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a – P U B L i
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atelier d'écriture et publication
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Jeux
autour du chiasme et du parallèle
RONDEAU
À
TANNEGUY DU CHASTEL
C'est
pour me receller1
les biens2
Qui
sont en vous, comme je tiens3,
Que
ne voulez que je vous voie ;
Mon
cuer4
s'en plaint, que vous envoie :
Aussi
font les pauvres
yeux miens.
Chaque
jour je vais
et reviens,
Regardant
si
je verrai
riens,
Ainsi
que de coutume avais :
C'est
pour me [receller les biens.]
Toutefois,
si
nul n'en retiens,
Devant
tout le monde maintiens
Que
ja (jay) veu j'en ai
tel montjoye5
Qu'on
(que) ne peut plus ; mais
quoi ?
ma (mieulx) joie,
Ce
n'est pas cella ou je viens ;
C'est
pour me [receller les biens.]
Notes :
1.
Cacher ;
2.
Les qualités d'une personne ; 3.
Croire ; 4.
Cœur ; 5.
En
tellement grande quantité
(Dictionnaire
de l'ancien français,
Algirdas Julien Greimas, Paris, Larousse, 2001).
Le
poème
proposé est extrait de : Rondeaux
et autres poésies du XVe
siècle : rondeau
LXVII
(1455),
de
Jamette
de
Nesson ; publiés
par Gaston Raynaud ; Société
des anciens textes français,
Paris, Firmin-Didot, 1889,
pp. 59‑60
(gallica.bnf.fr).
D'après
la notice de Gaston Raynaud sur Jamette de Nesson (p. xxviii),
la « belle » Jamette, nièce de Pierre de Nesson (1383-avant
1442),
était une poétesse fort admirée au XVe
siècle. Martin Le Franc n'hésite
pas en effet à la qualifier d'« aultre
Minerve »,
dans son Champion
des Dames,
écrit en 1440 et 1442 ; tandis
que J.
Bouchet, dans son Jugement
poétique
du
sexe féminin,
parle d'elle avec éloge.
(...)
Nièce d'un poète renommé qui fut attaché au duc de Bourbon,
Jamette de Nesson devait certainement faire figure à la cour
royale : « nous ne croyons donc pas nous tromper en
supposant qu'elle était la fille d'un certain Jamet de Nesson que
nous trouvons, au commencement du XVe
siècle, valet de chambre et garde des deniers des coffres du roi
Charles VI. Elle
faisait sans doute partie des dames de corps de la reine ou
plutôt de la dauphine,
dont les penchants littéraires sont connus. »
Tanneguy
(Tanguy)
du
Chastel était le neveu du prévôt de Paris et
il mourut
en 1477 ; après la mort du roi Charles VII en
1461,
il fut nommé par Louis XI grand-écuyer, chambellan et chevalier de
Saint-Michel. Tanneguy du Chastel était en correspondance littéraire
avec Jamette de Nesson, et il répond à
son rondeau « C'est
pour me receller les biens »
par
un autre rondeau « Puis
qu'en moi cuidez tant de biens »,
en
reprenant, comme c'était la tradition, les rimes et le rythme du
poème de
son interlocutrice.
Le
rondeau de Jamette de Nesson est
un rondeau double non layé, qui
ne contient
donc
pas
plus de cinq vers octosyllabes au
premier
couplet,
avec des rimes a et b alternées : aabba/aaba/aabbaa, et
où le premier vers est repris en refrain à la fin du
deuxième et du
troisième couplet.
LE
RONDEAU
Après
avoir été primitivement une petite chanson destinée à accompagner
la danse connue sous le nom de ronde,
un
rondeau
est un poème à forme fixe du moyen âge (trois
strophes dont le premier vers est répété, en refrain, à la fin de
la deuxième et de la troisième strophe),
très
en
vogue
au XVe siècle
et
qui a
perduré jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Il
existait de
nombreux types de rondeaux : le
rondeau simple, le
rondeau quatrain, le
rondeau double, le
rondeau dramatique, le rondeau-chanson, la bergerette, etc.
On
connaît les
rondeaux ou rondels ou
encore
rondets
de Jean
Froissart
(écrivain
français et
poète
de cour, vers 1337-vers 1410),
de
Charles
d'Orléans (poète
français, 1394-1465),
et
de
Vincent
Voiture
(poète
et épistolier français, 1597-1648, qui
renouvelle le genre
au XVIIe
siècle).
Consigne
1 :
réécrire
le premier couplet du rondeau de Jamette de Nesson, en remplaçant
certains mots et en trouvant des tournures de phrase plus
contemporaines. En
passant du vers octosyllabe au vers à 9 pieds (ennéasyllabe), cela
pourrait donner ceci :
C'est
pour me cacher
les qualités
Qui
sont en vous,
comme
je le croie,
Que
vous ne voulez que l'on se voie ;
Mon
cœur
forces
plaintes vous
envoie,
De
même mes
pauvres yeux mouillés.
PARALLÈLE
ET
ANTITHÈSE
C'est
en 1559 que le
mot « parallèle »
est
employé avec
la traduction des
Vies
des hommes illustres
ou Vies
parallèles
de Plutarque (biographe
et moraliste grec, vers 46 ou 49‑vers 125)
par Jacques
Amyot
(humaniste
français, 1513-1593),
dans
le sens figuré de « qui
présente une comparaison suivie ».
Dans cet ouvrage de grande réputation
classique,
l'auteur a comparé vingt-quatre hommes illustres de la Grèce avec
un nombre égal de Romains célèbres.
Quand
on compare* entre eux deux sujets (caractères,
portraits, etc.),
l'on obtient un parallèle. Procédé stylistique
facile, dont l'effet est sûr, la comparaison étant en elle-même
une source d'oppositions, le parallèle est par
sa nature le triomphe de l'antithèse. La
différence des sujets fait naturellement jaillir les contrastes :
elle
tend à supprimer les ressemblances et à exagérer les oppositions.
L'antithèse
est l'art de tirer d'une pensée le contraire de cette pensée, et
d'engendrer ainsi une série de contrastes et d'oppositions. C'est
un mode d'expression qui consiste à savoir tirer parti d'une idée
et apercevoir les contraires qu'elle comporte. Exemple
avec le parallèle entre
la jeunesse et la vieillesse, avec
l'idée que « la jeunesse est si belle, que si on avait à
revivre, on voudrait revivre sa jeunesse », et avec les
antithèses suivantes : désirs/regrets, promesses/legs,
l'illusion du désir/la mélancolie du regret, le souvenirs de nos
déceptions aujourd'hui/autrefois l'attente du bonheur,
intelligence/cœur, ressources/qualités :
« La
jeunesse est la plus belle chose qui existe. Si l'on pouvait revivre,
on ne demanderait ni l'or ni le luxe ; on redemanderait la
jeunesse. Jeune, on désire ; vieux, on regrette. C'est le même
charme. Autrefois la vie était belle par ce qu'elle promettait ;
maintenant elle paraît belle par ce qu'elle vous lègue. Rien
n'était plus enivrant que l'illusion du désir ; rien n'est
plus doux que la mélancolie du regret. Le souvenir de nos déceptions
prend aujourd'hui la même magie qu'autrefois l'attente du bonheur.
Il faut avoir dans l'intelligence assez de ressources pour se
consoler d'avoir perdu sa jeunesse, et dans le cœur assez de
qualités pour faire oublier aux autres qu'on l'a perdue. »
En
forçant l'antithèse, on tombe dans le style précieux,
l'affectation ou le jeu de mots, au risque d'altérer des pensées
vraies et de faire passer pour vraies
ou
profondes
des pensées fausses, artificielles ou puériles : « On
s'ennuie presque toujours avec ceux que l'on ennuie », « Nous
aimons mieux voir ceux à qui nous faisons du bien que ceux qui nous
en font », etc.
« Il
ne faut pas faire contraster les mots entre eux, ni les mots avec les
choses ; il faut que les contrastes soient entre les idées »
(Recherches
sur le style
(1771),
de Cesare
Beccaria).
*La
Formation du style,
d'Antoine Albalat (Paris,
Armand Colin, 1902,
pp. 194, 200, 218).
Consigne
2 :
choisir
un couplet du rondeau et le réécrire en prose. Puis former une ou
plusieurs antithèses avec les idées contenues dans ce couplet. Avec
le deuxième couplet, cela pourrait donner ceci :
Chaque
jour je vais et reviens,
Regardant
si je verrai riens,
Ainsi
que de coutume avais :
C'est
pour me [receller les biens.]
→
En
prose :
Chaque
jour je vais et je viens, et
je
ne
vous vois
pas, comme
j'en ai l'habitude.
Car, je
sais que si
vous ne voulez pas que l'on se voit, c'est
afin
de
me cacher vos qualités.
→
Antithèses :
Chaque
jour je vais et je viens, et
je
ne
vous vois
pas, comme
j'en ai l'habitude.
Aujourd'hui,
vous venez et je vois vos qualités, même
si vous ne venez pas pour me voir, comme
j'en ai l'habitude.
LE
CHIASME
Emprunté
au grec « khiasmos » (1538),
qui signifie « disposition en forme de croix, croisement »,
et spécialement en rhétorique où il signifie « disposition
d'une période, d'une très longue phrase, en quatre membres
croisés », le
mot a été repris au XIXe
siècle (1838),
pour
désigner
une figure de rhétorique qui consiste à répéter, en les
inversant, deux termes : « Il
faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger »
(L'Avare,
de Molière) ; « Des
vagabonds et des nomades, c'est blanc bonnet et bonnet blanc »,
(Blanche
ou l'Oubli,
de Louis Aragon, avec
l'expression
« c'est
blanc bonnet et bonnet blanc », qui
signifie « c'est
exactement pareil ») ;
« Les
uns mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir, les uns
mouraient en parlant, les autres parlaient en mourant »
(Gargantua,
de
François
Rabelais).
Figure
de style formée de deux groupes de mots dont l'ordre dans la phrase
est inversé, le
chiasme est aussi une inversion de l'ordre dans les parties
symétriques de deux phrases, constituant un parallèle, ou
formant
antithèse (qui
met en parallèle pour mieux opposer) :
« Un
roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu »
(Booz
endormi, dans
La Légende des siècles,
de Victor Hugo) ; « Leur
origine est très diverse, divers aussi leurs buts et leur
financement »
(Situations,
de Jean-Paul Sartre) ; « Ces
obliques rayons, ces flammes éclatantes »
(Moïse,
d'Alfred de Vigny) ; « Thémistocle,
dit Plutarque, fut banni, après avoir sauvé sa patrie, Camille
sauva sa patrie, après avoir été banni. Camille est le plus grand
des Romains avant son exil ; et après son exil il est supérieur
à lui-même »
(Vies
parallèles,
de Plutarque).
Consigne
3 :
construire
des chiasmes avec les verbes « venir » et « voir » :
Je
viens et je vois, que
tu es content de me voir, mais que
tu ne me vois plus venir.
Tu
es venue me voir, sans réaliser
que j'étais venu te voir, auparavant.
Tu
vois, je suis venue et
je t'ai vu,
précédant ta prochaine venue.
Ils
viennent me voir, mais je ne les ai
pas vu
arriver.
Et
maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
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