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L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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atelier d'écriture et publication
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S'amuser
avec
le nombre de pieds et les
vers alexandrins
Au
commencement du règne de Louis XV, un jeune homme nommé Croisilles,
fils d'un orfèvre, revenait de Paris au Havre, sa ville natale. Il
avait été chargé par son père d'une affaire de
commerce, et cette affaire s'était terminée à son gré. La joie
d'apporter une bonne nouvelle le faisait marcher plus gaiement et
plus lestement que de coutume ; car, bien qu'il eût dans ses
poches une somme d'argent assez considérable, il voyageait à pied
pour son plaisir. C'était un garçon de bonne humeur, et qui ne
manquait pas d'esprit, mais tellement distrait et étourdi, qu'on le
regardait comme un peu fou. Son gilet boutonné de travers, sa
perruque au vent, son chapeau sous le bras, il suivait les rives de
la Seine, tantôt rêvant, tantôt chantant, levé dès le matin,
soupant au cabaret, et charmé de traverser ainsi l'une des plus
belles contrées de la France. Tout en dévastant, au passage, les
pommiers de la Normandie, il cherchait des rimes dans sa tête (car
tout étourdi est un peu poète), et il essayait de faire un
madrigal* pour
une belle demoiselle de son pays : ce n'était pas moins que la
fille d'un fermier général, mademoiselle Godeau, la perle du Havre,
riche héritière fort courtisée.
Croisilles
n'était point reçu chez M. Godeau autrement que par hasard,
c'est-à-dire qu'il y avait porté quelquefois des bijoux achetés
chez son père. M. Godeau, dont le nom, tant soit peu commun,
soutenait mal une immense fortune, se vengeait par sa morgue du tort
de sa naissance, et se montrait, en toute occasion, énormément et
impitoyablement riche. Il n'était donc pas homme à laisser entrer
dans son salon le fils d'un orfèvre ; mais, comme mademoiselle
Godeau avait les plus beaux yeux du monde, que Croisilles n'était
pas mal tourné, et que rien n'empêche un joli garçon de devenir
amoureux d'une belle fille, Croisilles adorait mademoiselle Godeau,
qui n'en paraissait pas fâchée.
Il pensait donc à
elle tout en regagnant le Havre, et, comme il n'avait jamais réfléchi
à rien, au lieu de songer aux obstacles invincibles qui le
séparaient de sa bien-aimée, il ne s'occupait que de trouver une
rime au nom de baptême qu'elle portait. Mademoiselle Godeau
s'appelait Julie, et la rime était aisée à trouver. Croisilles,
arrivé à Honfleur, s'embarqua le cœur satisfait, son argent et son
madrigal en poche, et dès qu'il eut touché le rivage, il courut à
la maison paternelle.
*Un
madrigal
est une courte pièce de vers exprimant une pensée ingénieuse et
galante (Le
Grand
Robert de la langue française,
2ème édition,
Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2001,
6 vol.,
t. 4, p. 1013).
Le
texte proposé est extrait de : Croisilles
(1839), dans : Nouvelles
(Paris, G. Charpentier, 1877,
pp.
269-270),
d'Alfred
de Musset.
Dans
les manuels des collégiens, Alfred de Musset** a longtemps figuré
parmi les quatre grands romantiques français, aux côtés de Victor
Hugo (1802-1885), d'Alphonse de Lamartine (1790-1869) et d'Alfred de
Vigny (1797-1863). Depuis lors, sa popularité a baissé et son mythe
s'est effacé.
Écrivain
français (1810-1857) doué
d'une rare précocité, introduit dès 1828 dans le Cénacle (le
Cénacle est le nom
donné entre 1823 et 1830 au groupe qui se constitua d'abord chez
Charles Nodier, ensuite chez Victor Hugo, pour définir les idées du
romantisme naissant et lutter contre le formalisme classique),
et entré à l'Académie française en 1852, il est l'auteur d'une
œuvre théâtrale qui a longtemps déconcerté le public par sa
fantaisie et par le désinvolte mélange des genres : Les
marrons du feu (1830), Un
caprice (1837), Fantasio
(1834), Lorenzaccio
(1834), Le Chandelier
(1835), Il ne faut jurer de rien
(1836), On ne saurait penser à tout
(1849), Bettine
(1851), etc.
On
lui doit aussi un roman autobiographique : La
Confession d'un enfant du siècle
(1836), des contes : Histoire
d'un merle blanc
(1842), des nouvelles : Les
Deux maîtresses
(1837), Le
Fils du Titien
(1838), Croisilles
(1839), etc., et des fantaisies poétiques : Premières
poésies
(1829-1835), Sur
trois marches de marbre rose,
in :
Poésies
nouvelles
(1836-1852), etc.
**Encyclopædia
Universalis,
2008-2009,
édition numérique, 1
CD-ROM, article
de
Jean
Thomas
(Musset).
DE
LA PROSE À LA POÉSIE
Consigne
1 :
à
la manière de l'exercice oulipien de la traduction (qui consiste à
traduire un texte à l'intérieur d'une même langue, et non d'une
langue à l'autre), traduire en langage poétique l'extrait de texte
proposé (en prose). Avec
le début du texte, cela pourrait donner ceci :
Au
commencement du règne de Louis XV,
Un jeune homme nommé Croisilles, fils d'un orfèvre,
Revenait de Paris au Havre, sa ville natale.
Il avait été chargé par son père d'une affaire de commerce,
Et cette affaire s'était terminée à son gré.
Un jeune homme nommé Croisilles, fils d'un orfèvre,
Revenait de Paris au Havre, sa ville natale.
Il avait été chargé par son père d'une affaire de commerce,
Et cette affaire s'était terminée à son gré.
LE
NOMBRE DE PIEDS
Plus
que la rime, c'est la mesure***, fondée sur le nombre de pieds, qui
distingue vraiment le vers de la prose. Le nombre de pieds permet
aussi de classer les vers en différents mètres selon leur longueur.
Les mètres pairs comme les vers de 2 pieds, 4, 6, 8 (octosyllabes),
10 (décasyllabes), et 12 pieds (alexandrins) ont pour effets la
régularité, la netteté, le découpage facile en segment
(l'alexandrin est découpé en 2 hémistiches ou 2 parties
égales, de 6 pieds chacun). Les mètres impairs de 5, 7, 9 et
11 pieds dont la coupe ne peut pas être régulière, ont des
effets de légèreté, de flou, de variété et de liberté. Un
pied est une
syllabe prononcée complètement.
***Encyclopædia
Universalis,
2008-2009,
édition numérique, 1
CD-ROM, article
de
Benoît
de Cornulier (Métrique).
Consigne
2 :
compter
le nombre de pieds de chaque vers :
Au-co-mmen-ce-ment-du-rè-gne-de-Louis-XV,
(11
pieds)
Un-jeu-ne ho-mme-no-mmé-Croi-si-lles,-fils-d'un-or-fè-vre, (14 pieds)
Re-ve-nait-de-Pa-ris-au-Ha-vre,-sa-vi-lle-na-ta-le. (15 pieds)
Il-a-vait-é-té-char-gé-par-son-pè-re-d'une-a-ffai-re-de-co-mmer-ce, (19 pieds)
Et-cette-a-ffai-re-s'é-tait-ter-mi-née-à-son-gré. (13 pieds)
Un-jeu-ne ho-mme-no-mmé-Croi-si-lles,-fils-d'un-or-fè-vre, (14 pieds)
Re-ve-nait-de-Pa-ris-au-Ha-vre,-sa-vi-lle-na-ta-le. (15 pieds)
Il-a-vait-é-té-char-gé-par-son-pè-re-d'une-a-ffai-re-de-co-mmer-ce, (19 pieds)
Et-cette-a-ffai-re-s'é-tait-ter-mi-née-à-son-gré. (13 pieds)
Consigne
3 :
transformer
chaque phrase
en vers
comportant
le même nombre de pieds. En
choisissant la mesure de 9 pieds, cela pourrait donner les
7
vers suivants :
Au
début
du
règne de Louis XV,
Un jeune homme nommé Croisilles,Fils d'un orfèvre, marchait bon pas,
Revenant de Paris au Havre,
Sa ville natale et si fleurie,
Chargé par son père d'une affaire,Qui s'était terminée à son gré.
Un jeune homme nommé Croisilles,Fils d'un orfèvre, marchait bon pas,
Revenant de Paris au Havre,
Sa ville natale et si fleurie,
Chargé par son père d'une affaire,Qui s'était terminée à son gré.
ACCENTS
ET CÉSURES,
L'ALEXANDRIN
Le
rythme
naît du retour de temps forts à intervalles réguliers, comme les
accents et les coupes (ou
césures).
En
français, chaque mot plein (verbe,
nom, adjectif, adverbe, etc.)
porte un accent tonique sur la dernière syllabe prononcée, on parle
alors d'accent rythmique dans un vers. La
coupe ou
la césure est
un arrêt bref de la voix après un accent rythmique.
Un
tétramètre (un vers à 12 pieds ou vers alexandrin) comporte
4 accents rythmiques et donc 4 mesures (ou coupes), avec 2
mesures qui tombent obligatoirement sur le 6e
et le 12e
pied. Lorsque la césure (ou coupe) de l'alexandrin (ou du vers) est
affaiblie ou inexistante (vers impair), le vers change de rythme. La
césure médiane (du milieu) est remplacée par deux autres césures
qui divisent le vers en trois mesures : c'est un trimètre.
Consigne
4 :
transformer
les vers à 9 pieds obtenus précédemment en vers alexandrins, en
veillant à ce qu'ils comportent une césure au milieu du vers, et
une rime à la fin du vers.
Cela
pourrait donner ceci :
Au
début de Louis XV le règne floué,
Tout à coup, comme atteint d'un bonheur insensé,
Homme jeune bien né, et Croisilles nommé,
Saute, marche et saute, comme du pas d'un fou.
Revenu au Havre, seul fils d'un orfèvre,
D'une affaire à Paris chargé par son père,Terminée à son gré, en l'amour il espère.
Tout à coup, comme atteint d'un bonheur insensé,
Homme jeune bien né, et Croisilles nommé,
Saute, marche et saute, comme du pas d'un fou.
Revenu au Havre, seul fils d'un orfèvre,
D'une affaire à Paris chargé par son père,Terminée à son gré, en l'amour il espère.
Et
maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
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