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L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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D'une
langue à l'autre, ou bien à l'intérieur d'une même langue
Traductions,
un exercice oulipien
La
traduction consiste à « faire passer » un message d'une
langue de départ (langue source) dans une langue d'arrivée (langue
cible). Le terme désigne à la fois l'activité et son produit :
le message cible comme « traduction » d'un message
source, ou « original ».
« La
Traduction
est une pesée de mots. Dans l'un des plateaux nous déposons l'un
après l'autre les mots de l'auteur, et dans l'autre, et dans l'autre
nous essayons tour à tour un nombre indéterminé de mots
appartenant à la langue dans laquelle nous traduisons… et nous
attendons l'instant où les deux plateaux sont en équilibre. »
extrait de : Sous l'invocation de saint Jérôme (1945),
de Valery Larbaud1 (Paris, Gallimard, 1946, collection
Blanche, II, partie IV). Le travail du traducteur littéraire
susciterait ainsi un double de l’œuvre originale, sans en perdre
un instant les données formelles et sémantiques.
En
tant qu'exercice oulipien2, il s'agira ici surtout de
traduire des textes à l'intérieur d'une même langue.
En
effet, on peut considérer que, dans son acception courante, la
traduction n'est qu'un cas particulier du procédé qui consiste à
remplacer un énoncé par un autre en opérant une substitution
essentiellement lexicale affectant le moins possible les autres
composantes. Mais il n'est nul besoin de s'en tenir là. Rien
n'interdit d'opérer des substitutions qui portent sur les éléments
habituellement modifiés.
Ainsi
on peut mettre en jeu des éléments tels que le son (la
traduction homophonique reprend l'ensemble des sons d'un
texte ; quand on ne conserve que les voyelles, on parle
d'homovocalisme ; d'homoconsonantisme quand on ne
conserve que les consonnes), le sens (traduction
homosémantique lorsque l'on reprend le même sens que le
texte-source ; traduction antonymique, lorsque l'on prend
les antonymes3 des mots du texte-source), la syntaxe
(homosyntaxisme), et même le genre littéraire
(passage du vers à la prose, de la prose à la poésie, de la
nouvelle à la poésie, etc.), éléments que l'on peut combiner
entre eux (exemple avec la traduction antonymique et la poésie,
etc.).
→ La
traduction homophonique. Exemple avec cet extrait en latin de De
rerum natura, de Lucrèce : Suave,
mari magno turbantibus aequora ventis, e terra magnum alterius
spectare laborem, dont la traduction homophonique (en
français) de Marcel Bénabou est la suivante : Suave
Emma, ris, ma Guéhenne au turban, tes buts s’écœurent au vent
d'ici. Éther à magnum allaite et ris, où se pique, tarée, la
bohême.
→ La
traduction antonymique et la poésie : on remplace chacun des
mots d'un poème donné par son antonyme. Avec le poème intitulé
L'azur, de Stéphane Mallarmé, cela donne le poème intitulé
La gueule, de Marcel Bénabou :
L'azur
De l'éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poète impuissant qui maudit son génie
De l'éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poète impuissant qui maudit son génie
À
travers un désert stérile de Douleurs.
La
gueule
De la gueule éphémèr(e) la gravité soucieuse
Allège, laide insolemment comme l'épine
Le prosateur fécond qui bénit sa torpeur
Au sein d'une oasis fertile de Bonheurs.
De la gueule éphémèr(e) la gravité soucieuse
Allège, laide insolemment comme l'épine
Le prosateur fécond qui bénit sa torpeur
Au sein d'une oasis fertile de Bonheurs.
→ La
traduction homosyntaxique : on reprend la syntaxe d'un
texte-source pour produire un nouveau texte. Exemple avec la phrase
suivante : À ces mots l'Amour
s'apaise, et d'un air soumis et tendre, il se rapproche de Vénus,
qui déjà lui tend les bras, phrase-source dont la
syntaxe est la suivante : SSVSAAVSVS, avec S pour substantif, V
pour verbe, et A pour adjectif. La traduction homosyntaxique de
cette phrase pourrait donner celle-ci : À
ce jour le problème se dilue dans des lieux communs et
connus et ne se pose plus en observateur qui mécontente les juges.
→ La
traduction d'un genre littéraire à un autre. Exemple avec le poème
intitulé La gueule de Marcel Bénabou traduit en prose :
Le prosateur fécond est allégé par la
gravité soucieuse de sa gueule (expression éphémère) laide
insolemment comme l'épine. Il bénit sa torpeur au sein d'une oasis
fertile de Bonheurs.
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Notes
1.
Valery Larbaud
est un écrivain français
(1881-1957) qui traduisit
(1915-1919) Samuel Butler,
et qui
contribua à la traduction
(1929) de
l'Ulysse
de James Joyce, auquel il avait emprunté la forme du « monologue
intérieur ». Il est l'auteur de
romans : Barnabooth
(1908, 1913), Fermina
Márquez
(1911), de nouvelles : Enfantines
(1918), Amants, heureux
amants (1920-1924),
d'essais et de notes de voyages : Jaune,
bleu, blanc (1928),
Aux couleurs de Rome
(1938), et d'essais critiques : Ce
vice impuni, la lecture : Domaine anglais
(1925), et Domaine
français (1941), Sous
l'invocation de saint Jérôme
(1945).
2.
Oulipien
est l'adjectif dérivé du nom propre OuLiPo, acronyme de « Ouvroir
de Littérature Potentielle ».
La
complicité intellectuelle de Raymond Queneau (1903-1976),
écrivain frotté de mathématiques et de François Le Lionnais
(1901-1984),
homme de sciences
passionné de littérature, marque la véritable origine de l'OuLiPo.
Autour d'eux, en novembre 1960, se rassemblent écrivains et
mathématiciens (certains ont les deux compétences). Jacques Bens,
Claude Berge, Jean Lescure, Jean Queval, Albert-Marie Schmidt, Latis
et Noël Arnaud font partie des fondateurs [quelques-uns
d'entre eux étant également membres du Collège de pataphysique
fondé
en 1948.
Alfred
Jarry (1873-1907) définit la pataphysique dans Gestes
et opinions du docteur Faustroll
(1911), comme
étant
« la
science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux
linéaments les propriétés des objets décrits par leur
virtualité »].
L'objectif
de
l'OuLiPo est
d'explorer le terrain des « créations créantes ». Ce
n'est pas l'œuvre finie d'un auteur donné qui intéresse le groupe,
mais son mode de fabrication, ses procédures, ce qu'on appellera
finalement ses contraintes.
Stricto
sensu, le travail de l'OuLiPo
consiste donc à exhumer, classer, illustrer les contraintes qui sont
présentes dans l'écriture littéraire : contraintes formelles le
plus souvent, liées à la langue, à la versification, à la
construction narrative, contraintes sémantiques éventuellement.
C'est la première tâche.
La
seconde est d'inventer de nouvelles contraintes, notamment par le
recours aux mathématiques, terrain insuffisamment exploré
jusqu'alors, et notamment par la méthode axiomatique [théorie
où tous les concepts mathématiques ainsi que les démonstrations
seraient définis sous forme d'axiomes et de règles de déduction,
d'hypothèses dont on pourrait
tirer des conséquences
logiques en vue de l'élaboration d'un système]
après David Hilbert
[mathématicien
allemand (1862-1943)
qui élabora en 1899 une construction axiomatique complète de la
géométrie]
et le groupe Bourbaki
[pseudonyme
collectif pris par de jeunes mathématiciens de l'École normale
supérieure (Paris) en 1933, auteurs de Éléments
de mathématique
(1939-) et de Éléments
d'histoire des mathématiques
(1969)].
3.
Un antonyme
est un terme contraire à
un autre terme de même nature : large/étroit,
grand/petit,
noirceur/blancheur,
propre/sale,
santé/maladie,
ou défini par une
relation de réciprocité (vendre/acheter,
demander/répondre),
ou de complémentarité (la négation de l'un des deux termes
entraîne l'autre : masculin/féminin,
marié/célibataire).
Il est souvent difficile
de distinguer les mots contraires des mots complémentaires et des
mots réciproques, c'est pourquoi l'usage courant les réunit sous le
nom générique d'antonymes.
.
¤ . ¤ . ¤
.
Consigne :
appliquer la traduction
homosyntaxique (en gardant
la même syntaxe) ou la
traduction antonymique (on
remplace chaque nom par son antonyme) à
l'extrait de texte proposé
ci-après. Il s'agit d'un
extrait de : Nouveaux
contes moraux et nouvelles historiques :
Daphnis et Pandrose, ou
les oréades, par
Madame de Genlis
(Paris, Crapelet, 1802, 2 vol., t. 1, pp.
246-247).
Dans la mythologie
grecque, une oréade est une divinité, une nymphe des montagnes et
des bois.
Je
voulais prouver que l'amour n'est qu'une illusion, qu'il promet le
bonheur, et ne peut que le troubler ou le détruire.
(…)
on distingue l'étoile brillante de Vénus : tout parle de
l'Amour ; aux cieux et sur la terre, tout retrace et peint sa
puissance. La fière Diane en soupire ; mais jetant ses regards
sur la délicieuse île de Paphos, ce qu'elle y découvre la console
pour quelques instants : c'est son ennemi, c'est l'Amour baigné
de pleurs sur les genoux de sa mère ; il fait retentir les
bocages d'alentour de ses gémissements et de ses cris ; sa
colère est celle d'un enfant capricieux : en cherchant à
l'adoucir, on la rend plus impétueuse et plus obstinée.
Vénus
en vain pour apaiser l'Amour, le caresse et le presse dans ses bras ;
il se débat et s'agite, sa douleur paraît s'accroître encore, et
son dépit devient de la fureur. Vénus, irritée à son tour, le
repousse, et lui reproche ses emportements : Enfant indomptable
et cruel, dit la Déesse, la douce et facile indulgence te
rendra-t-elle toujours plus terrible et plus intraitable ?...
Mais je ne pénètre que trop la cause d'une douleur si vive :
tu n'auras pu sans doute causer tout le désordre, tout le trouble
que tu te plais à répandre... Diviser les dieux et les hommes,
voilà tes jeux et tes plaisirs ; tes larmes perfides ne coulent
jamais que par le regret inhumain de n'avoir pu faire tout le mal que
tu méditais !
À
ces mots l'Amour s'apaise, et d'un air soumis et tendre, il se
rapproche de Vénus, qui déjà lui tend les bras ; la Déesse
essuie doucement les pleurs de l'Amour avec le voile divin qui flotte
sur ses beaux cheveux : ingrat, lui dit-elle, je devrais ne vous
plus aimer ; mais quel ressentiment peut tenir contre les larmes
de l'Amour ? Tu te plains, tu gémis ; et j'oublie ma
colère. Ah ! sans doute, le bonheur de te pardonner dédommage
assez de ton ingratitude. Parle, confie-moi tes peines : mon
cœur va les partager.
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
.
¤ . ¤ . ¤
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Bibliographie
BEAUMARCHAIS
(Jean-Pierre
de),
COUTY (Daniel),
REY (Alain),
Dictionnaire
des littératures de langue française,
nouvelle
édition mise à jour et enrichie, Paris,
Bordas, 1994,
4
vol., t.
4, p. 2487.
DUBOIS
(Jean),
GIACOMO (Mathée),
[et al.], Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage,
Paris, Larousse, 1999
(collection Expression), p.
486.
Encyclopædia
Universalis,
2008-2009,
édition numérique, 1
CD-ROM, article
de
Jacques
JOUET
(Oulipo).
Le
Grand Robert de la langue française,
2ème édition,
Paris :
Dictionnaires Le Robert, 2001,
6 vol., t.
6, p. 1365.
OULIPO,
La
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Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 172, 200, 299.
OULIPO,
Atlas
de
littérature
potentielle,
Paris, Gallimard, 2007 (Folio Essais), pp. 143-158.
Le
Petit Robert des noms propres,
nouvelle
édition refondue et augmentée, 2007.
L
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atelier d'écriture et publication
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