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L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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« Savoir
son style, c'est connaître son affaire » disait-on souvent
dans la deuxième moitié du XVe siècle. « Avoir
du style, c'est toute une affaire », dira-t-on plus tard, à
partir de 1845.
Le
rhétorique et le style
Dans
le langage, le style est l'aspect de l'expression chez un écrivain,
dû à la mise en œuvre de moyens d'expression dont le choix,
raisonné ou spontané, résulte dans la conception classique des
conditions du sujet et du genre (« Le style n'est que
l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées »
Buffon1), et,
dans la conception moderne, de la réaction personnelle de l'auteur
en situation (« Le style n'est que le mouvement de l'âme »
Michelet2).
« En
linguistique, le style est l'aspect de l'énoncé qui résulte du
choix des moyens d'expression déterminé par la nature et les
intentions du sujet parlant ou écrivant » (extrait de :
La stylistique, de Paul Guiraud, Paris, Presses universitaires
de France, 1954, Collection Que sais-je ?, p. 109).
Parmi
les moyens d'expressions de la pensée, on compte les figures de
style et les figures de rhétorique. Une langue utilise un nombre
relativement réduit de figures, mais elle construit, en les
combinant, un nombre infini, ou du moins indéfini, de signes
linguistiques ou phonèmes3
(un phonème est un signe linguistique qui unit un concept et une
image acoustique).
On
distingue les figures de style de celles de la rhétorique. Les
figures de rhétorique (que l'on peut classer en procédés
fonctionnels) visent la persuasion et l'argumentation, tandis que les
figures de style visent la bonne expression ainsi que l'ornement du
discours (elles peuvent être poétiques, humoristiques et
lexicales). La notion de figure de rhétorique est incluse dans la
catégorie plus vaste des figures de style.
LA
MARQUE DE L'INDIVIDUALITÉ
Le
style est la marque de l'individualité du sujet dans le discours, et
il réside dans l'écart entre la parole individuelle et la langue.
Les figures sont l'expression de cet écart et le résultat en est le
style. Cependant, l'analyse plus poussée des fonctions du langage,
la théorie de l'information, les développements du structuralisme4
approfondissent la notion de style. Le style ne réside plus dans une
opposition paradigmatique (ce qui aurait pu être dit), mais
syntagmatique (rapport effet de style et contexte).
Tout
discours a comme corollaire sa rhétorique, en tant qu'art de dire
quelque chose à quelqu'un. Le rhétorique de toute rhétorique,
c'est l'art d'agir par la parole sur les opinions, les émotions, les
décisions, du moins dans la limite des institutions et des normes
qui, dans une société donnée, règlent l'influence mutuelle des
sujets parlants.
Il
est bien vrai que je suis un mauvais citoyen. La rhétorique sociale
n'a jamais pris sur moi. Ni aucune rhétorique. Je n'aime pas les
phrases. Je n'aime que les faits.
Extrait
de : Propos d'un
jour, de Paul Léautaud5
(Paris, Mercure de France, 1947, p. 83).
Le
rhétorique (au masculin) dépend de la rhétorique (au féminin) en
tant que technique de l'expression ou en tant que champ d'étude.
C'est l'ensemble des procédés (les figures de rhétorique) et des
effets que la rhétorique (au féminin) utilise et produit.
Le
rhétorique a plusieurs fois réinventé la rhétorique, depuis la
rhétorique antique gréco-latine (Platon, Aristophane de Byzance,
Aristote, Cicéron, Quintilien, Tacite), jusqu'à nos jours avec la
rhétorique restreinte (Gérard Genette), la rhétorique générale
(Groupe μ de
« l'école de Liège »), et la nouvelle rhétorique
(Traité de l'argumentation, la nouvelle rhétorique, de C.
Perelman, L. Olbrechts-Tyteca, Bruxelles, 1958 et 1970), en passant
par le groupe des Grands rhétoriqueurs de la fin du moyen-âge
français : Jean Meschinot (vers 1422-vers 1491), Jean Molinet
(1435-1507), Octavien de Saint-Gelais (1468-1502), Guillaume Crétin
(vers 1460-1525), Jean Lemaire de Belges (1473-vers 1525) et Jean
Marot (1450-vers 1526).
PERSPECTIVES
Si,
avec la démocratisation de la parole publique, la tradition
rhétorique paraît trop lettrée pour survivre, avec la montée de
l'esprit scientifique, elle paraît en revanche trop pathétique (qui
émeut vivement, qui excite les passions et les émotions vives) pour
satisfaire aux nouvelles exigences de la raison. Un renouveau
rhétorique paraît renouveler la rhétorique contemporaine, puisque
dans trois autres disciplines au moins, la philosophie du langage,
l'anthropologie culturelle et la linguistique générale,
resurgissent des concepts comme discours, genres, circonstances,
moment, dialogue, interaction, émotion, polyphonie, ajustement,
convenance, etc.
On
commence à voir aboutir les recherches d'une génération pionnière
(en linguistique générale) qui connaît les deux traditions (celle
de la rhétorique classique et celle de la rhétorique antique
gréco-latine). C'est le cas avec
Michel Le Guern (Quatre
études sur la variation lexicale,
dans : Principes
de grammaire polylectale,
de Berrendonner, le Guern et Puech, Lyon, Presses universitaires de
Lyon, 1983),
qui redéfinit le concept même de langue en admettant que la
variation lui est constitutive : deux interlocuteurs peuvent se
parler et se comprendre sans employer exactement les mêmes formes,
syntaxiques, lexicales ou phoniques (la plupart des gens dit / la
plupart des gens disent ; mettre la table / mettre le couvert ;
il fait froid avec è ouvert ou é fermé) et
sans qu'aucune des deux variantes ne soit considérée comme une
« faute » ni un « écart à la norme ».
Les
locuteurs cessent donc d'être interchangeables : souvent A, qui dit
a, ne pourrait pas dire b, et B, qui dit b, ne pourrait pas dire a ;
et pourtant, s'ils se comprennent, c'est que chacun d'eux sait – ou
sent – que a dit par A est l'équivalent de b dit par B ; ils
peuvent d'ailleurs à l'occasion s'en assurer par un réglage
explicite, le malentendu, au moins partiel, étant l'un des moteurs
les plus puissants de la conversation. Avec le même refus du
« locuteur-auditeur idéal » unique, la théorie de
l'énonciation d'Antoine Culioli (Pour une linguistique de
l'énonciation, opérations et représentations, Paris, Ophrys,
1992-1995) insiste sur quelques propriétés rhétoriques
primordiales : cette équivalence entre formes qui permet
l'ajustement entre interlocuteurs par-delà leurs singularités, la
plasticité du langage humain, son intersubjectivité, chacun se
réglant sur l'image qu'il a de l'image que l'autre a de ce qui est
en question, intégrant donc en soi-même de l'altérité, enfin, cet
engagement dans la parole qui d'un simple locuteur fait un véritable
énonciateur.
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Notes
1.
Georges-Louis Leclerc,
comte de Buffon
(1707-1788) est un
naturaliste et un écrivain français, entré
en 1733 à l'Académie des sciences, et en 1753 à l'Académie
française. Il est intendant
du Jardin des Plantes de 1739 à 1788, transformé en juin 1793 en
Muséum national d'histoire naturelle et devenu quelques
années plus tard le point
focal des sciences de la nature en Europe et dans le monde. Il est
l'auteur d'une monumentale Histoire
naturelle, générale et particulière,
publiée en 36 volumes entre 1749 et 1788. « Le
style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées »
est une citation extraite
de son Discours sur le
style, ou Discours prononcé par Buffon à l'Académie française
(1753, supplément IV à l'Histoire
naturelle, générale et particulière).
Convaincu que « les
ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront à la
postérité »,
et soucieux avant tout de l'ordre et de l'enchaînement des idées,
il prône une parfaite adaptation de l'expression au sujet.
2.
Jules Michelet
est un historien et un
écrivain français (1798-1874), chargé
du cours d'histoire ancienne à l'École normale supérieure,
enseignant au Collège de France, et qui se passionna pour la
philosophie de l'histoire (il
empruntera à l'historien, juriste, professeur de rhétorique et
philosophe italien Giambattista Vico le principe de « l'humanité
qui se crée », dont il traduit en 1835 ses Principes
de la philosophie de l'histoire).
Il est l'auteur d'une Histoire
de France, des origines à la mort de Louis XI
(6 vol., 1833‑1844), d'une Histoire
de la Révolution française
(7 vol., 1847-1853), d'une Histoire
de France, de Louis XI à Louis XVI
(1855-1867), et d'une
Histoire du XIXe
siècle (inachevée,
3 vol., 1872‑1875) ; d'études de nature :
L'oiseau
(1856), La mer
(1861), etc. ;
et d'un Journal intime.
3.
Le
phonème
est la
plus petite unité distinctive de la chaîne parlée. C'est l'unité
distinctive de la parole dégagée par la mise en contraste
d'éléments plus complexes (morphèmes, monèmes).
4.
Le structuralisme
est une théorie selon
laquelle l'étude d'une catégorie de faits doit envisager
principalement les structures. En linguistique, le structuralisme est
la théorie descriptive et structurale des faits de langue. Selon les
tenants de la linguistique générative qui s'y opposent, le
structuralisme en linguistique ne tient pas compte de la créativité,
du dynamisme du langage. On
entend par linguistique générative la description systématique de
la génération, de l'engendrement, de la production du discours, des
phrases d'une langue, de la formation des phrases possibles (et
seulement de ces phrases).
5.
Paul Léautaud
est un écrivain français
(1872-1956), auteur de : Le
petit ami (1903), In
memoriam (1905),
Passe-temps
(t. 1, 1929 et t. 2, 1964), Poètes
d'aujourd'hui (1900,
1908, 1929), Journal
littéraire
(1954-1966) ; c'est par ses dialogues radiophoniques (Entretiens
avec Robert Mallet,
1951) qu'il accéde
à la notoriété.
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Consigne :
choisir un des deux extraits de texte proposés ci-après, celui de
Victor Hugo (1802-1885) ou celui de Claude Simon (1913-2005), puis
composer un court récit en une seule longue phrase (extrait 1) ou un
court poème (extrait 2), en imitant le style et en utilisant les
figures de rhétorique de l'auteur choisi. Pour s'aider, on peut
reprendre les figures de style recensées à la suite de l'extrait
(la liste n'est pas exhaustive), et reprendre la construction et
l'articulation des rimes et des phrases ainsi que des sous-phrases ou
des groupes de mots.
Extrait
1 : L'acacia, de Claude Simon (Paris : Les
Éditions de minuit, 1989, p. 205) :
Tout
le long de la route il avait conduit, s'arrêtant même à un
moment, garant la voiture sur le bas-côté, coupant le
contact, allumant un de ses petits cigares et se tenant
là, les mains posées sur le volant, regardant
disparaître peu à peu derrière la chaîne des sommets glacés déjà
couverts par les premières neiges les derniers feux du soleil,
jusqu'à ce que dans une échancrure il ne restât plus comme
dans un creuset qu'un minuscule bouillonnement d'or en fusion se
rétrécissant ou plutôt se rétractant, redoublant
d'éclat aurait-on dit, puis plus rien, l’œil encore un
moment aveuglé continuant à fixer les crêtes s'enténébrant,
d'un bleu violent maintenant sur le ciel couleur d'absinthe, déjà
gris du côté de la mer, tandis que les uns après les autres
(comme dans un théâtre où les machinistes auraient
allumé, modulé des rampes successives de projecteurs, comme
si tout le ciel s'embrasait peu à peu) les nuages éparpillés à
présent frappés d'en dessous par les ultimes rayons se
coloraient de blond, puis de bronze, puis de cuivre,
puis, dans un ciel pervenche allant s'assombrissant,
s'étiraient en longues traînées obliques, laissant pendre
comme des gazes leurs franges roses au-dessus de la plaine où
les vignes achevaient de perdre leurs feuilles, laissant à nu
la terre d'hiver, comme dépouillée, exténuée, abandonnée
à la nuit, au silence et au sommeil.
On
peut commencer la composition d'une très longue phrase en partant
d'une phrase plus courte, comme la phrase source ci-après d'où
découle la longue période de Claude Simon :
Tout
le long de la route il avait conduit, s'arrêtant même à un
moment et se tenant là, les mains posées sur le volant,
regardant disparaître peu à peu derrière la chaîne des
sommets glacés les derniers feux du soleil tandis que les uns
après les autres les nuages éparpillés s'étiraient en longues
traînées obliques laissant à nu la terre d'hiver abandonnée
à la nuit, au silence et au sommeil.
Figures
de style : la métaphore (les
feux du soleil, un minuscule bouillonnement d'or en fusion,
le ciel couleur d'absinthe,
etc.), la personnification
(laissant
à nu la terre d'hiver, comme dépouillée, exténuée, abandonnée à
la nuit, au silence et au sommeil).
Les
groupes de mots qui composent l'unique phrase de l'extrait sont
reliés par : des verbes au participe présent (s'arrêter,
garer, couper, allumer, se tenir, regarder, se rétrécir, redoubler,
continuer, etc.), des prépositions (jusqu'à,
puis, dans, au-dessus), la ponctuation (virgules,
parenthèses), des conjonctions de subordination (tandis
que, comme), des locutions (à présent),
des pronoms relatifs (où),
et des adverbes (déjà).
Extrait
2 : Les contemplations : À ma fille, poème
(octobre 1842), de Victor Hugo (Paris, Le Livre de poche,
1985, p. 19) :
(…)
Sois
bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux
Mets ton âme !
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux
Mets ton âme !
Nul
n'est heureux et nul n'est triomphant.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.
(...)
L'extrait
du poème comporte deux quatrains (2 strophes de 4 vers), chaque
quatrain comportant 3 vers décasyllabes suivis d'un vers de
trois syllabes, aux rimés croisées (abab).
Les
figures de style sont : l'assonance (sois-toi,
pieux-cieux-yeux, front-mon-ombre-incomplète,
met-tes-mets, heureux-heure),
l'épanalepse (nul-nul,
reprise d'un mot à l'intérieur d'un groupe de mots), et l'anaphore
(l'heure-l'heure, reprise
d'un mot dans le vers suivant).
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
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Bibliographie
DUBOIS
(Jean),
GIACOMO (Mathée),
[et al.], Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage,
Paris, Larousse, 1999
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École
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2008-2009,
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Gallica.bnf.fr
(site internet), bibliothèque
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Le
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2ème édition,
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6 vol., t.
5, pp. 2141-2143, t.
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LITTRÉ
(Paul-Émile),
Dictionnaire
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nouvelle
édition, Chicago,
Encyclopædia
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(réimpression
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Petit Robert des noms propres,
nouvelle
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REY
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dir.), Dictionnaire
historique de la langue française,
nouvelle
édition, Paris,
Dictionnaires
Le Robert, 1993,
2 vol., p.
1802.
Wikipédia,
l'encyclopédie libre,
page intitulée «Figure
de style»,
modifiée
en mai
2010,
consultée
à
partir de : http://wikipedia.fr.
L
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