jeudi 12 mars 2015

Crase, diérèse et synérèse, atelier d'écriture bimensuel de La Publiance


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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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« Je vais à le marché (sic) de la ville de Laon, acheter des di-a-mants » dis-je en détachant les syllabes du dernier mot.

Crase, diérèse et synérèse

En grammaire et rhétorique ancienne, une figure est un tour de mots et de pensées qui anime ou qui orne le discours. Les figures sont les divers aspects que peuvent revêtir dans le discours les différentes expressions de la pensée.

On distinguait les figures de mots et les figures de pensées. La crase, la diérèse et la synérèse sont des figures de mots, spécialement des figures de diction.

CONTRACTION ET FUSION

LA CRASE

Les figures de diction consistent dans la modification matérielle de la forme des mots. Dans la crase et la synérèse, il y a altération du matériel du mot par contraction ou fusion, dans la diérèse, au contraire, il y a séparation, division.

La figure qu'on appelle crase se fait lorsque, deux voyelles se confondant ensemble, il en résulte un nouveau son ; par exemple lorsqu'au lieu de dire (…) le mois d'Août, nous disons le mois d'Oût, (…) ; aujourd'hui nous disons par crase en une seule syllabe la ville de Can pour la ville de Caen, fan pour faon.

Extrait de l'article de Dumarsais1 sur la Crase, de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers2, de Diderot et d'Alembert (Paris, 1751-1772, 10 vol., t. 4, pp. 435-436).

Le nom féminin « la crase » est un emprunt au grec krasis qui signifie « mélange, contraction », le mot désigne un terme de grammaire grecque. C'est la contraction de syllabes où le son des éléments disparaît (par exemple la syllabe finale et la syllabe initiale de deux mots joints).

Attesté à partir de 1613 en français et par extension, une crase désigne une contraction ou une fusion de deux éléments consécutifs. Par exemple, la contraction de « à » et de « le » donne « au » (on dit : « Je vais au marché », et non pas : « Je vais à le marché »). De même : « à » + « les » = « aux », « de » + « le » = « du », « de » + « les » = « des ». Il y a crase quand on dit « l'homme » au lieu de : « le homme ».

(…) c'est l'époque [de la Restauration] [période de l'histoire française qui va de l'abdication de Napoléon 1er en avril 1814 à la révolution de juillet 1830 et à l'abdication de Charles X en août 1830] où la bourgeoisie, au pouvoir depuis encore peu de temps, opère une sorte de crase entre la Morale et la Nature, donnant à l'une la caution de l'autre : de peur d'avoir à naturaliser la morale, on moralise la Nature, on feint de confondre l'ordre politique et l'ordre naturel, et l'on en conclut en décrétant immoral tout ce qui conteste les lois structurelles de la société que l'on est chargé de défendre (…)

Extrait de : Mythologies, de Roland Barthes3, (Paris, Seuil, 1957, p. 134).

Par métaphore en littérature, une crase désigne la fusion de deux notions, la contraction de deux significations ; dans l'extrait ci-avant par exemple, l'auteur décrit « une sorte de crase » par la fusion de deux notions « la Nature » et « la Morale », en parlant de « naturaliser la morale », et de « moralise[r] la Nature ».

LA SYNÉRÈSE

En phonétique, la contraction, la fusion ou la prononciation de deux voyelles en une seule syllabe s'appelle une synérèse.

Le nom féminin la synérèse est un emprunt au terme de phonétique latin synaeresis (du grec sunairesis, qui signifie « action d'assembler, récolte, rapprochement , resserrement, contraction »), employé à propos des sons de la voix.

Exemples : le mot violon se prononce habituellement en trois syllabes : vi-o-lon, alors que l'on peut le prononcer (par synérèse) en deux syllabes : vio‑lon ; oui peut se prononcer par synérèse en une seule syllabe : oui, ou en deux syllabes : ou-i.

SÉPARATION, DIVISION

LA DIÉRÈSE

L'antonyme, le contraire de la crase, ou plus précisément, le phénomène inverse de la synérèse est la diérèse.

Le nom féminin « la diérèse » a été emprunté (1529) en même temps que son antonyme « la synérèse » (1540), au latin des grammairiens diaeresis (du grec diairesis, qui signifie « séparation, division »)

En phonétique et en prosodie, c'est la prononciation en deux syllabes de deux voyelles consécutives. Exemples : pli-er, ma-ïs (dans ce mot, la diérèse est indiquée par un tréma). La diérèse peut se faire par une prononciation méridionale des mots, mais aussi en poésie, par exemple en déclamant des vers. Ainsi, on prononcera di-a-mant, au lieu de dia-mant ; nu-age ou nu-a-ge, au lieu du monosyllabe nuage.

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Notes

1. César Chesneau Dumarsais est un grammairien français (1676-1756), auteur du Traité des tropes, ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue (1730), chargé par Denis Diderot (1713-1784, écrivain et philosophe français) et Jean Le Rond d'Alembert (1717-1783, philosophe, écrivain, physicien et mathématicien français, entré à l'Académie des sciences en 1741 et à l'Académie française en 1754) de la partie grammaticale de l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772), dont il en écrit environ 150 articles.

2. L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est une œuvre de vulgarisation scientifique et philosophique, très représentative des pensées philosophiques du XVIIIe siècle européen, le siècle des Lumières. Parue à Paris entre 1751 et 1772, directement inspirée de l'Encyclopédie ou Dictionnaire universel des arts et des sciences (lancée par souscription en 1728) de Chambers (vers 1680-1740), elle fut rédigée par des savants, des philosophes et des spécialistes dans tous les domaines (Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Jaucourt, de Prades, etc.) sous la direction de Diderot et d'Alembert qui en furent les animateurs et les principaux rédacteurs. Présenté dans un esprit réaliste et pratique, l'ouvrage en 17 volumes, veut montrer l'homme capable de transformer l'univers s'il se libère des préjugés en contrôlant par sa raison la religion, la politique et la morale.

3. Roland Barthes est un sémiologue [la sémiologie est la science qui étudie les systèmes de signes (langues, codes, signalisations, etc.)] et un critique français (1915-1980). Auteur d'essais : Le degré zéro de l'écriture (1953), Mythologies (1957), Éléments de sémiologie (1965), Système de la mode (1967), L'Empire de signes (1970), etc., il fut aussi professeur au Collège de France à Paris à partir de 1976.

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Consigne : essayer de trouver d'autres exemples de crase, de diérèse et de synérèse, puis construire une petite histoire d'une dizaine de phrases, où chaque phrase emploie un mot trouvé.

Ou bien, rédiger une histoire à partir des mots suivants : un diamant, un violon, un poète, naturaliser la morale, moraliser la nature, l'homme, au, du, aux, des, plier, oui, maïs, Noël, août, Caen, Laon, un faon, un paon, un nuage.

On peut aussi composer un poème où chaque syllabe de chaque mot sera décomptée.

Avec Noël, un violon, le poète, Caen, Laon, l'homme, cela pourrait donner ceci :

Le murmure de l'homme ne ment jamais,
Mais à Laon ou à Caen se le permet.
Le poète joue du violon,
Même quand est Noël au balcon.

Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !

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Bibliographie :

Corpus des œuvres de philosophie en langue française (site internet), notice Dumarsais, Les véritables principes de la grammaire (http://www.corpus-philo.fr/dumarsais-principes-grammaire.html, page du 7 mai 2014).

DUBOIS (Jean), GIACOMO (Mathée), [et al.], Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1999 (collection Expression), pp. 126, 147, 203, 464.

Gallica.bnf.fr (site internet), bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 2, pp. 771, 1487, t. 6, p. 937.

LITTRÉ (Paul-Émile), Dictionnaire de la langue française, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, t. 2, pp. 1313, 1717, t. 6, p. 6155.

Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007.

REY (Alain, dir.), Dictionnaire historique de la langue française, nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., pp. 601, 2066.

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