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L
a – P U B L i
a n c e
atelier d'écriture et publication
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Jeux
autour
de la dénotation et de la connotation
Une
troupe de comédiens arrive dans la ville du Mans.
Le
soleil avait achevé plus de la moitié de sa course, et son char,
ayant attrapé le penchant du monde, roulait plus vite qu'il ne
voulait. Si
ses chevaux eussent voulu profiter de la pente du chemin, ils eussent
achevé ce qui restait du jour en moins d'un demi-quart d'heure ;
mais, au lieu de tirer de toute leur force, ils ne s'amusaient qu'à
faire des courbettes, respirant un air marin qui les faisait hennir
et les avertissait que la mer était proche, où l'on dit que leur
maître se couche toutes les nuits. Pour parler plus humainement et
plus intelligiblement, il était entre cinq et six, quand une
charrette entra dans les halles du Mans. Cette charrette était
attelée de quatre bœufs fort maigres, conduits par une jument
poulinière, dont le poulain allait et venait à l'entour de la
charrette comme un petit fou qu'il était. La charrette était pleine
de coffres, de malles et de gros paquets de toiles peintes, qui
faisaient comme une pyramide, au haut de laquelle paraissait une
demoiselle habillée moitié ville moitié campagne.
Un
jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine, marchait à
côté de la charrette. Il avait un grand emplâtre sur le visage,
qui lui couvrait un œil et la moitié de la joue, et portait un
grand fusil sur son épaule, dont il avait assassiné plusieurs pies,
geais et corneilles, qui faisaient comme une bandoulière, au bas de
laquelle pendait par les pieds une poule et un oison qui avaient bien
la mine d'avoir été pris à la petite guerre. Au lieu de chapeau,
il n'avait qu'un bonnet de nuit, entortillé de jarretières de
différentes couleurs, et cet habillement de tête était une manière
de turban qui n'était encore qu'ébauché et auquel on n'avait pas
encore donné la dernière main. Son pourpoint était une casaque de
grisette, ceinte avec une courroie, laquelle lui servait aussi à
soutenir une
épée, qui était si longue qu'on ne s'en pouvait aider adroitement
sans fourchette. Il portait des chausses trouées à bas d'attaches,
comme celles des comédiens quand ils représentent un héros de
l'antiquité, et il avait, au lieu de souliers, des brodequins à
l'antique, que les boues avaient gâtés jusqu'à la cheville du
pied.
Un
vieillard, vêtu plus régulièrement, quoique très mal, marchait à
côté de lui. Il portait sur ses épaules une basse de viole, et,
parce qu'il se courbait un peu en marchant, on l'eût pris de loin
pour une grosse tortue qui marchait sur ses jambes de derrière.
Quelque critique murmurera de la comparaison, à cause du peu de
proportion qu'il y a d'une tortue à un homme ; mais j'entends
parler des grandes tortues qui se trouvent dans les Indes, et de
plus, je m'en sers de ma seule autorité. Retournons à notre
caravane. Elle passa dans le tripot de la Biche, à la porte duquel
étaient assemblées quantité des plus gros bourgeois de la ville.
La nouveauté de l'attirail et le bruit de la canaille qui
s'était assemblée autour de la charrette furent cause que tous ces
honorables bourgmestres jetèrent les yeux sur nos inconnus.
Le
texte proposé est extrait de : Le
Roman
comique
(1651-1657), de Paul Scarron (Paris, Dubuisson et Cie, Lucien Marpon,
1866, Collection
des meilleurs auteurs anciens et modernes,
2 vol., t. 1, pp. 3-5).
Paul
Scarron (1610-1660) est un poète
burlesque et un romancier
français*, auteur
d'une parodie burlesque : Virgile
travesti
(1648-1652),
véritable
critique littéraire de l'Énéide,
et d'une
autre œuvre restée plus vivante : Le
Roman
comique
(1651-1657),
le plus important et le meilleur de tous les romans comiques et
familiers du XVIIème
siècle, et le chef-d'œuvre de l'auteur. Le sujet lui permettait
d'être en même temps vrai et burlesque, de se livrer à son
penchant pour la bouffonnerie sans sortir de la nature.
Dans
ce récit des aventures d'une troupe de comédiens nomades, les types
et les caractères abondent : Ragotin, le petit bourgeois
hargneux, bel esprit et esprit fort ; La Rancune, le fripon
misanthrope, enflé de vanité et d'envie ; la Rappinière,
rieur méchant et coquin pendable ; le poète Roquebrune, avec
ses prétentions de « mâchelaurier »**, etc. Quelques
passages offrent du sentiment et de l'émotion, comme l'histoire du
Destin et les plaintes de la Caverne sur l'enlèvement de sa fille
Angélique. Le style est d'une rapidité singulière, et marque d'un
mot caractéristique les hommes et les choses.
On
a pensé que la troupe comique mise en scène par Scarron pourrait
bien être celle de Molière, et certains rapprochements paraissent
concorder avec cette opinion. Quelques critiques ont vu l'original du
roman comique dans un ouvrage d'Augustin Rojas de Villandrado, El
viage
entretenido,
qui parut en 1603, et qui n'a pas été traduit en français. Si
Scarron le connaissait, son imitation a été si libre qu'elle
n'enlève rien à sa personnalité. Il en avait été de même pour
l'Eneide
travestita
de l'Italien J.-B. Lalli, qui, publiée en 1633, avait pu lui fournir
l'idée de travestir Virgile. Dans Le
roman comique
se trouvent intercalées quatre nouvelles traduites librement ou
imitées de l'espagnol. Comme le
Virgile
travesti,
Le
Roman
comique
n'était pas achevé ; ils ont eu l'un et l'autre plusieurs
continuateurs.
Paul
Scarron
est aussi l'auteur de nombreuses comédies : les Trois
Dorothées ou Jodelet souffleté
(1646), l'Héritier
ridicule
(1649), l'Écolier
de Salamanque
(1654), etc. ; d'un
poème bouffon en cinq chants : Le
typhon ou la gigantomachie
(1644), de nouvelles tragi-comiques et de poésies diverses, épîtres,
sonnets, madrigaux, chansons, satires, etc.
*Dictionnaire
universel des littératures,
Gustave Vapereau, Paris,
Hachette, 1876, pp. 1834-1835.
**Un
mâche-laurier
(mot attesté à partir de 1552) est une personne qui recherche la
gloire poétique. Ce mot composé et plaisant stigmatisait celui qui
court après la gloire poétique et signifiait au XVIème
siècle « mauvais
poète ».
Le mot est sorti d'usage au siècle suivant.
SENS
PREMIER OU DÉNOTATION
Les
mots ont un sens premier et stable sur lequel peuvent s'entendre des
personnes qui parlent une même langue. Le sens dénoté d'un mot, ou
sa dénotation,
est le sens objectif de ce mot, c'est
sa
définition dans un dictionnaire
de
langue*.
Par
exemple avec
le mot cheval,
dont la définition dans le Grand
Robert de la langue française
est :
le
cheval est un
grand mammifère à crinière, plus grand que l'âne, domestiqué par
l'homme comme animal de trait et de transport.
Un
mot peut avoir un sens
(monosémique) ou
plusieurs sens (polysémique)
dénotés,
qui
changent suivant l'usage que l'on fait de
ce
mot, ou suivant le contexte dans lequel le mot est employé.
*Précis
de français : langue et littérature,
Frédéric
Bourdereau, Jean-Claude Fozza, etc.,
Paris,
Nathan,
1996,
collection
Repères
pratiques,
p.
28.
Consigne
1 :
recomposer
l'extrait de texte proposé, en utilisant le sens dénoté des
termes. Avec
le début du texte (où
le soleil est métaphoriquement un char lancé à pleine vitesse),
cela pourrait donner ceci :
Une
troupe
de comédiens arrive
dans la ville du Mans.
Le
soleil
avait achevé
plus de la moitié de sa
course,
et son
char,
ayant attrapé le
penchant
du monde, roulait
plus vite qu'il ne voulait. Si
ses
chevaux
eussent voulu profiter de la pente du chemin, ils eussent achevé ce
qui restait du jour en moins d'un demi-quart d'heure ; mais, au
lieu de tirer de toute leur force, ils ne s'amusaient qu'à faire des
courbettes,
respirant un air marin qui les faisait hennir et les avertissait que
la mer était proche, où l'on dit que leur maître se couche toutes
les nuits.
Les
mots choisis sont : une troupe – le
soleil - achever
- sa
course – son char – le penchant – roulait – ses chevaux –
des courbettes.
Les
sens dénotés
des mots choisis sont tirés
du dictionnaire Le
Grand Robert de la langue française
(2001) :
Une
troupe
= 1.
un
groupe de comédiens, d'artistes attachés à un théâtre ou qui se
produisent ensemble, qui cheminent ensemble, qui
vont ensemble = 2. groupe
d'hommes armés pour le combat, groupe régulier et organisé de
soldats.
Le
soleil
= 1.
astre
qui donne la lumière et la chaleur à la terre, et rythme la vie à
sa surface =
2.
pièce d'artifice en cercle monté sur pivot, garni de fusées qui le
font tourner en lançant leurs feux = 3.
tour complet autour d'un axe horizontal = 4.
fleur de l'hélianthe ou tournesol.
Achever
= 1.
finir en menant à bonne fin, terminer, accomplir, conclure =
2. donner
le coup de grâce, frapper à mort.
Une
course
= 1.
action de courir = 2.
épreuve de vitesse, compétition sur une distance ou un parcours
donné = 3.
compétition entre personnes ou entre états pour arriver le premier
= 4.
action de parcourir un espace = 5.
excursion, voyage organisé = 6. allée
et venue d'un commissionnaire ou d'un coursier = 7.
mouvement plus ou moins rapide d'une chose ou d'un organe.
Un
char
= 1.
voiture à deux roues qu'utilisaient les Anciens dans les combats,
les jeux et les cérémonies publiques = 2.
voiture riche ou élégante = 3.
voiture rurale tirée par un animal, à quatre roues et sans ressorts
= 4.
voiture décorée portant des personnages ou des masques = 5.
véhicule automobile blindé et armé, monté sur chenilles.
Un
penchant
= 1.
qui penche, qui menace de s'effondrer, qui décline = 2. versant
ou partie inclinée d'une colline, d'un coteau ou d'une montagne = 3.
inclination naturelle, aptitude, prédisposition, facilité,
vocation.
Rouler
= 1.
déplacer un corps arrondi en le faisant tourner sur lui-même =
2. faire
avancer ou déplacer un objet muni de roues ou de roulettes =
3. tourner
quelque chose autour d'un axe, mettre quelque chose en rouleau = 4.
exploiter quelqu'un en le trompant = 5.
faire vibrer longuement (rouler
les r) = 6.
décrire une courbe fermée = 7. errer
sans s'arrêter.
Un
cheval
=
grand mammifère à crinière.
Une
courbette
= 1.
saut dans lequel le cheval lève et fléchit les deux membres
antérieurs sous le ventre = 2.
action de s'incliner exagérément.
La
recomposition du début du texte pourrait donner ceci :
Un
groupe
de comédiens arrive
dans la ville du Mans.
Le
soleil avait dépassé
la moitié de son
parcours,
et l'astre
errait sans s'arrêter
à
l'horizon, derrière
lequel il disparut rapidement.
CONNOTATION
OU SECOND
SENS, TROISIÈME SENS, ETC.
La
connotation, ou sens connoté d'un mot, est l'ensemble des
significations secondes de ce mot ; on parle de connotations
affectives ou émotionnelles d'un
mot,
de
connotations politiques, etc.,
variables
selon les groupes, les individus et le contexte*. Ainsi,
cheval,
destrier
et canasson
ont la même dénotation, ils désignent le même animal ; mais
ces trois mots diffèrent par leurs connotations : à côté de
cheval,
qui est neutre, on dira que destrier
connote une langue poétique, et canasson
une langue familière**.
*Style
et rhétorique,
Claude Peyroutet, Paris,
Nathan, 1994,
collection
Repères
pratiques,
p.
12.
**Dictionnaire
de linguistique et des sciences du langage,
Jean Dubois, Mathée Giacomo, etc., Paris,
Larousse, 1999,
collection
Expression,
p.
111.
Consigne
2 :
utiliser
les autres sens des mots proposés ci-dessus,
pour
composer un texte de quelques lignes, en veillant à donner une
coloration affective et émotionnelle au récit, sans utiliser
d'images ou de comparaisons.
Cela pourrait donner ceci :
Le
soleil
brillait dans la nuit, éclairée des mille feux de la pièce
d'artifice garnie de fusées qui tournoyaient en sifflant dans
l'obscurité. Des gerbes scintillantes doraient les feuillages
jusqu'à la cime des arbres. Une
troupe
armée comme
pour le combat stationnait, assise sous l'astre, le nez en l'air, la
tête dans les étoiles. Leurs
fusils étaient en bois, leurs couteaux en carton, leurs
déguisements étaient réussis.
On
ne les avait pas roulé,
le spectacle était... spectaculaire.
Des
chevaux
broutaient non loin de la colonne de chars
qui s'étirait jusque sous le
penchant
de la colline, tous
phares allumés.
Les
chars
étaient des voitures diesel
entièrement recouvertes
de papier crépon multicolore et
surmontées
de personnages en carton pâte à la taille démesurée. On avait
aménagé une petite ouverture dans les épaisseurs de crépon pour
que le conducteur puisse distinguer la route devant
lui.
Dans
quelques minutes, on allait donner le coup de grâce au colosse
prénommé Karnavale, un brasier géant préparé et allumé par les
artificiers était chargé de l'achever.
Le soleil déclinait, l'aube n'allait pas tarder, le feu d'artifice
était terminé, la foule s'inclina en de multiples courbettes
avant de s'élancer dans une ronde échevelée.
ADDITION
D'UN SENS DÉNOTÉ ET D'UNE CONNOTATION
Dans
certains cas, on peut cumuler le sens dénoté d'un mot avec une ou
plusieurs connotations*. Exemple avec
le mot or,
dont
le sens dénoté est :
un
métal jaune, brillant, assez mou, de densité 19,4 et
fondant à 1063°C, très ductile et malléable, inattaquable à
l'air et à l'eau, soluble seulement dans l'eau régale (mélange
d'acide chlorhydrique et d'acide nitrique), et considéré comme le
type du métal précieux ;
et
qui,
associé à un ou plusieurs mots, donne les
locutions et
expressions connotées
suivantes :
l'or
noir
(=
le
pétrole, qui
est noir, est aussi cher et précieux que l'or),
l'or
blanc
(=
le
platine, ou bien la neige et les ressources procurées par la mise en
valeur et l'exploitation des stations de sports d'hiver), l'or
rouge
(=
l'énergie
solaire), l'âge
d'or
(les temps heureux d'une civilisation), un
cœur en or
(une personne généreuse et bonne), à prix
d'or
(très cher), etc.
*Style
et rhétorique,
Claude Peyroutet, Paris,
Nathan, 1994,
collection
Repères
pratiques,
p.
14.
Et
maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
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