vendredi 20 novembre 2015

Les images

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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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Jouer avec les images
Trentième dialogue, 28ème journée.
Mademoiselle Bonne : Bonjour, mesdames. Il m'est venu, cette nuit, un scrupule. Nous avons parlé de bien des choses dans nos conversations : je crains de n'avoir pas toujours été assez claire pour de jeunes têtes, un peu légères. Quelqu'une de vous aurait-elle quelque explication à me demander ?
Lady Charlotte : Oui, ma Bonne. Je n'ai pas bien compris ce que vous nous avez dit, une fois, à propos des éléments.
Lady Spirituelle : Moi, non plus. Je ne comprends pas que l'eau, par exemple, qui n'a ni odeur, ni goût, ni couleur, soit composée de quelque chose qui n'est pas de l'eau ?
Mademoiselle Bonne : Rien n'est cependant plus certain, ma chère. L'eau est un composé de deux airs ou substances gazeuses, qui se nomment, l'un, gaz oxygène, qui est en grande quantité dans l'air que nous respirons ; et l'autre, gaz hydrogène, ou air inflammable.
Lady Spirituelle : Quoi ! ma Bonne, l'air qui brûle, qu'on allume, qui nous éclaire, et qu'on nomme tout bonnement gaz, servirait à faire de l'eau ?
Mademoiselle Bonne : Précisément, ma chère. Deux savants français qui, en 1776, étudiaient les propriétés du gaz hydrogène, découvert par un savant anglais quelques années auparavant, furent curieux de connaître l'espèce de suie ou de fumée que donnait ce gaz en brûlant. Pour cela, ils mirent une soucoupe de porcelaine au-dessus de la flamme, et furent fort surpris de voir qu'au lieu de se couvrir de suie, la soucoupe se couvrait de gouttelettes d'eau pure. Le savant anglais qui, de son côté, faisait des expériences, obtint le même résultat : il fit de l'eau en brûlant les deux gaz.
Lady Spirituelle : J'aurais été bien surprise aussi ; car cela me paraît fort extraordinaire. (…)
Mademoiselle Bonne : (…) Eh bien, j'appellerai à mon aide une dame anglaise, fort instruite, et de beaucoup d'esprit (Mistress Marcett), qui a fait le conte que je vais vous dire à ma façon, et que j'intitulerai : La famille des géants (Aquafluens, son frère Ventosus, et sa fille Vaporis).
(...)
Trente et unième dialogue, 29ème journée.
Lady Spirituelle : J'ai rêvé cette nuit de Vaporis, ma bonne ; elle m'emportait à toute vitesse avec un train de voyageurs, mais au lieu d'une lourde locomotive toute noire, c'était une gentille fée, assise sur un nuage blanc et couronnée d'un arc-en-ciel qui brillait de toutes les couleurs.
Lady Charlotte : Oh ! que j'aurais voulu la voir ! Pourquoi ne nous avez-vous pas appelées pour nous la montrer !
Lady Spirituelle : À quoi pensez-vous, ma chère : est-ce qu'on peut montrer un rêve ? Vous auriez toutes été là que vous ne l'auriez pas vue.
Lady Charlotte : C'est vrai, mais c'est bien dommage. J'ai toujours tant désiré voir une vraie fée !
Mademoiselle Bonne : Il faudrait pour cela qu'il y eût de vraies fées, ma chère, or vous savez bien que les fées n'existent pas et que notre fantaisie seule les invente. Mais vous me paraissez, ainsi que miss Molly et lady Mary, un peu trop adonnée au monde fantastique. Je crois donc utile pour vous d'en revenir aux histoires véritables, et je prierai lady Sensée de nous lire aujourd'hui un conte, vrai, car j'ai connu l'auteur et les personnages qu'elle a mis en scène.
Le texte proposé est extrait de : Le Magasin des enfants, ou Dialogues d'une sage gouvernante avec ses élèves (1757), par Mme Leprince de Beaumont (Paris, Garnier frères, 1865, pp. 448-468).
Jeanne-Marie Leprince de Beaumont* est une femme de lettres française (1711‑1780), qui vécut en Angleterre de 1745 à 1760 comme éducatrice, qui y publia Le Nouveau magasin français (1750-1755, un recueil littéraire et scientifique destiné à la jeunesse), et qui, plus tard, se retira près d'Annecy en Savoie. Elle reste surtout célèbre pour ses contes, réunis dans Le Magasin des enfants, où figure La Belle et la Bête, Le Magasin des adolescents (1760), Le Magasin des pauvres artisans (1768), ouvrages destinés aux enfants ou aux jeunes personnes, faciles à lire et au style simple.
Elle est aussi l'auteure de : Le Triomphe de la vérité, ou Mémoires de Mme de La Villelle (1748), Lettres diverses et critiques (1750), Mémoires de la baronne de Batterille, ou La veuve parfaite (1766), La Nouvelle Clarisse (1767), etc.
*Le Petit Robert des noms propres, nouvelle édition refondue et augmentée, 2007, p. 1254.
IMAGES, IDÉE ET REPRÉSENTATION
Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle*, on a utilisé indistinctement les mots « idée » et « image ». Depuis cette époque, le mot image s'oppose d'une part au concept ou à l'idée abstraite, d'autre part à la réalité ou aux choses qui existent indépendamment de l'esprit qui les pense.
On parle** d'image banale, usée, d'images de style, de la justesse ou de la puissance de l'image, de la profusion d'images, d'images descriptives ou colorées ou savoureuses, d'images forcées, etc, d'image surréaliste.
Manière de rendre une idée plus sensible, ou représentation d'un être ou d'une chose dans l'esprit, l'image est avant tout une mise à distance entre une réalité et la perception de cette réalité, mise à distance qui permet d'engager le dialogue entre la perception d'une chose et l'idée que l'on s'en fait.
On emploie des images pour construire des allégories, des comparaisons, des métaphores, des clichés, des symboles (le symbole en tant qu'image référence), des figures, etc.
*Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey (dir.), nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 996.
**Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 2076.
LA MÉTAPHORE
La métaphore* consiste dans l'emploi d'un mot concret pour exprimer une notion abstraite, en l'absence de tout élément introduisant formellement une comparaison. C'est un procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens (terme concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique.
Pour que la métaphore soit possible entre deux termes différents, deux comparés, il faut que les termes aient en commun au moins un sinon plusieurs élément de signification.
La métaphore in presentia conserve les deux termes comparés mais n'opère pas de comparaison explicite. Alors que dans la métaphore in absentia, le comparé disparaît tout à fait, laissant au destinataire (au lecteur, à la lectrice) le soin de reconstituer l'image en décodant la métaphore.
*Précis de français : langue et littérature, Frédéric Bourdereau, Jean-Claude Fozza, etc., Paris, Nathan, 1996, collection Repères pratiques, p. 32.
Consigne 1 : construire une métaphore du vent et une métaphore de la vapeur. Cela pourrait donner ces extraits du Magasin des enfants (p. 458 : Aquafluens et Ventosis, et p. 467 : Lady Spirituelle).
Métaphore in absentia du vent :
Aquafluens trouva le procédé mauvais, et s'en plaignit. Ventosus entra en fureur : il souffla, hurla, mugit et engagea une lutte avec son frère qui perdit son sang-froid et écuma de rage ; ses petits amis (les enfants) ne le reconnaissaient plus, tant la colère avait bouleversé ses traits et changé sa physionomie. Cependant Ventosus avait repris son vol et il fournit quelques heures de travail.
(...) À la vérité, dans ce peu de temps, il avait moulu moitié de la provision de grain. On n'avait jamais vu pareil tour de force. Mais trouvait-il une porte ou une fenêtre ouverte, pst ! il s échappait, et faisait l'école buissonnière pendant toute une semaine. Il allait et venait avec une vitesse sans égale. Seulement on n'était jamais certain de son exactitude : il portait au midi le message qu'on lui donnait pour le nord, à l'est ce qui était pour l'ouest. Il lui arrivait de rebrousser chemin à mi-route, et de retourner à l'endroit d'où il était parti. Quoiqu'il changeât d'idée vingt fois par jour, il n'en aidait pas moins à la fortune du fils de la veuve, qui pouvait maintenant approvisionner de farine toute la colonie.
Métaphore in presentia de la vapeur :
Lady Spirituelle : J'ai rêvé cette nuit de Vaporis, ma Bonne ; elle m'emportait à toute vitesse avec un train de voyageurs, mais au lieu d'une lourde locomotive toute noire, c'était une gentille fée, assise sur un nuage blanc et couronnée d'un arc-en-ciel qui brillait de toutes les couleurs.
LA COMPARAISON
La comparaison opère un rapprochement entre deux termes, dont les sens respectifs ne sont pas affectés. Un terme de comparaison (comme, pareil, ainsi que, tel, semblable à, etc.) établit le lien de ressemblance entre le comparé et le comparant.
Consigne 2 : trouver des comparaisons concernant le vent, ou ayant un rapport avec l'eau ou la vapeur, comme celles de ces extraits du Magasin des enfants (p. 455, p. 462) :
La force de l'eau et l'aspect ludique de l'eau :
Mais dans les grandes mains du géant Aquafluens, les pierres dont on se servait pour écraser le grain étaient comme deux petits palets avec lesquels jouent les enfants.
Les enfants étaient déjà au mieux avec leur bon ami le géant : s'il se couchait sur l'herbe, ils cabriolaient autour de lui, ou s'enveloppaient dans les plis de sa belle robe moirée d'argent et d'or, jouant à cache-cache comme les petits canetons qui plongent leurs têtes sous l'eau.
Les courants du vent :
À force de prévenances, d'égards, et en étudiant son caractère aussi mobile qu'une girouette, il parvint à le tenir quelques heures au travail.
La vapeur :
J'espère au moins, dit-elle en grondant et soufflant comme un attelage de dix chevaux, que vous ne m'emploierez pas à moudre du blé ou à scier des planches. Ces vulgaires travaux sont au-dessous de moi.
LA PERSONNIFICATION
La personnification permet de donner figure humaine à une idée, à un objet, ou à un animal. Elle consiste à faire d'un être inanimé ou d'un être abstrait, purement idéal, une personne réelle, douée de sentiment et de vie (Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Jean Dubois, Mathée Giacomo, etc., Paris, Larousse, 1999, collection Expression, p. 357).
Consigne 3 : personnifier des éléments tels l'eau, l'air ou la vapeur en un court récit. Cela pourrait donner cet extrait du Magasin des enfants (p. 463) :
Aquafluens, en transportant le bois, la pierre, avait aidé les colons a se construire de bonnes maisons bien closes ; Ventosus, dans ses moments de belle humeur, avait moulu plus de blé, d'orge et de maïs qu'il n'en fallait pour la consommation générale. Vaporis, plus habile, plus forte et plus adroite que ses parents, était venue en dernier et promettait merveille. Il ne s'agissait que de la bien conduire sans la brusquer et sans la laisser vagabonder. Quand elle eût filé et tissé assez de coton pour faire des chemises à toute la colonie, on lui donna de la laine, avec laquelle elle fit de la flanelle et du drap.
Les gens ne se lassaient pas de la regarder travailler nuit et jour, sans trêve ni repos : après la laine, ce fut le tour du lin et du chanvre ; elle en fabriqua de la toile si belle et si large, que l'Avisé (le laboureur), le Hardi (le fils de la veuve) et Jean l'Ingénieux, qui regrettaient toujours leur pays natal, et qui avaient maintenant plus de farine, de calicot, de drap qu'eux et leurs voisins n'en pouvaient employer, songèrent à construire un vaisseau à voiles, et à le charger de marchandises. Ils en vinrent à bout, mais quand le vaisseau fut construit, les trois géants commencèrent à s'en disputer le commandement.
L'ALLÉGORIE
Au sens premier de la rhétorique, une allégorie est une description ou un récit consistant en la personnification d'un être abstrait (la justice, la guerre, l'amour, etc.) dans une suite de métaphores, en général à valeur didactique (qui vise à instruire). Par ailleurs, l'allégorie est un type d'écriture très symbolique, à double sens, de concrétisation des idées ou de personnification des forces naturelles et des abstractions, avec une interprétation littérale (sens propre) et une interprétation intellectuelle (sens figuré), toutes deux possibles. Le mot désigne aussi une œuvre utilisant ce type de narration.
Dans l'univers tout devient animé, chaque force obscure a un corps, un esprit, une parole. Étymologiquement, l'allégorie est une parole différente ; employée en français aux sens grec et latin de « discours métaphorique », le mot se spécialise dans l'usage classique pour désigner une narration dont tous les éléments concrets organisent un contenu différent, souvent abstrait.
Consigne 4 : composer une allégorie à partir des trois éléments, l'eau, le vent et la vapeur. Cela pourrait donner cet extrait du Magasin des enfants (p. 465), où la vapeur (Vaporis) est la fille du feu (sa mère) et du géant Aquafluens (l'eau qui coule ou eau courante, son père), et où l'air est un géant nommé Ventosus :
Lady Spirituelle : Mais dites-moi, je vous prie, ma Bonne, comment la vapeur ou Vaporis, se trouve-t-elle être fille du géant Aquafluens ?
Mademoiselle Bonne : Je crois que lady Sensée pourra nous le dire.
Lady Sensée : Je m'imagine, sans en être tout à fait sûre, que ce géant est un cours d'eau, une rivière qui charrie de lourdes charges de bois, qui fait tourner les roues du moulin à eau, qui porte sur son dos des hommes dans des barques, qui porte une robe couleur du temps.
Mademoiselle Bonne : Vous imaginez juste, ma chère ; Aquafluens est la réunion de deux mots latins qui signifient eau qui coule, ou eau courante.
Lady Spirituelle : Oh ! j'y suis à présent ! C'est avec de l'eau bouillante qu'on fait de la vapeur. Voilà pourquoi l'eau et le feu sont les père et mère de Vaporis.
Lady Mary : C'était trop difficile à trouver. J'aime mieux Ventosus : on sait tout de suite qui c'est. Je l'ai entendu et vu bien des fois.
Lady Charlotte : Vu ! personne n'a jamais vu le vent.
Lady Mary : Je veux dire que je l'ai vu secouer les branches des arbres, soulever la poussière, chasser devant lui les feuilles sèches, qu'il fait quelques fois tournoyer d'une façon bien amusante. Je l'ai vu aussi rider l'eau et la faire écumer.
Lady Charlotte : Oui, quand il se querelle avec son frère, le géant Aquafluens. Mais, ma Bonne, est-ce que la vapeur fait vraiment tant de choses?
Mademoiselle Bonne : Je n'en finirais pas si j'entreprenais de vous dire tout ce que les hommes ont trouvé moyen de lui faire faire. Elle a filé et tissé vos vêtements. Elle vous apporte de Chine le thé que vous buvez tous les matins. Elle était à bord du vaisseau qui vous a conduite en Irlande, et c'est grâce à elle que vous êtes venue si vite de Londres ici, sans parler de ce qu'elle est appelée à faire dans l'avenir.
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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mail : numencegalerielitteraire@gmail.com
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