¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
Jouer
avec la musicalité et le rythme de la phrase
Personnellement,
j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël. Je la trouve ravissante
et très sympathique. On me dit que je suis trop optimiste par
rapport aux femmes, que je les trouve toutes
jolies, ou du moins que je leur trouve à toutes quelque chose de
joli. Il est vrai qu'une belle peau, des reflets dans les cheveux,
des doigts de rose, un grain de beauté, une fossette me suffisent,
mais cette fois-ci vous pouvez me croire, sans indulgence aucune, il
est impossible de ne pas trouver Juliette séduisante comme une
dactylo de cinéma : cheveux soyeux, longs cils, élégance
naturelle dans un modeste chandail collant, une jupe très courte et
des talons très hauts... D'ailleurs elle est vraiment dactylo, et
dactylo de premier ordre. Si bien qu'après avoir été l'une des
vingt dactylos de l'usine d'aviation, puis la secrétaire de M.
Martin, ingénieur, elle était devenue la secrétaire particulière
du grand patron. Cet avènement s'était fait comme la carrière
d'une petite actrice qui remplace au pied levé la vedette et
remporte un triomphe : la sténo du conseil d'administration
n'étant pas venue, on avait à la dernière minute, en désespoir de
cause, mandé Juliette, et elle avait si bien pris tous les rapports
et même toutes les controverses, que le grand patron l'avait
aussitôt réclamée pour lui. L'ingénieur Martin en était
inconsolable.
Avec
sa tête à photographier pour la couverture de Marie-Claire,
Juliette a une espèce de réserve et de dignité qui tient les gens
à distance. Il y a deux ans qu'elle est à l'usine d'aviation et on
ne la soupçonne même pas de coucher avec le directeur, son patron
(un général de cavalerie en retraite, beaucoup d'allure, veston
noir orné de la rosette de commandeur, pantalon rayé), et ceci
malgré les marrons glacés qu'il lui apporte au jour de l'An et les
fleurs pour sa fête. Mais tout le monde connaît la galanterie du
vieux gentilhomme. Ce qu'on ne sait pas, c'est que le vieux
gentilhomme avait, avec toutes les précautions oratoires possibles,
proposé à Juliette de l'entretenir : il ne pouvait faire
mieux, puisqu'il était marié. Et que l'ingénieur Martin avait
demandé Juliette en mariage...
Le
texte proposé est extrait de : Les
amants d'Avignon : nouvelle
(1944),
dans
le
recueil : Le
premier accroc coûte
deux cents francs
(Genève,
Éditions Edito-Services, 1967,
pp. 15-16),
d'Elsa Triolet.
Prix
Goncourt 1945, Le
premier accroc...
est un recueil de nouvelles imprégnées des aventures de la
Résistance, d'abord publié clandestinement. La
nouvelle Les
amants d'Avignon
célèbre plus particulièrement le courage des femmes pendant cette
période.
Elsa
Triolet est une romancière française d'origine russe (1896-1970).
Belle-sœur*
de Vladimir
Maïakowski
(poète
soviétique,
1893-1930,
dont
elle traduisit un volume de Vers
et proses),
elle fut encouragée à écrire par Maxime Gorki (poète,
romancier et auteur dramatique russe, 1868-1936).
Après un voyage à Tahiti, puis à Berlin (à la suite de son
premier mari André Triolet), Elsa Kagan** rencontra à Paris (1928)
Louis Aragon (écrivain
et poète français, 1897-1982),
dont elle devint la compagne et l'inspiratrice.
Depuis
sa première œuvre en français, Bonsoir
Thérèse
(1938), Elsa Triolet a composé de nombreux ouvrages « en
dialogue » avec ceux d'Aragon, Œuvres
romanesques croisées,
publiées à partir de 1964. Elle
est l'auteure de romans : Mille
regrets (1942), Le cheval blanc (1943), Le cheval roux (1953), Le
rendez-vous des étrangers
(1956), L'âge
de nylon
: cycle romanesque qui comprend : Roses
à crédit
(1959), Luna-Park
(1959), et
L'âme
(1963), etc.,
et
de
la traduction d'une Anthologie
de la poésie russe
(1965).
*Le
Petit Robert des noms propres,
nouvelle
édition refondue et augmentée, 2007.
**Dictionnaire
des littératures de langue française,
Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, nouvelle
édition mise à jour et enrichie, Paris, Bordas, 1994,
4 vol.,
t.
4,
p. 2496.
LA
PHRASE SIMPLE
L'harmonie
du langage, d'un texte - ou sa disharmonie, produit une musique qui
est l'expression d'une pensée ou d'une sensibilité. Y
participent la syntaxe (le choix des mots, d'un lexique, d'un
vocabulaire), le sens (polysémie, monosémie, connotation,
dénotation), et les sons (succession de syllabes accentuées et non
accentuées). La
musicalité d'un texte ou son mouvement général, résulte de la
répartition et du retour régulier et plus ou moins rapide de
certains éléments de la phrase. De la phrase simple à la phrase
complexe, les rythmes diffèrent : binaire, ternaire, ascendant
ou descendant. La
musicalité d'un texte ou du style renvoie donc au fait que tout ce
qui est écrit peut être lu, que ce qui est lu est
aussi
entendu, et
que
tout écrit est aussi oral.
Consigne
1 :
décomposer
le texte en phrases simples ou
phrases « minimum ».
Une phrase simple est une
phrase constituée
d'un sujet et d'un seul
verbe
conjugué,
et
éventuellement d'un complément.
Avec
les
5 premières phrases
de
l'extrait de
texte, cela pourrait donner 22
phrases simples :
J'aime
beaucoup
Juliette
Noël. Je la trouve ravissante et sympathique. Je
suis trop optimiste par rapport aux femmes. C'est
ce que l'on dit de moi.
Je les trouve toutes jolies. Je leur trouve à toutes quelque chose
de joli. Une belle peau me suffit. Des reflets dans les cheveux me
suffisent. Des doigts de rose.
Un grain de beauté me suffit. Une
fossette... Vous
pouvez me croire. Je ne suis pas indulgent. Je
trouve Juliette séduisante. Elle
est séduisante
comme une dactylo de cinéma. Elle
a des cheveux soyeux. De
longs cils. Elle est élégante naturellement. Elle ne porte pourtant
qu'un modeste chandail collant. Elle porte une jupe très courte et
des talons très hauts... D'ailleurs,
elle est vraiment dactylo. C'est
une
dactylo de premier ordre.
LA
PHRASE COMPLEXE
Une
phrase complexe est un
assemblage de propositions ou de phrases
simples,
qui contient plusieurs verbes conjugués (Le
bon usage : grammaire française,
de Maurice Grévisse, Paris, Duculot. 13e éd.,
p.
271).
Consigne
2 :
recomposer
le texte en plusieurs
phrases complexes. Les
5 premières phrases
de
l'extrait de
texte pourraient
donner les
2
phrases complexes suivantes :
Personnellement,
j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël, que je trouve ravissante
et très sympathique, car
bien que l'on dise de moi
que je suis trop optimiste par rapport aux femmes, que
je
les trouve toutes jolies, que
je
leur trouve à toutes quelque chose de joli, et
qu'il
est vrai qu'une
belle peau me suffit, que
des
reflets dans les cheveux me suffisent, que
des
doigts de rose, un
grain de beauté ou
une
fossette me suffisent,
cette
fois-ci vous pouvez me croire et
sans indulgence aucune, il est impossible de ne pas trouver
Juliette séduisante comme une dactylo de cinéma, dont
elle
a
les
cheveux soyeux, les
cils longs
et
l'élégance
naturelle même
si son chandail est modeste
et
collant,
sa
jupe très courte et ses
talons très hauts...
D'ailleurs,
elle est vraiment dactylo, et
c'est
une
dactylo de premier ordre. Etc.
MESURES
SYLLABIQUES ET RYTHMES
Dans
la phrase simple, chaque groupe (sujet, verbe, complément) peut être
assimilé à une mesure décomptée en syllabes.
Un rythme naît des rapports de longueur entre ces mesures : Je
les trouve toutes jolies
(8
syllabes) /
Je
leur trouve à toutes quelque chose de joli
(13
syllabes).
Dans la phrase complexe,
assemblage de propositions ou de phrases simples, le rythme naît
surtout
des rapports de longueur entre ces propositions (ce qui n'exclut pas
leurs rythmes internes) : On
me dit
que je suis trop optimiste par rapport aux femmes
(16
syllabes),
que
je
les trouve toutes jolies
(9
syllabes),
ou
du moins que
je
leur trouve à toutes quelque chose de joli
(17
syllabes).
Il
existe 4 types de rythme : le rythme
binaire, le
rythme ternaire,
le
rythme ascendant
et le
rythme descendant :
→ On
parle de rythme binaire lorsque les groupes de mots (groupe
sujet, groupe verbal, groupe complément) ou les propositions
(phrases dans la phrase) sont de longueur similaire et au nombre de
2. On obtient un effet de symétrie et de clarté. Par exemple avec
la phrase « Il est vrai qu'une belle
peau, une fossette me suffisent » : Il est
vrai qu'une belle peau, (proposition 1 de 8 syllabes) / une
fossette me suffisent (proposition 2 de 8 syllabes).
→ On
parle de rythme ternaire lorsque les groupes de mots ou les
propositions sont de longueur similaire et au nombre de 3. On obtient
un effet de clarté et de parallélisme. Par exemple avec la phrase
« Il est vrai qu'une belle peau, des
reflets dans les cheveux, une
fossette me suffisent » :
Il est vrai qu'une
belle peau, (proposition 1 de 8 syllabes) / des
reflets dans les cheveux, (proposition 2 de 7 syllabes) une
fossette me suffisent (proposition 3 de 8 syllabes).
→ On
parle de rythme ascendant lorsqu'une phrase est composée
d'une succession de groupes de mots de plus en plus longs, ou de
propositions de plus en plus longues. Par exemple avec la phrase
« J'aime les femmes, j'aime beaucoup
Juliette Noël, d'ailleurs j'ai toujours beaucoup aimé Juliette
Noël, car personnellement je la trouve ravissante et très
sympathique » : J'aime
les femmes (4 syllabes), j'aime
beaucoup
Juliette
Noël (9 syllabes),
d'ailleurs j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël
(14 syllabes),
car personnellement je la trouve ravissante et très sympathique
(18 syllabes).
On
emploie ce rythme crescendo pour obtenir des effets de suspense,
d'attente, de gradation et d'abondance. La
juxtaposition de phrases simples ou complexes ascendantes accélère
le rythme général d'un récit.
→ On
parle de rythme descendant lorsqu'une phrase est composée
d'une succession de groupes de mots de plus en plus courts, ou de
propositions de plus en plus courtes. Par exemple avec la phrase « On
me dit que je suis trop optimiste par rapport aux femmes, que je les
trouve toutes jolies, trop jolies » : On
me dit
que je suis trop optimiste par rapport aux femmes
(16 syllabes),
que
je
les trouve toutes jolies
(9 syllabes),
trop
jolies
(3 syllabes).
La
juxtaposition de phrases de plus en plus courtes a un effet de
ralentissement
sur le rythme général du texte.
MUSICALITÉ
Consigne
3 :
recomposer
le texte en
jouant sur sa musicalité par une alternance de rythmes :
phrases courtes pour une musique saccadée et
régulière,
succession
de phrases courtes et de
phrases longues,
ou bien crescendo/decrescendo, etc.
Cela
pourrait donner ceci : Personnellement,
j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël, que je trouve ravissante
et très sympathique
(5+12+12
= accrocher l'attention du lecteur avec les 5 premières syllabes, et
effet de symétrie et de clarté avec un
rythme binaire ample).
On
me dit
que je suis trop optimiste par rapport aux femmes, que
je
les trouve toutes jolies, trop
jolies
(16+9+3
= decrescendo, le
rythme est ralenti comme
pour
signaler une contradiction).
Il
est vrai qu'une belle peau,
des
reflets dans les cheveux,
une
fossette me suffisent
(8+7+8
=
rythme ternaire soutenu
qui induit une régularité, comme une justification).
Mais
cette fois-ci, vous pouvez me croire, sans indulgence aucune, il est
impossible de ne pas trouver Juliette séduisante, aussi séduisante
qu'une dactylo de cinéma
(5+5+6+17+15 = le rythme ternaire court
induit
une insistance et,
associé à un rythme binaire trois
fois plus long, crée une évidence).
Personnellement,
j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël, que je trouve ravissante
et très sympathique. On
me dit
que je suis trop optimiste par rapport aux femmes, que
je
les trouve toutes jolies, trop
jolies.
Il
est vrai qu'une belle peau,
des
reflets dans les cheveux,
une
fossette me suffisent. Mais
cette fois-ci, vous pouvez me croire, sans indulgence aucune, il est
impossible de ne pas trouver Juliette séduisante, aussi séduisante
qu'une dactylo de cinéma. Etc.
Et
maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire