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L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
« Elle ne
fait pas les dents. », ou encore « Il ne desserre
pas dans la dentelle. »
Perverbes
oulipiens
Un
perverbe est un proverbe1 perverti (pro-verbe/per-verti)
de la manière suivante : on associe le début d'un proverbe
avec la fin d'un autre pour composer un perverbe (extrait de :
http://nadorculture.unblog.fr/2009/02/23/exemples-de-perverbes).
Attention
à ne pas confondre le mot « perverbe », qui est un
néologisme, avec le nom masculin « préverbe ». Le
préverbe est un préfixe apposé à une forme verbale, par exemple
le « dé » de « défaire ».
Le
nom masculin « un proverbe » est emprunté (1174-1187) au
latin « proverbium » (dicton, adage, énigme,
comparaison, parabole, locution, manière de dire convenue, sentence
morale, maxime de sagesse), et il est formé du latin « pro »
(pour) et « verbum » (verbe). La distinction entre
locution, proverbe, dicton, adage ne se fait clairement qu'à partir
du XIXe siècle. Juste auparavant, dans la deuxième
moitié du XVIIIe siècle, le proverbe est aussi une
« petite comédie dont l'action illustre un proverbe »
(1768), un genre littéraire mondain à la mode à l'époque
romantique, un jeu de société comme celui des charades, pratiqué
par Alfred de Musset dans ses Comédies et proverbes (1840) :
Il ne faut jurer de rien (1836), On ne badine pas avec
l'amour (1834), etc., ou encore par Carmontelle dans ses
Proverbes dramatiques (1768-1781).
UN
EXERCICE OULIPIEN
Grâce
à leur structure forte, et familière à tous, les proverbes et
aphorismes se prêtent particulièrement aux manipulations et
substitutions. Une des possibilités en est le « perverbe ».
Un perverbe marie la première moitié d'un proverbe à la deuxième
moitié d'un autre.
Exemple
avec le perverbe « Pierre qui roule mène à Rome », qui
est composé à partir des proverbes suivants : « Pierre
qui roule n'amasse pas mousse » (qui signifie : une
vie aventureuse, agitée, ne permet pas d'accumuler des biens), et,
« Tous les chemins mènent à Rome »
(qui signifie : on peut arriver au même résultat par des
moyens différents).
Remarque :
un perverbe en soi n'est pas oulipien. Il faut d'abord en établir un
corpus limité qu'on soumettra par la suite à une contrainte
supplémentaire. On obtiendra alors soit un court récit en prose,
soit un poème.
Exemple
d'un court récit en prose, avec le perverbe : « Il faut
rendre à César sans casser des œufs », composé à partir
des proverbes suivants : « Il faut
rendre à César ce qui appartient à César » (chacun
doit conserver ce qui lui appartient), et, « On
ne fait pas d'omelette sans casser des œufs » (on
n'obtient rien sans faire un minimum de sacrifices inévitables),
utilisant l'homomorphisme (qui est la production d'un texte
reproduisant la structure d'un texte-souche) : Pendant
des semaines ils avaient conservé dans leur cave la plus fraîche
tout ce que pondaient leurs poules, leurs canes et leurs oies, pour
l'emporter ensuite à Rome à petits pas, prenant soin de ne briser
aucune partie de ce chargement fragile, destiné à acquitter tout
leur impôt.
Exemple
d'un poème à perverbes : utilisant les deux moitiés des
perverbes comme sections rimantes (soit au début, soit à la fin du
vers), on obtient des structures strophiques.
L'extrait
suivant est tiré d'un poème de Harry Mathews, intitulé : Les
pavés du royaume (dans : Le savoir des rois :
poésies, bibliothèque oulipienne, n° 5, 1977) :
Dans
le royaume des aveugles, qui est à César,
Dans
le royaume des aveugles, que la raison ne connaît pas
(On
revient toujours : les borgnes sont rois),
Dans
le royaume des aveugles, je te passe le séné.
Rien
ne sert de courir, les borgnes sont rois.
Cette
strophe de perverbes est composée à partir des proverbes suivants :
-
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois
(qui signifie : un médiocre paraît remarquable, parmi des gens
sans aucune valeur).
-
Rendez à César ce qui est à César
(chacun doit conserver ce qui lui appartient).
-
Le cœur a ses raisons, que la raison ne
connaît point (Blaise Pascal, Pensées, IV (1669),
Hachette, 3 vol., 1904, p. 277), qui signifie que lorsque le cœur
est opposé à la raison, c'est le sentiment ou l'intuition mêlée
d'affects, qui est opposé à l'esprit analytique.
-
On revient toujours à ses
premières amours (on reprend une habitude ancienne qu'on
avait abandonnée),
-
Passez-moi la casse, je vous passerai le séné2
(faisons-nous de mutuelles concessions, donnons-nous des avantages
mutuels).
-
Rien ne sert de courir, il faut partir à point
(Jean de La Fontaine, Fables (1692) : Le lièvre et la
tortue, Paris, Pocket, 2007, p. 106), qui signifie qu'il est
inutile de se presser, si on n'a pas réuni les conditions de la
réussite.
OuLiPo,
L'OUVROIR DE LITTÉRATURE POTENTIELLE
D'après
François Le Lionnais, toute œuvre littéraire se construit à
partir d'une inspiration (...) qui est tenue à s'accommoder tant
bien que mal d'une série de contraintes ou de procédés.
Il
est possible de composer des textes qui auront des qualités
poétiques, surréalistes, fantaisistes ou autres, sans avoir de
qualités potentielles.
Rose
au cœur violet
(anagramme du titre, poème où chaque vers est composé avec les voyelles
O E A U O E U I O E et les consonnes R S C R V L et T)
(anagramme du titre, poème où chaque vers est composé avec les voyelles
O E A U O E U I O E et les consonnes R S C R V L et T)
Se
vouer à toi ô cruel
À toi couleuvre rose
O, vouloir être cause
Couvre-toi, la rue ose
À toi couleuvre rose
O, vouloir être cause
Couvre-toi, la rue ose
Ouvre-toi,
ô la sucrée
(etc)
(etc)
(Extrait
de : Atlas de littérature potentielle :
hétérogrammes, p. 233)
Le
but de la littérature potentielle est de fournir aux écrivains
futurs des techniques nouvelles qui puissent réserver l'inspiration
de leur affectivité. D'où la nécessité d'une certaine liberté.
Ainsi,
il y a deux LiPos : une analytique et une synthétique. La LiPo
analytique recherche des possibilités qui se trouvent chez certains
auteurs sans qu'ils y aient pensé. La LiPo synthétique constitue la
grande mission de l'OuliPo, il s'agit d'ouvrir de nouvelles
possibilités inconnues des anciens auteurs.
Mais
qu'est-ce que l'OuLiPo ? Ni un mouvement littéraire – il ne
vise pas à produire ni à promouvoir des œuvres ; ni une
académie malgré quelques ressemblances formelles ; ni un
groupe de recherche scientifique, même si ses membres pratiquent
volontiers les mathématiques... Son projet n'est pourtant pas si
différent de celui d'un séminaire académique. Il se donne pour but
« d'opérer sur des matériaux constitués, organisés à des
fins littéraires » (Jacques Bens).
Il
prend comme unique objet d'étude la structure de ces matériaux,
« sans considération particulière de la beauté ».
Autrement dit, il considère le langage comme une machinerie
susceptible de produire toute sorte de matrices correspondant à des
structures prédéfinies. Ces structures, observe-t-il, restent
souvent cachées, délibérément ou non. En outre, la dépréciation
traditionnellement attachée à la notion de « procédé »
a fait qu'elles ne sont mises en œuvre que clandestinement, et
empiriquement, c'est-à-dire de façon rudimentaire.
Mage
roux
grave doux
sable mou
passe clou
l'âge fou
crabe soûl
barde lourd
larme d'ours
grave doux
sable mou
passe clou
l'âge fou
crabe soûl
barde lourd
larme d'ours
(Extrait
de : Atlas de
littérature potentielle : homovocalismes,
p. 161)
L'OULIPO
prétend : 1. mettre au jour ces structures cachées, 2. en
inventorier systématiquement les possibilités de fonctionnement, 3.
inventer de nouveaux modèles structurels susceptibles de générer
des œuvres nouvelles, 4. mettre à la disposition d'utilisateurs
éventuels ses trouvailles.
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.
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Notes
1.
Un proverbe
est une formule présentant des caractères formels stables, souvent
métaphorique ou figurée et exprimant une vérité d'expérience ou
un conseil de sagesse pratique et populaire commun à tout un groupe
social.
2.
Le séné
est la pulpe d'une plante légumineuse du genre cassia (ou casse) ou
cannelier ; c'est la pulpe des gousses de la casse, que l'on
utilise comme remède pour ses propriétés laxatives et purgatives.
.
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Consigne :
constituer une liste de 6 proverbes (plus ou moins) ou piocher dans
la liste ci-après, puis composer des perverbes avec le début d'un
proverbe et la fin d'un autre. Ensuite, choisir un perverbe et
composer un court récit qui illustre le perverbe, ou utiliser
plusieurs perverbes pour composer un poème.
Proverbes
proposés :
-
Être mort dans le dos (en
argot, être transi de froid),
-
C'est clair comme de l'eau de
roche (c'est clair, c'est évident, en parlant de choses
abstraites, correspond à « crystal clear » en anglais),
-
Vivre d'amour et d'eau fraîche
(se contenter des sentiments et ne pas se préoccuper des nécessités
matérielles),
-
Ne pas arriver à la cheville de
quelqu'un (lui être très inférieur),
-
Faire dresser les cheveux sur la
tête (inspirer de la terreur),
-
Revenir à ses premières amours
(reprendre une habitude ancienne qu'on avait abandonnée).
Avec
les proverbes « Être mort
dans le dos » (en argot, être transi de froid) et
« C'est clair comme de
l'eau de roche » ( c'est clair, c'est évident, en
parlant de choses abstraites), cela pourrait donner le perverbe
suivant : « Être mort
dans
de l'eau de roche », et le texte suivant :
Ce
soir-là, je suis mort dans de l'eau de roche. Il faut dire que ce
soir-là, j'avais un peu trop bu (une vieille habitude, une sale
manie). Il faut dire qu'on fêtait nos retrouvailles, après 15 ans
de perdu de vue. On s'était retrouvés sur internet. On s'était
donnés rendez-vous en Amérique, un vieux rêve d'adolescent ;
à 15 ans, on avait formé un groupe de musique : J.-C. à la
batterie, E. au chant, M. à la guitare et moi à la basse - il y
avait aussi I. aux claviers, mais on ne l'a pas retrouvé, du moins
on ne l'a pas retrouvé vivant vu qu'on a découvert (quinze après)
qu'il était mort d'overdose au lendemain de sa majorité, triste fin
mais fin méritée pour qui tutoie les anges d'un peu trop près et
trop souvent.
Donc,
on s'était donné rendez-vous en Amérique, plus précisément au
pied des chutes du Niagara, « Niagara Falls » dans l'état
de New York, qui signifie en langue des Mohawks « l'endroit
coupé en deux » (un peu comme moi quand j'ai trop bu, devenu
rond comme une barrique, saoul comme une grive) car les eaux de la
rivière Niagara se divisent en deux chutes, et qui signifie aussi
« résonne, fait du bruit » en iroquois (qui n'avaient
pas tort), le bruit est assourdissant. On s'est retrouvés la veille
du premier de l'an, le 31 décembre 2014. Il faisait encore beau et
suffisamment chaud – même si les températures avoisinaient le
zéro degré.
On
a bu, on n'était plus embarrassés, on s'est embrassés, on s'est
racontés, on a continué à boire, pendant des heures, qui sont
devenues des jours. Le thermomètre descendait toujours plus bas
tandis que nous remontions le cours de nos vies. C'est ballot d'en
être arriver là. Dans cette eau. De roche. Dans cette eau de
source. À la source, finalement.
On
est tombés tous ensemble dans l'eau (bon d'accord on s'est un peu
poussés, on a beaucoup chahuté), on était retombés en
adolescence. On n'a pas vu la vague arriver. La vague de froid. Une
vague qui a recouvert tout l'est des États-Unis (trop grande pour
nous, on n'a pas pu y résister). On y est tous restés. On nous
découvrira certainement au printemps, lors du dégel, lors de la
fonte des neiges, en mars ou en avril...
Je
vous parle de là-haut, on s'est tous retrouvés autour de I. - et
pas besoin d'internet -, vachement contents d'être au complet pour
pouvoir reformer le groupe. Je suis mort dans le dos, c'est clair
comme de l'eau de roche.
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
.
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Bibliographie
BEAUMARCHAIS
(Jean-Pierre
de),
COUTY (Daniel),
REY (Alain),
Dictionnaire
des littératures de langue française,
nouvelle
édition mise à jour et enrichie, Paris,
Bordas, 1994,
4
vol., t.
3, p. 1794.
Le
Grand Robert de la langue française,
2ème édition,
Paris :
Dictionnaires Le Robert, 2001,
6 vol., t.
5, p. 1337.
OULIPO,
Atlas
de
littérature
potentielle,
Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 159,
293-294,
344.
Oulipo.net
(site internet officiel de l'OuLiPo).
Le
Petit Robert des noms propres,
nouvelle
édition refondue et augmentée, 2007.
REY
(Alain), CHANTREAU (Sophie), Dictionnaire
des expressions et locutions,
Paris,
Dictionnaires Le Robert, Nouvelle présentation, 2007,
pp.
20,
133,
140,
235.
REY
(Alain,
dir.), Dictionnaire
historique de la langue française,
nouvelle
édition, Paris,
Dictionnaires
Le Robert, 1993,
2 vol., pp.
1474, 1658.
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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