mardi 10 février 2015

La synonymie, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« Le péril comme le danger, funeste ou fatal, n'apporte que mort et trépas, pleurs et larmes. »

La synonymie

La synonymie est la relation entre deux mots ou deux expressions synonymes. Sont synonymes des mots de même sens ou approximativement, et de formes différentes. La définition est large et permet de substituer un mot à un autre, dans pratiquement n'importe quel contexte bien défini, afin de nuancer ou de clarifier l'expression de sa pensée, ou bien afin d'éviter une répétition.

On parle de synonymie absolue lorsque deux mots synonymes sont interchangeables dans tous les contextes (exemples avec le terme vélo et ses synonymes bicyclette, petite reine, ou avec le terme bidule et ses synonymes truc, machin). La synonymie complète ou totale dépend pour beaucoup du contexte, et elle peut être considérée comme une hyponymie1 symétrique : si x est hyponyme de y et y de x (si la relation est réciproque ou symétrique), on dira que x et y sont synonymes.

Dans l'exemple suivant, le terme cramoisi est hyponyme du terme rouge, mais la réciproque n'est pas vraie, puisque rouge est hyperonyme de cramoisi, mais aussi de écarlate, lie-de-vin, sanglant, congestionné, etc. (rouge n'est pas hyponyme de cramoisi mais de coloré, et rouge est générique ou superordonné de cramoisi) ; donc même si les termes rouge et cramoisi peuvent faire l'objet d'une relation d'analogie, leur synonymie est relative et non absolue, non complète, non totale.

Le trait le plus saillant de la synonymie française est le « double clavier » dont elle dispose. Il existe en français de nombreuses paires de mots, l'un autochtone, l'autre savant, pour désigner des notions apparentées. C'est là une des conséquences de la vogue du latinisme (…)

Extrait de : Précis de sémantique française (1952, p. 191), de Stephan Ullmann.

La synonymie est une figure d'élocution (les figures d'élocution intéressent le choix des mots convenant à l'expression de la pensée) ; c'est une figure de rhétorique qui est nommée comme telle dans la langue française au XVIIe siècle (1671) et qui consiste à employer plusieurs mots ou expressions synonymes pour désigner une seule chose.

SUNÔNUMOS

Des synonymes sont donc des mots ou des expressions qui ont le même sens (ou une signification voisine). Ordinairement, ce n'est que pour une partie de leurs acceptions2 que les mots sont synonymes. Ils appartiennent à la même classe grammaticale ; par exemple, les participes passés : dénué, dépourvu, dépouillé et privé, expriment dans leur sens général l'idée de manque, mais chacun d'eux se prend avec une nuance particulière : dénué marque un manque absolu de ce qui, en général, est bon ou commode – dépourvu marque l'insuffisance, la privation du nécessaire pour agir – dépouillé indique que la chose manquante a été possédée (ornement, biens, etc.) - et enfin, privé présente le sujet comme ne jouissant pas de ce qu'il devrait normalement posséder.

La ressemblance que produit l'idée générale fait donc les mots synonymes ; et la différence qui vient de l'idée particulière qui accompagne la générale, fait qu'ils ne le sont pas parfaitement, et qu'on les distingue comme les diverses nuances d'une même couleur.

Extrait de : Synonymes français : leurs différentes significations et le choix qu'il faut pour en parler avec justesse (1706, p. 9 de la 5e édition), de l'abbé Gabriel Girard.

Le nom masculin et adjectif synonyme est un emprunt (vers 1380) au bas latin grammatical synonymus, qui reprend le grec sunônumos (de même nom que), composé de sun (avec, ensemble) et de onoma (nom).

Le mot apparaît isolément au pluriel dès le XIIe siècle, comme titre donné à une composition morale, ou compensation pécuniaire due par l'offenseur à l'offensé ou à sa famille. Au XIVe siècle, synonyme est d'abord adjectif, puis nom, avant 1553. Au XVIe siècle, le mot retrouve sa valeur étymologique : un synonyme est un mot qui a, avec un autre, une analogie de sens (genre commun) mais des acceptions différentes. À l'époque classique et surtout à partir du XVIIIe siècle, par refus de l'approximation et du cumul, la notion évolue vers l'idée moderne de « mot de même sens qu'un autre, mais pouvant différer par un autre aspect : connotations, valeur expressive, etc. ».

ANALOGIE ET DISTANCE SÉMANTIQUE

L'analogie est le rapport existant entre des mots de classes grammaticales semblables ou différentes, qui appartiennent à un même champ sémantique. Autour d'un mot-centre se groupent les termes qui ont entre eux un certain nombre de rapports : analogie, synonymie, extension, dérivation, composition. Par exemple : une aventure est le mot-centre de : ce qui arrive d'imprévu ou d'extraordinaire, à l'aventure, par aventure, une entreprise hasardeuse, s'aventurer, aventureux, un aventurier, etc.

Si l'on cherche à définir la synonymie par le sens on achoppe à une difficulté parce que :

1. Un mot n'a pas de sens en soi, isolément, mais par la fréquence relative d'emploi dans un contexte.

2. Deux mots synonymes n'ont jamais le même sens mais des sens analogiques plus ou moins éloignés l'un de l'autre (on appelle cette distance la « distance sémantique » entre deux unités lexicales ; par exemple, un aventurier peut être un intrigant ou un arriviste, mais aussi un audacieux ou un téméraire, voire un imprudent ou un imprévoyant). Seuls les termes scientifiques sont univoques3 tant qu'ils demeurent dans le contexte qui les a engendrés, mais s'ils se banalisent ils perdent leur univocité.

La synonymie se distingue de l'analogie par des critères morphosyntaxiques4, le critère de sens n'intervenant qu'en second : c'est ainsi que se justifie la distinction entre les deux notions. Un synonyme est donc une unité lexicale (mot ou locution) qui peut remplacer au même endroit d'une phrase une autre unité lexicale appartenant à la même classe grammaticale et remplissant la même fonction, et qui, par analogie, engendre un sens plus satisfaisant dans le contexte en cause. Par exemple :

une aventure et s'aventurer sont analogiques, mais ne sont pas synonymes : leurs champs sémantiques se recoupent largement, mais ils n'appartiennent pas à la même classe grammaticale (l'un est un nom, l'autre un verbe).

une aventure et une aventurière sont des analogies de même classe grammaticale (des noms), mais ne sont pas des synonymes parce qu'il y a incompatibilité au niveau des champs sémantiques (l'un concerne un événement, l'autre une personne).

une aventure et une histoire appartiennent à la même classe grammaticale, leurs champs sémantiques se recoupent de façon satisfaisante, on peut remplacer l'un par l'autre : ils sont synonymes.

SYNONYMIE COMPLÈTE

Le concept de synonymie complète est lié à la distinction que l'on fait entre le sens cognitif5 ou la dénotation (qui désigne l'élément invariant de la signification d'un mot) et le sens affectif ou la connotation (qui se dit du sens particulier que prend un mot ou un énoncé en fonction du contexte situationnel).

Exemple avec le mot nuit, qui n'a pas la même valeur affective (les mêmes connotations) dans les phrases suivantes :

- J'ai passé une nuit blanche (une nuit où l'on ne dort pas),

- Les nuits sont plus longues en hiver qu'en été (la durée pendant laquelle le soleil n'est pas visible, est plus longue en hiver qu'en été),

- et : Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière (Les contemplations, V, III, de Victor Hugo) où la nuit désigne la misère, le malheur, la destinée humaine.

La pratique de la langue met en jeu d'un côté l'entendement, de l'autre l'imagination et les émotions : les mots de la langue quotidienne, à la différence du vocabulaire scientifique et technique, sont chargés d'associations affectives (connotations) en dehors de leur sens purement dénotatif (dénotation). On dira qu'il y a synonymie complète quand le sens affectif et le sens cognitif des deux termes sont équivalents ou de même degré.

En reprenant l'exemple précédent, on ne pourra remplacer le mot nuit par un de ses synonymes (l'obscurité, la noirceur, l'ombre, l'opacité, les ténèbres, le mystère, l'anonymat, l'aveuglement des sens de l'esprit et du cœur, l'erreur, l'ignorance, le mal, le néant, la misère, la mort, le sommeil) qu'en prenant en compte le sens affectif du mot dans le contexte. J'ai passé une nuit blanche pourra avoir comme synonyme J'ai passé une nuit sans sommeil, et non J'ai passé (ou j'ai vécu dans) une obscurité blanche (sic), etc.

Aujourd'hui, d'une manière générale et dans l'usage courant, on considère comme synonymes des mots de même sens cognitif et de valeurs affectives différentes, on parle alors de synonymie incomplète, de mots quasi-synonymes.

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Notes

1. L'hyponymie désigne un rapport d'inclusion appliqué non à l'objet référé, mais au signifié des unités lexicales concernées, qui ont ou qui n'ont pas de référence en dehors de la linguistique, comme par exemple le terme « machin ».

Exemples : « bicyclette » (objet référé « vélo ») et « vélomoteur » (objet référé « moto ») sont hyponymes de « deux-roues » ; « œillet de Nice » est hyponyme de « œillet », lui-même hyponyme de « fleur ».

À l'inverse de l'hyponymie, l'hyperonymie désigne le rapport d'inclusion du plus général au plus spécifique ; un terme hyperonyme (générique ou superordonné) est un terme dont le sens inclut le ou les sens d'un ou de plusieurs autres termes (appelés alors hyponymes).

Exemple : « animal » est hyperonyme de « cheval », « cheval » est hyperonyme de « étalon », « destrier », etc. Autre exemple : « siège » est hyperonyme de « chaise » tandis que « chaise » est hyponyme de « siège ».

2. Les acceptions d'un mot sont les sens de ce mot, reconnus par l'usage à un moment et dans un milieu donné.

3. Un terme est univoque (ou monosémique) lorsqu'il garde le même sens dans tous ses emplois. Le terme scientifique ou technique peut être univoque dans un domaine spécialisé. Exemple : le terme « névralgie » (une douleur localisée) est univoque, tandis que le terme « douleur » change de sens ; suivant le contexte, c'est une impression pénible, un ensemble de sensations, un mal, un cri, la douleur du corps, de l'âme, de l'esprit, un pincement, une brûlure, une courbature, une frustration, une émotion pénible, etc.

4. La morphosyntaxe est la grammaire d'une langue, formée de la morphologie (étude de la formation des mots et des variations de forme qu'ils subissent dans la phrase) et de la syntaxe (étude des relations entre les mots d'une même catégorie, par la description des règles par lesquelles se combinent en phrase les unités significatives).

5. Le sens cognitif d'un mot représente la relation entre ce mot et l'objet signifié. Le sens cognitif ou la dénotation d'une unité lexicale est l'élément stable, non subjectif et analysable hors du discours, de la signification de cette unité lexicale. La dénotation se définit par opposition à la connotation ; la connotation est le sens affectif d'un mot, constitué par l'ensemble des associations affectives ou émotionnelles de ce mot et qui sont liées à son emploi. Exemple avec le mot « nuit », définissable de façon stable comme « intervalle entre le coucher et le lever du soleil », comme l'opposé du mot « jour », etc. (dénotation), comporte aussi dans certains contextes ou pour certains locuteurs la connotation « tristesse », « deuil », « solitude », etc.

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Consigne : transformer le rondeau1 de Jeanne Filleul2 en un texte en prose, en remplaçant certains mots par leurs synonymes. Le rondeau est extrait de : Rondeaux et autres poésies du XVe siècle (LXXXVII, pp. 76-77), publiés d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par Gaston Raynaud (Paris, Librairie Firmin Didot, 1889).

Notes :

1. Un rondeau est un poème à forme fixe du moyen âge, en vogue au XVe siècle. C'est aussi une petite pièce de poésie qu'on met ordinairement en musique, et dont le (ou les) premier(s) vers est (sont) répété(s) à la fin. On connaît les rondeaux ou rondels de Jean Froissart (écrivain français et poète de cour, vers 1337-vers 1410), de Charles d'Orléans (poète français, 1394-1465), et de Vincent Voiture (poète et épistolier français, 1597-1648, qui renouvelle le genre au XVIIe siècle).

2. Jeanne Filleul (vers 1426-vers 1498) est une poétesse française, dame d'honneur de Marguerite d'Écosse. On n'a d'elle qu'un seul rondeau ou bergerette.

Bergerette

Helas ! mon amy, sur mon ame, plus qu'aultre famme
J'ay de douleur si largement, que nullement,
Avoir confort je ne puis d'ame.

J'ay tant de dueil en ma pencée, que trespassée, est ma leesse depiecza :
A l'eure que m'eustes laissée seulle esgarée, tout mon plaisir se trespassa.

Dont maleureuse je me clame, par Nostre Dame,
D'estre voustre si longuement, car clerement
Je congnoys que trop fort vous ame, helas ! mon amy.

Mots : amy (ami), ame (âme), famme (femme), confort (courage), dueil (deuil), trespasser (partir), leesse (joie), depiecza (depuis longtemps), l'eure (l'heure), esgarée (abandonnée), se trespasser (s'achever), se clamer (se plaindre), clerement (en petit nombre), je congnoys (je reconnais), vous ame (vous aime).

Synonymes : ami (camarade, compagnon, pote, amant), âme (cœur, conscience, flamme, souffle), femme (dame, bobonne, frangine, poupée, compagne), douleur (brûlure, mal, souffrance, affliction, abattement, amertume, désespoir, désolation, peine), courage (ardeur, confiance, énergie, force, patience, persévérance, vaillance, volonté), deuil (chagrin, tristesse, enterrement), etc.

Avec la première strophe, cela pourrait donner ceci :

Hélas, mon amant, plus que toute autre poupée et sur ma conscience, j'ai tellement de peine que je ne puis plus concevoir ni confiance, ni énergie, ni force, ni patience, ni persévérance, ni même encore vaillance ou volonté. Etc.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

BERTAUD DU CHAZAUD (Henri), Dictionnaire de synonymes et contraires, édition revue et corrigée, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1999 (collection Les usuels), p. IX.

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), pp. 236, 465-466, 502.

Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM, article intitulé : Sémantique, de Catherine Kerbrat-Orrecchioni.

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 6, pp. 939, XCVII, CIV.

GREVISSE (Maurice), GOOSSE (André), Le bon usage : grammaire française, 13ème édition, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993, p. 262.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 6, p. 6157.

NIOBEY (Georges, dir.), Dictionnaire analogique, Paris, Larousse, 1997 (collection Références), pp. V, 53.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., pp. 2067, 2325.

Wikipédia, l'encyclopédie libre, page intitulée : Jeanne Filleul (http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Filleul, modifiée le 15 avril 2014).

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