samedi 14 février 2015

S + 7, exercice oulipien, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« La bonite est un éteignoir de complet satyre et de pleurant »

S + 7 = exercice « oulipien »

Que signifie « S + 7 » ?

S correspond à l'initiale du mot « substantif », et « S + 7 » correspond à l'intitulé d'un exercice « oulipien1 ».

L'exercice consiste à prendre un texte et un dictionnaire2, et à remplacer chaque substantif du texte par le septième qui le suit dans le dictionnaire. Si le substantif initial ne se trouve pas dans le dictionnaire, on prend le premier rencontré après l'endroit où il devrait se trouver.

Exemple avec la définition du mot « bonheur », prise dans le Larousse du collège (1694 p.), édition de 2003 : « Le bonheur est un état de complète satisfaction et de plénitude ». On prend le septième substantif qui vient dans le dictionnaire, après les substantifs le bonheur, l'état, la satisfaction et la plénitude, soit : la bonite (thon de la Méditerranée), un éteignoir, un satyre (demi-dieu rustique, papillon de jour ou exhibitionniste), un pleurant (sculpture funéraire représentant un personnage affligé, dont le visage est souvent caché par un capuchon). Après avoir appliqué la méthode S + 7, on obtient la phrase suivante : « La bonite est un éteignoir de complet satyre et de pleurant ».

VARIATIONS

Il existe de nombreuses variations, sur les mots, sur les noms propres, sur le choix du dictionnaire ou en remplaçant celui-ci par un autre texte, etc. Après avoir choisi un texte et un mot de départ :

S-3 : le mot de départ est un substantif que l'on remplace par le troisième substantif pris avant le mot dans le dictionnaire. On remplace alors chaque substantif du texte par le troisième substantif pris avant le mot dans le dictionnaire.

A+5 : on remplace chaque adjectif du texte par le cinquième adjectif pris après le mot dans le dictionnaire.

On peut donc modifier l'exercice aussi bien dans le choix du mot (substantif (S), verbe (V), adjectif (A), nom propre (NP), etc.), que dans le choix du chiffre qui le suit (±n, n étant un nombre entier).

Concernant la variation sur les mots, il s'agit de choisir un texte (de qualité littéraire ou non), pour en remplacer les mots par d'autres mots de même genre qui les suivent ou qui les précédent dans le dictionnaire :

On peut ainsi modifier l'exercice en le généralisant, en désignant M chaque mot du texte, et M±n, l'exercice qui consiste à remplacer chaque mot du texte par le n-ième mot pris après (+n) ou avant (-n) le mot dans le dictionnaire, sans considération de genre des mots.

Exemple avec la phrase suivante « Bonne année, bonne santé ! », et les mots BON(NE), ANNÉE et SANTÉ, dont on a cherché les dix mots précédents et les dix mots suivants dans un dictionnaire, ici le Dictionnaire Robert Junior Illustré (1246 p.), édition de 2010 :

bol/boléro/bolet/bolide/bombe/bombarder/bombardement/
bombardier/bombé(e)/bôme/BON(NE)/bonbon/bonbonnière/
bonbonne/bond/bonde/bondé(e)/bondir/bonheur/bonhomme/
bonifier (se),

animalier(ière)/animer/animateur(trice)/animation/animé(e)/
animosité/anis/ankylosé(e)/annales/anneau/ANNÉE/année-lumière/
annexe/annexer/annexion/annihiler/anniversaire/annoncer/
annonce/annonciateur(trice)/annoter,

sanguinaire/sanguinolent(e)/sanitaire/sans/sans-abri/
sans-gêne/sans-logis/sansonnet/sans-papiers/santal/SANTÉ/
santon/saoul(e)/saper/sapeur-pompier/saphir/sapin/
sarabande/sarbacane/sarcasme/sarcastique.

On peut appliquer par exemple la méthode M-7 (sans considération de genre des mots), et cela donne la phrase suivante : « Le bolide animation, le bolide sans ! » (sic), ou bien la méthode S+1 (et on remplace chaque mot par un mot de même genre), et cela donne la phrase suivante : « Bonne année-lumière, bon santon ! »

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Notes

1. Oulipien est l'adjectif dérivé du nom propre OuLiPo, acronyme de « Ouvroir de Littérature Potentielle ».

La complicité intellectuelle de Raymond Queneau (1903-1976), écrivain frotté de mathématiques et de François Le Lionnais (1901-1984), homme de sciences passionné de littérature, marque la véritable origine de l'OuLiPo. Autour d'eux, en novembre 1960, se rassemblent écrivains et mathématiciens (certains ont les deux compétences). Jacques Bens, Claude Berge, Jean Lescure, Jean Queval, Albert-Marie Schmidt, Latis et Noël Arnaud font partie des fondateurs [quelques-uns d'entre eux étant également membres du Collège de pataphysique fondé en 1948. Alfred Jarry (1873-1907) définit la pataphysique dans Gestes et opinions du docteur Faustroll (1911), comme étant « la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité »].

L'objectif de l'OuLiPo est d'explorer le terrain des « créations créantes ». Ce n'est pas l'œuvre finie d'un auteur donné qui intéresse le groupe, mais son mode de fabrication, ses procédures, ce qu'on appellera finalement ses contraintes.

Stricto sensu, le travail de l'OuLiPo consiste donc à exhumer, classer, illustrer les contraintes qui sont présentes dans l'écriture littéraire : contraintes formelles le plus souvent, liées à la langue, à la versification, à la construction narrative, contraintes sémantiques éventuellement. C'est la première tâche.

La seconde est d'inventer de nouvelles contraintes, notamment par le recours aux mathématiques, terrain insuffisamment exploré jusqu'alors, et notamment par la méthode axiomatique [théorie où tous les concepts mathématiques ainsi que les démonstrations seraient définis sous forme d'axiomes et de règles de déduction, d'hypothèses dont on pourrait tirer des conséquences logiques en vue de l'élaboration d'un système] après David Hilbert [mathématicien allemand (1862-1943) qui élabora en 1899 une construction axiomatique complète de la géométrie] et le groupe Bourbaki [pseudonyme collectif pris par de jeunes mathématiciens de l'École normale supérieure (Paris) en 1933, auteurs de Éléments de mathématique (1939-) et de Éléments d'histoire des mathématiques (1969)].

2. Un dictionnaire est un ouvrage didactique (qui vise à instruire) constitué par un ensemble d'articles dont l'entrée constitue un mot ; ces articles sont indépendants les uns des autres (malgré les renvois pratiqués) et rangés par ordre alphabétique ; son mode de lecture est la consultation.

Les dictionnaires bilingues de la fin du moyen âge précédent historiquement en France les dictionnaires monolingues (latin-français, français-anglais), reflétant un état linguistique où le français se substitue au latin dans les sciences et le droit, où les relations commerciales s'intensifient en Europe, où la diffusion des connaissances entraîne leur vulgarisation. L'essor de l'imprimerie au XVIe siècle donne une première floraison de dictionnaires : le Dictionnaire français-latin, de Robert Estienne (1538), le Trésor de la langue française tant ancienne que moderne, de Jean Nicot (1606).

Mais ce n'est qu'à la fin du XVIIe siècle que paraissent, à quelques années d'intervalle, les premiers dictionnaires uniquement monolingues du français : le Dictionnaire français, de César Pierre Richelet (1680), le Dictionnaire universel, d'Antoine Furetière (1690), et le Dictionnaire de la langue française, de l'Académie française (1694).

Le XVIIIe siècle se montre plutôt encyclopédiste avec le Dictionnaire de Trévoux publié par les jésuites en 1704, et l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, rédigée de 1751 à 1772 par Denis Diderot et Jean d'Alembert (aidés de savants, de philosophes et de spécialistes dans tous les domaines) ; tandis que le XIXe siècle est celui des grands travaux érudits : le Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française, de Louis-Nicolas Bescherelle (1843-1846), le Dictionnaire de la langue française, d'Émile Littré (1863-1872), le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, de Pierre Larousse (1864-1876), etc.

La seconde partie du XXe siècle voit un développement important des dictionnaires de langue, parallèlement à l'essor de la linguistique, avec les Dictionnaires le Robert d'Alain-Rey et Josette Rey-Debove, les dictionnaire de langue chez Larousse, etc.

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Consigne : extraire les substantifs du texte 1 (mots soulignés), puis remplacer les substantifs du texte 2 (mots soulignés) par les substantifs du texte 1. Le texte 1 est extrait de : La belle et la bête : conte, dans : Le magasin des enfants, ou dialogues d'une sage gouvernante avec ses élèves (1757), par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (Paris, Garnier, 1883, p. 37). Le texte 2 est extrait de : Le visage émerveillé (1904), d'Anna de Noailles (Paris, Calmann-Lévy, 1904, p. 8).

Texte 1.

Il y avait une fois un marchand qui était extrêmement riche : il avait six enfants, trois garçons et trois filles, et, en homme d'esprit, il n'épargna rien pour l'éducation de ses enfants, et leur donna toutes sortes de maîtres. Ses filles étaient très belles ; mais la cadette surtout se faisait admirer ; on ne l'appelait, quand elle était petite, que la belle enfant, en sorte que le nom lui en resta, ce qui donna beaucoup de jalousie à ses sœurs. Cette cadette, qui était plus belle que ses sœurs, était aussi meilleure qu'elles.

Texte 2.

Il y a aujourd'hui deux années que je suis entrée au couvent. Le petit jardin, la mère abbesse, l'église, les beaux chants, en faisaient pour moi un endroit doux et royal.

Je suis venue ici parce que j'aimais Dieu, la mère abbesse, le silence.

La sécheresse de la vie, chez mes parents me rendait malade. Mon père, quoiqu'il fût riche, se préoccupait de sa fabrique de dentelle. Il essayait d'y intéresser ma mère, qui, comme aujourd'hui, préférait les soins qu'elle donne à sa maison. Une de mes sœurs est mariée à un avocat, une autre à un officier de marine. Personne ne parlait de la paix, de la méditation, des jardins, de l'amour ; seulement mes livres, et la mère abbesse quand je venais la voir.

Cela donne ceci :

Il y a aujourd'hui deux fois que je suis entrée chez le marchand. Le petit enfant, le garçon la fille, l'homme, les belles éducations, en faisaient pour moi un enfants doux et royal.

Je suis venue ici parce que j'aimais Dieu, les maîtres les filles, la cadette.

L'enfant du nom, chez ma jalousie me rendait malade. Mes sœurs, quoiqu'elles fussent riches, se préoccupaient de leur cadette de sœur. Etc.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), p. 146.

Encyclopædia Universalis, 2008-2009, édition numérique, 1 CD-ROM, article intitulé : Oulipo, de Jacques JOUET.

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

OULIPO, La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 139-147.

OULIPO, Atlas de littérature potentielle, Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 166-170.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

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