lundi 7 mars 2016

Homéotéleute, assonance et allitération

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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
. . . . . . . . e n – l i g n e . . . . . . . .
S'amuser avec l'assonance, l'allitération et l'homéotéleute
LES HIRONDELLES, OU DANS LE STYLE
DES HIRONDELLES (
RANDONS1)

Chaque hirondelle inlassablement se précipite – infailliblement elle s'exerce – à la signature, selon son espèce, des cieux.
Plume acérée, trempée dans l'encre bleue-noire, tu t'écris vite !
Si trace n'en demeure...
Sinon, dans la mémoire, le souvenir d'un élan fougueux, d'un poème bizarre,
Avec retournements en virevoltes aiguës, épingles à cheveux, glissades rapides sur l'aile, accélérations, reprises, nage de requin.
(…)
Mais quel souci leur vient, qui d'un seul coup les rafle ?
Toutes, à corps perdu, soudain se précipitent.
Elles sont infaillibles.
Pas un de leurs randons – pour variés qu'ils soient, et quel qu'en soit le risque – qui ne le leur confirme.
Mais nulle n'y peut croire ; à nulle il n'en souvient ; et chacune s'exerce infatigablement.
Chacune, à corps perdu lancée parmi l'espace, passe, à signer l'espace, le plus clair de son temps.
(…)
Pourtant, il semble que dans les hauteurs de l'atmosphère parfois elles aillent voler seules, plus calmement.
Relâchant dès l'instant leur style alimentaire, sensibles aussitôt au mouvement des sphères.
Passives, otieuses2 (dans ces parages-là n'y ayant plus d'insectes) ; du tiers comme du quart se balançant du reste, et jouant à plaisir l'indétermination.
Bientôt, la nuit venue – et tombant de sommeil – elles nichent au repos sous les toits, sous les auvents.
Très pareilles pour moi à ces wagonnets électriques, rangés – chez le plus intuitif de mes petits camarades – sur des étagères touchant presque au plafond.
C'est là qu'au point du jour en songe elles frémissent.
Notes : 1. Afflux impétueux, course effrénée (terme vieilli, d'après le Dictionnaire de la langue française, de Paul-Émile Littré, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991 (réimpression de l'édition de 1880), 6 vol. + 1 supplément, p. 5220) ; 2. Inactif, oisif (archaïsme relevé chez certains poètes du XXe siècle comme Verlaine ou Baudelaire, d'après le Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey (dir.), nouvelle édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, 2 vol., p. 1362).
Le texte proposé est extrait de : Pièces, de Francis Ponge (Paris, Gallimard, 1962, pp. 166-170).
Né à Montpellier en 1899* (décédé en 1988), Francis Ponge passe sa première enfance à Avignon. Il a dix ans lorsque sa famille s'installe à Caen – la ville de Malherbe, écrivain qu'il commentera dans un essai intitulé Pour un Malherbe (1965). C'est là que bientôt va se développer chez lui un goût pour la langue latine, et pour le Dictionnaire de la langue française, de Paul-Émile Littré. Cette préoccupation essentielle pour le langage caractérisera toujours l'auteur du Grand Recueil (t. 1 : Lyres, t. 2 : Méthodes, t. 3 : Pièces), paru en 1961, et du Parti pris des choses, paru en 1942 et qui le fera connaître du grand public.
(…) Le projet initial de Ponge semble être celui d'une contemplation et d'une connaissance des choses. Celles-ci nous proposent en effet « un million de qualités inédites », une profusion de richesses inaperçues. Mais toute contemplation implique le risque du mysticisme et du silence. Une méthode devient nécessaire ; cette méthode, c'est le langage qui la rend possible, car les mots sont l'un des « moyens » privilégiés de scruter l'objet. Le contemplateur devra se doubler d'un rhétoricien dans son exigence de justesse et sa volonté de ne pas se laisser emporter par son objet. (…) Ponge est essentiellement un esprit « sans illusions », ce qui lui permet de ne pas sombrer dans le désespoir ou dans la nostalgie de l'unité et ce qui rend pour lui l'humour possible, car de l'objet on ne tire pas seulement une « leçon » mais aussi une « jouissance ». (…) Avec Ponge, c'est d'une littérature pour l'homme qu'il s'agit.
Le langage nous donne de l'être. L'humour, composante essentielle, n'est pas seulement l'occasion d'un plaisir. Il implique (…) cette prééminence de « l'esprit », une démarche quasi scientifique qui garantit à l'écrivain un certain recul, voire une certaine sécurité, par rapport au monde. Ponge fait porter son activité sur les méthodes de la connaissance qui forgent leurs objets, comme dans toute démarche scientifique. La conscience s'exalte alors de sa lucidité et garde son intégrité.
*Dictionnaire des littératures de langue française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, nouvelle édition mise à jour et enrichie, Paris, Bordas, 1994, 4 vol., t. 3, p. 1900.
HOMÉOTÉLEUTES
Une homéotéleute est une figure de diction qui consiste en une succession de syllabes finales semblables à la fin de mots ou de groupes de mots, suffisamment « proches les uns des autres pour que la répétition soit sensible à l'oreille » (Jules Marouzeau). Exemple : « Chaque hirondelle inlassablement se précipite – infailliblement elle s'exerce – à la signature, selon son espèce, des cieux. Toutes, à corps perdu, soudain se précipitent, et chacune s'exerce infatigablement. » (Francis Ponge).
C'est une forme de langage par laquelle on place à la fin des phrases ou des membres d'une phrase (subordonnées, propositions, etc.), des mots de même finale, ou de même syllabe finale.
Consigne 1 : trouver quelques mots comportant la même syllabe finale, et raconter une histoire courte en y incluant des homéotéleutes. Avec les mots suivants : entonner/étonner/détonner/sonner/nonne/ronronner, on/mon/fripon, homme/pomme, cela pourrait donner ceci :
La présence de mon homme, vu l'aura-t-on ? - pas fripon et brave pomme, détonne parmi les nonnes qui entonnent, à gorges déployées un hymne qui, comme une provocation, sonne et résonne. Rien n'étonne mon chat, vu l'aura-t-on ? - qui, les yeux clos, ronronne.
ASSONANCES
C'est la répétition de la voyelle accentuée, à la finale d'un mot ou d'un groupe rythmique, qu'on avait déjà rencontrée à la finale d'un mot ou d'un groupe rythmique précédent. En poésie, c'est la répétition de la même voyelle accentuée dans plusieurs vers ; si on a le même son à la fin de chaque vers, on parle alors de rime.
Différente de la rime (bien que semblable à elle par une même recherche d'homophonie), une assonance est la répétition du même son voyelle en position finale accentuée (d'un mot ou d'un groupe de mots), quelle que soit la consonne d'appui (la consonne qui précède la voyelle) : « Nous poursuivons la trace d'une petite frappe, et notre traque ne passera pas à la trappe. »
Consigne 2 : choisir une phrase dans l'extrait de texte proposé plus haut, et pointer les syllabes accentuées ; puis choisir une voyelle accentuée et remplacer certains mots de la phrase de manière à créer une ou plusieurs assonances. Avec la voyelle « eu » et la phrase suivante « Pourtant, il semble que dans les hauteurs de l'atmosphère parfois elles aillent voler seules, plus calmement. », cela pourrait donner ceci :
Pourtant, il semble que dans les hauteurs d'une atmosphère neuve, loin des meubles et des immeubles, parfois elles aillent voler seules, créant une œuvre.
ALLITÉRATIONS
Tandis qu'une assonance est la répétition d'un son vocalique (le son d'une voyelle), une allitération est la répétition d'une consonne à l'intérieur d'un même mot, ou la répétition des consonnes initiales dans une suite de mots rapprochés : « farfouiller », « murmurer », « chuchoter », « Quoi ! J'étouffe en mon cœur la raison qui m'éclaire ;/J'assassine à regret un roi que je révère » (Oreste dans Andromaque, de Jean Racine ; allitérations en « m », en « r » et en « s »).
L'allitération permet parfois, dans certaines poésies très anciennes, de reconstituer une prononciation qui avait disparu au moment où le texte a été transcrit et qui n'avait donc pu être enregistrée (Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Jean Dubois, Mathée Giacomo, etc., Paris, Larousse, 1999, collection Expression, p. 24).
Consigne 3 : trouver une allitération dans le poème de Francis Ponge, puis allonger la phrase de manière à accentuer l'allitération déjà existante. On peut ajouter une action, compléter une description, ou encore préciser une image. Avec la phrase suivante : « Avec retournements en virevoltes aiguës, épingles à cheveux, glissades rapides sur l'aile, accélérations, reprises, nage de requin. », et l'allitération en « r », cela pourrait donner ceci :
Avec les retournements en virevoltes aiguës, les épingles à cheveux, les glissades rapides sur l'aile, les accélérations, les reprises, la nage de requin ; et dans la rumeur des criaillements qui ricochent dans ma mémoire, me revient le souvenir d'un élan fougueux, d'une romance bizarre.
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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mail : numencegalerielitteraire@gmail.com
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