mercredi 22 juin 2016

L'hyperbole

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L a – P U B L i a n c e
atelier d'écriture et publication
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Jouer avec les hyperboles
AVANT-PROPOS

Avant de commencer la narration de mon voyage, je dois faire connaître au lecteur la position dans laquelle je me trouvais lorsque je l'entrepris et les motifs qui me déterminèrent, le placer à mon point de vue, afin de l'associer à mes pensées et à mes impressions.
Ma mère est Française : pendant l'émigration elle épousa en Espagne un Péruvien ; des obstacles s'opposant à leur union, ils se marièrent clandestinement, et ce fut un prêtre français émigré qui fit la cérémonie du mariage dans la maison qu'occupait ma mère. J'avais quatre ans lorsque je perdis mon père à Paris. Il mourut subitement, sans avoir fait régulariser son mariage, et sans avoir songé à y suppléer par des dispositions testamentaires. Ma mère n'avait que peu de ressources pour vivre et nous élever, mon jeune frère et moi ; elle se retira à la campagne, où je vécus jusqu'à l'âge de quinze ans. Mon frère étant mort, nous revînmes à Paris, où ma mère m'obligea d'épouser un homme (M. André Chazal jeune, graveur en taille douce et frère de M. A. Chazal, professeur au Jardin des plantes) que je ne pouvais ni aimer ni estimer. À cette union je dois tous mes maux ; mais, comme depuis ma mère n'a cessé de m'en montrer le plus vif chagrin, je lui ai pardonné et, dans le cours de cette narration, je m'abstiendrai de parler d'elle. J'avais vingt ans lorsque je me séparai de cet homme : il y en avait six, en 1833, que durait cette séparation, et quatre seulement que j'étais entrée en correspondance avec ma famille du Pérou.
J'appris pendant ces six années d'isolement, tout ce qu'est condamnée à souffrir la femme séparée de son mari au milieu d'une société qui, par la plus absurde des contradictions, a conservé de vieux préjugés contre les femmes placées dans cette position, après avoir aboli le divorce et rendu presque impossible la séparation de corps. L'incompatibilité et mille autres motifs graves que la loi n'admet pas rendent nécessaire la séparation des époux ; mais la perversité, ne supposant pas à la femme des motifs qu'elle puisse avouer, la poursuit de ses infâmes calomnies. Excepté un petit nombre d'amis, personne ne l'en croit sur son dire, et, mise en dehors de tout par la malveillance, elle n'est plus, dans cette société qui se vante de sa civilisation, qu'une malheureuse Paria, à laquelle on croit faire grâce lorsqu'on ne lui fait pas d'injure.
En me séparant de mon mari, j'avais abandonné son nom et repris celui de mon père. Bien accueillie partout, comme veuve ou comme demoiselle, j'étais toujours repoussée lorsque la vérité venait à se découvrir.
Le texte proposé est extrait de : Pérégrinations d'une paria : 1833‑1834, de Flora Tristan (Paris, Arthus Bertrand, 1838, t. 1, ppxxxv‑xxxvi).
Flore Célestine Thérèse Tristan-Moscoso (dite Flora Tristan) est une femme politique française (1803‑1844), féministe, républicaine, écrivain, militante socialiste, dont le père était un aristocrate péruvien, et dont la fille, Aline, sera la mère du peintre, sculpteur et graveur français Paul Gauguin (1848‑1903). Elle est l'auteur d'une autobiographie : Pérégrinations d'une paria (1838), d'un roman : Méphis (1838), et d'essais : De la nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères (1835), Promenades dans Londres (1840), L'Union ouvrière (publié en 1843, cinq ans avant le Manifeste du parti communiste).
Elle est d'abord ouvrière coloriste dans l'atelier du peintre et lithographe André Chazal, qu'elle épouse en 1821 et dont le mariage puis la séparation en 1825, sera une catastrophe qui la poursuivra jusqu'à ce que son mari soit condamné à vingt ans de travaux forcés, après avoir tenté de l'abattre à coup de revolver. Elle travaille comme dame de compagnie en Angleterre (1826), où elle s'initie au saint-simonisme. Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760‑1825) est un philosophe et un économiste français, dont les premiers travaux en font un précurseur de la philosophie positiviste et de la science sociale. Le Nouveau Christianisme (1825), publié à titre posthume, formule la morale d'une nouvelle société tout en développant des thèmes présocialistes, qui seront la base de l'école socialiste saint-simonienne fondée par les disciples de Saint-Simon : Prosper Barthélemy Enfantin, Armand Bazard, Pierre Leroux (Le Petit Robert des noms propres, 2007, p. 1928).
Flora Tristan s'embarque pour le Pérou en 1833, pensant pouvoir connaître sa famille paternelle, et elle revient à Paris en 1835, où elle fait la connaissance de Charles Fourier. Philosophe et économiste français (1772‑1837), Charles Fourier prône une organisation sociale qui a pour centre une phalange, ou phalanstère, petit groupe de travailleurs associés en une sorte de coopérative par actions, et constitué de personnes aux caractères différents (en raison des diverses combinaisons réalisées par les treize passions humaines fondamentales), qui doit conduire vers l'harmonie universelle.
Celle qui rédigea elle-même son épitaphe : « Elle a parlé à des sourds », meurt d'épuisement à quarante et un ans et s'éteint à Bordeaux, lors d'une tournée de conférences de propagande à travers la France.
UNE EXAGÉRATION
L'hyperbole est une figure de style qui consiste à mettre en relief une idée au moyen d'une expression exagérée qui va au-delà de la pensée (Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol., t. 3, p. 1984). Par exemple : « En apprenant que son fils était tombé dans la cour de récréation, Nathalie eut l'impression de recevoir un coup de poing magistral à l'estomac », ou bien : « En apprenant que son fils était tombé dans la cour de récréation, Nathalie sentit que son monde s'écroulait », pour : « En apprenant que son fils était tombé dans la cour de récréation, Nathalie eut peur qu'il fut grvement blessé ».
Volontiers excessive, volontairement exagérée, l'hyperbole peut être graduée, de très forte, ronflante ou enflée, à expressive ou ironique. D'après Jean de La Bruyère (moraliste français du XVIIe siècle), dans Les Caractères (1688) : « en exprimant une idée au-delà de sa vérité, l'hyperbole ramène l'esprit à mieux connaître la vérité de cette idée. »
Consigne 1 : pour chaque mot souligné, trouver un (ou plusieurs) synonyme-s qui traduise-nt une exagération :
Avant de commencer la narration de mon voyage, je dois faire connaître au lecteur la position dans laquelle je me trouvais lorsque je l'entrepris et les motifs qui me déterminèrent, le placer à mon point de vue, afin de l'associer à mes pensées et à mes impressions.
Cela pourrait donner ce qui suit :
Commencer → attaquer, entonner.
Un voyage → une odyssée, une expédition.
Devoir → être contraint, être dans l'obligation.
Faire connaître → dévoiler, divulguer.
Se trouver → être tombé dans, subir, endurer, supporter.
Un motif → une excuse, un prétexte.
Associer → ancrer.
Une pensée → une préoccupation, un jugement, une rumination.
Une impression → une émotion, une sensation.
ATTIRER L'ATTENTION
L'hyperbole peut convaincre ou faire rire, elle peut aussi provoquer l'indignation ou introduire à un monde fantastique, dans tous les cas, elle attire l'attention. En augmentant ou en diminuant excessivement la vérité des choses, on produit davantage d'effets et d'impressions, d'émotions ou de sensations (Dictionnaire de la langue française, de Paul-Émile Littré, nouvelle édition, Chicago, Encyclopædia Britannica Inc., 1991, réimpression de l'édition de 1880, 6 vol. + 1 supplément, t. 3, p. 3065). Un discours rempli d'hyperboles produit un effet d'emphase, d'exagération et de grandiloquence, on parle alors de style hyperbolique. Par exemple : « René en était arrivé à devoir carrément ramper jusqu'à la salle de bains. Il avait une mine de déterré et il avait l'impression d'avoir cent mille ans. La douleur était comparable à celle procurée par un couteau de cuisinier planté dans son dos. René finit par admettre qu'il avait une hernie discale. »
Consigne 2 : récrire l'extrait de texte proposé en transformant le style épuré de l'auteur en un style hyperbolique, en employant des affixes hyper-, super- ou -issime, en introduisant des superlatifs comme « les moins », « la plus », etc., en remplaçant certains mots par un synonyme qui exprime une exagération, etc. Avec le début du texte, cela pourrait donner ceci :
Avant d'attaquer la narration de mon épopée, qui s'est révélée l'odyssée la plus folle que j'ai jamais entreprise, je suis contrainte de dévoiler au lecteur la situation extraordinairement difficile que j'endurais alors que j'allais entreprendre cette formidable traversée, ainsi que les prétextes urgentissimes qui me décidèrent, et je suis obligée de la placer à mon point de vue, afin de l'ancrer à mes préoccupations et à mes émotions.
Ma mère est Française, la française la plus belle, la plus élégante et la plus gracieuse que j'aie jamais connue : pendant l'émigration elle épousa en Espagne le plus simplement du monde un Péruvien ; des obstacles tous plus absurdes les uns que les autres s'opposant farouchement à leur union, ils se marièrent dans le plus grand secret et dans la clandestinité la plus absolue ; ce fut un prêtre français émigré qui reçut leurs consentements mutuels dans le minuscule logis qui tenait lieu de maison à ma mère. Etc.
Et maintenant...
À vous de jouer - et d'écrire,
À vos claviers, plumes et stylos !
L a – P U B L i a n c e
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mail : numencegalerielitteraire@gmail.com
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