René Georgin [grammairien français (1888-1978)].

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Notes

1. Brunetto Latini est un écrivain italien (vers 1220-vers 1294). Maître idéal de Dante et premier traducteur de Cicéron, il vécut en France de 1260 à 1266, où il composa en langue d'oïl Li livres dou Tresor, sorte d'encyclopédie des connaissances de l'époque. La langue d'oïl est l'ensemble des dialectes (wallon, picard, normand, anglo-normand médiéval, gallo de Bretagne, etc.) parlés jusqu'au XVe siècle dans les régions de France, où « oui » se disait « oïl », au nord de la Loire. On oppose la langue d'oïl à la langue d'oc et à ses dialectes franco-provençaux (la langue d'oc est l'ensemble des dialectes romans du midi de la France où « oui » se disait « oc »).

2. Homère est un poète ionien (IXe siècle av. J.-C.) à qui l'on attribue l'Iliade et l'Odyssée ; vieillard aveugle (aveugle se dit en grec Homêros), très respecté, il est l'auteur d'Épopées qu'il récitait devant des auditeurs venus de toute la Grèce antique ; ces très populaires Épopées homériques se transmirent oralement durant des générations avant d'être transcrites par écrit au VIe siècle av. J.-C.

3. Virgile est un poète latin (vers 70 avant J.-C.-19 av. J.-C.), auteur des Bucoliques, des Géorgiques, et de l'Énéide.

4. Horace est un poète latin (65 avant J.-C.-8 av. J.-C.), auteur de Satires, d'Odes, d'Épîtres, et d'un Art poétique.

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Consigne : introduire des images dans le texte suivant, extrait de : Correspondance générale de Mme de Maintenon (1635-1669, pp. 19-20), t. 1 (Paris, Charpentier, 1865).

L'extrait est une lettre écrite en réponse le 23 juillet 1642 par Madame d'Aubigné à Madame de Villette, sa belle-sœur. Madame d'Aubigné « s'est retirée dans un couvent, contrainte par la misère », provoquée par la vie dissipée de son mari. Son beau-frère et sa belle-sœur, M. et Madame de Villette, sont les seules personnes à l'avoir « aidée dans ses malheurs et conseillée dans ses affaires ». Dans cette lettre, Madame de Villette reproche à Madame d'Aubigné son éloignement et « l'abandon qu'elle faisait de son mari auquel on ne pouvait reprocher que de légers désordres ». En effet, « Madame de Villette aimait son frère avec passion et le regardait comme plus malheureux que coupable ».

Madame d'Aubigné à Madame de Villette, 23 juillet 1642.

Madame ma sœur,

Vous trouverez toujours en moi les dispositions d'une personne qui vous honore parfaitement ; je confesse que je ne vous ai point dissimulé le déplaisir que je recevais des mauvais déportements de votre frère, ne vous ayant jamais rien caché ; mais je les ai toujours supportés et les souffrirai autant de temps qu'il plaira à Dieu, ayant bien mérité le traitement que j'en ai reçu. Mais sur ce que vous me mandez de révoquer la résolution que j'ai prise de me mettre en pension dans un couvent, c'est à présent trop tard, y étant il y a tantôt un mois ; et je ne comprends point pourquoi vous croyez votre frère plus privé de moi, étant où je suis, que lorsque j'étais logée dans la cour du Palais, n'étant ici obligée à rien, qu'à vivre comme je faisais dans le monde (…).

En introduisant des images sur les termes suivants : ma sœur (soleil de mon cœur, astre central de ma vie), vous (une bergère d'un troupeau d'âmes égarées troublées par la complexité de l'existence), dispositions (mouvements d'humeurs, tel ce balancier d'horloge qui me fait passer d'heure en heure du bonheur au malheur et vice-versa, à chaque minute de joie à tourment et inversement, qui fait résonner dans chaque seconde l'union des amours et des haines), parfaitement (en un cercle clos formé par ma loyauté envers votre frère, par la sincérité de mes sentiments envers votre famille, et par la fidélité que je dois à mes père et mère), cela pourrait donner le texte suivant :

Madame d'A. à Madame de V., 25 décembre 2014.

Madame ma sœur, soleil de mon cœur, astre central de ma vie,

Vous, semblable à la bergère d'un troupeau d'âmes égarées troublées par la complexité de l'existence, vous trouverez toujours en moi les dispositions d'une personne qui vous honore parfaitement ; vous trouverez toujours en moi de telles dispositions, malgré des mouvements d'humeurs, tel ce balancier d'horloge qui me fait passer d'heure en heure du bonheur au malheur et vice-versa, à chaque minute de joie à tourment et inversement, qui fait résonner dans chaque seconde l'union des amours et des haines. En un cercle clos formé par ma loyauté envers votre frère, par la sincérité de mes sentiments envers votre famille, et par la fidélité que je dois à mes père et mère, nos bonnes relations et notre amitié seront parfaitement honorées. Je confesse que je ne vous ai point dissimulé le déplaisir que je recevais des mauvais déportements de votre frère, etc.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 2076.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 3, p. 3096.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 996.

Wikipédia, l'encyclopédie libre, page intitulée «Figure de style», consultée en décembre 2013 à partir de : http://wikipedia.fr.

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